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L'angoisse

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Liber
Euterpe
benfifi
7 participants

descriptionL'angoisse - Page 2 EmptyRe: L'angoisse

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L'angoisse et l'ennui sont liés, en effet, parce que dans l'ennui je suis confronté à la pure présence (silencieuse) du monde et à moi-même, j'éprouve le temps, la vacuité des choses et de moi-même, la contradiction ou distance entre le monde et moi, etc. L'art, au contraire, est un divertissement qui a l'avantage de permettre à l'individu, en tant qu'acteur, de ne pas subir le monde, mais de le remodeler et de l'acter de sa propre signature, de sorte que l'objet ou œuvre coïncide avec le sujet créateur, ce qui permet, par l'artifice, une unité ou harmonie.

Pour compléter Euterpe, l'angoisse peut engendrer l'inquiétude parce que dans cet état il n'y a pas de confiance et d'harmonie, et les autres (la société) sont en trop. Ils peuvent nous éloigner de notre angoisse un temps, mais ils nous éloignent aussi de ce souci fondamental qui amène toujours à rester concentré sur soi-même. Ils sont donc à la fois un remède temporaire (j'oublie ou je mets de côté mon angoisse un temps, même si elle reste là, en profondeur) et un problème de plus recouvrant le problème primordial qui nous anime et qui est en nous. Dans ce dernier cas, les autres sont une source de danger, ils empiètent sur nous et nous empêchent de nous consacrer à nous-même, ce qui ajoute un mal moral à l'angoisse et rend l'extérieur hostile.

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Silentio a écrit:
L'art, au contraire, est un divertissement qui a l'avantage de permettre à l'individu, en tant qu'acteur, de ne pas subir le monde, mais de le remodeler et de l'acter de sa propre signature, de sorte que l'objet ou œuvre coïncide avec le sujet créateur, ce qui permet, par l'artifice, une unité ou harmonie.

Oui, mais alors je dirais plus simplement : de faire fi de la rigueur de la nature, de sa naïveté aussi. Schopenhauer nous dit qu'elle fait tout clairement, sans se cacher. Or, l'art introduit la ruse ("l'enfance de l'art", disait Nietzsche, il me semble) dans la nature. Il suffit de regarder combien nous apprécions les aurores boréales, les dessins que l'eau fait sur les roches au cours des millénaires, spectaculaires par leur étrangeté et leur diversité, pour comprendre ce besoin que nous avons de briser le continuum à l'œuvre dans la nature. Et en nous-mêmes aussi, par exemple, qui voudrait lire comme roman le récit d'une histoire banale, où tout est prévu d'avance ? Raison pour laquelle la moralité a si peu d'intérêt en art, car la civilisation bien réglée tend à ressembler à la rigoureuse nature.

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Merci pour les éclairages.

Cependant, il me semble que, du fait de son caractère inhibant, quand l'empire de l'angoisse est supérieur à la force de création, il n'y a pas création.

Maintenant, j'aimerais aborder le sujet sous son angle comportemental. Et exposer ma dernière lubie.
Pourquoi ne pas envisager l'angoisse comme une réponse. Celle que l'individu adopte dans certains cas critiques. Vu de l'extérieur, il ne se passe rien. Le temps passe. Et justement, comme rien n'est éternel, le danger lui-même finit par s'éloigner. Il est temps de sortir de l'angoisse. J'établirais une analogie avec la stratégie animale qui consiste à faire le mort. J'imagine aisément que devant un prédateur potentiellement mortel, faire le mort, me remplirait d'angoisse. Évidemment cette situation extrême n'est pas comparable avec les difficultés, parfois quotidiennes, qui peuvent nous angoisser. Sauf à considérer certains facteurs aggravants de la vie comme la solitude ou la violence.

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Liber a écrit:
L'œuvre d'art serait donc pour vous prioritairement l'expression d'émotions contraignantes (y compris l'angoisse métaphysique, l'angoisse d'être) dans un but de libération.

En ce genre de choses, les différences d'un individu à l'autre sont trop importantes pour se contenter de certaines observations même récurrentes. D'abord, si l'angoisse incline plus vers la création, rien ne permet de dire que la majorité des angoissés s'orientent vers l'activité artistique (cf. le vieux débat sur la folie et le génie). Ensuite, l'inhibition opère principalement au niveau du langage, or même un inhibé a besoin de s'exprimer, il le fait par des moyens dissimulés, discrets, par toutes les voies qu'il juge propres à le protéger des autres. Les activités artistiques supposent de la solitude, du silence, de la concentration, etc. Elles sont donc favorables. Enfin, je suis toujours sceptique avec la thèse de l'exutoire libérateur. Si elle était absolument vraie, une fois libéré, un artiste renoncerait à son activité artistique. Ce n'est presque jamais le cas. L'art procure un plaisir et des "satisfactions" dont le prix implique de ne pas y renoncer. Surtout, on ne sort pas de l'angoisse. On la surmonte, on apprend à vivre avec. C'est tout ce qu'on peut espérer. L'inquiétude disparaît avec son objet ; l'angoisse étant sans objet, elle est condamnée à s'en inventer (paranoïa, création, dandysme, etc.). Après tout, les angoissés se complaisent aussi dans leur mal-être : ils s'en nourrissent, ça les fait être.

benfifi a écrit:
Pourquoi ne pas envisager l'angoisse comme une réponse. Celle que l'individu adopte dans certains cas critiques. Vu de l'extérieur, il ne se passe rien. Le temps passe. Et justement, comme rien n'est éternel, le danger lui-même finit par s'éloigner. Il est temps de sortir de l'angoisse.

C'est impossible. L'angoisse ne se commande pas. Elle vous étreint sans vous avertir. Cette stratégie suppose autre chose, et d'abord un calcul qu'on ne trouve pas chez l'angoissé, qui peut tomber dans certaines perversions, mais qui, quand il est calculateur, montre que son calcul est symptomatique de son angoisse.

benfifi a écrit:
J'établirais une analogie avec la stratégie animale qui consiste à faire le mort. J'imagine aisément que devant un prédateur potentiellement mortel, faire le mort, me remplirait d'angoisse. Évidemment cette situation extrême n'est pas comparable avec les difficultés, parfois quotidiennes, qui peuvent nous angoisser. Sauf à considérer certains facteurs aggravants de la vie comme la solitude ou la violence.

L'hypothèse que vous faites suppose une maîtrise. Je peux, face à un danger de mort, éprouver une "angoisse" en simulant la mort. Mais je simule la mort, ce qui suppose de couper ma respiration par exemple, etc., de maîtriser mon affect et de conserver les idées claires. Je ne suis donc pas angoissé : j'ai peur, d'une peur intense. Mais l'intensité de la peur n'en fait pas une angoisse. Tout ce qui nous angoisse ne doit pas faire illusion. Encore une fois, l'angoisse n'a pas d'objet. Si un objet provoque mon angoisse, ce n'est pas comme cause, mais comme occasion, ou déclencheur, comme quelque chose que je ne comprends pas, dont la présence est si impérieuse, que le danger n'est pas de l'ordre du danger immédiat, localisé, clair. Je peux échapper à un prédateur et être marqué quelque temps, mais je continue à vivre normalement. L'angoisse consiste ipso facto en une inaptitude à vivre au point que vivre est problématique, au point qu'il faut tout reconsidérer dans le rapport aux autres, à soi-même, à son espace de vie, etc. Les manies, par leur persistance, montrent qu'elles sont vitales. Elles témoignent bien d'une stratégie à l'œuvre, mais elles témoignent tout autant de la présence constante du "danger" qui les justifie.

Dernière édition par Euterpe le Dim 9 Fév 2014 - 18:11, édité 1 fois

descriptionL'angoisse - Page 2 EmptyRe: L'angoisse

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Faute de savoir, je ferai état de mon cas personnel
Euterpe a écrit:
L'angoisse ne se commande pas. Elle vous étreint sans vous avertir.

Sur le coup, c'est vrai. Mais après coup, une fois la crise d'angoisse passée, il m'arrive de me dire que ça ne pouvait pas louper. En reprenant le fil de l'histoire, je finis par isoler l'évènement déclencheur, et le souvenir du risque ressenti : angoisse en vue. Un peu comme une réaction en deux temps : Le coup de vent, puis l'averse. Dans ce cas, si l'angoisse ne se commande pas, elle n'en est pas moins fortement prévisible.
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