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Volonté de puissance ou volonté de pouvoir ?

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descriptionVolonté de puissance ou volonté de pouvoir ? - Page 16 EmptyRe: Volonté de puissance ou volonté de pouvoir ?

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En même temps, Dieu ou le désir d'absolu, l'Un, n'est-ce pas aussi le néant et la mort ?

C'est d'ailleurs ce que j'aime chez Levinas et ce que je lui reproche, il le dit magnifiquement :
Levinas, Le temps et l’autre, PUF, p. 66 a écrit:
Il y a dans la mort la tentation du néant de Lucrèce, et le désir de l’éternité de Pascal. Ce ne sont pas deux attitudes distinctes : nous voulons à la fois mourir et être.

descriptionVolonté de puissance ou volonté de pouvoir ? - Page 16 EmptyRe: Volonté de puissance ou volonté de pouvoir ?

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Silentio a écrit:
Son professeur le désavoua lorsqu'il lut la Naissance de la tragédie. L'histoire montrera que Nietzsche avait eu raison

Si vous parlez de Naissance de la tragédie, je ne pense pas qu'on puisse dire cela. A vrai dire, on ignore toujours comment la tragédie fut créée en Grèce, et le théâtre en général. Je ne m'en étonne pas, autant se demander comment naît le génie d'un peuple ou d'un homme. Ces questions resteront à jamais sans réponses, ou plutôt, on peut leur apporter toutes les réponses qu'on veut.


C'est tout de même incroyable que plus tard, en se voulant philosophe (alors qu'il n'était pas spécialiste et s'était retiré de la vie universitaire), il ait osé écrire et innover, n'ayant aucune garantie à présenter pour indiquer le sérieux de ses écrits et le respect des auteurs cités.

Je vous reporte à ce texte d'Aurore où est louée la folie qui permet de créer des lois nouvelles. ;)


Voilà, c'est tout à fait ça, une idée peut être valable mais n'a aucune emprise sur nous si elle n'a pas la force de susciter notre confiance, c'est-à-dire pour une part de s'accorder à nos préférences.

Vous avez résumé mon rapport à Kant. Aucune sensibilité, le sexe vu comme la porte de l'enfer, une obsession maniaque pour l'ordre moral, n'a pas assumé son athéisme de jeunesse. Il était tel que son corps, qui ne lui demandait rien, si ce n'est le goût du vin, mais sans doute en quantité infinitésimale. Il a bien mérité son surnom de Chinois, du moins la caricature nietzschéenne qui nous montre le Chinois comme un être qu'anime à peine un mince filet de vie. Il pourrait avoir 10 000 fois raison, sa philosophie être la Vérité absolue, ultime, je n'en voudrais pour rien au monde. :lol: Enfin, même si ça n'est pas un argument, avec moi il a toujours gagné par K.O, il m'a assommé d'ennui à chaque match.


Liber a écrit:
Une lecture plus poussée, plus personnelle, nous révèle davantage à nous-même qu'elle ne nous met en communion avec un auteur. Elle s'apparente alors à une méditation. Nietzsche s'intéressait très peu aux Italiens et à l'Italie, dans ses lettres il ne parle que de lui, pareillement dans le récit qu'il nous fait de ses lectures, c'est encore lui que nous retrouvons.

C'est vrai. D'ailleurs, je m'excuse de ne parler que de moi. :lol: Cela dit, comme c'est le cas dans le transcendantalisme, notamment chez Emerson, le particulier peut révéler l'Univers.

Dans ce cas, je préférerai toujours le particulier à l'universel, même si pour cela Nietzsche ne doit pas être pris pour un philosophe, mais pour un poète ou un romancier qui nous confie ses états d'âme.


Si je vous suis, le "dernier" Nietzsche (à partir de GM) serait antisémite et aurait oublié son esprit de nuance, les bons points distribués auparavant, dans sa croisade (aveugle) contre les religions du Livre (à l'exception de l'Islam). Est-ce juste ?

Je ne pense pas que Nietzsche s'en soit jamais pris aux Juifs en tant que personnes. Si critiquer violemment la religion juive, les idéaux juifs, le peuple et la nation juive du passé, est faire preuve d'antisémitisme, alors oui, Nietzsche était antisémite. J'ai lu pas mal de critiques traitant Nietzsche d'antisémite après la lecture de GM, et je me souviens que mon professeur de philosophie, qui était juif, n'aimait pas particulièrement Nietzsche et n'aurait jamais programmé à l'oral du bac la GM !


Liber a écrit:
L'opérette (parisienne) était très ironique à l'égard de l'Antiquité.

Que voulez-vous dire par là, au regard du Zarathoustra ?

J'y vois le même détachement dont Nietzsche fait preuve vis-à-vis de sa période d'enseignant. On moquait sur la scène parisienne les leçons si sérieuses du collège, ce qui faisait rire tout le monde. Disons aussi une manière légère et gaie de traiter des choses respectables et engoncées dans leur pesanteur de respectabilité, qui est commune aux deux styles. Voyez les marionnettes de Zarathoustra, si on les conçoit comme des créatures de théâtre, elles paraissent ridicules, par contre si nous les voyons avec l'oeil d'un metteur en scène d'opérette, elles sont réussies et ne manquent pas de vie.


Je ne suis pas certain qu'il s'agisse d'indifférence ni de contentement, voyez les luttes auxquelles Pascal était en proie. Il faut une certaine force de caractère pour résister aux assauts du doute.

Je ne suis pas convaincu. Pascal ne doutait pas vraiment, il avait du mal à croire. Je parle ici d'un dilettante accompli, un Renan aussi bien qu'un Montaigne, quelqu'un qui n'en a plus rien à faire de choisir une idée plus qu'une autre, et qui joue de cette supériorité.


Liber a écrit:
Non, mais Schopenhauer (avant Nietzsche) lui reproche de ne pas avoir mené plus loin la critique de la raison, en osant interroger aussi ces préjugés chrétiens.

Et Schopenhauer n'a pas interrogé ses propres préjugés chrétiens. :D

Au contraire, Schopenhauer a choisi de ne garder du christianisme que la pitié seulement, sachant parfaitement pourquoi il le faisait. Nietzsche le loue sans ambiguïté à ce sujet dans GM, ayant sans doute à l'esprit l'image du Chevalier de Dürer.


Par ailleurs, en ce qui concerne notre débat :
Emile Bréhier, Histoire de la philosophie, Frédéric Nietzsche, II, La transmutation des valeurs : le surhumain a écrit:
car la vie ne s’épanouit qu’en s’assujettissant son milieu.

Très bon article, au passage, qui résume savamment le projet de Nietzsche en une poignée de pages.

En effet, ainsi vous voyez bien le rôle du pouvoir dans la philosophie de Nietzsche. ;) Du reste, j'y pensais ce matin en ayant ramassé une herbe hérissée de pointes. Je me suis dit que le moustachu avait encore raison. Le monde physique est un chaos où s'entrechoquent des forces aveugles, mais pourquoi cette herbe avait-elle besoin de ces pointes ? Non, ce n'était pas pour combattre ces forces physiques, mais des organismes vivants. Ainsi, la vie est à l'image du monde, une lutte sans fin pour le pouvoir, ou au moins pour la survie, mais c'est encore du pouvoir, car cette herbe a dû se faire d'abord sa place au soleil en "assujettissant son milieu".

descriptionVolonté de puissance ou volonté de pouvoir ? - Page 16 EmptyRe: Volonté de puissance ou volonté de pouvoir ?

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Liber a écrit:
Si vous parlez de Naissance de la tragédie, je ne pense pas qu'on puisse dire cela. A vrai dire, on ignore toujours comment la tragédie fut créée en Grèce, et le théâtre en général. Je ne m'en étonne pas, autant se demander comment naît le génie d'un peuple ou d'un homme. Ces questions resteront à jamais sans réponses, ou plutôt, on peut leur apporter toutes les réponses qu'on veut.

Je ne me suis pas prononcé pour dire si oui ou non la thèse de Nietzsche est vraie, simplement je considère que l'histoire a montré par la suite que cette interprétation était féconde et basée sur une intuition forte.
Liber a écrit:
Je vous reporte à ce texte d'Aurore où est louée la folie qui permet de créer des lois nouvelles.

Nietzsche est cohérent avec sa pensée, en effet, il lui a fallu défier toute autorité pour se réaliser et accomplir ses vues. Mais il aurait très bien pu s'en tenir à la posture du rebelle et ne jamais créer une philosophie digne de ce nom. Condamné par des contemporains qui ne peuvent ou ne veulent pas le comprendre, il ne peut être reconnu que par les générations futures. Ce qui est d'ailleurs intéressant, c'est la façon dont peu à peu il devient une figure incontournable de la philosophie allemande.
Liber a écrit:
Aucune sensibilité, le sexe vu comme la porte de l'enfer, une obsession maniaque pour l'ordre moral, n'a pas assumé son athéisme de jeunesse.

Tout au service de sa pensée, il ne fut personne. Je le trouve aussi étranger au monde qu'à la noble philosophie. Il n'a rien à voir avec le divin Platon. Même Paul de Tarse fut plus homme que lui.
Cela dit, je suis curieux d'en savoir plus sur l'homme et de lire, si j'en ai l'occasion, le Kant intime rédigé à partir des notes de ses trois secrétaires.
Liber a écrit:
Dans ce cas, je préférerai toujours le particulier à l'universel, même si pour cela Nietzsche ne doit pas être pris pour un philosophe, mais pour un poète ou un romancier qui nous confie ses états d'âme.

La plupart du temps tout ce qui se revendique de l'universel finit par faire violence au particulier. L'universel nie la singularité du réel et les individus.
Liber a écrit:
Je ne pense pas que Nietzsche s'en soit jamais pris aux Juifs en tant que personnes. Si critiquer violemment la religion juive, les idéaux juifs, le peuple et la nation juive du passé, est faire preuve d'antisémitisme, alors oui, Nietzsche était antisémite. J'ai lu pas mal de critiques traitant Nietzsche d'antisémite après la lecture de GM, et je me souviens que mon professeur de philosophie, qui était juif, n'aimait pas particulièrement Nietzsche et n'aurait jamais programmé à l'oral du bac la GM !

J'ai toujours lu Nietzsche comme étant un homme de nuances. Il est forcé d'aller à l'encontre du judaïsme, en tant que religion, avec sa morale et ses valeurs, surtout pour mieux saisir ce qu'est le christianisme qu'il combat avec tant de virulence. Mais je ne le vois pas antisémite, même s'il montre, comme pour les autres peuples et leurs identités, qu'il n'y a pas de judéité en soi. Ce qui n'a pas empêché une judéité de s'élaborer au cours du temps, par un ensemble de traits culturels liés à certains modes de vie (qui font la vigueur d'un peuple et participent de son adaptation à son milieu). Il montre beaucoup d'intérêt pour le peuple sémite, en tant que sa culture en fait un peuple noble et habile en comparaison avec les Européens pris dans la décadence. On le voit aussi revendiquer un philosémitisme dans ses lettres. Reste à savoir si GM réfute Aurore, ou si les deux périodes se combinent.
Liber a écrit:
Au contraire, Schopenhauer a choisi de ne garder du christianisme que la pitié seulement, sachant parfaitement pourquoi il le faisait.

Pourquoi a-t-il gardé la pitié ?
Liber a écrit:
En effet, ainsi vous voyez bien le rôle du pouvoir dans la philosophie de Nietzsche.

Ce que je n'ai jamais mis en doute. La phrase de Bréhier me semble fondamentale. Par contre, vous ne dites rien de ce qu'il dit d'autre, mentionnant la faculté d'ordonner le chaos, nous laissant finalement moins avec des guerriers (ou alors comme métaphore) qu'avec des législateurs comme le philosophe ou l'artiste (Nietzsche visant la production du génie) qui certes dominent leur environnement mais n'en passent pas par des luttes qui s'apparenteraient à la guerre. Par ailleurs, la fin visée n'est pas la domination, mais l'augmentation du sentiment de puissance, la jouissance. La domination n'est qu'un moyen de satisfaire la volonté de puissance. Mais la puissance est toujours ouverte vers son propre surpassement. On veut plus, être plus. Dominer permet cela et d'en jouir. La domination peut passer par la guerre en certains temps, ou par l'affrontement (souvent des forces souterraines) au travers d'activités qui semblent inoffensives car quotidiennes (la vie sociale et morale, avec ses codes, satisfait l'orgueil et la vanité des uns et des autres par l'alternance de soumissions et de valorisations au travers d'une reconnaissance). Bref, tout ça pour dire que la domination n'est pas première, ce qui n'est pas la nier. On n'est pas pour dominer, on domine pour être. Faire pour se parfaire.

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Silentio a écrit:
cette interprétation était féconde et basée sur une intuition forte.

"La tragédie grecque enfantée par l'esprit de la musique". Je pense tout de même que Nietzsche a un peu trop vite confondu l'opéra et le drame antique, si nous pensons au peu d'importance de "l'orchestre" antique et par contre, à celle, capitale, de la politique dans la cité, ce que confirme le développement dialectique de la tragédie par Euripide, visible déjà dans le rôle du chœur. Évidemment, Nietzsche va essayer de nous démontrer que c'est une décadence par rapport aux temps dionysiaques. ;)

Cela dit, je suis curieux d'en savoir plus sur l'homme et de lire, si j'en ai l'occasion, le Kant intime rédigé à partir des notes de ses trois secrétaires.

Avez-vous lu le livre de Thomas de Quincey ?

L'universel nie la singularité du réel et les individus.

Voilà pourquoi la morale kantienne ne me convient pas. Je ne veux pas traiter un homme comme s'il était l'humanité entière.

J'ai toujours lu Nietzsche comme étant un homme de nuances. Il est forcé d'aller à l'encontre du judaïsme, en tant que religion, avec sa morale et ses valeurs, surtout pour mieux saisir ce qu'est le christianisme qu'il combat avec tant de virulence.

Je ne suis pas du tout d'accord. C'est l'inverse qui me semble vrai. Nietzsche remonte au judaïsme parce que c'est là qu'il trouve les valeurs décadentes, et pour confirmer, c'est encore un Juif auquel Nietzsche attribue la victoire du christianisme (Paul), encore des Juifs qui enlaidissent Rome et la désagrègent. "La Judée contre Rome", tel est son mot d'ordre. Vous savez bien que le christianisme conserve encore certaines de ses faveurs, mais pas du tout le judaïsme. Nietzsche voit chez les Juifs, que cela soit dû au hasard de l'histoire ou bien à la "race", un esprit de revanche millénaire. Le ressentiment est personnifié par le Juif, comme si le Juif était le seul à avoir élevé à ce point la "haine du genre humain", une expression qu'il emprunte à Tacite et que les antisémites jetaient à la tête des Juifs allemands à la même époque. "Les Juifs sont notre malheur !", ce slogan a fait fureur dans l'Allemagne contemporaine de Nietzsche. Y a-t-il eu imprégnation ? Il n'empêche, le rapprochement doit être fait entre la conviction de Nietzsche que le peuple juif a entraîné à lui seul l'Europe toute entière dans la décadence, et les convictions des antisémites pour qui les Juifs sont alors responsables des problèmes de l'Allemagne. Pour autant, je ne vois pas Nietzsche en vouloir à un homme, par contre je le vois se battre férocement pour ses idées. Nietzsche peut donc tout à fait aimer les Juifs et ne pas du tout apprécier leurs idéaux, et sur ce point, ne leur faire aucun "cadeau".

Il montre beaucoup d'intérêt pour le peuple sémite, en tant que sa culture en fait un peuple noble et habile en comparaison avec les Européens pris dans la décadence. On le voit aussi revendiquer un philosémitisme dans ses lettres.

Attention à ne pas confondre avec la présence dans le monde moderne de gens ayant gardé quelques-uns des traits des hommes antiques, ce qui semble bien être le cas chez les Juifs, plutôt que de penser que Nietzsche admire la culture juive, ce que je ne vois nulle part chez lui, pas plus que de toute culture en dehors de l'Antiquité. Il admire la Renaissance italienne tant qu'elle cherche le renouveau par l'Antiquité, et il admire aussi la France de Louis XIV.

Liber a écrit:
Au contraire, Schopenhauer a choisi de ne garder du christianisme que la pitié seulement, sachant parfaitement pourquoi il le faisait.

Pourquoi a-t-il gardé la pitié ?

Vous le savez très bien. Pour la même raison que Nietzsche l'a rejetée. Dans un monde "oscillant entre la souffrance et l'ennui", il n'y a plus que ce sentiment de disponible. Vous pouvez ôter tout ce qui fait le christianisme, l'amour, la pureté, l'espoir, et qui justifie la pitié. Schopenhauer n'est pas chrétien, il est bouddhiste. Or rien de plus dur comme religion que le bouddhisme. C'est presque du nietzschéisme, où on cherche le plaisir pour soi-même, en opposition à la souffrance ("le plaisir veut l'éternité").

Par ailleurs, la fin visée n'est pas la domination, mais l'augmentation du sentiment de puissance, la jouissance. La domination n'est qu'un moyen de satisfaire la volonté de puissance.

Vous confirmez ma thèse si vous dites cela. Je veux le pouvoir pour jouir du sentiment de puissance. Je ne dis pas autre chose. Mais qu'y a-t-il de noble là-dedans ? Ne trouvez-vous pas que Nietzsche colle sa noblesse sur ce monde féroce comme un autocollant ?

Mais la puissance est toujours ouverte vers son propre surpassement.

Oui, la volonté veut toujours plus de puissance.

Bref, tout ça pour dire que la domination n'est pas première, ce qui n'est pas la nier. On n'est pas pour dominer, on domine pour être. Faire pour se parfaire.

Je n'aime pas le but moral que vous semblez réintroduire à la fin : "se parfaire", ça sonne comme une injonction pythagoricienne ou platonicienne. Je vois Nietzsche plus sauvage, plus chaotique. C'est là qu'il n'a pas peur. La beauté, la perfection, ce sera César Borgia, Napoléon, Frédéric des II Siciles, bref, la beauté chez lui n'est pas dissociable d'une certaine crainte, résultat de la présence de la force chez ces hommes. Je n'imagine pas le surhomme dompté comme un agneau. Vous trouverez chez Gœthe un meilleur exemple de votre vision, dans La nouvelle, dont la fin a inspiré Nietzsche pour son Zarathoustra. Je vous l'ai déjà dit. Vous êtes plus gœthéen, plus olympien que nietzschéen. Mais l'olympien de Nietzsche n'est pas du tout Goethe ("il n'était nullement un olympien", dira-t-il de lui). Nietzsche vise beaucoup plus haut avec son Surhumain.

descriptionVolonté de puissance ou volonté de pouvoir ? - Page 16 EmptyRe: Volonté de puissance ou volonté de pouvoir ?

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Liber a écrit:
"La tragédie grecque enfantée par l'esprit de la musique". Je pense tout de même que Nietzsche a un peu trop vite confondu l'opéra et le drame antique, si nous pensons au peu d'importance de "l'orchestre" antique et par contre, à celle, capitale, de la politique dans la cité, ce que confirme le développement dialectique de la tragédie par Euripide, visible déjà dans le rôle du choeur. Evidemment, Nietzsche va essayer de nous démontrer que c'est une décadence par rapport aux temps dionysiaques.

Où voulez-vous en venir ? :scratch:

Liber a écrit:
Avez-vous lu le livre de Thomas de Quincey ?

Non, je ne l'ai pas lu.

Liber a écrit:
Voilà pourquoi la morale kantienne ne me convient pas. Je ne veux pas traiter un homme comme s'il était l'humanité entière.

J'éprouve un profond dégoût pour la niaiserie de mes camarades qui jubilent en découvrant l'universalisme kantien, obnubilés qu'ils sont par leur humanisme poisseux et leur moraline, ne s'apercevant même pas qu'ils déprécient ce qu'ils disent aimer par dessus tout (la dignité de la personne).

Liber a écrit:
Je ne suis pas du tout d'accord. C'est l'inverse qui me semble vrai. Nietzsche remonte au judaïsme parce que c'est là qu'il trouve les valeurs décadentes

Il me semble dire à peu près la même chose, sauf que d'après moi l'ennemi principal de Nietzsche est le christianisme, non le judaïsme dont le christianisme ne serait qu'une nouvelle incarnation. Certes, Nietzsche oppose la Judée et Rome, mais il ne faut pas oublier que le christianisme est aussi distinct du judaïsme et qu'il est même en rupture par rapport à lui (c'est la révolte des esclaves contre la noblesse des prêtres qui détiennent le savoir). Il y a bien d'emblée dans le judaïsme des valeurs et un noyau de décadence, mais je dirais qu'elles le sont surtout au regard des civilisations européennes, c'est-à-dire que ce qui correspondait au seul peuple Juif et l'a fortifié (il me semble d'ailleurs que le judaïsme conserve un fort attachement à la vie, contrairement au christianisme, de même que c'est un peuple d'abord guerrier puis d'artistes, des meilleurs comédiens) a cependant fait le malheur de Rome dont la vitalité de son peuple reposait sur un tout autre rapport à soi et au milieu.

Liber a écrit:
c'est encore un Juif auquel Nietzsche attribue la victoire du christianisme (Paul)

Même si Paul véhicule encore des valeurs juives je ne suis pas certain que Nietzsche le considère encore comme un Juif. Le problème de Paul c'est son ambiguïté, justement parce qu'il rompt avec la tradition juive et la conserve en même temps, procédant à la mise en place d'un universalisme qui fait triompher la Judée sur le monde alors même qu'il dissout la spécificité juive dans le même mouvement.

Liber a écrit:
Pour autant, je ne vois pas Nietzsche en vouloir à un homme, par contre je le vois se battre férocement pour ses idées. Nietzsche peut donc tout à fait aimer les Juifs et ne pas du tout apprécier leurs idéaux, et sur ce point, ne leur faire aucun "cadeau".

Là encore c'est ambigu, du moins pour moi, parce que l'antijudaïsme (portant sur les valeurs) n'est pas nécessairement de l'antisémitisme, sauf à considérer que le Juif est celui qui se revendique comme tel (on combattra le rabbin au même titre que le curé), avec la particularité qui fait que la judéité associe religion, culture et race. D'un autre côté, Nietzsche peut aimer les Juifs qui sont des individus considérés hors de leur communauté, notamment ceux qui sont marqués par la culture juive ou sont désignés comme Juifs par une tradition sans pour autant qu'ils la suivent, le mieux étant qu'ils rejettent eux aussi le judaïsme (on notera qu'au XIXe siècle il ne devait pas être évident qu'on puisse être un individu avant d'être un représentant de la communauté à laquelle on appartient ou on est censé appartenir ; l'époque était clairement raciste et essentialiste, plaquant à l'étranger une identité quasiment métaphysique de Juif .en soi, quels que soient sa vie et ses choix).

Liber a écrit:
Attention à ne pas confondre avec la présence dans le monde moderne de gens ayant gardé quelques-uns des traits des hommes antiques, ce qui semble bien être le cas chez les Juifs, plutôt que de penser que Nietzsche admire la culture juive, ce que je ne vois nulle part chez lui, pas plus que de toute culture en dehors de l'Antiquité. Il admire la Renaissance italienne tant qu'elle cherche le renouveau par l'Antiquité, et il admire aussi la France de Louis XIV.

Ils sont préférables dans un monde où vivent les derniers hommes. Nietzsche dit même quelque part qu'il faudrait envisager un métissage entre européen et Juif. Je ne sais plus cependant où cela figure, si c'est un peu avant ou après GM.

Liber a écrit:
Vous le savez très bien. Pour la même raison que Nietzsche l'a rejetée. Dans un monde "oscillant entre la souffrance et l'ennui", il n'y a plus que ce sentiment de disponible. Vous pouvez ôter tout ce qui fait le christianisme, l'amour, la pureté, l'espoir, et qui justifie la pitié. Schopenhauer n'est pas chrétien, il est bouddhiste. Or rien de plus dur comme religion que le bouddhisme. C'est presque du nietzschéisme, où on cherche le plaisir pour soi-même, en opposition à la souffrance ("le plaisir veut l'éternité").

Non, je ne sais pas. Ou ma fatigue actuelle m'empêche de réfléchir suffisamment. Je sais qu'il valorise la pitié, non à quelle fin. Peut-être parce qu'il en a besoin pour son éthique, mais d'après ce que j'ai compris Schopenhauer peut bien se passer des autres en se concentrant sur le génie qui renonce à lui-même pour fuir la souffrance du monde.

Liber a écrit:
Vous confirmez ma thèse si vous dites cela. Je veux le pouvoir pour jouir du sentiment de puissance. Je ne dis pas autre chose.

Ce qui est aussi ma thèse depuis le début. Nous ne sommes pas d'accord sur la bonne appellation à donner à la volonté. Je privilégie l'expression de volonté de puissance en tant que ce que la volonté recherche c'est l'affirmation de soi et la puissance, qui est toujours un surplus d'être et de force, mais cela passe nécessairement par le pouvoir ou la domination, bien qu'ils puissent se réaliser au travers de la culture et non seulement dans la guerre.

Liber a écrit:
Mais qu'y a-t-il de noble là-dedans ? Ne trouvez-vous pas que Nietzsche colle sa noblesse sur ce monde féroce comme un autocollant ?

Où voulez-vous en venir ?

Liber a écrit:
Je n'aime pas le but moral que vous semblez réintroduire à la fin : "se parfaire", ça sonne comme une injonction pythagoricienne ou platonicienne.

Je pensais plutôt à la perfection chez Spinoza, dans l'effort continu pour persévérer dans notre être. Ce que fait un Borgia lorsqu'il répond à sa grande passion, satisfait ses désirs et élabore des stratagèmes pour réaliser son dessein. C'est là que les instincts se réunissent, entre la vitalité, l'éducation, la rapidité du jugement, la prise de risque, la maîtrise de soi, l'intelligence et le goût pour l'action. Il peut à la fois être un homme de culture et un prédateur raffiné.
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