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Science et philosophie.

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5 participants

descriptionScience et philosophie. - Page 5 EmptyRe: Science et philosophie.

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Silentio a écrit:
JimmyB a écrit:
A partir du moment où une vérité peut devenir fausse ce n'est pas une vérité.

Mais alors il y a de nombreuses vérités en science qui n'en sont déjà plus puisqu'elles sont susceptibles d'être écartées par la suite. C'est pourquoi les vérités scientifiques sont seulement probables, transitoires et réfutables. Il faudrait voir du côté de Popper je suppose.

Il faudrait ici je pense distinguer entre plusieurs manières de penser la vérité. JimmyB, consciemment ou pas, vous vous situez dans une vision métaphysique de la vérité, comme étant ce qui se fonde dans un champ d'évidence absolu (et qui donc ne peut pas être falsifié).

En ce qui concerne la définition scientifique de la vérité, il y a longtemps que la science a renoncé à la vérité (au sens métaphysique du terme), et elle ne conserve le terme que par commodité. Par ailleurs, c'est source de confusion, puisque précisément quand on entend le mot de "vérité" on pense généralement immédiatement à son sens métaphysique (une vérité absolue). La vérité au sens scientifique n'a de définition que méthodologique : c'est le respect d'un certain nombre de procédures de vérification ou de falsification (selon que l'on se situe dans la ligne de Wittgenstein, ou dans celle de Popper) qui garantit le caractère de vérité d'une théorie et non sa fondation dans un champ d'évidence absolue. Vous avez d'une certaine manière tous les deux raison, vous n'employez juste pas le terme de vérité dans le même sens, d'autant que, si l'on veut être rigoureux, ce que Popper appelle "vérités" au sens scientifique ne sont pas des vérités, si l'on suit la logique de sa démonstration, puisqu'il considère que nous n'avons pas de rapport au vrai, mais un rapport originaire au faux, ce qui est, sans exagération une véritable révolution en matière de théorie de la connaissance puisque toute théorie de la connaissance avant Popper, partait de la thèse inverse, comme présupposé infondé (cf. Platon dans le Ménon ou encore Spinoza : "le vrai est index du faux et de lui-même". Il résout du même coup le problème de l'induction (cf. Hume et Kant), en l'évacuant, puisque les théories scientifiques ne relèvent ni d'une croyance (Hume), ni d'une vérité universelle et nécessaire (Kant). Les théories scientifiques ne sont donc pas des certitudes ou des croyances, mais des conjectures. Par ailleurs, Popper invalide du même coup le Cercle de Vienne (position vérificationniste) qui se réclamait du premier Wittgenstein, car logiquement, une théorie scientifique ne peut jamais être vérifiée (à cause du problème logique de l'induction), mais seulement falsifiée.

Opposer la métaphysique comme discours qui a des ambitions trop hautes et ne peut atteindre aucune vérité, à une science qui elle aurait fait la preuve de son efficacité et de sa possibilité à atteindre des vérités n'est plus vrai depuis la réfutation de Kant par Popper. D'autant que même chez Kant d'ailleurs, la métaphysique pouvait encore atteindre des vérités (en restant dans les limites de l'usage des concepts purs de l'entendement), son rôle était simplement cantonné - dans le champ théorique - à la critique. La postmodernité philosophique et scientifique, c'est précisément l'abandon de la vérité, et cet abandon même a un sens, qu'il reviendrait à la philosophie d'interroger et d'élucider. Depuis Descartes et Galilée, toute l'histoire de la philosophie de la connaissance et des sciences peut se lire à la lumière de ce rétrécissement progressif des possibilités de la raison, c'est pour cela que l'entreprise d'un Quentin Meillassoux par exemple, a quelque chose d'assez atypique.

Par ailleurs, je rejoins Silentio sur Tiercelin. Elle représente une option en ce qui concerne la relation entre science et métaphysique, mais c'est loin d'être la seule. C'est une option qui choisit de reprendre les concepts traditionnels de la métaphysique, à la lumière des théories scientifiques (c'est-à-dire en éliminant les concepts périmés, notamment le concept de Dieu), mais d'autres voies ont été aussi ouvertes par des philosophes aussi différents que Bergson et Heidegger par exemple. Personnellement je me situerais plus dans une ligne heideggérienne, parce qu'elle ne fait pas de la vérité scientifique le référent de la vérité philosophique (métaphysique analytique), mais qu'elle interroge précisément les présupposés ontologiques à l'œuvre dans ce que la science définit comme "vérité" (au sens méthodologique), et parce que contrairement à Bergson elle propose une véritable méthode (l'interprétation) alors que l'intuition bergsonienne ne peut pas vraiment avoir le statut de méthode.  Par ailleurs, la position de Heidegger a le mérite de ne pas prendre la vérité comme point d'arrivée, mais comme point de départ (pour reprendre la formule de Desassossego, que je trouve très bien trouvée aussi) : la vérité (comme la réalité finalement) est toujours le référent d'un discours qui l'identifie comme vérité et décide de son sens - en d'autre termes il n'y a pas de vérité absolue - en ce sens c'est un concept à la fois polémique et discriminant, et il s'agit moins d'arriver à la vérité que d'élucider ce que les différents jeux de langage (un terme que j'emprunte à Wittgenstein) nomment vérité (ce n'est pas dans le même sens que Claudine Tiercelin sait qu'elle s'appelle Claudine Tiercelin, qu'elle sait qu'elle est allée à Bornéo et qu'elle sait que 2+2 font 4) pour en découvrir les présupposés ontologiques, et ne pas être précisément inféodés à la notion de vérité.

A mon sens c'est cette distance critique que la philosophie doit permettre aujourd'hui, vis-à-vis de la science. Distance critique que Claudine Tiercelin, pour ce que j'en ai lu (et écouté), ne permet absolument pas. La science et la philosophie ont des buts et des méthodes tout à fait différents, mais je rejoins Imre Lakatos (disciple de Popper) quand il déclare que "sans l'histoire des sciences la philosophie des sciences est vide, et que sans la philosophie des sciences, l'histoire des sciences est aveugle". Il faut que les progrès et les découvertes scientifiques fassent l'objet d'une interprétation philosophique, pas forcément pour trouver des réponses (ce n'est pas tellement le but de la philosophie je pense), mais pour garder ouvert le sens de la question (et c'est ce que fait toute la philosophie de Heidegger, maintenir la question ouverte, contre ceux qui pensent que l'activité scientifique correspond à une clôture progressive de toutes les questions).

Mais ce rôle d'élucidation, c'est celui de la métaphysique et de la philosophie de la connaissance, pas de toute la philosophie.

descriptionScience et philosophie. - Page 5 EmptyRe: Science et philosophie.

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Pour rebondir sur le liant, il me semble indispensable au récit de l'aventure humaine de pouvoir lier ses activités. Pourquoi récit ? Parce que je considère qu'il n'y a de sens que dans la narration, et non pas dans une liste d'assertions. Ce qui me semble intéressant c'est que la métaphysique classique n'a pas été déclassée par des scientifiques, mais par des philosophes. On voit bien qu'il y a ici une volonté, pas tant de tenir pour vrai que de tenir pour l'homme raisonnable. Ainsi la quête du sens n'est tenable que si elle s'inscrit aussi dans un monde tenable, c'est-à-dire dans un monde qui nous dit quelque chose, un monde qui récite.
Retiré du récit la science ne conclut pas. Elle ne le peut pas pour des raisons épistémologiques, mais aussi parce qu'elle s'est retirée en partie du langage narratif pour adopter le sien. Et c'est ce désengagement qui lui a permis, entre autre chose, le succès qu'on lui connaît. Par ailleurs, ce non-alignement au langage courant tente bien des philosophes comme par exemple en logique formelle. Mais de fait, il n'y a pas de récit strictement scientifique qui pourrait s'inscrire dans la narration de l'histoire de l'humanité. Une découverte scientifique n'est rien d'autre qu'une découverte scientifique et l'homme doit se la réapproprier pour l'incorporer à son aventure. Sinon c'est le dictat de la singularité technologique. Ainsi nous pourrions bien avoir la connaissance absolue, qu'elle ne nous dira jamais ce que nous devons faire. Et ce qui lie les diverses activités de l'homme dans un récit qui peut lui donner un sens n'est autre que le langage narratif.
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