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descriptionCritique de la Raison pure : l'amphibologie des concepts de la réflexion. EmptyCritique de la Raison pure : l'amphibologie des concepts de la réflexion.

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Bonjour,

J'aimerais vous interroger sur un chapitre de la Critique de la Raison pure qui, quand bien même je le lis et le relis, reste très sombre pour moi : l'Amphibologie des concepts de la réflexion. J'espère que vous saurez m'éclairer et, si possible, me donner des exemples ou illustrations (parce que s'il y a bien quelque chose de pénible chez Kant, c'est ce manque d'exemples qui vous rend la lecture si difficile).

Si je résume ce que j'en ai compris, les concepts de la réflexion, ce sont les concepts qui me permettent de décider sous quelle faculté de connaissance (l'entendement ou l'intuition) subsumer une certaine représentation. Car lorsque la réflexion n'a pas lieu, alors nous nous risquons au piège de l'amphibologie, c'est-à-dire (si j'ai bien compris) que nous confondons l'appréhension d'une donnée par l'entendement avec celle qui devrait avoir lieu par l'intuition, ou inversement. Et l'acte par lequel je parviens à distinguer quand cette appréhension appartient au domaine de l'entendement ou au domaine de l'intuition, Kant l'appelle "réflexion transcendantale".

Aussi, il y a quatre couples de concepts de la réflexion, qui sont :

- L'unité et la diversité
- La convenance et la disconvenance
- L'intérieur et l'extérieur
- La matière et la forme

(j'ai l'édition Alain Renaut en GF)

Seulement, ce que je ne comprends pas (et c'est très certainement parce que Kant lui-même ne nous éclaire pas sur ce point), c'est comment ces concepts opèrent, en quoi ils nous permettent de distinguer si une représentation appartient bien à l'intuition ou à l'entendement. Et surtout, s'il vous est possible de le faire pour moi (et pour d'autres, pour qui ce chapitre pourra paraître obscur), pourriez-vous m'en donner un exemple, que je saisisse mieux ? Aussi, je ne comprends pas comment l'amphibologie, donc cette confusion entre l'usage empirique (dans l'intuition) et l'usage transcendantal (dans l'entendement) des concepts peut avoir lieu...

Merci de vos réponses !

Cordialement

descriptionCritique de la Raison pure : l'amphibologie des concepts de la réflexion. EmptyRe: Critique de la Raison pure : l'amphibologie des concepts de la réflexion.

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Cher Montaignien,

L'amphibologie des concepts de la réflexion n'est certes pas le texte le plus limpide de Kant. Une des grandes difficultés est, me semble-t-il, que le titre choisit par Kant n'est pas des plus clairs et conduit de fait à certains malentendus. Il faudrait plutôt dire en réalité : "amphibologie des concepts qui se présentent à la réflexion" ou mieux encore "l'amphibologie des concepts et sa solution par la réflexion". Les concepts en question ne sont pas en effet ce qui permet d'opérer la réflexion, mais ils sont les objets sur lesquels la réflexion porte. Certains concepts sont victimes d'une amphibologie : nous confondons le sens qu'ils ont en tant qu'objets de la sensibilité et le sens qu'ils ont en tant qu'objets de l'entendement. La réflexion transcendantale est alors nécessaire pour dissoudre l'amphibologie et déterminer de quelle faculté ils relèvent. La définition que vous donnez au début de votre second paragraphe convient donc seulement à la réflexion transcendantale, mais non pas aux "concepts de la réflexion".

Cependant la réflexion transcendantale n'est pas nécessaire pour tous les concepts, car ils ne sont pas tous susceptibles de confusion. Kant écrit en effet au début de l'Amphibologie:

Amphibologie des concepts de la réflexion, A261/B316-317 a écrit:
Tous les jugements n'ont pas besoin d'un examen, c'est-à-dire d'une attention aux fondements de leur vérité (...). Mais tous les jugements et toutes les comparaisons ont besoin d'une réflexion, c'est-à-dire que l'on distingue à quelle faculté de connaissance appartiennent les concepts donnés.


La réflexion transcendantale est donc nécessaire pour statuer sur les comparaisons, ou ce que Kant appelle dans le cours du texte les "concepts de comparaison" : c'est-à-dire l'ensemble des rapports sous lesquels je peux confronter entre elles des représentations. Or ces rapports sont de quatre types :
- identité/diversité
- convenance/disconvenance
- intérieur/extérieur
- matière/forme

La réflexion transcendantale va consister à distinguer, pour chacun de ces rapports, le sens qu'il a quand il se réfère à des objets sensibles et le sens qu'il a quand il se réfère à des objets de l'entendement.

Mais puisque vous voulez des exemples, en voici-un. Prenons le cas du rapport identité/diversité. Kant veut montrer que ce rapport n'a pas le même sens quand il s'applique à des objets des sens, par exemple deux feuilles, ou à des objets de l'entendement, par exemple deux triangles. Quand je dis que deux feuilles sont identiques, je veux dire qu'elles partagent toutes leurs caractéristiques sensibles (forme, couleur, etc.) mais je ne peux pas vouloir dire qu'elles sont une seule et même feuille (elles se différencient au moins par leurs positions dans l'espace). Il en va différemment quand il s'agit de triangles : deux triangles qui partagent toutes leurs caractéristiques sont littéralement le même triangle numériquement parlant ; ils sont identiques au sens fort.

J'en viens maintenant à votre dernière question : comment cette amphibologie est-elle possible ? Le fait est que pour Kant, cette méprise est moins le fait de l'homme commun que du philosophe, et d'un philosophe avant tout : Leibniz (comme il s'en explique d'ailleurs dans la Remarque qui fait suite à l'Amphibologie). Leibniz fait erreur, non pas forcément parce que ses principes sont faux, mais parce qu'il les applique indistinctement aux objets des sens et à ceux de l'entendement. Dans le cas du rapport identité/diversité par exemple : Leibniz affirme le principe de "l'indiscernabilité des identiques" selon lequel deux objets identiques, c'est-à-dire qui partagent toutes leurs caractéristiques, sont indiscernables, c'est-à-dire qu'ils sont un seul et même objet . Mais Leibniz fait ici une amphibologie :  il donne à son principe une portée universelle, alors qu'il ne vaut en réalité que pour les objets de l'entendement, mais non ceux de la sensibilité.  

Il en va de même pour les autres couples de notions : à chaque fois,  Kant vient en fait reprendre et corriger une des erreurs de Leibniz. Si Kant peut les traiter dans ce même chapitre, c'est qu'elles ont toutes la même racine : l'incapacité leibnizienne de distinguer ce qui relève du domaine de sens et ce qui relève du domaine de l'entendement. D'où la nécessité, pour éviter de tomber à nouveau dans cette "erreur de philosophe", d'une réflexion transcendantale.

J'espère que ces propos vous auront quelque peu aidé, et si vous avez besoin d'autres explications, n'hésitez pas à me le faire savoir !

Cordialement;
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