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Stephen Hawking et la philosophie

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descriptionStephen Hawking et la philosophie - Page 7 EmptyRe: Stephen Hawking et la philosophie

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"Comme toutes les sciences, les neurosciences ont pour mission d'objectiver expérimentalement des faits inductfs d'une théorie et non pas de confirmer ce qui n'est, de la part de Freud ou d'anti-Freud ou de tout autre, en l'absence de tout fait expérimental méthodologiquement valide, vérifiable et reproductible, qu'une conjoncture, aussi féconde puisse-t-elle être en concepts et autres retombées psychologiques".Certes. Toute entreprise de confirmation ou d'infirmation des thèses de Freud est, de toute façon, vouée à l'échec pour la raison que"l’explication de Freud fait ce que fait l’esthétique : elle met deux facteurs l’un à côté de l’autre [...]. La question "quelle est la nature d'un mot d'esprit ?" est analogue à la question "quelle est la nature d'un poème lyrique ?"(Wittgenstein, Cours de Cambridge 1932-1935). Autrement dit, pour les motifs que vous évoquez et contrairement à ce que Freud a sans doute cru de bonne foi au début de ses recherches, d'une part la psychanalyse freudienne n'a absolument rien d'une technique médicale. Wittgenstein montre qu'en fait, c'est plutôt quelque chose comme une mise en scène théâtrale. C'est même exactement ce qui explique son succès (et aussi, dans un certain nombre de cas, son échec) : "il y a de nombreuses personnes qui, à un moment de leur vie, éprouvent des troubles si sérieux qu’ils peuvent conduire à des idées de suicide, [...] et qui peuvent ressentir un immense soulagement si on est ne mesure de leur montrer que leur vie a l’allure d’une tragédie"(Wittgenstein, Conversation sur Freud). D'autre part, toujours pour les mêmes raisons, son soubassement "méta-psychologique" (ce sont les termes de Freud) n'a rien de scientifique. Wittgenstein l'assimile, ni plus ni moins, à un courant philosophique : "repérer un mécanisme est une façon de trouver la cause, [mais] Freud a trouvé une façon tout à fait nouvelle de rendre compte d’une explication : non pas une explication conforme à l’expérience (cause) mais une explication simplement acceptée (raison). [En effet], certaines explications (par exemple en psychanalyse) ne sont pas conformes à l’expérience mais sont simplement satisfaisantes [dans le sens où] certaines explications exercent, à un moment donné, une attraction irrésistible"(Wittgenstein, Leçons sur l’Esthétique, III). Et, précisément, ce qui fait le succès d'une thèse philosophique dans un contexte socio-historique donné, c'est l'attraction irrésistible qu'elle suscite. Or, les thèses (et non les théories) philosophiques étant des tautologies (cf. Tractatus), autrement dit étant étrangères à la sphère du vrai, on voit mal comment une science pourrait les prendre en défaut.

""Toutes les questions théoriques possibles", au sens de votre citation c'est-à-dire susceptibles d'une problématique rationnelle ne pouvant jamais être "résolues" (théorèmes d'incomplétude de Gödel etc ...)". Les théorèmes de Gödel n'ont rien à voir avec notre problématique car ils ne concernent que les systèmes entièrement formalisés (c'est-à-dire logiques ou mathématiques) et non pas ceux qui, comme les sciences, ont recours à l'expérimentation et, donc, introduisent des éléments de preuve non formalisables. Bref, l'"incomplétude" (au sens de Gödel) des théories scientifiques n'a pas à être prouvée par des théorèmes. Elle découle naturellement du caractère "ouvert" (cf. Popper) de tout processus expérimental. Ce dont Wittgenstein est, bien entendu, parfaitement conscient. Lorsqu'il dit qu'"à supposer que toutes les questions théoriques possibles soient résolues, les problèmes de notre vie demeurent encore intacts"(Tractatus, 6.52), il opère un passage à la limite dans un raisonnement contrefactuel : outre la valeur de vérité, il y a tellement d'autres valeurs qui ont pour nous de la valeur, qu'à la limite, même si toutes les questions théoriques possibles étaient résolues (ce qui ne sera jamais le cas), donc même si nous possédions la vérité sur toute chose, notre vie humaine n'en serait qu'à peine moins problématique. "L'erreur me semble-t-il est de croire que la ligne de partage des eaux est immuable entre les deux domaines" : non, bien sûr, entre valeur de vérité et autres valeurs, la frontière n'est pas fixée une fois pour toutes. Sauf que, historiquement, c'est le domaine du vrai scientifique qui se rétrécit au profit du beau (l'harmonie), du juste (la politique), de l'efficace (la technique), du nécessaire (les mathématiques), du sagace (la philosophie), etc. Rappelons tout de même que pour Platon, tous ces domaines appartiennent à ce qu'il appelle "la philosophie", c'est-à-dire, comme "les vrais philosophes sont ceux qui aiment le spectacle de la vérité"(Platon, République, V, 475e), ce que nous appellerions aujourd'hui (mais Platon en fait déjà un synonyme de "philosophie), "la science".

"Le propre des acquisitions scientifiques, c'est de doter homo sapiens de la capacité de modifier, au-delà de ses moyens naturels pour ce faire, la réalité physique, modifications dont l'impact psycho-émotionnel finit par modifier les valeurs de sociétés humaines entières. Si l'animisme originel de l'humanité a quasiment disparu de la surface de la terre, la maîtrise du feu, l'invention de l'agriculture et de l'élevage, de la métallurgie et des armes et outils qu'elle a permis en sont les causes premières et on peut continuer comme vous l'avez du reste évoqué vous-même avec les révolutions coperniciennes, industrielles, informatiques, etc ... En somme, ce qui fait d'abord bouger la ligne de partage des eaux entre rationalité et valeurs, ce sont d'abord les acquisitions scientifiques". Comme si l'humanité avait attendu l'avènement de la science expérimentale (au XVII° siècle de notre ère et dans notre civilisation !) pour "doter homo sapiens de la capacité de modifier, au-delà de ses moyens naturels pour ce faire, la réalité physique" ! Car, comme Marx l'a montré, le fondement de la modification de la nature par l'homme, c'est la technique, et non pas la science. Or, non seulement la volonté humaine de perfectionner la technique est bien antérieure à celle de la théoriser abstraitement sous la forme de modèles scientifiques (les Egyptiens, les Sumériens, les Incas n'avaient aucune notion scientifique au sens moderne - post-kantien - de ce terme), mais, de plus, elle s'est longtemps nourrie (cf. Paul Feyerabend dans Against Method) des croyances les plus irrationnelles, les plus superstitieuses, voire les plus farfelues. Il est significatif que, tous les exemples que vous donnez, sont des exemples de techniques et non de sciences. Encore une fois, que la science instruise la technique en lui évitant un certain nombre de tâtonnements sans issue et, partant, en accélère sa progression, cela ne fait pas de doute, de même, je le disais supra, qu'elle impacte aussi la littérature, la philosophie, la politique, la religion etc. Mais réciproquement : la science a besoin de la technique non seulement pour formuler ses hypothèses, mais aussi et surtout pour procéder à ses expérimentations. C'est évidemment, l'interaction (d'ailleurs plus souvent conflictuelle que consensuelle, mais ceci est un autre problème) des diverses formes d'activités humaines résultant de la division sociale du travail qui constitue le moteur de l'histoire et de ses évolutions. Bref, il n'y a aucune raison sérieuse de penser que "ce qui fait d'abord bouger la ligne de partage des eaux entre rationalité et valeurs, ce sont d'abord les acquisitions scientifiques". Ce que vous dites là est symptomatique de cette confusion conceptuelle aujourd'hui encore (je dis "encore" parce qu'elle est tout de même moins répandue qu'au début du XX° siècle) largement partagée que Wittgenstein appelle le "scientisme" et qui repose sur le fantasme d'une sorte d'éminence de l'activité scientifique.

"Je pense tout à fait injuste votre affirmation comme quoi les neurosciences singent "les sciences expérimentales en prétendant objectiver quelque chose comme l'esprit", ne serait-ce que parce qu'elles ne cherchent pas à objectiver "l'esprit", mais le fonctionnement de l'esprit, tout comme la maîtrise du feu n'a pas été l'objectivation du feu en soi mais celle de son usage". Toujours la même confusion entre science et technique, entre théorie et pratique. Cela dit, la différence entre les "neuro-sciences" (pour ne rien dire des "sciences" économiques, politiques ou encore - c'est très tendance - de l'éducation !) et, mettons, les sciences biologiques ("sciences de la vie"), c'est que celles-là, contrairement à celles-ci, n'ont pas d'objet. Vous le dites vous-mêmes : "elles ne cherchent pas à objectiver "l'esprit"". Ce qui est quand même très gênant pour des "sciences" au sens moderne du terme. Car alors, sur quoi vont bien pouvoir porter leurs expérimentations ? On imagine mal un corpus théorique décrivant le fonctionnement d'un tissu cellulaire sans possibilité d'objectiver au moyen d'une définition (peu importe que celle-ci soit intensionnelle, extensionnelle ou ostensive) ledit tissu cellulaire. D'où la pertinence du rapprochement que Wittgenstein opère entre les neuro-sciences et la méta-psychologie freudienne incapable, elle aussi, d'objectiver l'inconscient.

descriptionStephen Hawking et la philosophie - Page 7 EmptyA PhiPhilo

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1er point de désaccord :

Sur ma citation

"Le propre des acquisitions scientifiques, c'est de doter homo sapiens de la capacité de modifier, au-delà de ses moyens naturels pour ce faire, la réalité physique, modifications dont l'impact psycho-émotionnel finit par modifier les valeurs de sociétés humaines entières. Si l'animisme originel de l'humanité a quasiment disparu de la surface de la terre, la maîtrise du feu, l'invention de l'agriculture et de l'élevage, de la métallurgie et des armes et outils qu'elle a permis en sont les causes premières et on peut continuer comme vous l'avez du reste évoqué vous-même avec les révolutions coperniciennes, industrielles, informatiques, etc ... En somme, ce qui fait d'abord bouger la ligne de partage des eaux entre rationalité et valeurs, ce sont d'abord les acquisitions scientifiques".

Vous écrivez :

Comme si l'humanité avait attendu l'avènement de la science expérimentale (au XVII° siècle de notre ère et dans notre civilisation !) pour "doter homo sapiens de la capacité de modifier, au-delà de ses moyens naturels pour ce faire, la réalité physique" ! Car, comme Marx l'a montré, le fondement de la modification de la nature par l'homme, c'est la technique, et non pas la science. Or, non seulement la volonté humaine de perfectionner la technique est bien antérieure à celle de la théoriser abstraitement sous la forme de modèles scientifiques (les Egyptiens, les Sumériens, les Incas n'avaient aucune notion scientifique au sens moderne - post-kantien - de ce terme), mais, de plus, elle s'est longtemps nourrie (cf. Paul Feyerabend dans Against Method) des croyances les plus irrationnelles, les plus superstitieuses, voire les plus farfelues. Il est significatif que, tous les exemples que vous donnez, sont des exemples de techniques et non de sciences. Encore une fois, que la science instruise la technique en lui évitant un certain nombre de tâtonnements sans issue et, partant, en accélère sa progression, cela ne fait pas de doute, de même, je le disais supra, qu'elle impacte aussi la littérature, la philosophie, la politique, la religion etc. Mais réciproquement : la science a besoin de la technique non seulement pour formuler ses hypothèses, mais aussi et surtout pour procéder à ses expérimentations. C'est évidemment, l'interaction (d'ailleurs plus souvent conflictuelle que consensuelle, mais ceci est un autre problème) des diverses formes d'activités humaines résultant de la division sociale du travail qui constitue le moteur de l'histoire et de ses évolutions. Bref, il n'y a aucune raison sérieuse de penser que "ce qui fait d'abord bouger la ligne de partage des eaux entre rationalité et valeurs, ce sont d'abord les acquisitions scientifiques". Ce que vous dites là est symptomatique de cette confusion conceptuelle aujourd'hui encore (je dis "encore" parce qu'elle est tout de même moins répandue qu'au début du XX° siècle) largement partagée que Wittgenstein appelle le "scientisme" et qui repose sur le fantasme d'une sorte d'éminence de l'activité scientifique.

Ma réponse :

Bien sûr les sciences se constituent progressivement par les acquisitions scientifiques, mais si comme vous le dites la science instruit la technique, le mouvement inverse existe aussi, c’est à dire que la technique induit les acquisitions scientifiques, et que le tournant de la science expérimentale du XVIIème siècle n’a ni inauguré les découvertes scientifiques (pour s’en tenir à l’Antiquité grecque je cite Archimède fondant l’hydrostatique et théorisant les propriétés des leviers et Eratosthène mesurant le périmètre de la terre), ni initié l’apport réciproque de la technique à la science qui préexistait de beaucoup à ce tournant expérimental.

Sauf qu’auparavant les techniques apparaissaient, se maintenaient et éventuellement se perfectionnaient à partir d’une succession d’observations fortuites au départ mais conservées et transmises à la condition toutefois de garder une efficience significative relativement à des pratiques concurrentes comme des rites chamaniques ou autres. A partir de ces observations précaires, les acquisitions scientifiques ne pouvaient être que passablement aléatoires (nécessité de l’intervention d’un sujet capable d’y rechercher une causalité) et par conséquent excessivement dispersées dans l’espace et étalées dans le temps.

L’énorme apport de la révolution expérimentale a été qu’elle a renversé le rapport du fait de la domestication des techniques aux fins de recherche de causalités par de petits groupe de scientifiques compétents, dont le ratio acquisitions scientifiques sur observations pratiquées était sans commune mesure avec les pratiques aléatoires et non systématiques antérieures, ce qui déboucha rapidement sur l’invention de nombreuses nouvelles techniques plus performantes, l’amélioration d’anciennes et à la disparition ou au recul de certaines pratiques inadéquates.

Maintenant, vous me contestez le terme d’acquisitions scientifiques pour les exemples aux origines des civilisations que j’ai choisis comme illustration de la rationalité dans ce contexte (pré)historique. Pour moi, cultiver du riz ou des navets sont des techniques, mais concevoir que planter une racine dans la terre est une alternative à la cueillette est une acquisition scientifique, élever des poulets ou des moutons sont des techniques, mais concevoir que l’élevage d’animaux est une alternative à la chasse est une acquisition scientifique, etc... Du reste, sans un concept ou une quelconque représentation initiale, comment aurait été inventée la toute première technique d’homo sapiens ou plutôt d’un de ses lointains ancêtres ?

Alors certes, ces premières acquisitions scientifiques ponctuelles, rares, dispersées, discrètes, n’ont guère engendré que des techniques et pas de théories systématisées (ce pourquoi il m’a semblé inapproprié de parler de sciences, mais simplement d’acquisitions scientifiques), mais ces techniques ont nourri, vêtu, chauffé, protégé les groupes humains qui les ont adoptées, et abouti à la division sociale du travail dont vous dites après Marx qu’elle est le moteur de l’histoire. Je pourrais peut-être souscrire à cette lecture si Marx avait été aussi conséquent avec ce qu’il a dénommé la superstructure idéologique qu’avec ce qu’il a dénommé l’infrastructure économique des sociétés. Mais comme chacun peut le vérifier, l’individualisme irréductible de l’esprit humain passe chez lui au rabot manichéen des groupes sociaux de sa conception, évacuant les valeurs individuelles propres la plupart du temps bien plus prégnantes que les valeurs de groupe, ce qui à mon avis est une des causes principales des cuisants déboires historiques de sa théorie.
Mais notre sujet sur science et philosophie est suffisamment ardu, et Marx ne saurait y être traité en simple appendice ; aussi je reviens ici à l’antériorité d’acquisitions scientifiques vis à vis des techniques inductrices de la division du travail.

En cohérence avec ceci, je rappelle par ailleurs que dans mon message précédent j’ai développé que ce n’était pas la seule rationalité des acquisitions scientifiques, et donc pas les sciences en tant que telles, qui modifiaient les comportements humains, du moins pour la grande majorité d’entre eux, mais aussi et surtout souvent les émotions et modifications des sentiments ressenties, en définitive les modifications induites des valeurs, du fait de la maîtrise des techniques nouvelles plus performantes que les précédentes quant aux résultats matériels obtenus. Pour autant j’ajoute que je ne vois pas la rationalité qui a pour elle les plus grandes pérennité et régularité de l’effet induit sur la matière comme la seule source de la modification des systèmes de valeurs, affrontée qu’elle est souvent à la force des structures sociales en place que ceux-ci chapeautent et qui ont parfois, au moins pendant un certain temps, une capacité forte de s’opposer au changement. Enfin il ne m’échappe pas que même quand le processus que je décris s’accomplit,, ce qui me semble sur le long terme être le plus fréquent, les modifications, des comportements dans leur dualité de la technique et des valeurs ne va pas sans effets collatéraux, et parfois pervers.

Je ne suis pas sûr que ce soit ce que Wittgenstein appelait le « scientisme ».



2ème point de désaccord :

Sur ma citation

""Toutes les questions théoriques possibles", au sens de votre citation c'est-à-dire susceptibles d'une problématique rationnelle ne pouvant jamais être "résolues" (théorèmes d'incomplétude de Gödel etc …)"

Vous écrivez :

Les théorèmes de Gödel n'ont rien à voir avec notre problématique car ils ne concernent que les systèmes entièrement formalisés (c'est-à-dire logiques ou mathématiques) et non pas ceux qui, comme les sciences, ont recours à l'expérimentation et, donc, introduisent des éléments de preuve non formalisables. Bref, l'"incomplétude" (au sens de Gödel) des théories scientifiques n'a pas à être prouvée par des théorèmes. Elle découle naturellement du caractère "ouvert" (cf. Popper) de tout processus expérimental.

Ma réponse :

A mon grand regret, la faiblesse de mes connaissances mathématiques ne me permet pas de me placer ici sur le fond de l’argumentation. Cependant, l’ « etc … » joint à la mention des théorèmes d’incomplétude faisait référence à leur corrélation avec principalement le théorème de complétude du même Gödel et celui d’indéfinissabilité (de la vérité) de Tarski qui étendent la démonstration mathématique et logique pure à la rationalité même puisque impliquant le principe de non-contradiction en procédant notamment par une preuve par l’absurde qui est ni plus ni moins que la formalisation du célèbre paradoxe du menteur (j’ai relu mes sources, et j’espère bien retranscrire).
Or la rationalité est nécessairement au cœur du fait expérimental reposant sur l’observation et fondé sur la logique dite classique dont le principe de non-contradiction est un des piliers ; à mon avis les sciences expérimentales n’échappent donc pas à l’impossibilité Gödelo-Tarskienne de résoudre « toutes les questions théoriques possibles » qui les concernent. Les contradictions pour le moment insurmontées entre la physique classique et la physique nucléaire en sont sans doute la meilleure illustration.



3ème point de désaccord :

Sur ma citation

"L'erreur me semble-t-il est de croire que la ligne de partage des eaux est immuable entre les deux domaines" (ceux relevant de la rationalité et ceux relevant des valeurs, cft. Mon message précédent).

Vous écrivez :

non, bien sûr, entre valeur de vérité et autres valeurs, la frontière n'est pas fixée une fois pour toutes. Sauf que, historiquement, c'est le domaine du vrai scientifique qui se rétrécit au profit du beau (l'harmonie), du juste (la politique), de l'efficace (la technique), du nécessaire (les mathématiques), du sagace (la philosophie), etc.

Ma réponse :


Moi, comme indiqué ci-dessus, je parlais de la ligne de partage des eaux entre rationalité et valeurs pour la détermination des comportements humains.

Vous me répondez à propos de la frontière entre valeur de vérité et autres valeurs,

Je ne sais si c’est ce glissement sémantique qui vous fait séparer les mathématiques et la technique du « vrai scientifique » (quel est-il ?) et conclure au rétrécissement historique du domaine de celui-ci.
En tout état de cause, à ce stade, je ne vois la pertinence ni de la formulation ni de l’argumentaire ; peut-être voudrez-vous bien m’éclairer ?

Conjecture pour conjecture, celle dont j’étais parti dans ce débat (message du 18 juillet) était :
« Or depuis la séparation de la Science se la Philosophie, le domaine de celle-ci ne s'est-il pas restreint à ce qui est spécifiquement humain, c'est-à-dire le mental humain, et tout particulièrement ses productions, les valeurs, les émotions, les raisonnements, la mémoire, etc ...? »


4ème point de désaccord :

Sur ma citation

"Comme toutes les sciences, les neurosciences ont pour mission d'objectiver expérimentalement des faits inductifs d'une théorie et non pas de confirmer ce qui n'est, de la part de Freud ou d'anti-Freud ou de tout autre, en l'absence de tout fait expérimental méthodologiquement valide, vérifiable et reproductible, qu'une conjecture, aussi féconde puisse-t-elle être en concepts et autres retombées psychologiques"

Vous écrivez :

Certes. Toute entreprise de confirmation ou d'infirmation des thèses de Freud est, de toute façon, vouée à l'échec pour la raison que"l’explication de Freud fait ce que fait l’esthétique : elle met deux facteurs l’un à côté de l’autre [...]. La question "quelle est la nature d'un mot d'esprit ?" est analogue à la question "quelle est la nature d'un poème lyrique ?"(Wittgenstein, Cours de Cambridge 1932-1935). Autrement dit, pour les motifs que vous évoquez et contrairement à ce que Freud a sans doute cru de bonne foi au début de ses recherches, d'une part la psychanalyse freudienne n'a absolument rien d'une technique médicale. Wittgenstein montre qu'en fait, c'est plutôt quelque chose comme une mise en scène théâtrale. C'est même exactement ce qui explique son succès (et aussi, dans un certain nombre de cas, son échec) : "il y a de nombreuses personnes qui, à un moment de leur vie, éprouvent des troubles si sérieux qu’ils peuvent conduire à des idées de suicide, [...] et qui peuvent ressentir un immense soulagement si on est ne mesure de leur montrer que leur vie a l’allure d’une tragédie"(Wittgenstein, Conversation sur Freud). D'autre part, toujours pour les mêmes raisons, son soubassement "méta-psychologique" (ce sont les termes de Freud) n'a rien de scientifique. Wittgenstein l'assimile, ni plus ni moins, à un courant philosophique : "repérer un mécanisme est une façon de trouver la cause, [mais] Freud a trouvé une façon tout à fait nouvelle de rendre compte d’une explication : non pas une explication conforme à l’expérience (cause) mais une explication simplement acceptée (raison). [En effet], certaines explications (par exemple en psychanalyse) ne sont pas conformes à l’expérience mais sont simplement satisfaisantes [dans le sens où] certaines explications exercent, à un moment donné, une attraction irrésistible"(Wittgenstein, Leçons sur l’Esthétique, III). Et, précisément, ce qui fait le succès d'une thèse philosophique dans un contexte socio-historique donné, c'est l'attraction irrésistible qu'elle suscite. Or, les thèses (et non les théories) philosophiques étant des tautologies (cf. Tractatus), autrement dit étant étrangères à la sphère du vrai, on voit mal comment une science pourrait les prendre en défaut.



Ma réponse :

Freud lui-même considérait trois parties dans son œuvre : une pratique médicale codifiée, en l’occurrence psychiatrique, une théorie de la psychologie humaine, de son évolution et de ses pathologies, appelée métapsychologie, et le reste de ses écrits sur les rapports entre la psychanalyse et les sociétés humaines qui ne peut guère être vue autrement que purement philosophique.

Je répondrai donc en resituant vos arguments dans leur registre de référence.

Ma première considération est que pour la partie philosophique, la non-scientificité va de soi.

Quant aux deux autres parties, la pratique psychiatrique spécifique qu’est l’exercice de la psychanalyse et la théorisation qu’en a tiré Freud sous le nom de métapsychologie, leur sort est lié, puisque l’exercice de la psychanalyse est en la matière le seul lieu d’observation du réel susceptible de recenser des faits objectivables, dont l’accumulation et les éventuels faisceaux convergents pourraient fournir les briques de la construction théorique.

En fait je fais cette présentation imagée et simplificatrice pour mieux faire ressortir les difficultés de l’entreprise :

D’abord la médecine en général, même actuellement, n’est pas une science, contrairement à ce que disent ou pensent certains médecins ; c’est un savoir composite, comportant un certain nombre de connaissances scientifiques, ce nombre allant du reste croissant au fil du temps, mais dont de vastes secteurs restent tributaires de savoirs-faire.
Ensuite, les connaissances scientifiques médicales, comme toutes celles portant sur le vivant, s’expriment statistiquement et non pas en valeur absolue comme les sciences dites « de la nature » (physique et chimie).
Enfin, selon les disciplines médicales, la répartition entre connaissances scientifiques et savoirs-faire varie considérablement, et il se trouve qu’encore aujourd’hui, la psychiatrie est l’une des plus mal loties en connaissances scientifiques … sans parler du temps de Freud …

La gageure de Freud de mettre sur pied une psychothérapie scientifique sous forme de psychanalyse était-elle tenable ?

Ma réponse est dans ma citation : en l'absence de tout fait expérimental méthodologiquement valide, vérifiable et reproductible, pas de validité scientifique d’une connaissance .

Pour un « dispositif expérimental » type entretiens médicaux recueillant des données, ces critères signifient a minima : « valide » la non induction de l’expression recueillie, « vérifiable » que l’exhaustivité des données pertinentes soient publiées (anonymisée évidemment), « reproductible » que des résultats analogues soient retrouvés par la répétition de l’expérience par des professionnels de même discipline non liés aux premiers, suivant un dispositif identique accueillant des sujets se présentant dans des conditions de recrutement similaires à ceux objets de l’étude publiée.

Même si toute cette formalisation n’existait pas du temps de Freud, les objections qu’elle recouvre ne manquaient d’être produites, parmi beaucoup d’autres moins à propos il est vrai.
Sur le fond, il semble évident que le processus même de la psychanalyse la rend incompatible avec celui de la validation de sa méthodologie, ne serait-ce que du fait de la durée, de l’échelonnement, du caractère informel et de la complexité formelle des « entretiens ».
Quant au respect des critères formels de cette validation,, sans s’arrêter sur les difficultés de la validité et de la vérifiabilité, il suffit de constater l’impossibilité pratique de la reproductibilité (comment recruter des sujets d’une étude-contrôle dans des conditions similaires aux analysants de la première ?).

La partie exercice de la psychanalyse de l’oeuvre de Freud échappe donc à toute possibilité de dispositif expérimental (plutôt appelés essais cliniques ou essais thérapeutiques en médecine) méthodologiquement conforme, et par conséquent n’a pu de cette façon, la seule envisageable jusqu’à présent dans son cas, faire la preuve de son éventuelle scientificité.

C’est pourquoi je la considère comme une conjecture, tout comme la partie métapsychologie dont j’ai mentionné supra pourquoi et comment son sort statutaire de théorie était lié au sort de la première,

Tout ceci est de nature à circonscrire et réduire l’ampleur de mes désaccords avec votre texte puisque finalement ni vous ni moi n’affirmons la scientificité de l’œuvre de Freud.

Il reste cependant quelques passages qui me font réagir, notamment les citations de Wittgenstein :

Il reproche à Freud de ne pas avoir établi dans son opuscule de référence la nature du mot d’esprit. Mais le propos de Freud dans cet ouvrage était celui du titre : le mot d’esprit et ses rapports avec l’Inconscient.

Vous dites que la psychanalyse n’a rien d’une technique médicale, vous appuyant sur un court extrait de Wittgenstein décrivant la psychanalyse comme une sorte de mise en scène théâtrale :
"il y a de nombreuses personnes qui, à un moment de leur vie, éprouvent des troubles si sérieux qu’ils peuvent conduire à des idées de suicide, [...] et qui peuvent ressentir un immense soulagement si on est ne mesure de leur montrer que leur vie a l’allure d’une tragédie"(Wittgenstein, Conversation sur Freud).»
Personnellement je suis surpris de trouver chez Wittgenstein des considérations quelque peu affligeantes de simplicité sur la psychopathologie comme fondement de son jugement.
Que diriez-vous si quelqu’un avançait sur une approche aussi réductrice que les conférences de Wittgenstein n’avaient rien dé pédagogique et étaient une sorte de mise en scène théâtrale. ?
Plus loin encore, certaines thèses « ont du succès » parce que « elles exercent une attraction irrésistible ». Autrement dit, elles ont du succès parce qu’elles ont du succès, belle tautologie en effet, donc « étrangère à la sphère du vrai », et par conséquent inapte à démontrer la thèse de Wittgenstein.


5ème point de désaccord :

Sur ma citation

"Je pense tout à fait injuste votre affirmation comme quoi les neurosciences singent "les sciences expérimentales en prétendant objectiver quelque chose comme l'esprit", ne serait-ce que parce qu'elles ne cherchent pas à objectiver "l'esprit", mais le fonctionnement de l'esprit, tout comme la maîtrise du feu n'a pas été l'objectivation du feu en soi mais celle de son usage".

Vous écrivez :

Toujours la même confusion entre science et technique, entre théorie et pratique. Cela dit, la différence entre les "neuro-sciences" (pour ne rien dire des "sciences" économiques, politiques ou encore - c'est très tendance - de l'éducation !) et, mettons, les sciences biologiques ("sciences de la vie"), c'est que celles-là, contrairement à celles-ci, n'ont pas d'objet. Vous le dites vous-mêmes : "elles ne cherchent pas à objectiver "l'esprit"". Ce qui est quand même très gênant pour des "sciences" au sens moderne du terme. Car alors, sur quoi vont bien pouvoir porter leurs expérimentations ? On imagine mal un corpus théorique décrivant le fonctionnement d'un tissu cellulaire sans possibilité d'objectiver au moyen d'une définition (peu importe que celle-ci soit intensionnelle, extensionnelle ou ostensive) ledit tissu cellulaire. D'où la pertinence du rapprochement que Wittgenstein opère entre les neuro-sciences et la méta-psychologie freudienne incapable, elle aussi, d'objectiver l'inconscient.

Ma réponse :

D’abord d’accord avec vous pour dire que les prétendues sciences économiques, politiques, historiques, etc … ne sont pas des sciences, pour moi pour la même raison que la psychanalyse, à savoir qu’en effet elles ne disposent pas jusqu’à présent des moyens techniques susceptibles d‘objectiver selon une méthodologie valide propre à leur objet les faits qu’elles avancent comme description du réel.
D’accord aussi pour pointer l’importante différence entre sciences biologiques et sciences « de la nature » (physique et chimie), à savoir que les données des premières s’expriment en valeurs statistiques et celles des secondes en valeur absolue (cft. supra).

Finalement le fond de notre désaccord sur les neurosciences tourne autour de votre question :
« Vous le dites vous-mêmes : "elles ne cherchent pas à objectiver "l'esprit"". Ce qui est quand même très gênant pour des "sciences" au sens moderne du terme. Car alors, sur quoi vont bien pouvoir porter leurs expérimentations ? »

Je l’ai déjà dit : elles cherchent à objectiver le fonctionnement de l'esprit, c’est à dire à objectiver des faits observables dont l’accumulation et le recoupement permet de déduire des causes à l’enchaînement des faits observés, déductions des causes qui sont des connaissances scientifiques.

Et justement, le fait nouveau, c’est que depuis quelques décennies les neuroscientifiques en ont les moyens techniques, principalement comme je l’ai déjà dit scanners à positons, IRM fonctionnelles et stimulateurs magnétiques transcrâniens, et bien sûr informatique.

Autrement dit, les neurosciences en sont au stade de ce que j’ai appelé dans mes messages précédents des acquisitions scientifiques, des faits particuliers objectivés, et pour un certain nombre d’entre eux par recoupement des données de la déduction des causes de leur enchaînement, ce qui en fait des connaissances scientifiques au sens plein du terme (élucidation de la causalité).

C’est semble-t-il un passage obligé pour toutes les sciences qui se sont constituées, l’apparition d’une science en tant que telle étant conditionné par une accumulation de ces connaissances scientifiques.

Depuis l’époque moderne le statut des acquisitions scientifiques s’est progressivement aiguisé : l’objectivation des faits concrets avancés (donc la possibilité de vérification par reproduction) a d’abord été requise ; plus tard l’exhaustivité des méthodologies employées pour cette objectivation devint une règle implicite ou explicite, dans le même but.

Sous ces conditions historiquement circonstanciées, la déduction des causes d’un nombre significatif des enchaînements de faits objectivés de même nature, déductions constitutives de connaissances scientifiques, peuvent conduire à ce que celles-ci soient regroupées en une science :
Archimède, Galilée, Toricelli, Pascal, Newton, Ampère, Volta, Carnot et bien d’autres avaient accumulé suffisamment de ces connaissances scientifiques toutes convergentes pour qu’elles fussent rassemblées, à tout le moins dès les premières décennies du XIXème siècle, sous l’enseigne de la physique classique (dans le sens qu’avait le mot avant de la différencier de la physique quantique).
Quelle que soit la date qu’on veut retenir pour cet avènement (les avis divergent, certains remontent à Galilée), on était passé des acquisitions scientifiques, objectivations de faits concrets, à une science dont l’objet, la physique, est abstrait.

Les neurosciences, quant à elles, n’en sont pas en effet à déboucher sur une science de l’esprit, et peut-être n’y parviendront-elles jamais, ou devront-elles se rabattre sur des sous-domaines du mental humain pris dans son ensemble.
Mais les connaissances scientifiques s’accumulent et se diversifient très vite au point que des neuroscientifiques élaborent maintenant des théories largement synthétiques des acquis et visant à fédérer les recherches à venir.
Gérald Edelman et Antonio Damasio qui développent des théories très proches, sont sans doute parmi les plus connus..

Au-delà de ces illustrations de mes propos, il reste bien évident que la divergence de fond que nous avons porte sur la construction des sciences.
Pour moi elle se fait dans une relation dialectique entre la technique et la théorie, relation médiée par la transition du fait concret à la causalité de l’enchaînement de faits concrets, et de celle-ci à la théorie.





descriptionStephen Hawking et la philosophie - Page 7 EmptyRe: Stephen Hawking et la philosophie

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Auparavant les techniques apparaissaient, se maintenaient et éventuellement se perfectionnaient à partir d’une succession d’observations fortuites au départ mais conservées et transmises à la condition toutefois de garder une efficience significative relativement à des pratiques concurrentes comme des rites chamaniques ou autres. partir de ces observations précaires, les acquisitions scientifiques ne pouvaient être que passablement aléatoires (nécessité de l’intervention d’un sujet capable d’y rechercher une causalité) et par conséquent excessivement dispersées dans l’espace et étalées dans le temps.
L’énorme apport de la révolution expérimentale a été qu’elle a renversé le rapport du fait de la domestication des techniques aux fins de recherche de causalités par de petits groupe de scientifiques compétents, dont le ratio acquisitions scientifiques sur observations pratiquées était sans commune mesure avec les pratiques aléatoires et non systématiques antérieures, ce qui déboucha rapidement sur l’invention de nombreuses nouvelles techniques plus performantes, l’amélioration d’anciennes et à la disparition ou au recul de certaines pratiques inadéquates


"Auparavant ... " (suivi de l'imparfait de l'indicatif) : donc vous admettez que la technique ayant précédé l'avènement de la science, c'est bien elle qui a "dot[é] homo sapiens de la capacité de modifier, au-delà de ses moyens naturels pour ce faire, la réalité physique". Dont acte. Cela dit, votre épistémologie est assez naïve. Cela n'a jamais été "à partir d’une succession d’observations fortuites au départ" que les techniques se sont constituées et, a fortiori, perfectionnées. Comme le dit Aristote, "la technique est une disposition productive accompagnée de raisonnement [tekhnè hexis poiètikè meta logou esti]"(Éthique à Nicomaque, VI, 1140a) et Kant : "la raison ne voit que ce qu’elle produit d’elle-même d’après ses propres plans et qu’elle doit prendre les devants avec les principes qui déterminent ses jugements, suivant des lois immuables, qu’elle doit obliger la nature à répondre à ses questions et ne pas se laisser pour ainsi dire conduire en laisse par elle ; car, autrement, faites au hasard et sans aucun plan tracé d’avance, nos observations ne se rattacheraient point à une loi nécessaire, chose que la raison demande et dont elle a besoin"(Critique de la Raison Pure, III, 10). Comme le souligne Wittgenstein, le "primitif", le "sauvage" (c'est-à-dire le pauvre bougre qui ne roule pas en bagnole et ne communique pas par i-Phone) est beaucoup plus rationnel que l'arrogance méprisante de l'occidental dominateur et sûr de lui a tendance à le faire accroire.

Par ailleurs, le propre de la rationalité expérimentale spécifiquement occidentale ne réside pas dans l'opération du Saint Esprit ("de petits groupes de scientifiques compétents"). Ce que vous appelez "l’énorme apport de la révolution expérimentale a été qu’elle a renversé le rapport du fait de la domestication des techniques aux fins de recherche de causalités" repose sur la mathématisation a priori du processus expérimental, en d'autres termes sur le parti pris épistémologique que, comme le dit Galilée, la nature peut s'écrire en langage mathématique. Au sens actuel de ce terme, "une science proprement dite [...] exige une partie pure sur laquelle se fonde la partie empirique et qui repose sur la connaissance a priori des choses de la nature. Or, connaître une chose a priori signifie la connaître d’après sa simple possibilité. [...] Ainsi, connaître la possibilité de choses naturelles déterminées [...] a priori, exige que l’intuition sensible correspondant au concept soit donnée a priori, c’est-à-dire que leur concept soit construit. Or la connaissance rationnelle par la construction des concepts, c’est la mathématique. En conséquence [...] une pure théorie de la nature concernant des choses déterminées de la nature n’est possible qu’au moyen de la mathématique"(Kant, Premiers Principes Métaphysiques de la Science de la Nature, IV, 470). Cf., sur ce point, mon cours intitulé qu'apportent les Mathématiques aux Sciences ?. C'est quand même paradoxal : dans le même temps que vous déniez le primat de la technique sur la science, vous éludez ce qui explique, précisément, la rationalité spécifique de la science par rapport à la technique.

A mon grand regret, la faiblesse de mes connaissances mathématiques ne me permet pas de me placer ici sur le fond de l’argumentation. Cependant, l’ « etc … » joint à la mention des théorèmes d’incomplétude faisait référence à leur corrélation avec principalement le théorème de complétude du même Gödel et celui d’indéfinissabilité (de la vérité) de Tarski qui étendent la démonstration mathématique et logique pure à la rationalité même puisque impliquant le principe de non-contradiction en procédant notamment par une preuve par l’absurde qui est ni plus ni moins que la formalisation du célèbre paradoxe du menteur (j’ai relu mes sources, et j’espère bien retranscrire).
Or la rationalité est nécessairement au cœur du fait expérimental reposant sur l’observation et fondé sur la logique dite classique dont le principe de non-contradiction est un des piliers ; à mon avis les sciences expérimentales n’échappent donc pas à l’impossibilité Gödelo-Tarskienne de résoudre « toutes les questions théoriques possibles » qui les concernent. Les contradictions pour le moment insurmontées entre la physique classique et la physique nucléaire en sont sans doute la meilleure illustration.


Désolé d'insister lourdement. Mais l'incomplétude (au sens gödélien : à savoir qu'il y a du vrai non déductible des axiomes d'une théorie déterminée, ou, si l'on préfère, non démontrable dans cette théorie) d'une théorie scientifique n'a absolument et définitivement rien à voir avec les théorèmes de Gödel (sinon par vague synonymie : voir, à titre d'exemple, dans Bouveresse, Prodiges et Vertiges de l'Analogie, l'usage douteux que fait Régis Debray de cette synonymie lorsqu'il l'applique aux sciences sociales). Encore une fois, l'incomplétude dont Gödel fait état dans ses fameux théorèmes concerne uniquement des système entièrement formalisés (d'ailleurs, son mémoire de 1931 s'intitule justement über  formal unentscheidbare Sätze, c'est-à-dire "sur les propositions formellement indécidables"). Or un système formel, c'est un corpus théorique dont les termes sont dépourvus de toute signification (raison pour laquelle on n'y emploie que des symboles arbitraires) pourvu d'une axiomatique supposée parfaitement consistante (on ne peut pas y démontrer à la fois p et non-p). En ce sens, un corpus scientifique, au sens moderne et actuel de ce terme que Kant a établi, n'est pas un système entièrement formel : en gardant le vocabulaire de Kant, la partie formelle est l'autre nom de la partie "pure", celle qui permet, a priori et à l'aide de l'outil mathématique, de construire des hypothèses (à supposer, encore, que tout l'appareil conceptuel soit présenté sous forme d'équations sans avoir recours à aucun terme emprunté au langage vernaculaire). Mais il est évident que ce Kant appelle "la partie empirique", autrement dit le processus expérimental proprement dit, n'a rien de formel puisqu'il n'y est nullement exclu (autrement, pourquoi procéderait-on à une vérification expérimentale ?) que l'expérimentation contredise l'hypothèse. Et pas seulement au cours de la phase protocolaire d'expérimentation, mais, bien entendu, dans un futur indéterminé.

Car c'est bien là le critère essentiel de démarcation entre un système qui est entièrement formel  (formalisé) et un autre qui ne l'est pas : dans un cas, toute vérité est déduite des axiomes et d'eux seuls, dans l'autre, il existe des vérités hypothétiques qui ne peuvent qu'être induites faute de mieux. Comme l'a souligné Popper, rigoureusement parlant, une hypothèse scientifique ne peut pas être vérifiée mais seulement réfutée. Ce qui s'explique facilement par le caractère néanmoins universel des assertions scientifiques qui sont toutes de la forme, "pour tout x, f(x)" (ex. : tout corps est soumis à l'accélération gravitationnelle, les propriétés chimiques de tout atome sont dues à la valence de sa dernière couche d'électrons, etc.), sauf que cette universalité est inductive, résultat d'une généralisation empirique, donc invérifiable (que signifierait "vérifier tous les cas" ?) tout en restant, évidemment, réfutable (un cas défavorable suffit). Dès lors, l'incomplétude scientifique est triviale et n'a pas à être démontrée par un théorème. L'enjeu du travail de Gödel est de déconstruire la certitude hilbertienne de formalisation intégrale des seules mathématiques (un peu à la manière dont Pascal déconstruit la certitude cartésienne de la rationalité intégrale des mathématiques).Contrairement, donc, aux systèmes formels et à ce que vous affirmez, un corpus scientifique ne craint pas la contradiction et, de ce fait, ne peut être, a priori, réputé consistant. Il n'y a là nul paradoxe (rapport avec le paradoxe du menteur ??) : c'est évidemment ce caractère "ouvert" (pour employer les termes de Popper) qui donne à la science sa puissance et sa créativité. 

Je parlais de la ligne de partage des eaux entre rationalité et valeurs pour la détermination des comportements humains.

Vous me répondez à propos de la frontière entre valeur de vérité et autres valeurs,

Je ne sais si c’est ce glissement sémantique qui vous fait séparer les mathématiques et la technique du « vrai scientifique » (quel est-il ?) et conclure au rétrécissement historique du domaine de celui-ci.
En tout état de cause, à ce stade, je ne vois la pertinence ni de la formulation ni de l’argumentaire ; peut-être voudrez-vous bien m’éclairer ?


Ce passage est particulièrement obscur et confus. Le problème (ou l'un des problèmes) est qu'à aucun moment vous ne donnez la moindre ébauche de définition de ce que vous entendez par "rationalité" (non plus, d'ailleurs que par "science" ou par "acquisition scientifique" qui, dites-vous, ne sont pas synonymes !). Du coup, ne voyant pas pourquoi la classe des énoncés rationnels devrait être disjointe de la classe des énoncés auxquels on attribue une valeur (la rationalité n'est pas une valeur ? dire de quelqu'un qu'il ou elle est rationnel.le n'est pas un jugement de valeur ?), ne fût-ce que parce que, dans le premier cas, on adopte un point de vue syntaxique et, dans le second, sémantique, j'interprète et conjecture par charité (au sens de Grice, c'est-à-dire en maximisant, malgré tout, la rationalité de l'information que vous me communiquez) que vous voulez parler d'une dichotomie entre, d'une part la rationalité typiquement scientifique d'un corpus qui doit se conclure par la valeur "vrai" ou bien "faux" (ou "indéterminé", le tout éventuellement assorti d'une probabilité), d'autre part la rationalité d'activité n'ayant aucune prétention scientifique (l'art, la religion, le droit, la technique, la politique, etc.) et auxquelles on a accoutumé d'attribuer d'autres valeurs que la valeur de vérité (c'est sans doute ce à quoi vous pensez lorsque vous parlez de "rétrécissement historique du domaine de celle-ci" encore que j'aie beaucoup de mal à accorder une signification quelconque à cette dernière expression). Bref, je me suis inspiré (vous l'aurez compris), dans cette esquisse d'interprétation, de la dichotomie wittgensteinienne.


Vous dites que la psychanalyse n’a rien d’une technique médicale, vous appuyant sur un court extrait de Wittgenstein décrivant la psychanalyse comme une sorte de mise en scène théâtrale :
"il y a de nombreuses personnes qui, à un moment de leur vie, éprouvent des troubles si sérieux qu’ils peuvent conduire à des idées de suicide, [...] et qui peuvent ressentir un immense soulagement si on est ne mesure de leur montrer que leur vie a l’allure d’une tragédie"(Wittgenstein, Conversation sur Freud).»
Personnellement je suis surpris de trouver chez Wittgenstein des considérations quelque peu affligeantes de simplicité sur la psychopathologie comme fondement de son jugement.
Que diriez-vous si quelqu’un avançait sur une approche aussi réductrice que les conférences de Wittgenstein n’avaient rien dé pédagogique et étaient une sorte de mise en scène théâtrale. ?
Plus loin encore, certaines thèses « ont du succès » parce que « elles exercent une attraction irrésistible ». Autrement dit, elles ont du succès parce qu’elles ont du succès, belle tautologie en effet, donc « étrangère à la sphère du vrai », et par conséquent inapte à démontrer la thèse de Wittgenstein.


D'abord je ne m'"appuie" pas sur "un court extrait" de Wittgenstein (ça, c'est vous qui le faites). Je m'appuie, pour ce qui me concerne, sur l'oeuvre de Wittgenstein et d'un certain nombre de ses commentateurs. En revanche je cite un court extrait que je juge pertinent et suffisant pour illustrer notre propos. Mais je me tiens à votre disposition pour vous fournir, éventuellement, une bibliographie détaillée sur les rapports entre Wittgenstein et la psychanalyse. Ensuite les considérations de Wittgenstein, en tout cas celle qui fait l'objet de la citation sus-référencée, concernent la psychothérapie et non pas la psychopathologie. J'espère que vous comprenez la distinction entre les deux concepts. Si vous aviez travaillé avec des psychothérapeutes et des psychanalystes (ce que j'ai eu, personnellement, la chance de faire) vous comprendriez en quoi l'approche wittgensteinienne de la psychanalyse comme thérapie, sans être, bien entendu la meilleure, encore moins la seule possible, est néanmoins pertinente. De plus, je vous suggère de (re-)lire la Poétique d'Aristote ou la Naissance de la Tragédie de Nietzsche et vous verrez que la conception psychiquement cathartique d'une mise en scène tragique n'a rien vraiment d'exotique.

Ensuite vous semblez considérez "tautologique" comme péjoratif. Sachez que pour Wittgenstein, il n'en est rien. Cet adjectif qualifie, en effet, tout énoncé nécessairement vrai. C'est, pour Wittgenstein, typiquement le cas pour les "vérités" logiques, mathématiques, philosophiques, artistiques, etc., c'est-à-dire (raison pour laquelle je mets des guillemets à "vérité") pour des énoncés qui ont l'air de dire quelque chose, autrement dit, de décrire une réalité, mais qui, faute de ménager une confrontation possible avec une réalité extérieure à eux-mêmes ou à leurs présupposés (fussent-ils axiomatisés) ne peuvent que montrer quelque chose, en l'occurrence qu'ils ne sont pas réfutables autrement que par un changement de paradigme et, du coup, sont porteurs de valeurs autres que la valeur de vérité. Ex : la "vérité" du principe logique du tiers exclu n'est réfutable que dans une logique intuitionniste, la "vérité" de l'impossibilité d'extraire la racine carrée de moins un n'est réfutable que dans le corps des complexes, et ... la "vérité" des affirmations de Wittgenstein n'est réfutable qu'en allant voir un autre philosophe. Donc, oui, effectivement, les affirmations de Wittgenstein sont bien des tautologies, ce dont il est le premier à convenir dans les deux dernières propositions de son Tractatus (cf. à ce sujet, mon article dire et montrer : le "Mysticisme" de Wittgenstein). De même, s'agissant de votre insinuation sur le caractère possiblement théâtral des conceptions wittgensteiniennes : si vous lisiez des auteurs comme Platon, Hegel, Nietzsche, Freud et, bien entendu, Wittgenstein lui-même, vous verriez qu'une oeuvre philosophique a plus de points communs avec une pièce de théâtre qu'avec un traité scientifique, ce dont ces auteurs, encore une fois, sont pleinement et sereinement conscients.
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