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Le philosophe doit-il être irréligieux ?

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5 participants

descriptionLe philosophe doit-il être irréligieux ? - Page 8 EmptyRe: Le philosophe doit-il être irréligieux ?

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Desassossego a écrit:
Le Dieu des juifs est certainement le Dieu le plus personnel qui soit, celui qui certainement s'oppose le plus à ce que Spinoza entend par "Dieu"
En effet, entre Spinoza et le judaïsme, l'incompatibilité est totale. Un Dieu personnel, a fortiori le plus personnel, comme l'est le dieu des juifs, est transcendant, ou il n'est pas. Il n'y a aucune place pour lui dans la pensée immanentiste de Spinoza. Tous les penseurs juifs l'ont bien compris, qui s'interrogent sur la possibilité de concevoir une pensée juive laïque sans risquer de détruire le judaïsme. Il suffit de lire Leo Strauss, etc.

Liber a écrit:
Silentio a écrit:
Soutenir la religion et être religieux sont deux choses différentes : la foi personnelle ne mène pas automatiquement à se soumettre à l'institution politique.
Certes, vous pouvez admirer la nature, mais dans ce cas, je parlerais plutôt de sentiment du sublime.

Le sentiment religieux dont parle Silentio est pourtant connu et reconnu. Constant, auteur d'un des plus grands classiques du genre, je le rappelle, parle du sentiment religieux, constitutif de la nature humaine, et quelle que soit la religion des uns ou des autres, dont les institutions ne sont jamais que les expressions, les expressions particulières d'un sentiment universel.

Liber a écrit:
Qu'est-ce qu'on trouve dans la morale kantienne ? Le Décalogue, comme le dit Schopenhauer. Kant a fait de la sombre religion juive un bel objet brillant, mais qui n'en est que pire, car il devient presque impossible à reconnaître, sous le costume de la Raison (avec un grand R, s'il vous plaît). "Tu dois", la maxime est cette fois inspirée par la Raison et non plus par Yahvé. Que le philosophe ait au moins la franchise de se dire crânement chrétien !

Y a-t-il pire étouffoir que la philosophie kantienne pour un catholique ? Non. Y a-t-il une once de religiosité juive chez Kant ? Non. Le Dieu des juifs est un dieu personnel, quelqu'un qui parle beaucoup, avec autoritarisme, à des hommes qu'il choisit (les prophètes, seuls à même de comprendre la langue de dieu - cf. le Traité théologico-politique de Spinoza, d'ailleurs) ; tout le contraire du dieu des protestants (et de ses déclinaisons), d'autant plus intériorisé que s'il prend contact avec nous, c'est par la Grâce, dont nul n'a l'intelligence. Pas étonnant que les protestants soient matérialistes : de la Grâce, tout juste peut-on avoir des signes matériels (richesse, réussite, travail, etc.). Comme Nietzsche avec Spinoza, Schopenhauer ne sait pas ce qu'il dit en christianisant ou en judaïsant Kant.

Liber a écrit:
le christianisme consiste à fuir ce monde, non à le glorifier pour ce qu'il est.

Pas nécessairement. Il y a bien des contre-exemples à cette affirmation. Les Jésuites étaient matérialistes et plutôt accommodants, ce qui avait le don d'agacer les jansénistes (dont l'existence même interdisait toute pensée protestante d'origine française, le protestantisme étant matérialiste). La Contre-Réforme glorifie le monde, elle en met "plein la vue" comme on dit vulgairement, pas seulement pour affirmer la prééminence de l'Église catholique romaine, mais aussi parce qu'on voyait bien que le protestantisme, en balayant les institutions, risquait de balayer le monde en jetant l'individu, seul, face à Dieu. Le rapport est insoutenable sans les multiples antichambres que ménageaient les institutions catholiques, lesquelles, pour être le plus souvent artificielles, permettaient de ne jamais abandonner l'individu seul face à un Dieu incompréhensible. Les auteurs catholiques ont parfaitement compris que le matérialisme protestant n'était pas compatible avec le matérialisme des qualités sensibles (le monde, comme création et comme créatures, est un ensemble de qualités). Ce matérialisme là est plus nietzschéo-compatible que le matérialisme mercantile des protestants... Pas étonnant que Luther soit si important dans la généalogie nietzschéenne.

Liber a écrit:
Dieu immanent chez Hegel ? Vous voulez rire ? Le Dieu d'Hegel, c'est le Dieu chrétien, de toute façon, il n'y a pas deux Dieux, il n'y en a qu'un. Ou bien il suffirait que ces messieurs se déclarent polythéistes, ce qu'ils n'ont jamais fait.
Il n'y a pas de transcendance chez Hegel, et l'interprétation théologique de son œuvre, outre qu'elle n'est qu'une interprétation parmi d'autres, n'est pas la plus autorisée.

Liber a écrit:
Stirner, que je viens de découvrir, vous donnerait une réponse simple : si cet homme est pris et exécuté, c'est qu'il était plus faible que la société. Mais nous n'avons pas à nous interdire quoi que ce soit. Voyez en Corse actuellement, seuls 5% des homicides sont résolus, et encore, de quels homicides parle-t-on ? De crimes passionnels sans doute. Les assassinats ciblés restent impunis. Assurément, vous ne conseilleriez pas à un mafieux corse de ne pas se venger par peur de la police. Il vous rirait au nez. Par contre, la philosophie de Stirner lui semblerait proche de son mode de vie.
Liber a écrit:
En Corse, l'État est inexistant. Si le mafieux finit mal, c'est par la main d'un autre mafieux. Et il n'y a pas qu'en Corse que les choses se passent ainsi. Stirner n'y trouverait rien à redire.
Liber a écrit:
chez Stirner, l'individu prime toujours
Liber a écrit:
un stirnérien serait parfaitement à l'aise en Corse, où il aurait à lutter contre d'autres individus, non contre un État ou une société (mais ce serait possible aussi, quoique cela demanderait de s'associer). Si ces mafieux étaient animés des mêmes idéaux que les Florentins, nous ne serions pas loin de l'idéal nietzschéen : des individus libres aux idéaux élevés, qui se battent entre eux, mènent une vie dangereuse, ont besoin de l'art pour assouvir leurs désirs de puissance, d'éclat, de grandeur.

En somme, un individualiste adhérerait sans broncher au mode de vie d'une communauté où les liens priment sur l'individu, de surcroît dans une communauté mafieuse, dans laquelle il est de notoriété publique que l'individu n'existe pas ?

Liber a écrit:
Comment alors comprendre des maximes universelles telles que : "Tu ne tueras point" ?

En prêtant un peu plus attention au temps des verbes.

Silentio a écrit:
Ce n'est pas un mystère pour nous que la religion n'ait aucun fondement en Dieu puisque ce dernier nous apparaît comme une vaste fumisterie.
Ce qui plaide moins contre les religions que contre notre bave aux lèvres.

Liber a écrit:
Même un enfant demandera pourquoi il ne doit pas mentir. Ses parents lui répondront : "Parce que c'est comme ça", s'ils sont Juifs, parce que c'est écrit dans la Bible, et s'ils sont kantiens, parce que c'est l'impératif catégorique. Tout cela sans fondement.

Qu'est-ce que cette caricature vient faire ici ? Le problème du mensonge se pose souvent la première fois sous une forme non morale, que les enfants comprennent très bien parce qu'ils comprennent aussi bien que vous et moi la question de la conformité au réel d'une affirmation. Pour le reste, vous devriez relire D'un prétendu droit de mentir (dont vous semblez faire le tout de la morale kantienne), et notamment les passages où Kant distingue entre métaphysique et politique. Et puis cessez de placer sur sa tête un bonnet d'âne.

Dernière édition par Euterpe le Sam 13 Aoû 2016 - 16:28, édité 3 fois

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Euterpe a écrit:
En somme, un individualiste adhérerait sans broncher au mode de vie d'une communauté où les liens priment sur l'individu, de surcroît dans une communauté mafieuse, dans laquelle il est de notoriété publique que l'individu n'existe pas ?

Addendum : le stirnérien corse vivrait dans le maquis. De toute façon, Stirner ne dit pas que l'individu doit agir toujours seul. S'il se sent trop faible pour lutter contre plus fort que soi, il vaut mieux qu'il s'unisse à d'autres faibles. Le plus important à ses yeux est que l'individu ne cherche pas de responsabilité de ce qui lui arrive chez d'autres que lui-même*, et qu'il prenne de force ce dont il a envie, caractéristiques qu'on retrouve dans le fonctionnement corse, et qui poussent à la violence, naturellement. Mais Stirner n'a jamais dit qu'on devait éviter la violence...

*A comprendre non dans un sens moral : "Je n'ai pas fait ce qu'il fallait", mais dans le sens de : "Je n'ai pas été assez fort".

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Euterpe a écrit:
La raison pure pratique ne se donne pas d'abord des idéaux. On a affaire à une philosophie de l'action (la liberté). Mais Kant savait bien qu'avec le devoir comme mobile, il ne trouverait guère de clients s'il ne lui donnait pas de la consistance (les postulats - et non les connaissances de la raison pure pratique -, lesquels consistent littéralement, pour Kant, à accorder aux hommes ce qu'ils demandent - ce qui est la définition même d'un postulat - : croire.). D'où sa tentative d'établir le concept du souverain bien.

Merci pour les précisions, c'est éclairant.
Euterpe a écrit:
Ce qui plaide moins contre les religions que contre notre bave aux lèvres.

C'est vrai. Mais ayant dit ce que j'ai dit, je n'en ai pas pour autant discrédité les religions, j'ai montré que les institutions religieuses étaient rationnelles en tant que répondant à des nécessités politiques et morales (quand bien même leurs croyances seraient, en tant que telles, irrationnelles, quoique compréhensibles et nécessaires).

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Silentio a écrit:
Euterpe a écrit:
Ce qui plaide moins contre les religions que contre notre bave aux lèvres.

C'est vrai. Mais ayant dit ce que j'ai dit, je n'en ai pas pour autant discrédité les religions, j'ai montré que les institutions religieuses étaient rationnelles en tant que répondant à des nécessités politiques et morales (quand bien même leurs croyances seraient, en tant que telles, irrationnelles, quoique compréhensibles et nécessaires).

Pas vrai pour moi. Le philosophe n'a pas à respecter Dieu ou la religion. Aucun ordre ne peut être donné au philosophe, même venant du plus haut des cieux ou du fin fond de notre conscience morale. Au moins, Spinoza est décapant là-dessus, c'est la partie de sa philosophie que j'approuve. "L'homme est la mesure de toutes choses", tout est relatif, c'est donc aussi à nous de décider de l'importance qu'on accorde aux dieux. Il ne saurait non plus y avoir d'intolérance envers quelque chose qui n'existe que dans l'imagination de ceux qui y croient. Si je vous demande de respecter ma croyance dans une théière, vous allez me prendre pour un fou. Alors pourquoi demanderait-on de respecter un ostensoir ? Quant à la nécessité des religions, ce n'est pas parce que quelque chose existe que c'est nécessaire. Je vous l'ai déjà dit, soit vous vous prenez pour un prince machiavélique, soit vous défendez l'institution comme vous défendez l'État (contre l'individu, qui aurait besoin d'être soumis), dans le genre hégélien. Je vous cite la seconde partie de la phrase de Protagoras : "L'homme est la mesure de toutes choses : de celles qui sont et de celles qui ne sont pas."

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Je n'approuve pas le contenu des religions, je dis qu'elles sont ou ont été un mal nécessaire pour créer et maintenir le lien social et les mœurs, et je vois dans l'état de droit, qui garantit notre liberté individuelle, et même s'il fallait en passer par une critique des religions, l'aboutissement de l'institution de la loi initiée par la religion comme ce qui fonde et relie une communauté politique et sociale. Lorsque l'empire romain s'est effondré et a éclaté avec les invasions barbares, il a bien fallu une Église pour relier ce qui ne l'était plus. La République issue de la Révolution française, bien qu'opposée à l'Ancien régime et à l'Église, a perpétué, même au travers de la sécularisation (toutefois relative puisque le pouvoir a toujours quelque chose de sacré, notamment dans sa mise en scène), les fonctions de cette Église : la loi, le lien social, les dogmes en moins (ou alors avec plus de libertés individuelles et de nouveaux dogmes au service de la République elle-même qui reste un régime politique comprenant une souveraineté et donc un pouvoir).

Par contre, je pense que l'individu a besoin de l'institution et qu'il faut critiquer les cas où il y a excès de l'un sur l'autre (lorsque le lien social ou la liberté individuelle sont menacés) et penser les conditions de l'autonomie collective et individuelle (ce qui requiert, pour commencer, d'en finir avec l'État moderne séparé de la société). Reste que l'individu ne peut vivre sans la société et qu'il faut, même pour le rendre libre, qu'il puisse être réfréné un minimum dans ses désirs (ça ne signifie pas leur fin, sinon il n'y aurait plus d'individu, mais qu'il doit apprendre à les examiner et à les maîtriser pour les choisir au mieux et lorsque c'est vraiment compatible avec sa liberté, laquelle est avant tout politique : un individu autonome est un individu réflexif, il n'est pas un tyran ni soumis à ses désirs aveugles, lesquels peuvent être illusoires ou le fruit d'illusions et non bons pour lui, par exemple dans le cas d'un consommateur qui virevolterait de biens en biens par la force de la publicité).

Quant au philosophe, il fait ce qu'il veut à condition de pouvoir rendre compte de ce qu'il dit. Ce n'est pas non plus un irresponsable : ou bien il faut admettre qu'il puisse l'être et en tirer toutes les conséquences.
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