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Contre une approche scientiste des rapports de l'esprit et du corps - mise au point sur la philosophie des qualia

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PhiPhilo a écrit:
Dans ce cas, votre formulation ("ce qui est recherché ici, c'est avant tout de rétablir ce qu'est l'acte conscient en vue de permettre si possible de trouver en quoi il est initiateur de la conscience") est maladroite dans la mesure où vous ne recherchez pas en quoi "l'acte conscient [...] est initiateur de la conscience" mais plutôt en quoi "l'acte conscient [...] est initiateur d'un rapport dynamique constitué par la position du corps vivant en son milieu de vie".


Certes vous avez raison, la composition de cette phrase n'est pas aussi exacte qu'il serait possible qu'elle fût si j'avais eu l'intention de faire de l'acte conscient (ἐνέργεια)  non pas seulement ce qui initie et désigne la conscience comme un état passif (δύναμις ), mais plutôt comme la permanence, lucide et engagée de la position du corps en son milieu de vie... car en fin de compte ma visée était autre puisque j'ai eu soin de développer par la suite :
"Ce qui trouble souvent le jugement d'existence que nous posons sur notre propre présence au monde et sur celles des autres personnes, c'est que cette présence est en mouvement continuel(rapport dynamique) et cela est dû aux trois mouvements du réel en nous et dans les autres, celui de la matière, celui de la vie et celui de l'individuation, et si parfois l'acte conscient permet de saisir par l'intelligence, la volonté et la mémoire, une immobilisation de ces trois mouvements, alors sont causées en nous consciemment une union et une unité..."
C'est bien cette union (acte conscient) et cette unité (état de conscience) du corps avec le réel que je visais (ἐντελέχεια)...

Merci à vous PhiPhilo pour votre correction

Dernière édition par Zeugme le Jeu 7 Fév 2019 - 15:12, édité 1 fois

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[Pièce versée au dossier de la conscience comme état transitoire]

Conscience collective impasse de l'univers extra-mental ?

Au point ou nous en sommes il semble indispensable de projeter quelque chose de l'humanité hors temps et hors lieu, puisque notre constat sur la signification dérisoire des efforts du travail des humains est maintenant établi comme une constante fuite de lui même et de sa source, à savoir la nature...
Pour essayer d'établir avec précision cette errance de l'humanité, nous partirons des quatre impasses qu'elle s'ait elle-même imposé, car en terme de blocage, il est vain de chercher une sortie si de prime abord l'on ignore où l'on en est...

Les quatre impasses sont donc :

1/ la conscience collective
2/ la responsabilisation de la vie
3/ l'usage de la matière
4/ la perspective de la stabilité universelle

1/c'est en premier à la conscience collective que nous poserons la question de la finalité, car c'est au travers des représentations communautaires que se sont tissées les lignes légalistes du bien et du mal normatifs et pour tout dire que se sont construites toutes les civilisations comme projections d'une conscience d'appartenances, voir même d'une conscience d'origination, mais qu'en est-il du but à atteindre ?...
La conscience collective est aussi une attente de figuration des zones de rencontres entre individus, cette attente passe par la complexité éducative des parents envers leurs enfants, c'est pourquoi elle est une forme de passivité interactive entre la prudence communautaire et la prudence personnelle, et pour tout dire cette attente résulte de la passation d'autorité entre les parents et le milieu social, ce qui génère évidement une plus ou moins active solidarité entre tous ses acteurs éducatifs, l'autorité étant une dépendance de responsabilité réciproque...
Et puis dans la symbolique culturelle, la conscience collective pose en creux une suite de référencements éminemment plus structurant que l'imaginaire collectif instauré par les arguties de la psychologie, et cela est assez net lorsque nous réfléchissons sur les notions de "patrie", de "propriété", de "responsabilité", ou encore de "socialisation", bref, tout groupe humain a un caractère évolutif à partir des éléments identifiés comme collectivement présent, c'est-à-dire comme régulation des références de notre humaine nature...
C'est pourquoi la conscience collective pourrait être identifiée à une zone de conditionnement trans-personnelle, dans la mesure où elle permet l'émergence d'une signification communautaire du réel, et bien plus, ou elle projette la disponibilité individuelle sur une voie futur de réalisation collective (constitution nationale), matérielle(développement économique), morale (législation) et voir même spirituelle (laïcité)...
En soi cette conscience qui se veut protectrice et génératrice est aussi une forme de délimitation dans l'amplitude des possibles voies d'expériences de la personne, et évidement aussi de son sens de la liberté, comme état intérieur et comme acte de singularisation, il s'agit maintenant de comprendre pourquoi cette conscience collective est une impasse...
L'impasse dans ce cas là est ce qui se termine par un obstacle, une voie sans issue autre que de demeurer dedans ou de faire demi-tour par le même chemin que celui qui a fait atteindre cette impasse, en ce qui concerne la conscience collective, demeurer dedans suggère de s'installer : c'est la méga-culture de la consommation actuelle, ou de faire demi-tour, qui serait alors chercher à identifier la prégnance(entendu uniquement dans le sens philosophique) de ce commun partage référentiel, et de le remplacer par un échange afin de remonter à la responsabilité personnelle indispensable pour sortir de la mise en échec qu'est cette impasse...
L'historicité et la médiatisation ayant toutes deux contribué à l'édification de la conscience collective, elles doivent être aussi regardées comme deux aides pour sortir de l'impasse, et ce sera par l'inventorisation des fonctions nodales de l'histoire et par la régulation de la résilience informative que pourra-t-être envisagée une nouvelle appropriation du bien commun historique et de la mise en commun des faits issus du devenir...
Dernier point, et des plus importants, la certification de l'identité nationale, qui est comme le sceau ultime de cette impasse de passivité, et cela pour trois raisons :
a/ le nationalisme est la pire caricature communautaire qui provient du nœud historique que l'on nomme, appartenance territorial,
b/ le patriotisme est la pire caricature culturelle qui provient du nœud historique que l'on nomme, la langue commune,
c/ les finances public est la pire caricature économique qui provient du nœud historique que l'on nomme intérêt supérieur de l'état...
2/ la responsabilisation de la vie dans la procréation, la médecine et la guerre signalent l'impasse ambiguë des contradictoires par l'acceptation des oppositions, puisqu'il paraît évident ici aussi que les seuls prédateurs de l'humain, en plus des maladies, des accidents et du vieillissement, c'est l'humain lui même, nous devons bien poser la question de la responsabilisation de la vie dans ses formes extrêmes...
Là où se trouve inclus, par interdépendance, les moments de survie collective, là aussi se trouve exclus la prédation naturelle puisque les humains ont asservi collectivement les zones naturelles où ils vivent jusqu'à s'imposer eux même comme prédateurs absolus, ce sont par les guerres, toutes les formes d'homicides ainsi que par les pollutions que se forment une responsabilisation de la vie pour le moins ambiguë...
La responsabilisation de la vie n'est pas un droit de propriété sur les vivants, comme nous le voyons dans l'élevage et l'agriculture, car il n'y a pas d'appropriation naturelle de la vie autre que de sa propre vie, et là aussi une impasse personnelle peut interdire de percevoir La Vie dans ce qu'elle a d'impersonnelle et de sur-individuelle...
Ainsi dans la procréation, la médecine et la guerre, certains humains se figurent être responsables de la vie d'autres personnes, ce qui pose bien la question de la responsabilisation, mais comme une impasse et non pas comme une causalité naturelle directe, c'est-à-dire que certains actes sont générateurs d'une relation de dépendance spécifique qui enclos une part du devenir personnel dans un devenir communautaire...
Enfin c'est particulièrement dans cette impasse que l'autorité fonctionnelle se forge, mais là encore non pas au plan naturel mais au plan subjectif, c'est donc un des passages les plus contraignant de la socialisation, mais aussi de l'éducation, et pour cela cette impasse a une place prépondérante pour notre conscience face à la conscience collective...
Mais la responsabilisation collective est aussi une base de renoncement aux autres participations personnelles sous des formes plus subtiles, c'est ainsi que par mimétisme ou par obéissance civique, beaucoup d'individus se sentent en droit de pratiquer des activités contre-nature, comme par exemple la conduite des voitures, la fabrication d'objets destructeurs du milieu de vie, ou encore l'exploitation forcenée des "ressources naturelles", comme nous allons le voir dans le prochain paragraphe...
3/ l'usage de la matière est en effet un des sommets de l'égarement humain et une des impasses par le fait des plus difficiles à s'extirper, en particulier du droit à la propriété, c'est que la spécificité de la nature humaine peut se trouver uniquement dans la projection de ses envies dans la matière à la suite de la recherche pour satisfaire ses besoins, et pour ce faire l'espèce humaine utilise des moyens irréversiblement réducteurs de vie...
En effet tout travail qui se dirige, par un usage de la matière, vers la satisfaction d'un besoin ou d'une envie, est un projet qui fait prévaloir le comment sur le pourquoi, puisque l'effort nécessaire à l'obtention de ce qui satisfait par cette maîtrise, enferme le vouloir dans une autosatisfaction de l'oeuvre accomplie et dans son appropriation...
La valorisation de cette action qui a trouvé sa finalité dans l'oeuvre pose de fait une distanciation avec la finalité de la vie, puisque la matière transformée efficacement génère une dépendance avec le mode efficient(assurance de l'effet par la cause)de la production, sorte d'autonomisation subséquente (et pas conséquente) à la dynamique naturelle de l'instinct d'autonomie naturelle...
De plus, l'organisation interdépendante des activités de transformation de la matière, qui est à la source de l'organisation politique en dominant sur plan de l'économie familiale, est par le commerce, le lieu de la financiarisation du partage des ressources, et fait de l'usage de la matière une contrainte culturelle quasi indépassable(aussi bien dans le capitalisme que dans le marxisme), donc une impasse...
Nous aussi voyons donc que l'usage de la matière est vectrice en continuité historique, de la saturation des inégalités entre humains, par la domination exponentiel du savoir scientifique relégué par les techniques de l'ère industrielle, c'est pourquoi cette étape est aussi une impasse car elle préfigure une domination absolue du projet sur le besoin...
En effet là où le besoin est toujours relatif au devenir du corps vivant singulier, la projection du savoir scientifique rend l'envie de connaissances première dans l'ordre de la motivation et de la volonté de dominer les possibles, c'est dans ce champs du successible d'être réalisé que se porte l'effort humain sans autre fin que d'étager les diverses maîtrises de la matière...
Et en plus il y a en tout effort tant intellectuel que physique, une continuation de l'état physiologique de l'individu dans sa recherche de confort, c'est-à-dire de suffisance énergétique dans une orientation sécuritaire de l'avoir, car tant du coté de la connaissance théorique que du coté de la maîtrise pratique, il y a pour l'espèce humaine, une singularisation sociale qui passe par la contribution à un projet commun...
La continuation de cette forme spécifiquement humaine de la sécurisation par l'avoir est à l'origine de l'éducation à l'identique des intelligences et des mœurs pratiques, cette culture de l'usage de la matière c'est substituée à l'évolution naturelle en ne gardant que deux paramètres, la communication et la reproduction, mais même en ces deux constantes naturelles, l'usage progressif de la matière est devenue une déviance(soumission au dicta des techniques de communication et eugénisme possible en continuité de la f.i.V)...
L'usage des énergies fossile et nucléaire pose aussi une impasse, et une suite de questions comprenant la durée et la localisation, donc en ces deux dimensions du conditionnement humain, la recherche de réponses d'évaluation quantitative et qualitative uniquement soumise à la dépense, c'est pourquoi une tendance d'appropriation domine en chaque projet de transformation de la matière, et même à une consommation régulée en vue de maintenir un pan de l'économie collective sous domination dans l'usage des particuliers...
Ainsi le moteur de la localisation et de la temporalité des humains est passé de l'élan de la nature biologique à la dynamique de l'activité physico-économique des entreprises, sorte de corps de substitution là aussi extra-mental, dont la prégnance brouille la conscience d'être au monde naturel de chaque individu...
De tous ces éléments substitutifs, et de cette nouvelle conscience matérialisée de l'avoir et du faire techno-scientifique, il appert que la seule finalité recherchée soit une stabilisation du mouvement des éléments tracteurs de la nature, ou autrement dit une contre évolution, non plus vitale mais uniquement matérialiste, comme si la visualisation de la vie corporelle limitée dans le temps et le lieu n'ouvrait plus sur la participation et la transmission, mais uniquement sur la consommation et la satisfaction, unique stabilité recherchée pour elle-même...
4/ la perspective de stabilité universelle, qui pourrait être une apologie et un apogée de l'histoire humaine est significative de l'impasse qu'elle génère, puisque les données bruts du réel sont admises dans cette perspective comme des possibles vecteurs de stabilité, tant au plan du devenir que de l'étant, c'est-à-dire de l'état extra-mental de la conscience collective constitué artificiellement par le travail et ses œuvres...
L'obéissance passive et active au "progrès", tel qu'il a été défini dans sa théorisation et sa mise en pratique, a justifiée un enfermement dans une logique de compensation, car le partage des travaux et des matériaux remplace dans ce progrès, l'échange et la disponibilité de la vie...
Ainsi la réduction de notre présence sociale à une commercialisation consumériste en un point focal qui vitalement permettrait de stabiliser la productivité et la répartition des biens matériels et intellectuels se trouve aujourd'hui être une forme tyrannique de domination, et cela pour la seule raison que la valorisation pécuniaire dédouble chaque produit, et c'est dans cette impasse que nous nous imposons la presque totalité de nos relations sociales...
Au cours de son évolution, l'humaine nature a voulu établir une stabilité par la recherche des vertus cardinales, et ainsi toute éducation aurait pu les prendre comme piétement des activités collectives et individuelles puisque ces vertus se répartissent dans la quasi totalité des spécificités caractérielles en leur donnant une stabilisation évolutive...
Pourtant ce qui se passe résulte plus d'une impossibilité pratique dans l'exercice des vertus, puisque les valeurs communautaires ont fait outrepasser les zones du conditionnement culturel jusqu'à réduire les dimensions personnelles de l'auto-détermination tant au plan de l'intelligence(la communication, le choix, l'intelligibilité orienté, la contemplation)que de la volonté (le besoin, l'envie, les projets, le désir)...
Ainsi la prudence et la justice dans la détermination de l'intelligence à parfaire sa recherche du vrai et du juste et en évitant l'erreur et l'injustice, se trouvent réduites en nos sociétés à une recherche de "conformité" et de "moindre mal", tout autant que la force et la tempérance dans la détermination de la volonté à parfaire sa recherche de responsabilité et de modération, se trouvent réduites en nos sociétés à une recherche de "représentativité" et de "consommation"...
Idem dans le sentiment euphorique d'une victoire collective(économique scientifique ou sportive), où une pseudo immobilité de domination est prise comme rayonnement idéal de l'unité entre individu, permet de reléguer toutes les questions identificatrices de "problèmes" telle que l'incomplétude et donc tout recherche de finalité...

Pour conclure, cette utopie communautaire de la stabilité universelle dans la valorisation des connaissances scientifiques, résume à elle seule la caricature de la modernité qui se confond en oppositions là où la diversité vitale de la nature harmonisait les contraires...
Et il est assez évident qu'une certaine folie collective se partage dans toutes les associations de compétences du monde industriel et commerciale, jusqu'à enfermer le bon sens dans un carcan de raisonnements et d’auto-justifications, c'est pourquoi à mon avis, la seule issue à cette impasse sera l'intelligibilité du réel issue de la vie contemplative...

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Zeugme a écrit:
une constante fuite de lui même et de sa source, à savoir la nature...

La fuite de lui-même et de sa source, la nature, est attribuable à son incapacité à se voir tel qu'il est, conséquence des performances de son imagination et de son narcissisme (?) qui se substituent à une vision objective de lui-même. Depuis au moins 2000 ans, il est persuadé de posséder une âme divine qui fait de lui un être surnaturel.
Cicéron, dans "La nature des dieux" : "Or si la figure humaine est supérieure à la forme de tous les êtres vivants, dieu étant un être vivant, sa figure est assurément la plus belle de toutes". Les belles lettres, 2018, page 23. Il semble que ceci cause aujourd'hui des problèmes climatiques.

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il est assez évident qu'une certaine folie collective se partage dans toutes les associations de compétences du monde industriel et commerciale, jusqu'à enfermer le bon sens dans un carcan de raisonnements et d’auto-justifications, c'est pourquoi à mon avis, la seule issue à cette impasse sera l'intelligibilité du réel issue de la vie contemplative...


Contrairement à tout un préchi-précha mi-scientiste mi-moraliste qui se donne pour l'horizon indépassable de la pensée (quand ce n'est de la philosophie) occidentale et qui n'est, en réalité, que la "bonne" conscience de nos élites en déroute, ce que vous dites est suffisamment profond pour mériter qu'on s'y attarde. Je tâcherai, pour ma part, d'y revenir après quelques jours de vacances loin de la logo-sphère. Non sans vous avoir, au préalable, livré les dernières lignes de mon feuilleton conceptuel consacré à la nécessité du dualisme corps-esprit.

A plus tard.

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 Voilà sans doute le propre de ces pratiques que nous désignons, aujourd'hui, par le terme de "spiritualité". Comme chez Aristote, Pascal ou Spinoza, le but de la quête est à comprendre comme l'expression et non pas la récompense d'une sagesse. Mais, comme chez Pascal, et contrairement à Aristote ou Spinoza, et même Wittgenstein ou Bourdieu, la sagesse ne consiste pas en la recherche active et positive d'une vertu, mais en l'abandon, le relâchement, le lâcher-prise (ce que les jazzmen appellent le being cool) à l'égard de ce qui nous perturbe, à savoir, la fragmentation mentale. Ce que les spiritualités, en particulier la pratique du yoga, partagent, en revanche, avec toutes ces conceptions philosophiques, c'est l'idée que le bien-être du corps propre de l'agent est la conséquence immédiate de la manière avec laquelle il se connecte à son environnement pour la raison que le corps vivant reste une matière infiniment déformable (ou in-formable) que la spécificité humaine rend, en un certain sens, déformable (ou in-formable) de "l'intérieur". Dans tous les cas, la réalisation (positive ou négative) de la vertu, la perfection, le divin, c'est le soi authentique. Comme chez Pascal, "s'abandonner au divin ne signifie pas s'abandonner à un autre être, mais bel et bien s'abandonner au seul être, à son être"(Bouchart d'Orval, in Pantanjali, Yogas Sutras, ii, 45), ce que les yogis appellent "atman". Dans la mesure où "tout mental est une création de l'ego"(Pantanjali, Yogas Sutras, iv, 4), la direction de l'esprit ("purucha") consiste donc à se départir du mental, à se débarrasser du moi pour atteindre le soi. Il y a donc, chez Patanjali, un double dualisme : un dualisme spontané corps-mental, c'est-à-dire corps-forme pathologique du corps, et un dualisme corps-esprit, c'est-à-dire corps-forme accomplie du corps qui suppose une ascèse ("samyama"). Finalement, l'histoire de Siddhartha n'est que le récit du passage réussi d'un dualisme à l'autre. Mais ce que Siddartha accomplit, en quelque sorte, spontanément, les spiritualités, et, en particulier, le yoga, proposent des exercices ("yâmas") pour laisser le corps prendre la forme du "samâdhi" qui est sa forme authentique et qu'il n'aurait pas abandonnée, n'eussent été ces perturbations mentales qui l'accablent. Nous en citerons trois : la méditation ("dhyâna"), la respiration ("pranâ)" et le son AUM. Par le premier exercice, le pratiquant s'évertue à ne plus penser (Le sage est sans idée, disait Confucius), donc à ne plus se diviser, ne plus se séparer du tout dont il fait partie : "seule la méditation dissout cette idée que nous sommes une entité séparée, un ego, un mental"(Bouchart d'Orval, in Pantanjali, Yogas Sutras, iv, 6). À travers le second, il contient et maîtrise son souffle, lequel est à la fois symboliquement et matériellement le vecteur du bien-être. Symboliquement en ce que "le mot hébreu rouha, le grec pneuma et le latin spiritus désignent tout à la fois le souffle et l'esprit"(Bouchart d'Orval, in Pantanjali, Yogas Sutras, ii, 49). Matériellement en ce qu'a contrario une respiration courte, désordonnée, irrégulière est irrécusablement le signe de ces troubles que le yoga a pour finalité d'éliminer. Enfin, par la prononciation du "mantra" AUM, le pratiquant ne fait rien d'autre que nommer le divin : "on l'évoque par le son sacré AUM"(Pantanjali, Yogas Sutras, i, 27). Pour tous ces exercices, il convient que "l'assise soit stable et facile"(Pantanjali, Yogas Sutras, ii, 46), dans la mesure où "quand tout va bien dans le corps, quand il n'y a rien à signaler, il n'envoie aucun signal et le relâchement s'installe […]. L'assise parfaite est celle de l'être sans effort, de l'être libéré de toute contrainte"(Bouchart d'Orval, in Pantanjali, Yogas Sutras, ii, 46). Ainsi, l'enjeu de l'assise ("âsana") est-il, comme celui de la respiration ("pranâ"), symbolique (la stabilité, voire l'immobilité, comme image de l'éternité) autant que matériel (la stabilité, a fortiori l'immobilité, comme négation du déséquilibre). On voit en quoi la pratique de la spiritualité est à la fois proche et éloignée d'une éthique, par exemple au sens aristotélicien de ce terme. Car si l'esprit y reste la forme et la réalisation parfaite d'un corps vivant, pour autant, il reste, pour celui-ci, une sorte de principe de moindre action (rappelons que, ce qu'on appelle action, en physique, est le produit d'une énergie - ML2T-2 - par une durée et a donc, pour dimension ML2T-1), autrement dit une tendance à minimiser l'énergie dépensée ou, ce qui revient au même, maximiser l'énergie accumulée par le corps, dans l'instant. C'est de cette manière que les corps inertes luttent contre l'entropie, tandis que les corps vivants, nous l'avons dit, essaient de résoudre les problèmes que leur pose cette lutte sur un terme d'autant plus long et avec une quantité d'informations d'autant plus importante qu'ils sont plus complexes. Les spiritualités confirment donc Freud pour qui il s'agit de "rétablir un état qui a été troublé par l'apparition de la vie [...]. Aussi, tout ce qui vit retourne à l’état inorganique"(Freud, Essais de Psychanalyse). En ce sens, un bon indice du degré de sagesse spirituelle acquise par le pratiquant réside dans la forme de son corps à l'instant de sa mort. Dans le Jeu des Perles de Verre, Hermann Hesse évoque les derniers instants d'un maître de musique, un sage : "quand ces quelques personnes [autorisées à veiller le corps] entraient, l'esprit préparé et recueilli, dans la petite pièce où l'ancien Maître était assis dans son fauteuil, elles avaient le privilège de pénétrer dans ce doux éclat de la fin d'un devenir, de partager l'intuition de cette perfection devenue sans paroles ; comme à portée d'invisibles rayons, elles passaient dans la sphère critalline de cette âme des instants de félicité, auditeurs d'une musique qui n'étaient pas de cette terre et revenaient ensuite à leur journée, le cœur éclairé et fortifié, comme au retour d'un grand sommet"(Hesse, le Jeu des Perles de Verre, ix). Les spiritualités confirment aussi Nietzsche pour qui "l'esprit le plus profond doit être également le plus léger"(Nietzsche, Fragments Posthumes, xiv) c'est-à-dire rendre le corps "léger comme le coton"(Pantanjali, Yogas Sutras, iii, 42) par le fait que "les énergies fondamentales […] retournent à leur état latent originel"(Pantanjali, Yogas Sutras, iv, 34). Dans le cadre de ces spiritualités, donc, la vertu de l'esprit propre à la forme la plus accomplie du corps en acte ne s'apprécie plus à l'aune de son bonheur comme c'est le cas pour les éthiques philosophiques, mais à l'aune de la paix ("shanti", "samâdhi"), autrement dit, de l'abolition des conflits. En ce sens, les sagesses occidentales pré-socratiques, mais également l'épicurisme, le stoïcisme et même, dans une certaine mesure, les philosophies de Rousseau ou de Schopenhauer, pour ne rien dire de celles de Pascal ou de Nietzsche précédemment évoquées, peuvent être rapprochées des spiritualités orientales.

Il ne nous appartient pas, dans le cadre de cet article de prendre parti pour ou contre l'éthique, pour ou contre la spiritualité. Nous apporterons juste deux éléments de réflexion. Premièrement, le principe de moindre action consistant à minimiser une dépense ou à maximiser un gain dans un minimum de temps est le principe fondamental du capitalisme. Deuxièmement, conformément à ce que Stefan Zweig suggère dans sa nouvelle Virata (un sage hindou qui part vivre seul dans la forêt et qui, faisant des émules, désorganise, à son corps défendant, toute la vie sociale de son village) il n'est pas du tout évident que les principes des spiritualités puissent être universalisés. Il reste que les grands classiques du dualisme occidental s'illusionnent donc tout autant que les prétendus monismes. Ceux-ci parce qu'ils montrent toujours le contraire de ce qu'ils prétendent dire, à savoir qu'ils sont incapables d'éliminer l'idiome mentaliste quand bien même ils entendent le réduire à une simple manière de parler. Ceux-là parce qu'ils considèrent le dualisme comme une sorte d'accident de l'histoire ou de la nature. Or, nous pensons avoir donné suffisamment d'arguments pour être autorisés à conclure que le dualisme corps-esprit est une nécessité au sens logique du terme : il ne peut pas en être autrement parce que l'âme est une propriété interne ou immanente du corps vivant et vice versa. L'esprit (ou l'âme ou, en général, tout terme mentaliste) est, nolens volens, quelque chose d'autre que le corps dans le sens où il n'y a pas de corps informe et où, précisément, l'esprit est le nom que l'on donne à la forme actuelle du corps, sinon dans le cas de tous les corps vivants, du moins dans celui des corps humains. Contrairement au réductionnisme ou à l'éliminativisme monistes, le dualisme est extrêmement tolérant en ce qu'il n'implique aucune conception ontologique, épistémique ou psychologique particulière. Si le dualisme corps-esprit est un grand invariant anthropologique, c'est manifestement parce qu'il est compatible, non seulement avec tous les systèmes philosophiques, mais aussi, ne leur déplaise, avec toutes les théories scientifiques, ainsi, nous l'avons vu, qu'avec toutes les conceptions spirituelles et, bien entendu, avec le langage ordinaire.

(Vous pouvez retrouver l'intégralité de cet article sur Nécessité du Dualisme Corps-Esprit).
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