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Volonté de puissance ou volonté de pouvoir ?

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descriptionVolonté de puissance ou volonté de pouvoir ? - Page 3 EmptyRe: Volonté de puissance ou volonté de pouvoir ?

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aristippe de cyrène a écrit:
Intéressant... Vous pensez donc que le titre "volonté de puissance" doit être lu au sens littéral ?

Bien entendu ! En France, il y a une vision de Nietzsche dite "de gauche". On a fait un Nietzsche féministe, alors qu'il était violemment misogyne, communiste, alors qu'il défend la hiérarchie entre les hommes, non pas seulement regroupés en classes sociales, mais d'individu à individu, anarchiste alors qu'il aime l'ordre, la rigueur, la discipline militaire, pacifiste, alors qu'il ne cesse d'appeler à la guerre. Voyez un Onfray qui se réclame de Nietzsche alors qu'aucune de ses idées ne correspond à celles du philosophe allemand. Pas étonnant qu'une formule aussi radicale, aussi effrayante (et Nietzsche adorait l'effroi qu'elle pouvait susciter), n'ait été détournée de son sens.
Pourtant, il n'était pas nécessaire de se livrer à toutes ces contorsions. Car si d'un côté la vie comme volonté de puissance fait peur, de l'autre, la vision de l'homme dionysiaque, qui a surmonté le pessimisme de la souffrance, est réjouissante. Sauf qu'il s'agit d'une joie sauvage, le cri de l'aigle dans les hauteurs. Certainement pas une joie d'artiste délicat qui se pâme en écoutant du Mozart ! :lol:

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On a fait un Nietzsche féministe, alors qu'il était violemment misogyne, communiste, alors qu'il défend la hiérarchie entre les hommes, non pas seulement regroupés en classes sociales, mais d'individu à individu, anarchiste alors qu'il aime l'ordre, la rigueur, la discipline militaire, pacifiste, alors qu'il ne cesse d'appeler à la guerre.

Ce n'est certainement pas pour rien que Ainsi parlait Zarathoustra s'est retrouvé dans les poches de chaque soldats allemand durant la première guerre mondiale.

Mais il y a quelque chose chez Nietzsche qui fait qu'il est très difficile à cerner : il dit tout et le contraire de tout, un peu comme une religion. Il suit de là qu'on a parfois du mal à voir où se situe sa conviction. Car si on trouve par exemple des passages très misogynes, on en trouve aussi d'autres qui sans faire l'éloge des femmes, constituent tout de même une certaine valorisation de la féminité.

Quoi qui l'en soit, ce qui est certain, c'est que peu de monde parvient à comprendre Nietzsche, même ceux qui se déclarent Nietzschéens.

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Tout dépend de la mise en forme et de l'orientation de la force. Que la volonté de puissance soit expansion et domination dans l'ordre naturel ne signifie pas que pour Nietzsche il faudrait en rester là. Au contraire, Nietzsche renoue progressivement avec l'aspect apollinien du dionysiaque. Vouloir dominer est un signe de faiblesse, cela montre bien que l'on n'a pas assez de force. A l'inverse, l'attitude de Nietzsche vise bien plus à la maîtrise de soi, et c'est seulement en sachant se commander à soi-même que l'on peut être en position de gouverner les autres, c'est-à-dire d'influencer leurs conduites. Par ailleurs, il insiste sur la spiritualisation des instincts.

A mon sens il adopte une attitude polémique dans ses écrits pour provoquer des réactions, toutefois si le but est bien de transformer les rapports humains et de nous faire incorporer de nouvelles valeurs pour vivre autrement il reste que sa guerre est principalement intellectuelle. Nietzsche aime le conflit car il est moteur, mais le conflit n'est pas la guerre ; de quelles guerres parle-t-il ? Elles sont d'un genre nouveau, mais je dirais qu'il ne s'agit ni de revenir à un état de barbarie ni de flatter la politique impérialiste de l'État allemand. La guerre peut avoir un intérêt, contextuellement, pour revivifier des peuples et leur culture, mais Nietzsche apparaît bien plus souvent pacifiste et "européiste". Seulement il en appelle à retrouver certains instincts pour une attitude intellectuelle autre, guerrière dans sa façon de ne pas céder sur sa volonté. Le conflit c'est le principe de la différenciation, c'est aussi le polemos comme principe de la structuration de l'ordre et du chaos et c'est aussi l'agôn, la joute qui permet à chacun de viser l'excellence dans l'opposition au rival, mais cette opposition ne saurait aboutir dans la mort d'un autre dont on a besoin pour s'affirmer. La guerre est aussi celle des valeurs, la fameuse guerre des dieux dont traitera plus tard Weber et qui prend place après la mort du Dieu unique.

Quant au féminisme, Nietzsche ne pouvait s'y reconnaître, pourtant je ne le pense pas misogyne. Il trouvait beaucoup de mérites à l'ouvrage principal de Malwida von Meysenbug pour qui il avait une véritable amitié. Néanmoins, il est clair qu'il y a un pas de trop qu'il n'a pas franchi entre la critique de l'identité et la revendication de droits pour les femmes (dont il ne semble pas, par ailleurs, remettre en cause le genre, étant je suppose plutôt satisfait du rôle inculqué aux femmes, bien qu'il sache pertinemment que la femme telle qu'il la voit en son siècle est le fruit d'une longue évolution des mœurs et pratiques, de stratégies de pouvoir pour parler comme Foucault. Mais Nietzsche dit clairement que les femmes ont acquis une très bonne position en préférant le foyer à des activités comme la guerre).

Pour la politique, il privilégie l'ordre de la société, politiquement et culturellement, en tant qu'unité pour le plus grand nombre, mais sa morale est aristocratique, elle concerne le petit nombre des meilleurs, c'est-à-dire des législateurs de toutes sortes qui connaissent aussi l'ombre, c'est-à-dire en hommes de virtù doivent savoir faire le mal pour viser un bien supérieur, à la manière du prince que dépeint Machiavel et qui souhaite conserver le pouvoir. Il y a tout un art de la mise en scène, et dans les coulisses des actes qui peuvent aller contre le sens moral. Sauf que Machiavel avait déjà séparé les sphères du politique et de l'éthique. Le législateur de Nietzsche, celui qui crée des valeurs qui seront incorporées, est seul conscient de l'absence de fondement de la loi. Et il doit pouvoir en jouer pour créer, tout comme l'artiste maîtrisant une technique et des codes doit aussi savoir s'en écarter pour créer de la nouveauté, même si cela est contraire à l'ordre moral. J'étais encore frappé hier soir en regardant des épisodes de la série Rome de voir la part de risque que s'accorde l'individualité consciente de sa force et faisant preuve d'audace à dessein et la part de sécurité que le souverain doit assurer pour maintenir la société en l'état et dans sa cohésion propice à la confiance qui fait la puissance d'une civilisation (César jouissant de sa gloire et maintenant la paix qui lui procure l'appui du peuple qui le juge bon et grand). L'individualisme de ceux qui s'élèvent et ont à se gagner un destin pour conduire le peuple et la culture, tels le poète, ne saurait se passer de l'instrumentalisation de la masse, ce qui était déjà le cas dans l'Antiquité puisque le travail était assuré par les esclaves et libérait du temps libre aux gouvernants pour leur formation et leur épanouissement dans la cité et par elle.


Dernière édition par Silentio le Jeu 30 Juin 2011 - 15:19, édité 1 fois

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aristippe de cyrène a écrit:
Ce n'est certainement pas pour rien que Ainsi parlait Zarathoustra s'est retrouvé dans les poches de chaque soldats allemand durant la première guerre mondiale.

Ce qui est très étonnant quand on connaît la haine de Nietzsche pour le Reich ! Sans doute est-ce dû à l'aspect martial de certains passages ?


si on trouve par exemple des passages très misogynes, on en trouve aussi d'autres qui sans faire l'éloge des femmes, constituent tout de même une certaine valorisation de la féminité.

Il n'y a pas de contradiction dans la misogynie de Nietzsche. Il détestait les "bas-bleus", comme on les appelait, ces femmes qui faisaient mine de vouloir se mêler de littérature, domaine que les hommes se réservaient à l'époque, et surtout, les féministes. La féminité dont parle Nietzsche ne plairait pas beaucoup aux femmes modernes. Il voit la femme comme plus proche de la nature que l'homme, donc plus "animale", plus instinctive, et il a peur que sous l'influence des féministes, elle perde ces qualités. Alors les hommes n'auraient plus tout à fait le même goût d'aiguiser leurs instincts, s'ils n'avaient pour compagne ce petit félin rusé.

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Quant au féminisme, Nietzsche ne pouvait s'y reconnaître, pourtant je ne le pense pas misogyne.
C'est aussi mon avis. Quand on compare le rapport aux femmes chez Schopenhauer et chez Nietzsche, on se rend bien compte qu'il y a une large différence.

Ce qui est très étonnant quand on connaît la haine de Nietzsche pour le Reich !
Les dirigeants allemands n'avaient pas vraiment compris Nietzsche et, à vrai dire s'en fichaient un peu je pense.

Sans doute est-ce dû à l'aspect martial de certains passages ?
Cela me semble évident en effet. Les Allemands ont vu dans Ainsi parlait Zarathoustra un éloge de la guerre.
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