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Nietzsche et le christianisme.

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3 participants

descriptionNietzsche et le christianisme. - Page 3 EmptyRe: Nietzsche et le christianisme.

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Liber a écrit:
Je le vois plutôt abandonner la création de valeurs, ne pas chercher à transformer le monde. Jésus était un nihiliste, comme Bouddha. Relisez ce que dit Nietzsche dans la Volonté de puissance, sur le nihilisme européen, le "nouveau bouddhisme". Le christianisme de Jésus, le tout premier donc, était déjà un nouveau bouddhisme. Cela est dit clairement dans l'Antéchrist.
Non. Cela ne peut pas y être dit clairement, parce que cela n'y est pas dit. Relisez au moins le §32 de l'Antéchrist...
La négation est, par définition, ce dont [Jésus] est parfaitement incapable...

Pour la comparaison entre bouddhisme et christianisme, il n'y a pas photo... Comparer n'est pas apparenter, mais différencier à partir d'un point commun. Relisez les §20 à 23. Il ne suffit pas de lire le mot "nihiliste" en croyant que le tour est joué. "Ce qui sépare [christianisme et bouddhisme] est saisissant", dit Nietzsche :
Le bouddhisme est cent fois plus réaliste que le christianisme [...]. Il a déjà laissé derrière lui - et c'est ce qui le différencie radicalement du christianisme - l'automystification des conceptions morales ; il se trouve, pour employer mon langage, outre bien et mal. §20
On ne va pas faire comme s'il n'y avait pas de gradation dans le nihilisme, chez Nietzsche. On ne va pas faire non plus comme si Nietzsche n'avait pas prôné le nihilisme comme une étape importante dans la reconquête de la vie. Le nihilisme chrétien est à part, chez lui. Il le condamne sans appel, contrairement à Jésus.

descriptionNietzsche et le christianisme. - Page 3 EmptyRe: Nietzsche et le christianisme.

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Je ne suis pas d'accord avec votre assimilation entre Jésus et Dionysos, pour moi c'est Dionysos et le Christ qui ont été assimilés (par les gnostiques). Le Christ et Dionysos en tant que figures de la souffrance. Mais pour Nietzsche, Dionysos déchiré est promesse de vie, pour les Chrétiens, le Christ en croix est symbole d'au-delà, donc de fuite devant la souffrance, et donc devant la vie, puisque la souffrance est la condition de la vie. Il n'y a pas chez Dionysos de transfiguration de la chair comme chez le Crucifié. Nietzsche a au contraire réhabilité la chair, grâce à sa pensée magique de l'éternel retour. Quant à Jésus, pour Nietzsche il a la vertu de l'innocence, que le philosophe recherchait tant (pour Gœthe il s'agissait de redevenir enfant, cf. La Nouvelle). Peut-être aussi comme je l'ai avancé, un peu de folie des grandeurs, se comparer au Christ, fût-ce en se prenant pour son antithèse (l'Antéchrist), et un peu de nostalgie pour la foi de son enfance. Mais tout cela n'est pas bien clair, car trop personnel. Je crains qu'on ne sache jamais vraiment. Enfin, pour moi peu importe, Nietzsche étant un philosophe et non un mystique ou un croyant. Ses concepts sont clairs, il trouve certes quelques vertus au Christ, mais cela ne l'empêche pas de casser l'humanité en deux à partir de son avènement personnel, en lieu et place du Christ.

Euterpe a écrit:
Liber a écrit:
Je le vois plutôt abandonner la création de valeurs, ne pas chercher à transformer le monde. Jésus était un nihiliste, comme Bouddha. Relisez ce que dit Nietzsche dans la Volonté de puissance, sur le nihilisme européen, le "nouveau bouddhisme". Le christianisme de Jésus, le tout premier donc, était déjà un nouveau bouddhisme. Cela est dit clairement dans l'Antéchrist.

Non. Cela ne peut pas y être dit clairement, parce que cela n'y est pas dit. Relisez au moins le §32 de l'Antéchrist...
La négation est, par définition, ce dont [Jésus] est parfaitement incapable...


Pourtant... :
Nietzsche a écrit:
On voit ce qui prenait fin par la mort sur la croix : un élan nouveau, tout à fait prime-sautier vers un mouvement d’apaisement bouddhique, vers le bonheur sur terre non seulement promis, mais réalisé. Car — je l’ai déjà relevé — ceci reste la différence essentielle entre les deux religions de décadence : le bouddhisme ne promet pas, mais tient, le christianisme promet tout, mais ne tient rien. — Le « joyeux message » fut suivi de près par le pire de tous : celui de saint Paul.


Et quant à la comparaison entre christianisme et bouddhisme, je ne l'ai faite que dans l'aboutissement du christianisme, qui est le nihilisme, un nihilisme européen, un nouveau bouddhisme, Nietzsche le dit textuellement. C'est-à-dire qu'on revient au tout début du christianisme, preuve pour Nietzsche de la vérité de son analyse sur cette religion. Le christianisme aboutit au nihilisme parce qu'il est au fond un nihilisme, un refus des conditions de la vie, tout comme le bouddhisme ou l'épicurisme. Une volonté de néant. Que le prêtre ascétique soit venu y fourrer son nez et ait abusé les masses pour sa propre volonté de puissance, particulièrement le prêtre juif, ne change rien.

descriptionNietzsche et le christianisme. - Page 3 EmptyRe: Nietzsche et le christianisme.

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Je n'assimile pas Jésus et Dionysos, je les compare. Ce qui exige de voir les ressemblances et de penser leurs différences. Je suis d'accord avec vous lorsque vous caractérisez les deux figures - vous dites la même chose que Deleuze dans son ouvrage sur Nietzsche. Mais si on veut aller plus loin, j'aimerais soulever deux problèmes : d'une part, si Nietzsche a hésité entre les deux, est-ce que cela ne signifie pas que son rapport à Jésus est plus complexe et qu'il faut se demander en quoi Jésus a quelque chose à voir, et dans quelle mesure, avec le dionysiaque ? D'autre part, ne peut-on pas aussi dire, en tant que lecteurs critiques de Nietzsche, que ce dernier a pu se tromper dans son interprétation (ou condamnation excessive et radicale) de Jésus, voire du christianisme ? Enfin, je ne suis pas certain qu'on puisse réduire la signification de la souffrance, dans un christianisme pluriel, à celle d'une fuite vers l'au-delà : n'y a-t-il pas aussi chez certains chrétiens une affirmation de la vie en dépit de la souffrance ? N'est-elle pas une épreuve qu'il s'agit de surmonter et qui ne peut permettre de condamner l'œuvre du Créateur ? Mais pour moi, peut-être, ce qu'il y a de périmé chez Nietzsche, c'est sa conception de la vie et notamment la dichotomie fort-faible. Et je dis tout ça, non pas pour sauver Jésus à tout prix - je ne suis pas chrétien -, mais parce que je trouve que Nietzsche ou certaines interprétations ne sont pas justes avec ce qui est critiqué.

descriptionNietzsche et le christianisme. - Page 3 EmptyRe: Nietzsche et le christianisme.

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De part en part, vous ne vous apercevez pas que vous ne considérez qu'un seul des éléments de comparaison retenus par Nietzsche : le point commun. Or, il se trouve qu'il n'est pas le plus important, si peu même. Le plus important est dans leurs différences respectives : le refus bouddhiste de l'action d'un côté, le refus de la haine chez Jésus ; le bouddhisme comme aristocratie vaincue d'un côté, le christianisme comme religion pour plébéiens de l'autre ; le bouddhisme comme automédication d'un côté, de l'autre le christianisme comme folie, tromperie, etc.

La pomme et la banane sont certes des fruits, mais elles sont différentes. Foin des prêtres "nietzschéens" qui parcourent le monde en répandant l'ineptie d'un Nietzsche aussi court qu'un anticlérical.

Enfin, quant au "nihilisme" bouddhique et celui de Jésus, on voit bien que l'affirmer pose de sérieux problèmes à Nietzsche, contraint d'y revenir souvent pour apporter nombre de précisions et de nuances. Ainsi, le nihilisme bouddhique est une conséquence de sa conception de la vie, plutôt qu'un nihilisme affirmé. Cf. § 339 de la Volonté de Puissance I :
A. Le type conséquent. Celui-ci comprend qu'il ne faut pas haïr même le mal, qu'il ne lui faut point résister, qu'on ne doit pas faire la guerre même à soi-même, que non seulement il faut accepter la douleur qu'apporte une telle pratique, mais ne vivre que dans des sentiments positifs ; prendre fait et cause pour l'ennemi, et par une superfétation d'états d'âme pacifiques, bons, conciliants, secourables et aimants, épuiser le terrain qui pourrait nourrir des états d'âme opposés..., qu'il y faut une pratique constante. A quoi arrive-t-on ainsi ? - Au type bouddhique, à l'avachissement complet.

Le bouddhisme, c'est une volonté, c'est une affirmation qui débouche sur une nolonté. Or c'est précisément le pacifisme bouddhiste que Nietzsche croit retrouver dans le christianisme contemporain, et qui lui fait dire, en substance, qu'après deux millénaires d'inanité, il rentre enfin dans son "concept" d'origine (auquel il n'est pas réductible), le pacifisme. Cf. § 341 ib. :
[Le christianisme] vient seulement de parvenir à un état de civilisation où il peut enfin accomplir sa destination primitive - au niveau qui est le sien - où il lui est possible de se montrer dans sa pureté.

Mais le christianisme "pur", celui de Jésus, reste moins bouddhiste que béat — donc incompatible avec la "nolonté" bouddhiste : "le chemin qui mène au Non-Être", dit Nietzsche (§ 343 ib.) : le béat est dénué de volonté, il est. Même pour un bouddhiste avachi, Jésus est trop "mou", ou plutôt caoutchouteux, car il n'évite pas les coups, il les encaisse. Ça ne peut pas laisser un Nietzsche indifférent. Jésus était trop "heureux" pour être chrétien.

Silentio a écrit:
D'autre part, ne peut-on pas aussi dire, en tant que lecteurs critiques de Nietzsche, que ce dernier a pu se tromper dans son interprétation (ou condamnation excessive et radicale) de Jésus, voire du christianisme ? Enfin, je ne suis pas certain qu'on puisse réduire la signification de la souffrance, dans un christianisme pluriel, à celle d'une fuite vers l'au-delà : n'y a-t-il pas aussi chez certains chrétiens une affirmation de la vie en dépit de la souffrance ? N'est-elle pas une épreuve qu'il s'agit de surmonter et qui ne peut permettre de condamner l'œuvre du Créateur ? Mais pour moi, peut-être, ce qu'il y a de périmé chez Nietzsche, c'est sa conception de la vie et notamment la dichotomie fort-faible. Et je dis tout ça, non pas pour sauver Jésus à tout prix - je ne suis pas chrétien -, mais parce que je trouve que Nietzsche ou certaines interprétations ne sont pas justes avec ce qui est critiqué.

Questions fort pertinentes. Nietzsche a beaucoup de difficultés avec Jésus, et même avec le christianisme, cédant parfois à la mauvaise foi et se prenant les pieds dans le tapis au point de ne plus pouvoir faire marche arrière, comme avec son Luther qu'il projette à tout va sur Kant, qu'il a lu si mal et si peu. Je le suspecte même d'avoir pompé tout bonnement Hegel pour critiquer, pour christianiser Kant (à croire qu'il y tenait). De même, son rapport à la Renaissance est également faussé par son obsession pour Luther, ce qui le rend incapable de distinguer entre Kant et les kantiens, quand dans le même temps il se montre très subtil dans la distinction entre Jésus et les chrétiens.

Dernière édition par Euterpe le Mar 21 Nov 2017 - 17:51, édité 3 fois

descriptionNietzsche et le christianisme. - Page 3 EmptyRe: Nietzsche et le christianisme.

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Euterpe a écrit:
Le plus important est dans leurs différences respectives : le refus bouddhiste de l'action d'un côté, le refus de la haine chez Jésus ; le bouddhisme comme aristocratie vaincue d'un côté, le christianisme comme religion pour plébéiens de l'autre ; le bouddhisme comme automédication d'un côté, de l'autre le christianisme comme folie, tromperie, etc.

Le bouddhisme comme religion pour aristocrates, est une idée que Nietzsche tient de Wagner. C'est exactement ce que le compositeur a répondu quand on lui a demandé si Parsifal était un drame chrétien. Mais Nietzsche écrit à propos de Jésus et de ses disciples : "un mouvement d’apaisement bouddhique". Et c'est cela qui m'intéressait ici, car malgré les différences, il faut bien pour Nietzsche caser toutes ces religions dans sa Généalogie, afin de les faire aboutir au nihilisme actuel.

Foin des prêtres "nietzschéens" qui parcourent le monde en répandant l'ineptie d'un Nietzsche aussi court qu'un anticlérical.

Un anticlérical est en effet peu de choses face à l'attaque de Nietzsche contre le "prêtre ascétique".

Mais le christianisme "pur", celui de Jésus, reste moins bouddhiste que béat - donc incompatible avec la "nolonté" bouddhiste : "le chemin qui mène au Non-Être", dit Nietzsche (§ 343 ib.) : le béat est dénué de volonté, il est.

Même pour un bouddhiste avachi, Jésus est trop "mou", ou plutôt caoutchouteux, car il n'évite pas les coups, il les encaisse. Ça ne peut pas laisser un Nietzsche indifférent. Jésus était trop "heureux" pour être chrétien.

Les bouddhistes seraient loin d'accepter cette qualification de nihilistes, quel que soit le type de nihilisme.

Nietzsche a beaucoup de difficultés avec Jésus, et même avec le christianisme [...] De même, son rapport à la Renaissance est également faussé par son obsession pour Luther, ce qui le rend incapable de distinguer entre Kant et les kantiens, quand dans le même temps il se montre très subtil dans la distinction entre Jésus et les chrétiens.

Nietzsche était en guerre, avec des armes grossières, des canons, de la dynamite, certainement pas une dague ou du poison ! C'était un Allemand, pas un Italien.
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