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Origines de la philosophie(s) et mutations

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descriptionOrigines de la philosophie(s) et mutations - Page 3 EmptyRe: Origines de la philosophie(s) et mutations

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pour la tradition indienne le jnana yoga qui pose par la question première : "qui suis-je ? ", une ligne d'horizon qui est en même temps une ligne d'horizontalité, permet que le questionnement soit simplement maintenu comme : une direction pour le mouvement de la pensée vers, mais sans désigner telle réalité distincte de telle autre par la structuration conceptuelle, ainsi l'exercice du mental instable, qui maintient l'objectivité et la subjectivité (bipolarité du connu/inconnu et de l'inconnu/connu) en équilibre incertain par une correction en temps réel d'une horizontalité (le sens raisonnable), se retrouve (car il l'avait perdu) en stabilisé par la même qualité de présence que l'horizon lui même, comme finalité cosmique...


En fait, le  jñānayoga ou yoga de la connaissance pose plutôt la question "que suis-je ?". C'est-à-dire que, à l'injonction spontanée de citta (le mental) "tat tvam asi" ("tu es ceci, tu es cela") qui induit l'identification de l'être humain à son corps, à ses émotions, à ses représentations, à sa pensée, etc., le yogin doit répondre "neti, aham brahmâsmi" ("pas du tout, je suis l'absolu"). Ce qui, comme vous le dites, ne peut être, même pour le yogin accompli, qu'une direction de pensée, une tâche infinie. Comme vous le voyez, on n'est pas très loin des méditations métaphysiques de Descartes, le dualisme substantiel en moins, bien entendu puisque le yogin tend vers cet absolu à travers une ascèse du corps.

tout comme dans le Tao, la marche du Sage/Saint restitue en sa présence unificatrice l'agir et le non-agir, et par sa participation aux histoires des humains, ne peut être vu que comme celui/celle (distinction fortuite dans le Tao lui même ) qui manifeste une désappropriation  : "Quand je cesserai de chérir mon nom, je n'aurai plus aucun dérangement.13" cette paix intérieur comme horizon et horizontalité se retrouve aussi dans ce passage de soi au tout : "Le Tao est une forme sans forme, une image sans image. Il est l'Indéterminé. Si l'on marche devant lui, on ne voit pas son principe. Si l'on va derrière lui, il paraît sans fin. En suivant l'antique voie, on maîtrise le présent. Car le Tao est le fil qui guide l'homme à travers le temps 14 "


Tout à fait. D'où l'importance de l'assise (âsana) dans le yoga. C'est-à-dire un équilibre obtenu sans effort afin que "les énergies fondamentales [guna] retournent à leur état latent originel" (Patañjali, Yoga-Sûtra (B.O.), iv, 34). Ce qui n'est pas sans évoquer le "s'asseoir et oublier tout [zuò wàng]" du taoïsme ou le "s'asseoir paisiblement sans rien faire" du bouddhisme chán (zen). L'indianiste Jean Varenne définit le yoga comme "une technique de salut originale qui se propose de libérer l'âme de sa condition charnelle par l'exercice de disciplines psychiques et corporelles" (Jean Varenne, Encyclopædia Universalis, xviii, 1157b). Une telle définition peut donc s'appliquer aussi au taoïsme et au zen. Sauf que ...



cela voudrait-il dire que curieusement se rencontrer soi même serait ne plus se voir et en suivant alors sa présence, on disparaît du monde...?


Oui pour le yoga, oui pour le zen (notion de nirvāṇa), mais non pour le taoïsme. Dans cette dernière ascèse, en effet, on ne disparaît pas du monde, mais on disparaît au monde. Le sage (le saint) taoïste (shèng) s'identifie au monde, autrement dit à la Voie ou à la vie. Ce qui n'est pas sans rappeler les paroles du Christ "je suis la voie, la vérité et la vie" (Jean, 14-6). Bref, se rencontrer soi-même, consiste, pour le sage taoïste, à oublier tout ce qu'il est, certes. Sauf que, dans la pensée chinoise, comme il n'y a pas de transcendance, pas d'au-delà, "oublier tout" veut clairement dire "se fondre dans le Tout" et non pas disparaître. De là vient que l'horizon du sage n'est pas l'immortalité mais la "longue vie" (cháng shēng).

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très juste précisions et grandement merci...

ce qui subsiste c'est l'état de nature "incomplet" qui nécessiterait ce travail en conscience du Yogi ou du sage taoïste, pour la pensée indienne maya est un voile pour le Tao c'est le manque de discernement des figures du monde (ou de confusion entre les contraires), ce qui me ferait poser la question suivante : est ce que ce n'est pas dans les deux traditions un appel à ne pas faire de l'opposition là où il n'y a que des contraires possiblement unifiables ? (comme vous le suggériez dans un des paragraphes supra)

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Quand ils entendent parler du Tao,
Les étudiants sages mettent systématiquement
En pratique ce qu’ils apprennent,
Les étudiants moyens y pensent de temps à autre,
Et les étudiants stupides pensent que tout cela est ridicule.
Mais, le Tao ne serait pas le Tao
Si personne ne se moquait !
Voilà pourquoi il est dit :
‘’Le Tao est clair mais semble obscur.
Le Tao progresse mais semble reculer.
Le Tao est facile mais semble difficile.
La bonté naturelle semble vide.
La grande pureté semble imparfaite.
La bonté abonde mais semble parcimonieuse.
La bonté est forte mais paraît fragile.
La bonté est évidente mais semble cachée.
Un carré parfait n’a pas de coins.
Une grande oeuvre n’est jamais terminée.
La grande musique est muette.
La plus grande forme est sans contour.
Le Tao ne se révèle pas dans les idées.
Le Tao existe au-delà des concepts.
Pourtant, il est juste de dire que
Tout n’est alimenté et comblé que par le Tao.

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est ce que ce n'est pas dans les deux traditions un appel à ne pas faire de l'opposition là où il n'y a que des contraires possiblement unifiables ?


C'est exactement cela. Et c'est exactement pour cette raison que la philosophie n'est pas la sagesse. La philosophie est l'héritière de la pensée grecque qui prend sa source chez Parménide et trouve son plein accomplissement chez Platon. Après, comme le dit A.N. Whitehead, toute la philosophie n'est plus qu'une série de notes de bas de page au platonisme. Le réel, pour la philosophie, c'est l'Être. C'est ce qui est substantiel, éternel, immuable, au-delà ou en-deçà de ses accidents. Bref, c'est ce qui est soustrait au temps, au mouvement, au changement. La philosophie est une activité politique au sens étymologique : c'est une activité de et dans la Cité (polis), elle naît, croît et se répand toujours dans un contexte urbain (d'où la fascination des trois monothéismes, religions essentiellement urbaines, pour Platon et Aristote). Par contraste, toutes les sagesses, qu'elles soient indiennes, chinoises, amérindiennes, africaines, etc. naissent dans un environnement rural, c'est-à-dire incertain, changeant, mouvant. Pour elles, il n'y a pas d'Être, éternel et immuable, mais un perpétuel Devenir, toujours transitoire et muable. Du coup, en effet, le principe de (non-)contradiction, qui est le fondement de tout raisonnement philosophique, n'a plus cours dans les sagesses. Là où Aristote pose qu'une chose ne saurait posséder tout à la fois la propriété p et la propriété non-p, les sages de tous horizons répondent qu'ils ne voient pas où est le problème : on peut tout à fait penser p sous une certaine détermination (par exemple temporelle) et non-p sous une autre détermination. Les contraires peuvent et même doivent, à bon droit, se succéder de la même manière que se succèdent les saisons.

Ce principe est le fondement même du Tao. Comme je l'ai déjà dit supra, il existe, dans la tradition chinoise un ouvrage vénéré comme l'un de ses piliers les plus solides, c'est le Yi King (yì jīng, littéralement "livre des mutations, des changements, des transformations, etc."). Ce n'est pas pour rien que le Grand Commentaire du Yi King commence par la phrase « un yīn, un yáng, voilà le dào ». Autrement dit, la Voie (dào) est indéfectiblement celle qui mène d'un yīn à un yáng puis de ce yáng à un autre yīn, etc.  À l'origine, yīn et yáng désignent respectivement l'ubac et l'adret d'une même colline, ce que rappellent leurs sinogrammes 阴 (colline + lune) et 阳 (colline + soleil). Par où l'on voit que les contraires, loin de se nier mutuellement, se complètent plutôt, exactement de la même manière que sont indissolublement liés les deux versants d'une montagne. Il en va un peu différemment dans la sagesse indienne où "l'état particulier d'un objet est l'expression de l'unicité d'une certaine combinaison des énergies fondamentales" (Patañjali, Yoga-Sûtra (B.O.), iv, 14). Les "énergies fondamentales" sont les trois guna  : tamas, énergie de conservation, rajas, énergie de changement et sattva, énergie de l'illumination. C'est cette dernière qui est censée réaliser l'unité des contraires et, partant, (ré-)concilier les deux principes constitutifs (matériel : prakriti et spirituel : purusha) de la réalité dont l'un malmène l'autre. Ce qui n'est pas sans évoquer quelques bons vieux thèmes philosophiques : la maîtrise des passions, la contamination de l'esprit par la matière, et, bien entendu, la synthèse hégélienne. Donc, même si l'unicité fondamentale d'un réel muable et malléable au gré de l'action des guna semble clairement affirmée par les Yoga-Sûtra, elle ne l'est pas exactement de la même façon que dans le Tao. Car les sûtra font état de deux sortes de guna ou énergies fondamentales opposées tandis que le dào considère plutôt le yīn et le yáng comme les deux pôles opposés entre lesquels circulent les énergies.

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pour entrer dans une enclave particulière qui, dans la pensée philosophique occidentale aurait trouvé son lieu d'assise phénoménologique même avant Hegel, je veux parler de la validation logique du vrai dans une désignation de la vérité comme stabilité de la pensée (sorte de repos conceptuel acquis, la pensée de la pensée hégélienne).
 
 je replace ici votre phrase  :  "Là où Aristote pose qu'une chose ne saurait posséder tout à la fois la propriété p et la propriété non-p, les sages de tous horizons répondent qu'ils ne voient pas où est le problème : on peut tout à fait penser p sous une certaine détermination (par exemple temporelle) et non-p sous une autre détermination. Les contraires peuvent et même doivent, à bon droit, se succéder de la même manière que se succèdent les saisons."
 
en paraphrasant, je dirais que l'initiative philosophique d'abstraire du réel de l'information objectivement vraie, en la recomposant dans un cursus phénoménologiquement subjectif qui est ensuite désignée comme vérité (voir l'approche de Paul Jorion "comment la vérité et la réalité furent inventées") a produit un certain glissement notionnel entre "vrai et vérité" et a favorisé la recherche quantitative de la preuve par le recoupement des qualités isolées donc « des contraires » en les opposants numériquement, notion de l’addition et autres opérations comme fonctions valides faisant la preuve du résultat…
 
de cette inversion du prima de la qualité sur la quantité, il n'en fallut pas plus pour que le cheminement de la pensée occidentale après quelques siècles de cette habitude à penser la qualité par la quantité d'informations convergentes, puisse inventer la méthode scientifique comme une théorisation par expérimentation de la preuve : élément vrai recherché dans la quantification cohérente réitérée d’un rapport ou d'une juxtaposition d’éléments extraits eux aussi quantitativement du tout…
 
Cette forme d’intelligibilité qui fait prévaloir la numération par l’expérimentation et relègue la saisie naturelle singulière de la qualité par les sens du corps, a produit aussi le glissement de la saisie des contraires à une forme d’opposition quantifiant « l’éléments significatif » à « d’autres éléments significatifs »…
 
À suivre…

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suite...
 
 
il peut sembler incongru voir même saugrenu de proposer comme enclave dans le sujet "origine de la philosophie(s) et mutations" une tentative explicite de rechercher en quoi l'intelligibilité scientifique, qui veut proposer une explication des phénomènes du monde, a favorisé la quantification de la qualité comme une logique de la preuve par la numération, car sans doute cette dernière dans son ancienneté la plus lointaine, a toujours existé pour évaluer le temps, les distances, les réserves de nourriture, la réussite d’une bataille, et même la capacité de survie du groupe, et donc leur rapprochement dans les premiers âges de l’hominisation…(animal politique)
 
Pour certains anthropologues, l’écriture des nombres est même antérieure à l’écriture des lettres, mais aussi associative des deux dans la pensée juive par exemple qui d’une tradition talmudique (Shi‘ur qoma – Mesures du corps [divin]) jusque dans la quête kabbalistique (Sefer Ha Zohar, « Le Livre de la splendeur ») a posé une parité entre lettre et chiffre comme recherche de l’harmonisation du Tout selon Charles Mopsik : « La Bible est un document chiffré, au sens où ses récits ne sont qu’un voile qui cache un système de pensée et un savoir très précieux portant sur la structure du monde, de l’homme et de Dieu » ‘La Cabale (synopsis)’…

La notion du « chiffre » qui est employé comme mesure et cryptographie du réel, était aussi pour les pythagoriciens la voie de connaissance « infaillible » si l’on se reporte aux lois de l’univers par les sons, (musique des sphères) aussi simplement que dans les mesures des cordes d’une lyre la variabilité des sons est exact, (si toutefois on se réfère à la même qualité de cordes et de bois de la lyre)…
 
Cette manière de lire le réel, par le rapport mathématique de la quantité qualifié ou comme dit plus haut par : « une forme d’opposition quantifiant l’éléments significatif à d’autres éléments significatifs », pose en effet une évaluation du vrai de la preuve comme vérité universelle indépassable, et comme dit plus haut également, il serait instructif (pour la démasquer) de lire la philosophie hégélienne (et avant elle celles de Spinoza et de Kant) en la décryptant numériquement dans sa logique interne, je veux dire en recherchant en quoi les opérations de sa pensée, abstractive, dialectique, spéculative et synthétique (théoria), ne sont en fait que des modalités d’une primauté de la quantité sur la qualité…
 
Car une pensée peut fort bien s’accoutumer, dans sa logique interne, d’une justification morale qui donne un arbitrage phénoménologique de la preuve selon une quantité d’arguments suffisants à l’équanimité, (pensée de la pensée comme acte pur chez Hegel ou position assertorique de Kant), alors que cela devrait naturellement être la place de la vertu intellectuelle dans le jugement d’existence « ceci est », comme qualité de répartition du vrai dans l’équilibre des contraires et donc ouvrir un champ concret et pratique à la recherche vertueuse du bonheur…
 
De cet oubli, Spinoza osa rechercher ce qui dans la Natura naturans est principe de l’infini, dieu dans ses attributs et la Natura naturata l’infini dans des causes finies, en délimitant ainsi le bien de tous dans une recherche du bien particulier par une morale utilitariste de l’intelligence du nécessaire, c’est une logique additionnelle…
 
Tout comme pour Kant qui pose comme vertu intellectuelle (morale unitive) un impératif catégorique à partir d’un impératif hypothétique, la loi morale universelle tenant la place du bien individuel, doit être imposé comme juste déduction de la valeur de sa propre place dans la société, c’est donc une logique soustractive…
 
Tout comme Hegel dans l’opération de la logique du concept, opposant la subjectivité à l’objectivité pour faire advenir le concept en soi, comme résultat parfait de la vie de l’esprit absolu, c’est par son mouvement dialectique qui, tout en opposant le vrai au faux parvient à cette synthèse, c’est donc une logique divisionnelle…
  
À suivre…
 
 P.S texte soumit à toutes corrections des autres intervenants...

Dernière édition par Zeugme le Mar 9 Fév 2021 - 12:22, édité 1 fois
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