Pensée et langage, les deux faces d’un même problème...?
Toute la relation entre la pensée et le langage ne se réduit pas au problème de la communicabilité, car autant pour la pensée que pour le langage, la disproportion entre la signification et le sens nous porte à considérer ces deux faces de l'activité cérébrale comme ayant chacune et distinctement une finalité propre...
pour s'en rendre compte il suffit d'interroger notre expérience dans deux moments singuliers irréductibles l'un à l'autre, pour la pensée : l'abstraction sensible et pour le langage : l'adéquation logique...
car la pensée comme acte de l’intelligence, pose nécessairement un jugement d'existence en chaque abstraction sensible, et fait donc que la présence du réel est premier en temps et en lieu sur la signification de chaque réalité, car une fois l'abstraction stabilisée sous formes de concepts, plusieurs autres modalités de l'activité intellectuelle se ressaisissent des concepts, le langage quant à lui, pose une cohésion symbolique par chaque adéquation logique entre le sens personnel « visé » du discours et sa signification, il est donc est une des modalités de l'activité de l'intelligence...
nous voyons mieux ainsi que la pensée est plus tournée vers le pourquoi(car elle vise le sens) et le langage est plus tourné vers le comment, mais aussi que la finalité propre de la pensée est le constat et celle du langage est le contact, comme forme aboutie de communication, et donc il clair de voir aussi que le problème commun entre la pensée et le langage se trouve justement dans la possible temporalité commune des deux, à savoir une cohérence entre le pourquoi et le comment(être et devenir), contribuant à la stabilisation de la conscience...
si la pensée semble être le mouvement vital le plus éloigné des causalités régissant la matière(n'en déplaise à certains neurobiologistes), c'est qu'il constate plus immédiatement, entendu comme sans intermédiaire, l’unité effective entre l'être de la pensée et l'être de la réalité existante...
alors que le langage semble être la forme vitale la plus sous-tendue par ces mêmes causalités de la matière, car il est la forme de contact la plus propre à rendre compte du réel sensible par le descriptif et le figuratif, et du réel connu/abstrait par l'explicatif, il suit donc que la concomitance pensée/langage forme quant à elle, une nouvelle modalité de présence du corps vivant en son milieu de vie...
si le langage est un lieu commun circonscrit par un moment de la pensée, c’est par cette concomitance entre locuteurs que cette pensée vise à établir un sens commun et cohérent du réel, le pourquoi... et rencontre ainsi le lieu le plus représentatif de la présence de l'individu face aux autres individus, à savoir: la cohésion des significations de ce même réel, ainsi le comment de cette concomitance peut devenir la résolution du problème que pose l'évolutivité du langage comme moment de la pensée puisque le constat de celle-ci établi un contact...
car depuis le début de cet article, le problème c'est évidement la présence en devenir de l'individu, donc la temporalité de la durée de son existence, ainsi il nous faut donc convenir que seule la rencontre des deux, pensée et langage peut résoudre le problème de l'existence...toutefois, si c'est un problème, c'est que l'humain est le représentant vivant ultime de cette tension entre le comment et le pourquoi, et qu’il lui revient peut-être de résoudre ce problème aussi par d’autres voies comme celle de la contemplation naturelle ou infuse...
en un deuxième temps
il est utile de rechercher en quoi la représentation et la définition sont les deux structures du langage comme substitut de la mémoire...la connaissance d'une vérité est avant tout une approche du meilleur sens, en tant que ce dernier puise son origine dans l'attente de notre fin perfectible, ainsi nous approchons toujours plus d'une "exemplarité" lorsque nous cherchons à comprendre ce que les réalités en elles-mêmes signifient pour nous même...
ex cursus sur : le passage du sens à la signification et de la signification au sens (effet miroir): si ce passage du sens à la signification est le résumé de toute l'histoire de la pensée, il nous restera une imperfection dans l'intelligibilité du langage que nous analyserons à la fin...
toutefois si l'exemplarité de la définition qui provient de la représentation ne limite pas l'universalité de la recherche de vérité, car la signification de la définition apporte aussi une justification et un engagement communautaire comme formes relationnelles socialisantes de la nature humaine, cette justification de la signification dans son "exemplarité" se réorganise sous des aspects de plus en plus complexes opérant un inextricable réseau de droits et d'interdits, signes si il en faut de son manque de finalité propre, de même l'engagement personnel malgré la diversité de ces implications légales, se résume à un rapport entre deux éléments, la sécurité personnelle et la stabilisation de la personne par les vertus...fin de l'ex cursus
donc notre recherche de sens et de la signification se trouve dans ces deux pôles :
1/ la maîtrise de notre nature personnelle en vue du bonheur (le sens)
2/l'organisation de notre environnement en vue de notre bien-être(la signification)
et si nous devons les distinguer et pas les séparer, encore moins les opposer, c'est que la signification portée par le langage, ne peut apporter qu'un bien-être (par ex : les discours idéologiques sous l'apparence de divers relations que la signification figure), car la signification est perçue aux travers de la cohésion d’une communication «rassurante», sur une possible pérennité de ce bien-être...
alors que percevoir le sens apporte une perfectibilité à la conscience, par l'ordre de cohérence que le sens aide à former à partir de la multiplicité d'éléments du réel, premier gage de bonheur qui est comme une stabilisation dans la vérité...
De plus par la connaissance des diverses priorités ordonnées par le sens, émerge une unification de la personne dans l'équilibre qu'elle trouve en donnant : à ses besoins:la vertu de force, à ses envies:la tempérance, à ses projets:la justice, à ses désirs:la prudence, les quatre actes volitifs ainsi soutenus par les quatre vertus sont alors ordonnés de l'intérieur et ne cause plus de perturbations...
Position particulière du langage pour passer du sens à la signification par la substitution de la mémoire...
la pratique particulaire du langage est de servir d'extension à l'activité mnémonique et de se substituer logiquement à la mémoire lorsque l'intelligence pose un acte de locution intérieur ou de communication extérieur, cela veut dire que le langage est coextensif au raisonnement puisque ce dernier est l'efficience corporel mnémonique (la fonctionnalité cérébrale) de l'acte intellectuel...
la causalité du langage se retrouve en ce qui est délimité par la situation de la personne à partir :
1- de l'appréhension du jugement d'existence: qui permettra au langage de passer de la singularisation du phénomène à la saisie d'un universel(le mot), et cela par le mimétisme de la définition.
2- des sensations: qui permettront au langage de passer de l'expérimentation individuelle à une mise en commun culturelle via la signification du discours.
3- des émotions: qui permettront au langage de passer de l'incomplétude du vécu, au sens de la rencontre avec les autres via le dialogue et les confidences.
4- les passions: qui permettront au langage de passer de l'attente de l'élan vital à l'expérience du moment d'échange dans la relation via le langage amoureux ou haineux.
5- les intentions: qui permettront au langage de passer de la connaissance de l'autre aux conseils via l'enseignement et les lois.
6- la réflexion: qui permettra au langage de passer de la saisie du vrai au partage des vérités, via le débat pour manifester l'accord et le désaccord.
7- la mémorisation: qui permettra au langage d'établir une correspondance entre les représentations respectives des individus d'un même groupe via l'historicité de leur langue commune et les occurrences culturelles que la remémoration réactualise.
ces sept niveaux qui sont les influx du raisonnement comme nous le verrons plus tard au sujet de l'harmonisation de la représentation du monde réel et de son imagination passe tous par le langage...
ainsi nous voyons que le langage se situ (à la suite du cri) comme une recherche de délimitation de l'espace et du temps à la suite de la pensée, et cela par sa première expressivité selon les quatre premiers niveaux, et se construit selon une normalisation des rapports entre les deux niveaux suivants, 5 et 6, par la présence du sujet locuteur face aux autres locuteurs...
la mémorisation étant le champs de spécification du langage, réclame quant à elle une analyse séparée qui doit prendre en compte le conditionnement de la personne selon la continuation volontaire d'être au monde et la continuité naturelle de cette présence...
la mémoire tenant autant de la volonté de la personne que de son implication communautaire et cela sous une même délimitation figurant et préfigurant son ipséïté, permet que la mémoire contienne toute l'extension linguistique, mais aussi que le langage ne puisse pas recouvrir toute la mémoire...
nous voyons ainsi que mémoire et langage ont fonction de délimitation, pour insérer la personne humaine dans le monde, et en même temps le monde en elle...
pour le langage particulièrement, la responsabilisation du communiquant pose une question de tout premier ordre sur l'acceptabilité du réel, puisque comme nous l'avons dit plus haut c'est à partir de l'appréhension que se forme un premier "raisonnement" ou "résonnement"(effet d'écho) et comme premier du genre il influera sur tous les suivants, c'est-à-dire que le langage qui s'enracine dans la saisie du réel sera tel, qu'il portera toujours la marque de ce réel brut (voir l'étymologie des mots)...
aparté :
c'est ce que l'on nomme dans la recherche linguistique moderne de la théorie de la référence directe et de la théorisation générale du réalisme : la fonction vectrice du langage, mais qui historiquement a été modelé par le rigorisme de l'écrit...
mais même dans ces théories, la distinction entre l'usage intégrateur au groupe par le langage humain et l'utilisation volontaire du langage en vue d'un bien, n'est pas assez marquée, il en résulte une dilution du principe même de communicabilité du langage qui comme nous allons le voir est en fait, selon l'évolution, belle et bien une substitution temporelle de la mémoire...
ce qu'il reste à appréhender c'est donc ce que procure le langage dans le passage de la signification au sens et du sens à la signification, et pour ce faire si vraiment le langage est une substitution de la mémoire, ce serait que quelque chose de l'intériorité doive céder la place à l'extériorité, la réception à l'émission, c'est l’enjeu de la parole dite, en vue d'être entendue...
si la définition fait suite à la représentation(elle même s'originant dans l'abstraction), et que le langage humain est le témoin sémantique et évolutif de cette continuité, nous pouvons mieux saisir pourquoi il se substitue à la mémoire, puisque qu'en terme de singularisation de l'information, la forme dynamique et évolutive du langage établit une base de figurations communes en vue de l'échange(la communication), alors que la mémoire biologique(des cellules) est une base commune partagée sans nécessaire mise en commun dynamique, qui se retrouve nécessairement dans la réciprocité de l'échange émetteur/récepteur du langage humain, dit autrement la mémoire cellulaire est un partage, la mémoire substituée par le langage devient un échange...
c'est pourquoi aussi toutes les formes de langage dans la nature: gestuel, olfactif, sonique, chimique et thermique, magnétique, micro-vibratoire, etc...( j'en oublis sûrement)sont toutes des partages, mais certaines deviennent aussi des échanges, puisque le partage est le propre de la matière et que l'échange est le propre de la vie...
le langage humain apporterait ainsi ce qui est en attente de la constitution de l'individu pour devenir une personne, mais que cet avènement puisse passer aussi par d'autres voies, que la voix est aussi évident...