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Les animaux pensent-ils ?

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Silentio
Zingaro
BOUDOU
7 participants

descriptionLes animaux pensent-ils ? - Page 4 EmptyRe: Les animaux pensent-ils ?

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Silentio a écrit:
La différence entre l'homme et l'animal, c'est que le premier est un être inadapté à son environnement.

On peut y voir un paradoxe, en ce que chez l'homme, tout progrès dans un domaine a pour conséquence seconde, une régression dans un autre. La réussite remarquable de l’espèce humaine se traduit par le contre-coup d'une altération chez l'individu. Ainsi, la réussite d'une société par la taille de sa population a pour corollaire le mal être de l'individu (notamment tous les troubles liés à l'identité).

Quelles pourraient-être les limites, la gestion, de l'imagination (que Malebranche qualifiait de "folle du logis") ?

descriptionLes animaux pensent-ils ? - Page 4 EmptyRe: Les animaux pensent-ils ?

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Silentio a écrit:
Je ne comprends pas ce que peut être la pensée sans le langage. Il y aurait une forme de pensée silencieuse ? Je crois, en fait, que vous confondez la pensée et la sentience.


Pourriez-vous imaginer des associations logiques constituées principalement d'émotions, de liaisons a priori allant tellement de soi qu'elles ne doivent pas être formulées pour être intégrées, usitées ? Nos propres pensées ne sont-elles pas la couche verbale d'un ensemble bien plus vaste, que l'on pourrait dire constitutif ? Lorsque je formule verbalement une pensée, n'est-elle pas constituée par une quantité astronomique de pensées sourdes, pensées qui sont là, mais en quelque sorte occultées ? La plupart de nos connaissances ne sont pas verbalisées, ni peut-être même verbalisables, elles sont simplement là, elles sont constitutives de notre rapport au monde.

Je vous propose ce lien très intéressant, qui, s'il ne tranche pas la question, montre bien à quel point il faut se garder d'affirmer trop rapidement des choses "qui vont de soi". Particulièrement lorsqu'il s'agit de déterminer si, oui ou non, "autrui" (quel qu'il soit) dispose d'une expérience consciente peu ou prou similaire à celle que j'expérimente en propre. "La pensée sans langage". En voici un extrait :
Dominique Laplane a écrit:
Pour les neurologues, l’existence d’une pensée sans langage apparaît de jour en jour plus évidente et déterminante dans la vie mentale. Certains envisagent même une totale indépendance de cette pensée par rapport au langage. A l’opposé, le courant très antique et actuellement majoritaire, de nature essentiellement philosophique, tient qu’il n’y a pas de pensée sans langage. La thèse ici défendue est qu’une pensée ne peut être complète sans l’intervention du langage, mais qu’elle existe largement préformée sur un mode non verbal et que le langage participe, de ce fait, à son parachèvement.

descriptionLes animaux pensent-ils ? - Page 4 EmptyRe: Les animaux pensent-ils ?

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Pour le dire autrement : quand nous cherchons à savoir s'il y a de la pensée ailleurs que chez l'être humain, nous cherchons nécessairement ce qui ressemble à ce qui chez lui s'appelle penser. Sinon, il faut utiliser un autre nom, car l'on cherche alors autre chose. Vous, par exemple, vous parlez de processus neuronaux, d'une activité cérébrale, bref de ce qui par analogie aurait plus à voir avec un inconscient qu'avec les différents types de raisonnements d'un moi conscient. Si vous voulez, je pense que les animaux ont une "vie mentale", mais pas de pensée : cela ne suffit pas à parler d'une pensée. Ils ont peut-être tout ce qu'il faut, mais il manque le langage verbal. Dans le cas d'un être humain, d'ailleurs, il peut y avoir un certain nombre de ce que vous appelez des "pensées sourdes" (mais je n'appellerais justement pas cela des pensées) sans que l'on parle de pensée, tant qu'elles ne sont pas exprimées. Pour reprendre l'analogie avec la psychanalyse, il faut qu'une pointe de l'iceberg émerge hors de l'eau.

descriptionLes animaux pensent-ils ? - Page 4 EmptyRe: Les animaux pensent-ils ?

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Il y a donc ici 4 points de vue :

  • Est-il envisageable de considérer la pensée comme exclusivement verbale ? Vous semblez adopter ce point de vue, mais j'apprécierais vous voir développer. Après tout, ne sommes-nous donc pas capables d'associer logiquement des formes, figures et autres émotions sans passer par leurs doubles représentatifs que sont les mots ? La conjonction, par exemple, est un concept qui se vit avant toute chose, sa transcription en un phénomène reproductible, c.-à-d. par le son ou l'écrit "et", est facultative et ne devient nécessaire que si l'on souhaite partager le concept. Ne peut-on d'ailleurs souvent pas se comprendre sans prononcer un mot ? Les grandes idées ne sont-elles pas souvent intuitives ? Lorsque je résous un Rubiks-cube, ne suis-je pas occupé à vivre le mouvement plutôt qu'à formuler le mouvement ? Lorsque je réponds à ma femme que la vaisselle se cassera si elle tombe, la logique ne précède-t-elle pas le langage ? N'ai-je pas pensé avant même de parler ? Un bébé n'est-il pas capable de raisonnement logique avant même avoir formulé son premier mot ?  Lorsque je joue aux échecs, les trajectoires et combinaisons sont non-verbales, les logiques résolument tues de toute forme de grammaire, et ce n'est qu'à l'annonce de mon coup que la parole survient. Lorsque je résous un problème mathématique sur papier je ne parle pas, je vois le problème. Non, décidément, assimiler la pensée au verbe me semble osé. Doit-on nécessairement se parler pour élaborer une pensée ? 


  • Dans quelle mesure une pensée verbale se distinguerait-elle d'une pensée non-verbale ? A ce titre je répondrais qu'une pensée verbale est destinée avant toute chose à communiquer une forme logique expérimentée en première personne, forme logique non-verbale et/ou verbale, à une tierce entité dont on a toutes les raisons de supposer qu'elle peut expérimenter un monde commun, mais que ces deux formes de la pensée ne sont essentiellement pas différentes sur le fond, seule la visée en troisième personne les différenciant sur la forme.


  • Peut-on conclure à l'inexistence d'une pensée verbale auprès d'un organisme dit vivant au prétexte que (1) les phénomènes observés ne concordent pas à ce que nous expérimentons entre nous et (2) nous ne parvenons pas à communiquer avec l'espèce en question ? Je réponds résolument par la négative, même si je n'ignore pas que cette position est attaquable puisque accusée d'obscurcir le débat ; en effet, pouvons-nous faire autrement que considérer notre langage comme référence, au risque de paralyser notre avance dans notre analyse du monde ? Nous universalisons le langage en nous fondant sur notre propre système de communication, tout en balayant d'un revers de la main la possibilité d'existence de systèmes si différents qu'ils nous seraient inaccessibles. Si une suite de sons, de marques et de gestes n'est pas traduisible, c'est qu'elle ne constitue pas un langage. Cette façon d'agir, éminemment solipsiste, a l'avantage de clarifier le débat scientifique, mais ne devrait pas s'inviter dans la sphère de la philosophie, car trop restrictive. 


  • Peut-on conclure à l'inexistence d'une pensée non-verbale auprès des mêmes organismes ? Au regard des développements précédents, il s'avère délicat, si pas impossible, d'y répondre. Comment diable s'assurer de l'existence d'une logique complexe, non-verbale, dans le chef d'un organisme ? Comment différencier le comportement d'un automate de celui d'une chose raisonnante non-verbalement si nous n'avons pas accès à son monde ?


Et cette dernière phrase introduit ma conclusion : assimiler la pensée à la pensée verbale permet de simplifier le débat en ouvrant une voie d'accès rapide au monde animal. Si la pensée ne peut être autre que verbale, alors il doit être possible de traduire un quelconque langage animal, ou d'en déceler un sous la supposition anthropocentriste que notre appréhension théorique du langage est universalisable. Et si nous ne comprenons ou n'identifions rien de tout cela, alors il devient légitime d'en déduire que l'animal ne pense pas. Mais je trouve le prix à payer fort lourd au regard des prétentions affirmées. 

Je me permets d'ailleurs un apparté que je trouve assez amusant. Les sciences, le sens commun, ne se privent pas d'admettre l'existence d'un "horizon de visée" à la connaissance. A terme, il est possible d'unifier les sciences, il sera un jour possible de décrire le monde tel qu'il est, d'énoncer des Lois unificatrices valables dans tous les domaines, à toutes échelles, de tous temps. Cet horizon est clairement admis. Il est possible. Mais dans le cas des animaux, ou du langage, cet horizon n'existe pas. Si maintenant je n'ai pas accès à un langage, ou si ce que l'on peut prendre pour langage ne rencontre pas les canons du genre, alors maintenant j'affirme qu'aucun nouvel horizon n'est à attendre et que ma conclusion s'impose comme telle : il n'y a pas de langage. D'un côté, une connaissance toujours en mouvement, apte à se retourner sur elle-même et persuadée que ses ombres obscures ne sont que le reflet d'un atteignable à terme, de l'autre une connaissance rigide semble-t-il incapable d'envisager une seule seconde ses propres limitations.

Et quand bien même l'on se résoudrait, pour des raisons pratiques, à ne considérer une série de signes comme langage qu'à la condition qu'ils soient traduisibles, il reste que :

La recherche, l'actualité des sciences, article écrit par Joëlle Proust dans le dossier du numéro 412 a écrit:
Contrairement à ce que croyait Descartes, le langage n'est pas non plus la clé du raisonnement. Les animaux non-langagiers traitent eux-aussi l'information perceptive, ils la mémorisent, la recombinent pour s'adapter à des situations nouvelles et font des inférences. Chaque espèce a sa propre manière d'extraire de l'information et de l'exploiter selon ses propres besoins.

Extrait de http://www.larecherche.fr/savoirs/dossier/animaux-ne-pensent-pas-01-10-2007-83533




Dernière édition par Crosswind le Mer 9 Mar 2016 - 18:27, édité 3 fois

descriptionLes animaux pensent-ils ? - Page 4 EmptyRe: Les animaux pensent-ils ?

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Que les animaux pensent est un fait observé depuis fort longtemps, comme le souligne de façon érudite Zingaro (Lun 7 Mar 2016 - 23:20) :
Dans "Raison humaine et intelligence animale dans la philosophie Grecque" de Jean-Louis Labarrière, celui-ci s'étonne de ce qu'Aristote, tout en faisant de l'âme pensante le propre de l'homme, n’hésite pourtant pas à "attribuer la phronêsis, l’intelligence pratique, à nombre de ceux que nous appelons les animaux par opposition aux humains.

La question est plutôt d'admettre que ce n'est pas parce que l'homme est (très) différent (les animaux à l'évidence ne pensent pas comme l'homme et n'ont pas le même langage), qu'il peut s'arroger le droit, non seulement de ne rien comprendre à la nature, mais de lui manquer de respect et de l'utiliser avec un cœur froid. Ce qu'inaugurent des gens comme Plutarque, et davantage Montaigne, et que l'ont peut illustrer par une citation d'Émile Zola (Le docteur Pascal), c'est la bienveillance :
"Et l’animalité, la bête qui souffre et qui aime, qui est comme l’ébauche de l’homme, toute cette animalité fraternelle qui vit de notre vie !... Oui, j’aurais voulu la mettre dans l’arche, lui faire sa place parmi notre famille, la montrer sans cesse confondue avec nous, complétant notre existence. J’ai connu des chats dont la présence était le charme mystérieux de la maison, des chiens qu’on adorait, dont la mort était pleurée et qui laissait au cœur un deuil inconsolable. J’ai connu des chèvres, des vaches, des ânes, d’une importance extrême, dont la personnalité a joué un rôle tel, qu’on en devrait écrire l’histoire..."

A un moment où nous sommes sur le point de découvrir d'autres mondes extraterrestres, il serait urgent que nous sachions comprendre le nôtre, qu'il ne soit pas appréhendé comme une "boîte noire". C'est pourquoi ces modèles physiques et logiques issus des recherche abondantes et très récentes en matière de neurobiologie devraient nous permettre de savoir pourquoi les êtres vivants sont non seulement capables de cognition et de métacognition mais aussi de philosophie, et de comprendre en quoi l'étonnement peut être non seulement initiateur mais aussi consubstantiel à la pensée (Merlau Ponty).

Dernière édition par Euterpe le Jeu 28 Juil 2016 - 11:51, édité 2 fois (Raison : Mise en forme)
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