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Le Cicérone de Burckhardt et l'histoire de l'art.

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3 participants

descriptionLe Cicérone de Burckhardt et l'histoire de l'art. - Page 6 EmptyRe: Le Cicérone de Burckhardt et l'histoire de l'art.

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Liber a écrit:
C'est un peu plus complexe. Le romantisme privilégie plutôt l'intériorisation des sentiments ou au contraire leur exubérance, tandis que le classicisme les montre pudiquement et simplement.

Voilà une définition simple tout à fait compréhensible. Cependant, la nuance me semble encore difficile à établir dit ainsi. Dirais-tu que Le Voyageur contemplant une mer de nuages est impudique, si oui en quoi ? Qu'est-ce qui provoque l'intériorisation des sentiments ? Comment montrer pudiquement, n'est-ce pas ici simple ou le décor est-il encore trop dans la démesure et provoque une fusion dans la nature ou un vertige ?
Liber a écrit:
Tu as, si tu veux des exemples, Delacroix qui peint des gestes exagérés, des couleurs criardes, Ingres au contraire des gestes retenus, des couleurs douces.

Ingres est un néo-classique, c'est ça ? Ou un romantique du côté de l'intériorisation ? En tout cas, d'après une petite sélection de toiles, j'apprécie beaucoup les deux peintres mais j'ai une préférence pour le style et la couleur d'Ingres. Mais dans la sélection faite par Euterpe je préfère le Delacroix. Les thèmes me semblent assez secondaires pour le moment, après tout il y a du sexe chez les deux, ça me convient. :lol: S'il y a bien quelque chose de sensuel c'est bien le corps d'une femme...
Liber a écrit:
Quant à la sensualité à proprement parler, l'érotisme est nerveux et angoissé chez les romantiques, tandis qu'il est sain et paisible chez les classiques.

Ou la différence entre désir et plaisir, entre manque et prodigalité, entre cruauté et contentement. Ou je me trompe ?

Merci pour la correction, Euterpe, j'ai dû aller un peu trop vite en écrivant hier soir.
Euterpe a écrit:
Comme le rappelle Liber, c'est un peu plus complexe, en effet. La distribution entre intellect et affect se retrouve à l'intérieur de chaque période, et à l'intérieur de chaque œuvre. Quand un peintre classique est amené à montrer des sentiments, il en fait autre chose que ce qu'en fait un peintre romantique. En outre, les peintres qui ne seraient qu'intellectuels et ceux qui ne seraient que sensibles sont peu nombreux, et permettent de tracer des frontières commodes, mais avec lesquelles il faut être prudent.

Tout à fait, j'ai cherché à faire les mêmes distinctions précédemment parce que d'après vos réponses j'en étais venu à croire que vous me disiez qu'au fond l'intellectualisme n'était que le seul apanage du romantisme et que l'on pouvait même aller plus loin en critiquant le romantisme comme art entièrement intellectuel - ce qui me semblait faux. Avec vos mises au point je comprends mieux. Merci aussi pour la leçon d'art, du coup je ne sais pas où me placer, il faudrait trouver une complémentarité entre mes écrivains préférés, Baudelaire, Artaud, Goethe et Stendhal (en tout cas pour les seules œuvres que j'ai lues de ces deux derniers auteurs et que j'ai mentionnées, enfin il y a aussi les Maximes pour Goethe) - ainsi que les philosophes Nietzsche, Kierkegaard, Pascal, Sartre (La Nausée). En matière d'écriture les idées ne valent rien sans le style ou alors autant lire de la philosophie et ne pas s'aventurer sur le terrain de la littérature bien qu'elle puisse allier beaucoup de choses dans son lien à l'existence. Il s'agit peut-être de rechercher la tension entre passion, élan vital, effort, sensualité ou sentiment et lucidité, sévérité, recul, maîtrise, justement entre sensibilité et idée. C'est peut-être aussi inutile de vouloir tout relier, j'apprécie ces auteurs pour ce qu'ils sont, singulièrement et je suis moi-même un carrefour qui n'a pas à exclure une influence au nom d'un parti pris esthétique. Je ne sais même pas si je suis plus sensible, sensuel ou intellectuel. Plus romantique, c'est certain, mais pas totalement non plus. Je sais goûter à tout, je crois que c'est suffisant. Ou est-ce un manque flagrant de bon goût ?

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Aktaíôn a écrit:
Dirais-tu que Le Voyageur contemplant une mer de nuages est impudique, si oui en quoi ? Qu'est-ce qui provoque l'intériorisation des sentiments ? Comment montrer pudiquement, n'est-ce pas ici simple ou le décor est-il encore trop dans la démesure et provoque une fusion dans la nature ou un vertige ?

Friedrich utilisait une matière volontairement pauvre, très fine, très peu couvrante, et une technique très naïve pour représenter les arbres, nuages, rochers... Pour le reste, je ne vois pas comment tu peux trouver qu'il n'y a pas de démesure dans ce paysage, quand tu compares avec la campagne romaine de Claude Lorrain, qui n'aurait jamais peint une "mer de nuages" avec un homme la "contemplant". Peindre un Ezéchiel pleurant les ruines de Tyr, absorbé dans le souvenir d'un empire disparu, d'accord, mais pas devant des nuages ! Non mais quelle idée bizarre.  :roll:  :) Gœthe a décrit le Harz dans un magnifique poème, qui pourrait faire pendant au tableau de Friedrich, quoiqu'il était à cheval et qu'il partait à la rencontre d'un jeune homme atteint du mal du siècle et qu'il pensait pouvoir aider (en vain).


Ingres est un néo-classique, c'est ça ? Ou un romantique du côté de l'intériorisation ?

Oui, néo-classique à coup sûr, disciple de David. Romantique par les thèmes, éprouvant lui-aussi une nostalgie pour l'Orient, mais un Orient très idéalisé. Il a quand même été touché par son siècle, malgré sa dévotion à l'Antiquité (et à l'Empire).


En tout cas, d'après une petite sélection de toiles, j'apprécie beaucoup les deux peintres mais j'ai une préférence pour le style et la couleur d'Ingres. Mais dans la sélection faite par Euterpe je préfère le Delacroix.

Le Delacroix dit beaucoup plus les choses qu'il ne les laisse deviner, au contraire du Bain turc, dont l'atmosphère moite du harem suinte la lascivité.


Ou la différence entre désir et plaisir, entre manque et prodigalité, entre cruauté et contentement. Ou je me trompe ?

Je dirais entre maladie et santé, pour reprendre la différence opérée par Gœthe. Tu peux avoir un plaisir ou un désir malade, comme celui de Baudelaire, et l'inverse chez le poète latin Properce.

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Liber a écrit:
Pour le reste, je ne vois pas comment tu peux trouver qu'il n'y a pas de démesure dans ce paysage

Moi non plus je ne vois pas. Ça crève les yeux.
Liber a écrit:
Le Delacroix dit beaucoup plus les choses qu'il ne les laisse deviner, au contraire du Bain turc, dont l'atmosphère moite du harem suinte la lascivité.

En fait le Delacroix perd de sa force assez rapidement. Plus je regarde le Bain turc et plus je le trouve follement attirant et sensuel. Le premier est plus violemment sexuel, quasiment pornographique, le second plus érotique et suggestif (il éveille plus de sens) même si on voit tous ces corps nus.

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Aktaíôn a écrit:
Plus je regarde le Bain turc et plus je le trouve follement attirant et sensuel.

Les tableaux de style classique demandent plus de temps pour être appréciés. Un Poussin, un Raphaël, où l'érotisme est quasi absent (à moins de voir de la sexualité dans la simple nudité), ne trouvent que peu d'admirateurs, par manque de patience.


Aktaíôn a écrit:
Liber a écrit:
Pour le reste, je ne vois pas comment tu peux trouver qu'il n'y a pas de démesure dans ce paysage

Moi non plus je ne vois pas. Ça crève les yeux.

A mon avis, ce que tu prends pour de la retenue est tout simplement une pauvreté de moyens volontaire, un symbole chrétien de plus chez Friedrich, à rajouter à tous les autres (rochers, sapins, lune) en contraste avec tout ce qui représente l'existence terrestre (maisons, bateaux, etc.). Alors que la peinture de Raphaël ne suggère pas l'existence d'un au-delà. Elle montre au contraire la beauté du monde visible. Nietzsche dirait qu'elle est une "glorification de la vie".


ЄutΞrpЭ a écrit:
C'est donc un peintre bourgeois (et critique de la bourgoisie) en ceci qu'il peint tous les fantasmes auxquels la bourgeoisie aimerait s'abandonner mais qu'elle endigue avec son puritanisme et sa morale contreproductifs (tant cela même corrompt les passions en pathos).

Vous faites bien d'ajouter que Delacroix fait une "critique de la bourgeoisie", car votre description pourrait s'appliquer mot pour mot aux peintres pompiers, sa critique (hors l'aspect politique) étant plus dans l'exagération que dans l'immoralité elle-même. Les bourgeois prisaient beaucoup le vice dans la peinture, donc s'il voulait choquer, Delacroix ne pouvait que tomber dans l'emphase. Autrement, sa peinture aurait été moins bonne que celle de J.L Jérôme, dont les tableaux répondaient au goût le plus dépravé, le tout enrobé dans un style de la plus plate froideur académique : la recette du succès, qui fut immense pour ce peintre issu de l'Ecole.
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