Euterpe a écrit:
Kant veut sauver la philosophie (quant à savoir s'il y parvient ou pas, c'est un autre débat), avec la raison pure pratique


Bonjour,

Quel a été le constat de Kant, auquel fait suite l'élaboration de sa morale ; et de quoi la philosophie devait-elle être sauvée selon lui ?

Voici mon questionnement : la philosophie semble s'être passée de l'écriture pour se développer. On peut donc en faire remonter l'apparition à une période préhistorique. On ne peut que supposer ce qui a pu la faire naître et l'on aurait bien de la peine à deviner quelle incommodité intellectuelle a trouvé son apaisement dans la pratique philosophique.

Kant propose à l'individu de s'émanciper en "osant penser par soi-même" (cf. Qu'est-ce que les lumières ?), ce qui est une invitation à philosopher. Cela signifie, de mon point de vue, d'abord que la société est à remettre en question en ce qu'elle produit inévitablement de l'asservissement, de la soumission, etc., et qu'il faut se libérer de toutes les entraves que toute société produit de fait. Ici la philosophie s'emploie à répondre aux incommodités que génère la société, elle a un côté pratique indéniable. On peut constater, en particulier chez les présocratiques, une pratique de la philosophie qui répondait à des considérations plus subtiles, voire plus élevées. Le constat que je fais très subjectivement est que les incommodités intellectuelles et matérielles que rencontrent nos contemporains ne présagent en rien que la philosophie puisse les apaiser en quoi que ce soit...

Sommes-nous devenus trop superficiels pour que la philosophie demeure opérante ? Autrement dit une philosophie "utilitariste" est-elle encore philosophie si elle opère cette forme de réductionnisme qui ne voudrait considérer que la dimension utilitariste de l'existence ? N'était-ce pas déjà le constat de Kant qui proposait une philosophie en quelque sorte réparatrice, voire une philosophie qui répondait à une urgence "catastrophiste" ? S'il y avait lieu de sauver la philosophie, n'est-ce pas parce que la société de son temps annonçait déjà la démence du capitalisme actuel ?

Dans l'antiquité, la philosophie pouvait espérer corriger le sens commun en opérant quelques réformes intellectuelles sachant qu'elle ne recevait pas systématiquement une opposition structurée. Or depuis l'industrialisation capitaliste, la philosophie, pour réformer quoi que ce soit, doit d'abord se confronter à une forme de totalitarisme marchand qui lui oppose sa propre "philosophie" et en cela, la philosophie rencontre un adversaire de poids qui semble s'être emparé de la doxa.