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Est-il possible d'enseigner la morale ?

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Monsieur Bleu
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Euterpe
Silentio
Janus
Liber
10 participants

descriptionEst-il possible d'enseigner la morale ? - Page 3 EmptyRe: Est-il possible d'enseigner la morale ?

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Liber a écrit:
Plutôt du phalanstère de Fourier, il voulait en créer un, un groupe de "libres-esprits".

Donc un ordre retiré du monde ? Nietzsche serait bien plus un prêtre, même si c'est d'un dieu au nom antique, qu'il ne le laisse croire ! Entre épicurisme et abbaye. C'est dommage que Nietzsche n'ait pas aimé l'alcool, il aurait pu faire de la bière. :lol: En tout cas, son idéal, moins libéral qu'escompté, serait celui de l'indépendance au prix de l'assistanat. Si je comprends bien, en liant cette affirmation au fait que le philosophe voulait que les ratés prometteurs développent leur art sur l'île des Bienheureux, il faut que la société travaille pour fournir les conditions d'une indépendance, toute relative, à cette communauté d'artistes et d'intellectuels d'un genre nouveau. Un peu comme les peuples asiatiques nourrissent leurs moines.
Liber a écrit:
Nietzsche a une vision de l'argent très simple, semblable à celle de Schopenhauer : il ne faut ni en avoir trop, ni pas assez. Il vit d'une très modeste pension avec laquelle il peut mener une vie itinérante qui convient à sa façon de méditer.

Je parlais moins de libéralisme économique que de libéralisme politique. Nietzsche s'est intéressé au pouvoir en tant que tel, non à ses avatars, ou tout du moins à certains qu'il privilégiait au détriment d'autres. On ne trouve pas chez lui de critique de l'argent et du pouvoir qu'il confère. On trouve par contre une critique du dernier homme qui va dans le sens d'une critique du mode de vie bourgeois de l'homme moderne. Il pense d'ailleurs qu'il n'y a que l'esprit, par essence aristocratique, qui mérite d'être récompensé et de posséder des biens. Un peu comme Socrate proposant ironiquement qu'on le remercie pour ses services en le nourrissant à vie aux frais de la cité.
Liber a écrit:
En effet, Nietzsche était à sa manière ce qu'on appelle aujourd'hui un profiteur, c'est-à-dire un rentier. Cependant, qui aurait voulu de sa vie ? Qui aurait voulu même de la vie de Schopenhauer ? Ces deux-là n'ont pas profité beaucoup, à l'aune de ce que ce mot signifie pour l'immense majorité des gens.

La rente lui a permis le loisir, c'est une bonne chose en ce sens, le loisir étant propice à la pensée. Peut-être les deux philosophes voulaient-ils qu'il en soit ainsi pour les temps à venir, que la société s'occupe de régler les factures du penseur libéré de toute contrainte. Par ailleurs, je pense que même s'ils étaient contre les hommes et l'esprit de leur temps ils préféraient l'ordre établi à tout changement politique. Schopenhauer était un libéral peu original, Nietzsche un apologue de la domination d'une caste sur la totalité sociale. Je rappelle aussi l'attachement de Nietzsche à Voltaire. Ce dernier, de connivence avec tous les pouvoirs et valorisant le pieux mensonge à l'égard du peuple pour maintenir en place les élites, pouvait vaquer librement à ses occupations du fait de sa position privilégiée. Tout était bon pour la conserver.
Liber a écrit:
Quant à la solitude de Nietzsche, elle était abyssale. N'en ira-t-il pas ainsi de tout libre-penseur ?

Peut-être, ou peut-être faut-il un sentiment de solitude dû à l'incompréhension de ses pairs plutôt qu'un véritable isolement. La pensée a ceci d'aristocratique qu'elle doit se distinguer de ce qui est. La distance permet le discernement, c'est-à-dire la critique. Mais Nietzsche, bien que voulant mettre d'autres personnes à la tête du monde, ne s'en prend jamais au pouvoir en tant que tel tant qu'il ne lui nuit pas. D'où, me semble-t-il, la légitimation de l'ordre établi, de la hiérarchie sociale, de toute élite, et ce d'autant plus que le nietzschéen sera amené à se retirer du monde et à se prendre pour la prochaine idole autour de laquelle le monde gravitera. En tout cas, je ne pense pas que tout penseur soit appelé à se retirer du monde, à privilégier un individualisme aristocratique, pour devenir lui-même ou affiner sa pensée. Je trouve des philosophes confrontés au réel et ancrés dans le social tout aussi pertinents, voire plus, que Nietzsche. Adopter les habits du génie romantique ne fait pas nécessairement de soi un génie. Sortons du nietzschéo-centrisme ! :roll:
Liber a écrit:
Cependant, le travail au sens hégélien n'a rien à voir avec le philosophe qui occupe son temps comme bon lui semble.

Voulez-vous dire que le travail hégélien ne correspond pas à la pensée nietzschéenne ou que le philosophe ne travaille pas ? Dans les deux cas, je suis d'accord, quoiqu'il me semble que le travail hégélien ne soit pas si différent que ça de la conception nietzschéenne de l'activité artistique. Cependant, si on fouille un peu, on trouvera certainement que Hegel et Nietzsche conçoivent différemment la Bildung.
Liber a écrit:
Hegel faisait ses 8 heures par jour.

C'était un fonctionnaire. C'est ce que Nietzsche aurait peut-être fait s'il avait continué d'enseigner à Bâle. Le problème en montrant Hegel ainsi c'est qu'on perd de vue l'homme. Or Hegel a vécu, ce n'était pas un pur esprit. L'absence de loisir ne l'a pas empêché de se cultiver ni de vivre aussi intérieurement sa pensée que Nietzsche, ni encore de devenir l'un des philosophes les plus géniaux qui soient. Certains verront dans sa métaphysique et sa logique un intellectualisme coupé du réel, mais à mon avis il a fallu une sensibilité d'une profondeur incroyable pour produire une œuvre aussi riche et saisissant aussi bien le réel (à ceci près, bien entendu, que Hegel est tombé dans l'excès de confondre le réel et la Raison ; il a trop bien com-pris le monde, l'absorbant en lui-même, d'où l'Absolu comme indistinction du Même, soi, la raison, et de l'Autre, de l'Un et du Néant ?).
Liber a écrit:
Il se souciait peu des ouvriers, certes, mais sa critique est une critique de la modernité, elle ne vise pas à protéger l'un plutôt que l'autre.

C'est là son intérêt. Mais pour proposer quoi ? Une autre hiérarchie, c'est-à-dire encore une hiérarchie. Ce qui a des conséquences politiques.
Liber a écrit:
D'ailleurs, Nietzsche enjoint les ouvriers à se révolter.

Je ne me souviens pas de ça. Pouvez-vous m'en dire plus ?
Liber a écrit:
D'une manière générale, je crois que vous vous enfermez dans une critique de la politique nietzschéenne qui, bien que logique, manque son but, car vous oubliez que Nietzsche attachait de l'importance uniquement à la vie idéale.

Ne pensez-vous pas, justement, qu'il ait cherché à réaliser son idéal, par idéalisme ? La fin de sa vie consciente le montre très lucide sur le changement qu'il comptait ou allait inaugurer, selon lui, dans l'histoire. Et quand bien même Nietzsche n'aurait été qu'un rêveur, il produisait une justification d'un type d'ordre politique. Les idées ont un impact sur l'histoire. Il n'est pas étonnant que Nietzsche ait été récupéré par l'idéologie nazie. Vous-même considérez bien que sous les aspects séduisants, pour nous, de sa pensée il y a une apologie de la domination (c'est le sens de la volonté de puissance). Une fois qu'on a reconnu ça et qu'on analyse les conséquences politiques d'un tel parti pris, libre à chacun de prendre lui-même position. Par ailleurs, s'il y a une utopie nietzschéenne il faut rappeler qu'elle est une utopie et qu'elle justifie des appréciations et conduites présentes. Si c'est dangereux, si ça nous semble dangereux, assumons de critiquer Nietzsche, du moins de le replacer dans son époque et de prendre quelque distance avec lui pour voir si sa pensée tient, si elle est fondée et si elle peut être soutenue jusqu'au bout.
Liber a écrit:
Comment comprendre un homme qui fait tout le contraire de ce qu'il professe ? En ne cherchant pas à trouver de correspondance de son monde à lui dans le monde réel. Pareille remarque vaut tout autant pour Schopenhauer, son maître à penser. Sa vie et sa pensée sont deux choses très différentes. Il nous manque chez Nietzsche un livre sur la sagesse dans la vie. Nous avons heureusement sa correspondance. Vivre en nietzschéen, et vivre comme Frédéric Nietzsche, sont deux choses fort différentes. Il en va de même de sa politique.

Raison de plus de le critiquer. C'est tout de même gros pour un philosophe qui critique les autres philosophies et philosophes sur la base de leur vécu et qui promeut la vie. Si la pensée est déconnectée du réel, et si Nietzsche lui-même prétend penser le réel, ou plutôt faire primer le réel sur la pensée, il me semble qu'il faut alors dépasser ou surmonter Nietzsche et le réfuter dans ce qu'il a d'abstrait et d'autiste. Bergson, qu'on pourrait lui aussi qualifier de vitaliste, me semble bien plus cohérent et modeste par exemple.

descriptionEst-il possible d'enseigner la morale ? - Page 3 EmptyRe: Est-il possible d'enseigner la morale ?

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Silentio a écrit:
Liber a écrit:
Plutôt du phalanstère de Fourier, il voulait en créer un, un groupe de "libres-esprits".

Donc un ordre retiré du monde ? Nietzsche serait bien plus un prêtre, même si c'est d'un dieu au nom antique, qu'il ne le laisse croire ! Entre épicurisme et abbaye. C'est dommage que Nietzsche n'ait pas aimé l'alcool, il aurait pu faire de la bière. :lol:

Il suffit de se reporter à Rabelais, l'abbaye de Thélème, bien que Nietzsche ait eu en horreur la bière, coupable selon lui de la lourdeur d'esprit des Allemands. Il fait référence ailleurs à l'ordre des Assassins, les plus libres esprits qu'il y eut jamais, mais une référence clairement polémique, pour montrer à quel degré de grandeur il situe sa propre liberté d'esprit. Plus haut que celle de Rabelais, non plus seulement "Fais ce que voudras", mais "Rien n'est vrai, tout est permis". Il y a un défi envers toute morale et tout absolu, pour une liberté tout aussi absolue.

On ne trouve pas chez lui de critique de l'argent et du pouvoir qu'il confère. On trouve par contre une critique du dernier homme qui va dans le sens d'une critique du mode de vie bourgeois de l'homme moderne.

Les deux se rejoignent. Nietzsche fulmine bel et bien, comme Wagner, contre le pouvoir du bourgeois qui impose ses idéaux de philistin aux esprits les plus cultivés. CE sentiment était aussi (et encore plus chez eux) celui de Burckhardt et de Gobineau.

Schopenhauer était un libéral peu original, Nietzsche un apologue de la domination d'une caste sur la totalité sociale.

Schopenhauer était monarchiste, pour un État fort, Nietzsche au contraire contre l'État, mais je ne vous rejoins pas sur cette histoire de domination de la caste aristocratique. Je pense que cette caste était vouée à vivre cachée des autres hommes. Il parle souvent du bonheur de voler dans les hauteurs, or cela signifie à tout le moins le désir d'échapper à la basse société, et non de la dominer.

Je rappelle aussi l'attachement de Nietzsche à Voltaire. Ce dernier, de connivence avec tous les pouvoirs et valorisant le pieux mensonge à l'égard du peuple pour maintenir en place les élites, pouvait vaquer librement à ses occupations du fait de sa position privilégiée. Tout était bon pour la conserver.

Voltaire aimait le luxe (et le vantait), ce qui n'était pas du tout le cas de Nietzsche.

Nietzsche, bien que voulant mettre d'autres personnes à la tête du monde, ne s'en prend jamais au pouvoir en tant que tel tant qu'il ne lui nuit pas.

Ceci n'est pas vrai. Nietzsche a toujours critiqué l'institution établie, de ses cours sur les établissements d'enseignement, jusqu'aux violents pamphlets contre le Reich et les Hohenzollern.

En tout cas, je ne pense pas que tout penseur soit appelé à se retirer du monde, à privilégier un individualisme aristocratique, pour devenir lui-même ou affiner sa pensée.

C'est avant tout une tradition, depuis le "connais-toi toi-même" de Socrate, bien que celui-ci ait privilégié la dialectique à la méditation. Nietzsche, seul dans sa chambre de Sils-Maria, dialogue avec le monde dans ses livres.

Liber a écrit:
Cependant, le travail au sens hégélien n'a rien à voir avec le philosophe qui occupe son temps comme bon lui semble.

Voulez-vous dire que le travail hégélien ne correspond pas à la pensée nietzschéenne ou que le philosophe ne travaille pas ? Dans les deux cas, je suis d'accord, quoiqu'il me semble que le travail hégélien ne soit pas si différent que ça de la conception nietzschéenne de l'activité artistique.

Pourquoi vous parlez sans cesse "d'activité artistique" ? Il n'y a rien de tel chez Nietzsche, il ne conçoit pas l'art comme un métier. Nietzsche ne loue pas le travail, il loue le loisir, fidèle en cela à la conception antique, et aristocratique, où seuls les esclaves travaillent. A son époque, l'aristocrate de la pensée est nu, Nietzsche ressemble plus à ces nobles espagnols des romans picaresques, condamnés à cacher leur pauvreté,mais fiers de leur liberté.

Liber a écrit:
Hegel faisait ses 8 heures par jour.

C'était un fonctionnaire. C'est ce que Nietzsche aurait peut-être fait s'il avait continué d'enseigner à Bâle.

Avec cette différence capitale que Nietzsche travaillait pour la ville de Bâle, une ville très libérale, qui n'avait rien à voir avec le Reich allemand. Hegel, comme tout philosophe de l'université allemande, était tenu de défendre les idéaux de la Nation, travail, famille, patrie, Dieu. Et il l'a fait toute sa vie avec application.

Hegel ... devenir l'un des philosophes les plus géniaux qui soient.

Pour l'université seulement. En dehors, Hegel n'est lu par personne. C'est le type de penseur produit par l'université, et qui n'en sort pas, même après sa mort.

Liber a écrit:
D'ailleurs, Nietzsche enjoint les ouvriers à se révolter.

Je ne me souviens pas de ça. Pouvez-vous m'en dire plus ?

C'est dans Aurore.

Il n'est pas étonnant que Nietzsche ait été récupéré par l'idéologie nazie. Vous-même considérez bien que sous les aspects séduisants, pour nous, de sa pensée il y a une apologie de la domination (c'est le sens de la volonté de puissance). Une fois qu'on a reconnu ça et qu'on analyse les conséquences politiques d'un tel parti pris, libre à chacun de prendre lui-même position.

C'est à quoi conduit le nihilisme, chez Nietzsche, l'alliance entre la philosophie désespérée de Schopenhauer et le culte des héros, appris chez Emerson, les Romains et les Grecs. Un monde sans raison, sans valeurs absolues, où le choix nous est donné entre la souffrance et l'ennui. Seul l'homme peut relever la tête dans un tel univers, à condition qu'il prenne en main sa destinée. Cela ne peut pas se faire uniquement par la douceur. Malgré tout, comme chez Schopenhauer, le vouloir artiste trouve son image en l'homme. Encore une fois, il faut en revenir à la Renaissance, résurgence de l'Antiquité, pour trouver cette alliance entre violence extrême et développement harmonieux de l'homme.

Par ailleurs, s'il y a une utopie nietzschéenne il faut rappeler qu'elle est une utopie et qu'elle justifie des appréciations et conduites présentes. Si c'est dangereux, si ça nous semble dangereux.

Nietzsche n'engage personne à le suivre, vous savez bien. Dangereux, oui, mais il faut vivre dangereusement, nous dit-il.

Si la pensée est déconnectée du réel, et si Nietzsche lui-même prétend penser le réel, ou plutôt faire primer le réel sur la pensée, il me semble qu'il faut alors dépasser ou surmonter Nietzsche et le réfuter dans ce qu'il a d'abstrait et d'autiste.

Nietzsche ne cherche pas à "faire primer le réel sur la pensée", au contraire, pour lui tout est illusion (la Volonté). Il croit que l'idéal a prise sur le réel, parce que le réel est idéal, représentation, pour parler comme Schopenhauer. C'est tout l'idéalisme allemand que vous pouvez critiquer, en vain selon moi. Un philosophe idéaliste fera toujours une distinction entre réel et idéal. Il mènera sa vie d'une façon et pensera d'une autre. Il critiquera aussi ceux qui sont incapables d'une telle dichotomie.

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Kthun a écrit:
l'enseignement de la "morale" est-il envisageable sans le soutien d'une idéologie, d'une doctrine ou d'une religion ? Si non alors cela ne revient-il pas à dévoyer le sens de la "morale" (et donc de son enseignement présumé) ?

En premier lieu, le problème vient de ce que la Ve république, qui ne répond à aucun projet collectif depuis environ 20 à 30 ans, sort des idées d'un chapeau qui n'est pas le sien, en l'occurrence d'un chapeau qui est et qui reste celui de la 3e république, laquelle pouvait à bon droit en sortir le lapin de l'enseignement de la morale, parce que c'était non seulement son projet, mais un vrai projet. On peut critiquer cette entreprise d'alors, mais cela même la légitime. La Ve est dénuée de doctrine viscérale, qui lui appartienne en propre. Peut-être avez-vous déjà lu cet article de Durkheim.

Kthun a écrit:
Indépendamment de l'école, les parents peuvent-ils enseigner la morale à leurs enfants ?

La morale, ce sont des liens sociaux (les mœurs) qui attachent des personnes les unes aux autres et qui leur donnent des droits et des devoirs. Ça commence nécessairement avec la famille, sans même parler d'enseignement, mais en tant que toute famille est un modus vivendi.

Kthun a écrit:
Enfin l'enfant (à qui cet enseignement est adressé) est-il condamné d'aiguiser intuitivement son sens moral avant d'avoir atteint l'âge dit de raison ?

Cf. M. Gauchet, La démocratie contre elle-même. Mais indépendamment de cette référence, dès l'âge de 3 ans, la plupart des enfants sont scolarisés, donc socialisés, par conséquent plongés dans le lit de la morale. Avant même d'avoir atteint l'âge de raison, l'enfant est capable d'en saisir des éléments essentiels, parce qu'avant d'être l'enseignement d'un corpus d'idées, c'est du "mimétisme" : la morale s'enseigne par l'exemple, qui la montre en acte.

Liber a écrit:
Kthun a écrit:
Prenons un exemple : l'idée que la dette publique, en France, est une chose normale qu'il ne faut chercher ni à diminuer (en fait on ne cesse de l'augmenter) ni à rembourser est un discours largement diffusé par les journalistes économiques ; discours partagé par les intellectuels et surtout les gouvernants. Donc si l'on suit cette logique : à titre individuel, lorsque je contracte un prêt (sur la base d'un contrat) pourquoi devrais-je chercher à le rembourser ?

Juste une parenthèse, ce que vous dites sur la dette publique ne correspond pas du tout à ce que j'entends tous les jours dans les médias. Nous ne devons pas vivre dans le même pays. En tous les cas, vous vous êtes avancé, il faut maintenant que vous donniez des noms : qui sont ces journalistes politiques qui prétendent qu'il ne faut pas diminuer la dette publique ?

Si je lis correctement ce que dit Kthun, je note ceci : "discours largement diffusé". Il désigne donc moins des articles de journalistes que le journalisme en tant qu'il est un relayeur, et même le relai principal d'idées dont il lui importe qu'elles émanent de sources institutionnelles (le journalisme ne tire plus son autorité de lui-même, il en est devenu incapable). Or, je constate que le 19 avril dernier, Le Monde a publié un article de Henri Sterdinyak : "Équilibrer le solde public doit-il être l'objectif central de la politique économique ?".  Or, lui et quelques-uns de ses pairs diffusent depuis des années la thèse indiquée par Kthun, aussi bien à Paris 8, à Sciences Po., qu'à l'ENS Lyon :
  • http://ses.ens-lyon.fr/faut-il-reduire-la-dette-publique--25499.kjsp?RH=6102
  • www.ofce.sciences-po.fr/pdf/lettres/271.pdf
  • http://www2.univ-paris8.fr/fcastaing/spip.php?article28

Je crois que les tenants des deux thèses opposées à propos de la dette sont largement relayés, ceux qui prônent la diminution l'étant plus que les autres.

Dernière édition par Euterpe le Ven 22 Juil 2022 - 23:33, édité 3 fois

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Je vais être très terre à terre et parler d'expériences, mais il me semble que la philosophie ne peut pas être uniquement une théorie. Elle doit reposer sur l'expérience.

Je suis enseignante en primaire et voilà les deux expériences que j'ai faites en matière de "morale" à l'école.

Je développe d'abord une petite chose que j'ai dite dans ma présentation.
Une année, j'ai voulu initier un "Atelier Philo" dans ma classe, avec des élèves de 8/9 ans. J'ai choisi le thème du bien et du mal, non pas par hasard mais parce que j'avais l'impression qu'un petit groupe d'enfants avait besoin de réfléchir sur le sujet. Je me suis aidée d'un petit livre dans la collection "Les goûters Philo" (collection remarquable). Cela a été un ratage complet. Ce qui était de l'ordre du mal dans le livre, ces quelques élèves trouvaient que c'était "normal", que c'était "bien".
J'ai abandonné l'idée des Ateliers Philo.
Plus tard, en réglant un problème en récréation, j'ai réussi à leur faire comprendre certaines choses.
Rien ne vaut les problèmes de cour de récré pour réfléchir... C'est là, finalement, que l'on fait le plus de morale.

Depuis que j'enseigne, j'organise un conseil d'élèves. Une fois par semaine environ, on discute des conflits et de ce que va bien aussi, de façon dépassionnée, en prenant de la distance. Les enfants sont très réceptifs et ils disent souvent des choses très justes. On travaille le "Vivre ensemble" des programmes actuels. Et plutôt que d'enseigner une morale laïque, est-ce que ce n'est pas d'abord le "Vivre ensemble" qui compte. Après, avec des plus grands, on peut donner des bases théoriques. Mais avec des moins de 10 ans ?

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Avant de se demander si l'on peut enseigner la morale à l'école, je pense qu'il faut se demander si l'école est elle-même morale.
Je suis ravi d'ailleurs qu'au moins un enseignant fasse partie du débat, ainsi pourra-t-il peut-être lever le voile sur des éléments qui me paraissent obscurs.

J'entends par là que l'école de la république, en France du moins, se veut laïque alors qu'il apparaît que l'enseignement qu'il y est proposé me semble être des croyances. J'affirme cela car il apparaît que des sujets discutables tels de l'Histoire, les mathématiques, les sciences physiques sont exposés sans possibilité d'être remis en question de la part de l'élève qui doit pourtant s'enquérir de les apprendre (plus ou moins par cœur).
Je prends pour exemple mon petit cousin de neuf ans à qui j'ai téléphoné dernièrement, je lui ai demandé ce qu'il apprenait à l'école. Celui-ci m'a donc dit qu'il étudiait "nos ancêtres les Gaulois". Dans un souci de brièveté, je ne vais pas m'attarder sur le contenu de son discours mais quand celui-ci fut terminé je lui demandais :
- comment sais-tu tout cela ?
Mon petit cousin m'a répondu :
- c'est le maître qui l'a dit
- Et d'où le tient-il ? lui répondis-je
- Ah je ne lui ai pas demandé, m'affirma mon petit cousin, c'est une bonne question.
- Il pourrait te dire n'importe quoi alors, dis-je.
- Ben, non, c'est le professeur quand même.

Je repensais alors à mes années d'école où il me fallut accepter tant de choses sans pour autant pouvoir remettre en question les sujets les plus discutables sans en être blâmé et, surtout, tout le temps dont j'ai eu besoin pour les désapprendre en me souciant qu'ils fussent vérifiés. Faut-il contraindre l'enfant à apprendre ce qui apparaîtrait comme des croyances pour que cela lui donne les moyens qui lui permettent de les vérifier par lui-même ?
Ne peut-on pas amener un sujet libre aussi jeune soit-il à découvrir, vérifier, puis penser par lui-même sans passer par la croyance ?
Parce cela je pense à la Maïeutique, finalement. Est-ce applicable à notre réalité objective ?

Et surtout est-ce moral d'imposer à un sujet, libre de nature de surcroît, ce qui apparaît comme une croyance dans le but de l'éduquer au sein d'une école qui se veut laïque ?

Dernière édition par Monsieur Bleu le Ven 14 Juin 2013 - 20:30, édité 1 fois
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