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La place du bonheur dans la philosophie.

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5 participants

descriptionLa place du bonheur dans la philosophie. - Page 9 EmptyRe: La place du bonheur dans la philosophie.

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Non, c'est au contraire une pensée fondamentale de Nietzsche :

En vérité, c'est une bénédiction et non une malédiction que d'enseigner : "Sur toutes choses, se trouve le ciel hasard, le ciel innocence, le ciel à peu près, le ciel pétulance."
"Par hasard" - c'est là la plus vieille noblesse du monde, je l'ai rendue à toutes les choses, je les ai délivrées de la servitude du but.
Cette liberté et cette sérénité célestes, je les ai placées comme des cloches d'azur sur toutes les choses, lorsque j'ai enseigné qu'au-dessus d'elles, et par elles, aucune "volonté éternelle" - n'affirmait sa volonté.
J'ai mis en place de cette volonté, cette pétulance et cette folie, lorsque j'ai enseigné : "Il y a une chose qui sera toujours impossible - c'est d'être raisonnable !"
Un peu de raison cependant, un grain de sagesse, dispersé d'étoile en étoile, - ce levain est mêlé à toutes choses : c'est à cause de la folie que la sagesse est mêlée à toutes les choses !
Un peu de sagesse est possible; mais j'ai trouvé dans toutes choses cette certitude bienheureuse: elles préfèrent danser sur les pieds du hasard.
O ciel au-dessus de moi, ciel pur et haut ! Ceci est maintenant pour moi ta pureté qu'il n'existe pas d'éternelles araignées et de toile d'araignée de la raison : - que tu sois un lieu de danse pour les hasards divins, que tu sois une table divine pour le jeu de dés et les joueurs divins ! -
Mais tu rougis ? Ai-je dit des choses inexprimables ? Ai-je maudit en voulant te bénir ?

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Déclin d'une forme de religiosité, oui, mais Nietzsche transfère la religiosité du regard porté vers le ciel à celui porté vers la terre, c'est-à-dire au monde. Son approche n'est pas dénuée d'un certain mysticisme. N'oublions pas que la mort de Dieu est un symptôme du nihilisme, et qu'il faut la surmonter pour en faire une bonne nouvelle. Cette dernière revient à des fondamentaux qui ne sont pas si loin que ça de certains enseignements de Jésus.

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Seulement si on pense que la bonne nouvelle de l'Antéchrist est ironique. Mais Jésus n'est pas le Christ. Nietzsche combat principalement l'Église et Saint Paul et non celui qui fut le seul chrétien (et bien que tenté par Jésus il le transcende en Dionysos qui n'a pas ses imperfections).

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jean ghislain a écrit:
il veut bien entendu dire l'enseignement du surhomme, de l'abjection de la religion et le dépassement de la raison, je pense qu'on le comprend aisement

Je ne vois pas tout ça dans ce texte, moi ! Pour le dire brièvement, Nietzsche, en supprimant toute téléologie, rend l'univers innocent. Je pense qu'on retrouve ici l'influence d'Héraclite. L'homme est ce coup de dé, ce hasard heureux de la nature. Mais qu'a t-il fait jusque là de cette chance ? Peu de choses en vérité. En tous les cas, il pourrait faire beaucoup plus. Voici sous une forme plus prosaïque ce qu'en dit Nietzsche dans la Généalogie de la morale :

Arrivé à ce point, je ne puis plus me dérober à la nécessité de donner à ma propre hypothèse sur l’origine de la « mauvaise conscience » une première expression toute provisoire : elle n’est pas aisée à faire entendre et veut être longuement méditée, surveillée, ruminée. Je considère la mauvaise conscience comme le profond état morbide où l’homme devait tomber sous l’influence de cette transformation, la plus radicale qu’il ait jamais subie, — de cette transformation qui se produisît lorsqu’il se trouva définitivement enchaîné dans le carcan de la société et de la paix. Tels des animaux aquatiques contraints de s’adapter à la vie terrestre ou à périr, ces demi-animaux si bien accoutumés à la vie sauvage, à la guerre, aux courses vagabondes et aux aventures, — virent soudain tous leurs instincts avilis et « rendus inutiles ». On les forçait, dès lors, d’aller sur leurs pieds et à « se porter eux-mêmes », alors que jusqu’à présent l’eau les avait portés : un poids énorme les écrasait. Ils se sentaient inaptes aux fonctions les plus simples ; dans ce monde nouveau et inconnu ils n’avaient pas leurs guides d’autrefois, ces instincts régulateurs, inconsciemment infaillibles, — ils en étaient réduits à penser, à déduire, à calculer, à combiner des causes et des effets, les malheureux ! ils en étaient réduits à leur « conscience », à leur organe le plus faible et le plus maladroit ! Je crois que jamais sur terre il n’y eut pareil sentiment de détresse, jamais malaise aussi pesant ! — Ajoutez à cela que les anciens instincts n’avaient pas renoncé d’un seul coup à leurs exigences ! Mais il était difficile et souvent impossible de les satisfaire : ils furent en somme forcés de se chercher des satisfactions nouvelles et souterraines. Tous les instincts qui n’ont pas de débouché, que quelque force répressive empêche d’éclater au-dehors, retournent en dedans — c’est là ce que j’appelle l’intériorisation de l’homme : de cette façon se développe en lui ce que plus tard on appellera son « âme ». Tout le monde intérieur, d’origine mince à tenir entre cuir et chair, s’est développé et amplifié, a gagné en profondeur, en largeur, en hauteur, lorsque l’expansion de l’homme vers l’extérieur a été entravée. Ces formidables bastions que l’organisation sociale a élevés pour se protéger contre les vieux instincts de liberté — et il faut placer le châtiment au premier rang de ces moyens de défense — ont réussi à faire se retourner tous les instincts de l’homme sauvage, libre et vagabond — contre l’homme lui-même. La rancune, la cruauté, le besoin de persécution — tout cela se dirigeant contre le possesseur de tels instincts : c’est là l’origine de la « mauvaise conscience ». L’homme qui par suite du manque de résistances et d’ennemis extérieurs, serré dans l’étau de la régularité des mœurs, impatiemment se déchirait, se persécutait, se rongeait, s’épouvantait et se maltraitait lui-même, cet animal que l’on veut « domestiquer » et qui se heurte jusqu’à se blesser aux barreaux de sa cage, cet être que ses privations font languir dans la nostalgie du désert et qui fatalement devait trouver en lui un champ d’aventures, un jardin de supplices, une contrée dangereuse et incertaine, — ce fou, ce captif aux aspirations désespérées, devint l’inventeur de la « mauvaise conscience ». Mais alors fut introduite la plus grande et la plus inquiétante de toutes les maladies, dont l’humanité n’est pas encore guérie aujourd’hui, l’homme maladie de l’homme, malade de lui-même : conséquence d’un divorce violent avec le passé animal, d’un bond et d’une chute tout à la fois, dans de nouvelles situations, au milieu de nouvelles conditions d’existence, d’une déclaration de guerre contre les anciens instincts qui jusqu’ici faisaient sa force, sa joie et son caractère redoutable. Ajoutons de suite que d’autre part le fait d’une âme animale se tournant contre elle-même fournit au monde un élément si nouveau, si profond, si inouï, si énigmatique, si riche en contradictions et en promesses d’avenir que l’aspect du monde en fut réellement changé. Vraiment, il eût fallu des spectateurs divins pour apprécier le drame qui commença alors et dont on ne peut pas encore prévoir la fin, — un drame trop délicat, trop merveilleux, trop paradoxal pour être joué sans signification aucune sur n’importe quelle misérable planète où il passerait inaperçu ! Depuis lors, l’homme compte parmi les coups heureux les plus inattendus et les plus passionnants que joue le « grand enfant » d’Héraclite, qu’on l’appelle Zeus ou bien le Hasard, — il éveille, en sa faveur, l’intérêt, l’attente anxieuse, l’espérance, presque la certitude, comme si quelque chose s’annonçait par lui, se préparait, comme si l’homme n’était pas un but, mais seulement une étape, un incident, un passage, une grande promesse…

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jean ghislain a écrit:
Quand Nietzsche dit que l'homme compte pour coup heureux du hasard, il veut dire ironiquement que c'est une chance qu'il ait survécu à tant de mauvaise conscience, tant de déchaînement de l'esprit contre le corps (par exemple l'ascétisme) tant de haine de l'église pour les instincts naturels de l'homme.

Non, ce n'est pas ironique. Nietzsche (qui est très explicite au contraire dans ce passage de la Généalogie) montre que cette mauvaise conscience a été une chance :
Ajoutons de suite que d’autre part le fait d’une âme animale se tournant contre elle-même fournit au monde un élément si nouveau, si profond, si inouï, si énigmatique, si riche en contradictions et en promesses d’avenir que l’aspect du monde en fut réellement changé.



jean ghislain a écrit:
le ton que prend Nietzsche dans ses écrits ressemble à une prêche du dimanche, mais ça donne d'autant plus de force au discours, puisque ses mots touchent ainsi aussi un public religieux.

Il est vrai que Nietzsche donne l'impression de parler du haut d'une chaire, mais je ne crois pas qu'il ait voulu viser un public particulier. C'est son style, tout comme le choix de l'aphorisme, peu commun avec l'habitude qu'a la philosophie de démontrer longuement des propositions.
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