aliochaverkiev a écrit:
Si nous rapprochons les deux faits :
- L'espace et le temps sont des intuitions d'une absence d'objet
- Ils sont d'autre part une position
Nous obtenons cette définition ambiguë qu'ils sont la position dune absence d'objet.
L'espace et le temps sont une position qui ne pose aucun objet : en d'autres termes, c'est la position de l'existence sans l'existence d'un quelque chose qui existerait. "
Voici exprimé, mieux que je n'aurai jamais pu le faire, ce qu'exactement je ressens : cette ambiguïté.
Mais je découvre du coup cette suite, dans le même livre, en page 82 :
"Il s'agit d'une [équivoque] qui sera lourde de conséquences pour l'interprétation du kantisme. En effet :
Ou bien l'espace et le temps sont interprétés [...] dans la perspective d'un idéalisme subjectif : puisqu'ils ne sont pas du domaine de l'étant, ils sont subjectifs, et ce sont alors des apparences qui sont rangées parmi le néant comme êtres de l'imagination;
Ou bien au contraire l'espace et le temps sont l'être même de l'étant sensible, en tant que ces "riens" sont aussi la condition, la position [existence selon Kant] de tout étant.
Là est l'équivoque, à savoir cette oscillation entre deux statuts de l'espace et du temps d'un côté, la position donc l'être ou l'existence; à l'opposé, l'être d'imagination, c'est-à-dire le néant. En conséquence, l'Esthétique transcendantale peut être interprétée comme une ontologie du sensible, comme la recherche de l'être du sensible, ou bien comme fondant un idéalisme subjectif."
Il semble bien donc que l'ambiguïté de l'affirmation de Kant quand il entend que "la représentation de l'espace est posée comme fondement" n'est pas levée.
Dienekes,
Comme, dans ma réponse, (voir ci-dessus), j’ai introduit ces deux notions nouvelles :
ontologie du sensible et
idéalisme subjectif, je vais essayer d’en donner une définition au moins succincte.
Pour l’ontologie du sensible, j’ai trouvé ces passages de : « Essai sur le sensible » de Renaud Barbaras :
" Nous avons vu que les conceptions antagonistes de la perception, empirisme et intellectualisme, sont tributaires d’une certaine ontologie qui a sa racine dans une soumission au principe de raison suffisante. Dans cette perspective la perception est toujours manquée, confondue avec la connaissance rationnelle, car l’être, se détachant sur fond de néant, prend toujours la forme de l’objet pur et accompli, sans indétermination ni opacité. Autrement dit, le sujet de la perception est toujours le sujet théorique, désengagé, capable de prendre une distance infinie vis à vis du monde "
" Notre analyse de la perception permet de remettre profondément en cause cette ontologie "
" Il faut cesser de définir le sentir comme un accès parmi d’autres à l’être et il faut caractériser le sensible comme le sens même de l’Être. L’apparaitre sensible n’est plus une négation de l’être mais sa condition comme être : il est la forme universelle de l’ "il y a". Ainsi en dépassant la sensation comme négation de l’objet au profit du sentir comme donation d’une transcendance , nous quittons une ontologie objectiviste au profit d’une
ontologie du Sensible qui ne voit dans celui-ci ni ce qui fait obstacle à notre connaissance de l’être, ni même un moyen d’y accéder, mais le sens d’être de ce qui est "
" L’être a besoin de paraître sur le mode sensible afin de demeurer ce qu’il est , à savoir transcendant ou invisible "
" Ce n’est pas parce que nous le percevons que l’être devient sensible […] c’est plutôt parce que l’être est intrinsèquement sensible que notre perception est possible. Loin donc que le perçu renvoie à un sujet percevant comme condition propre, la possibilité du sujet percevant est inscrite dans le perçu comme être et notre incarnation est en quelque sorte le fait d’être "
" La perception n’est pas un certain rapport d’un sujet à l’être mais ce que l’être exige, la vie qu’il attend de nous afin d’être. Il va de soi que les traits d’une telle ontologie sont diamétralement opposés à ceux d’une ontologie que nous avons qualifiée d’objectiviste. Cette philosophie débouche en effet sur le refus de tout surplomb vis à vis du monde; elle est l’expression d’une conscience aiguë de notre appartenance "
" Corrélativement le sensible échappe au principe de raison suffisante. On pourrait même définir le perçu par son indifférence à ce principe car (citation de H . Maldiney, Penser l’homme et sa folie)« au niveau du sentir tout est sans pourquoi et tel parce que tel, indifférent au convoi des effets et des causes "
Quant à l’idéalisme subjectif je me contente d’un résumé de la définition trouvée sur internet, wikipédia :
"L'idéalisme subjectif est une fusion de l’empirisme, qui confère un statut particulier à l'immédiatement perçu, avec l’idéalisme, qui confère un statut particulier au mental. L'idéalisme nie la connaissabilité ou existence du non-mental tandis que le phénoménalisme sert à restreindre le mental à l'empirique. L'idéalisme subjectif identifie ainsi sa réalité mentale avec le monde de l'expérience ordinaire, plutôt que de faire appel à l'esprit du monde unitaire du panthéisme ou idéalisme absolu. Cette forme d'idéalisme est « subjective » non pas parce qu'elle nie qu'il y a une réalité objective mais parce qu'elle affirme que cette réalité est complètement dépendante de l'esprit des sujets qui la perçoivent."