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Le monde est-il mathématique ?

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Badak
Lucien Cadet
mekeskidi
Euterpe
jem
fripouille
10 participants

descriptionLe monde est-il mathématique ? - Page 2 EmptyRe: Le monde est-il mathématique ?

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fripouille a écrit:
Ce qu'est le réel en dehors de notre représentation, en dehors de nos appareils de mesure, est, pour les physiciens quantiques de notre temps, un non-sens

Pour les physiciens quantiques uniquement. Encore faudrait-il expliquer ce qu'ils entendent par "non-sens", et ne pas oublier le point de vue du profane, qui n'a pas beaucoup changé depuis la nuit des temps, parce que ce qu'on pourrait appeler le "capital empirique" des hommes est extraordinairement stable et bien partagé. C'est beaucoup plus qu'un argument contre la physique quantique. On ne va pas renoncer à un point de vue qui a plusieurs millénaires de bons résultats derrière lui pour satisfaire le point de vue quantique. Enfin, la seule question de savoir ce qu'on appelle "le réel en dehors de notre représentation" est fondamentale ; on ne s'en débarrasse pas comme ça, d'autant que la manière dont vous le dites inciterait presque à admettre une équivalence entre représentation et appareils de mesure.

fripouille a écrit:
Et si au bout du compte, dans l'infiniment petit, il ne restait plus que des relations, l'homme arriverait-il encore à nommer le réel ? Car ce qui est le plus problématique pour l'homme de la rue serait d'avouer que le réel n'a plus rien de solide ni de palpable.

Même pour l'homme de la rue ce n'est pas forcément difficile, intellectuellement. Après tout, de Leucippe à Lucrèce, l'atomisme pouvait sembler dématérialiser le monde aux yeux d'un quidam. C'est pourtant un matérialisme réel et convaincant, très fin, capable de considérer ce que la matière a de subtil, de moins "massif".

fripouille a écrit:
Je connais cette vidéo qui est intéressante mais tout en étant bien axée, elle n'approfondit pas assez le problème.

Ce n'est pas le but. C'est un cours de licence, ne l'oublions pas, pédagogiquement conçu, avec, comme souvent, une présentation historique pour poser les termes du problème. L'objectif n'est pas de "progresser" dans les connaissances mathématiques et physiques du monde, mais de proposer, in fine, un état des lieux compréhensible. On nous propose de considérer que les mathématiques sont construites, plutôt que la découverte de choses existant a priori ; on nous présente avec clarté le rapport entre mathématiques et empirisme ; on nous explique bien en quoi la science ptolémaïque, d'un point de vue descriptif, est viable ; etc.

fripouille a écrit:
Les intervenants développent une problématique de surface mais n'évoquent que très superficiellement le rapport entre le formalisme mathématique et la physique quantique.

Ça implique de tricher un peu avec la question, d'y répondre avant même de la poser, puisque votre remarque, me semble-t-il, implique d'admettre qu'il n'y a que des ondes (et, si j'ai bien compris, le formalisme mathématique, c'est des mathématiques ondulatoires, non ?). Ça ne me semble pas très inductif comme approche. Pour un profane (et c'est comme tel que j'interviens ici) c'est quand même un peu difficile à admettre, au seul motif qu'il ne comprend rien à la physique quantique et que, parce que des scientifiques lui parlent en chinois (certains même exigeant sans autre forme de procès de balayer nos "concepts macro-physiques"), ils auraient forcément raison. Quid de la matière ? Comme le dit l'un des interlocuteurs à la fin du cours vidéo, il faut "croire en l'existence du monde externe, sans quoi on ne se donne pas la peine de chercher" ; or qu'est-ce que ce monde externe sinon le monde tel qu'il est empiriquement accessible ?

Recourons à des questions de profane, un peu en vrac. Quand on se prend un poteau dans la figure, la douleur est-elle une erreur d'interprétation ? Y a-t-il une question d'échelle et, si c'est le cas, comment la formule-t-on ? Quid de la théorie de la relativité et de la question de son incompatibilité avec la physique quantique ? La matière ne serait-elle qu'une sorte de concrétion de l'énergie, un état de l'énergie ?

Dernière édition par Euterpe le Sam 30 Juil 2016 - 14:26, édité 1 fois

descriptionLe monde est-il mathématique ? - Page 2 EmptyRe: Le monde est-il mathématique ?

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L'Univers est-il mathématique ? de Jean-Paul Delahaye (Pour la Science N°392 - juin 2010)

Je signale à tout hasard cet article, mais son titre est tellement proche de celui de votre mémoire qu'il ne vous a probablement pas échappé.

Cordialement

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Je peux vous faire passer un document PDF, sur lequel je suis tombé il y a peu de temps, un écrit de Bruno Marshall qui met en rapport les mathématiques, la logique, et la conscience, pour faire simple. On verra alors que la réduction de la conscience à la matière entraîne réciproquement la réduction de la matière à l’arithmétique : trop de mécanisme tue le mécanisme. On interrogera logiquement ce que signifie "comprendre" et "réfléchir" ; ou encore la mathématisation de l'infini, ou de l'idée d'infini... d'abord saisie instinctivement (appréhension de la douleur et de la finitude en général).

Voici le lien pour le document de Bruno Marshall : Thèse de 1995 : Bruno Marshall
Suite (B. Marshall)

Du même auteur, Conscience et mécanisme

Autrement, l'œuvre de Durkheim L'avenir de la religion (1914) est particulièrement intéressante, à première vue, pour votre sujet : l'apparence ne sera jamais réductible à la mécanique. Des extraits :
« Le plus souvent, les penseurs qui ont entrepris de traduire la religion en termes rationnels n’y ont vu ou n’y ont guère vu qu’un système d’idées, un système de représentations destinées à exprimer telle ou telle portion du réel telle que le sommeil, le rêve, la maladie, la mort ou les grands spectacles de la nature. Or, quand on ne voit dans la religion que des idées ou quand on y voit principalement des idées, il semble vraiment que l’individu ait pu l’édifier par ses seules forces. Sans doute, ces représentations ont quelque chose de décon­certant, elles ont comme un caractère mystérieux qui nous trouble. Mais, d’un autre côté, nous savons par expérience que les combinaisons mentales sont si variées, si diverses, si riches, si créatrices qu’a priori nous faisons crédit à l’esprit et nous acceptons volontiers, par avance, que la pensée ait pu, de toutes pièces, inventer ces merveilles. Seulement et quoique les idéaux reli­gieux aient, par eux-mêmes, des caractères spéciaux, ce n’est pas de ce côté qu’il faut aller chercher ce qu’il y a vraiment de spécifique dans la religion.

« La religion, en effet, n’est pas seulement un système d’idées, c’est avant tout un système de forces. L’homme qui vit religieusement n’est pas seulement un homme qui se représente le monde de telle ou telle manière, qui sait ce que d’autres ignorent ; c’est avant tout un homme qui sent en lui un pouvoir qu’il ne se connaît pas d’ordinaire, qu’il ne sent pas en lui quand il n’est pas à l’état religieux. La vie religieuse implique l’existence de forces très particulières. Je ne puis songer à les décrire ici ; rappelant un mot connu, je me contenterai d’en dire que ce sont ces forces qui soulèvent les montagnes. J’entends par là que, quand l’homme vit de la vie religieuse, il croit participer à une force qui le domine, mais qui, en même temps, le soutient et l’élève au-dessus de lui-même. Appuyé sur elle, il lui semble qu’il peut mieux faire face aux épreuves et aux difficultés de l’existence, qu’il peut même plier la nature à ses desseins.

« Ce sentiment-là a été trop général dans l’humanité, il a été trop constant pour qu’il puisse être illusoire. Une illusion ne dure pas ainsi des siècles. Il faut donc que cette force que l’homme sent venir à lui soit réellement exis­tante. Par conséquent, le libre penseur, c’est-à-dire l’homme qui se donne mé­tho­di­quement comme tâche d’exprimer la religion par des causes naturelles, sans faire intervenir aucune espèce de notion qui ne soit pas empruntée à nos facultés discursives ordinaires, un tel homme doit se poser la question reli­gieuse dans les termes suivants : de quelle partie du monde de l’expérience peuvent lui venir ces forces qui le dominent et qui, en même temps, le sustentent ?

« On comprend très bien que ce n’est pas en essayant d’interpréter tel ou tel phénomène naturel qu’il nous a été possible de faire venir à nous un pareil afflux de vie. Ce n’est pas d’une représentation erronée du sommeil ou de la mort qu’ont jamais pu surgir des forces de cette nature. Le spectacle des grandes puissances cosmiques ne peut davantage avoir produit cet effet.

« C’est là, comme vous le savez peut-être, l’explication rationnelle la plus haute qui ait été proposée de la religion. Mais les forces physiques ne sont que des forces physiques : par conséquent, elles restent en dehors de moi. Je puis les voir du dehors ; elles ne me pénètrent pas, elles ne viennent pas se mêler à ma vie intérieure. Je ne me sens pas plus fort, mieux armé contre les destinées, moins asservi à la nature parce que je vois les fleuves couler, les moissons germer, les astres accomplir leurs révolutions : il n’y a que des forces morales que je puisse sentir en moi, qui puissent me commander et me réconforter. Et encore une fois, il faut que ces forces soient réelles, qu’elles soient réellement en moi. Car ce sentiment de réconfort et de dépendance n’est pas illusoire. »

descriptionLe monde est-il mathématique ? - Page 2 EmptyL'article de Bruno Marshall

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Je l'ai tout juste survolé, c'est effectivement passionnant.
Mais je n'ai pas compris le commentaire : "la réduction de la conscience à la matière entraîne réciproquement la réduction de la matière à l’arithmétique : trop de mécanisme tue le mécanisme".

Déjà (mais je suis soupçonneux) j'ai l'impression que le terme arithmétique est employé avec une connotation péjorative. Or la première étape de la démonstration de Gödel est que tout formalisme peut être codé dans l'axiomatique de Peano.

Ensuite, mais là je pense qu'il s'agit beaucoup plus, tant de mes insuffisances en philosophie que de mon survol trop rapide de ce papier, je n'ai pas vu de réduction de la conscience à la matière, j'ai seulement entrevu une formalisation de la conscience (alors que ma première critique est plus hargneuse, je soumets celle-là essentiellement pour que l'on m'explique ce à côté de quoi je suis passé).

descriptionLe monde est-il mathématique ? - Page 2 EmptyRe: Le monde est-il mathématique ?

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Bruno Marshall a écrit:
Dans ce travail, je démontre que l’hypothèse mécaniste indexicale et digitale entraîne la nécessité de la réduction inverse de la matière à celle de la conscience faisant ultimement de la physique une branche de l’arithmétique (...) Lorsqu’on introduit dans une question des mots ayant une connotation temporelle, il n’est plus toujours possible de répondre correctement par oui ou par non, comme dans l’exemple suivant : Avez-vous cessé de mépriser la machine ? La réponse oui signifie que vous la méprisiez, la réponse non signifie que vous la méprisez encore, si bien qu'au cas où vous ne l’auriez jamais méprisée ni oui ni non n’est disponible pour une réponse satisfaisante.


Dr. Enjalbert (a participé à la soutenance de la thèse de Bruno Marshall en 1998 à Caen) a écrit:
A contre-courant d’idées couramment admises, la thèse de M. Marchal est que précisément, l’hypothèse du computationnalisme conduit à rejeter celle du matérialisme.


Si j'en suis venu à parler d'une réduction de la conscience à la matière, c'était surtout en référence à Hegel (contre Marx et le matérialisme en général, dit "historique" dans son cas). Marx ne parle jamais des totalités pensées, il ne parle jamais du rôle de l'apparence au sein de l'être collectif, si ce n'est lorsqu'il mentionne la fameuse et insignifiante superstructure déterminée : il ne parle jamais du "public knowledge", contrairement à Hegel. On peut le constater lorsqu'il s'agit de parler de la religion justement, d'où ma citation du grand Durkheim.

Durkheim, L'avenir de la religion a écrit:
Il ne peut pas y avoir une interprétation rationnelle de la religion qui soit foncièrement irréligieuse ; une interprétation irréligieuse de la religion serait une interprétation qui nierait le fait dont il s’agit de rendre compte


Je crois que Marx a tort d'appliquer à la matière (il traite en effet du "concret pensé") les caractéristiques hégéliennes de la réalité : en conséquence, contrairement à l'interprétation universitaire de Marx (celle en tout cas que j'ai constatée cette année avec mon professeur de "Marx philosophe ?", cours très intéressant au demeurant) celui-ci ne remet pas Hegel "sur ses pieds". Ce n'est pas parce que ces caractéristiques sont des "pures vues de l'esprit" (critique de l'idéalisme si cher à M. Marx) mais c'est dans la mesure où la matière n'est pas réelle (ce qui ne veut pas dire qu'elle n'existe pas...) et donc que les caractéristiques de la réalité ne doivent pas être appliquées à ce qui n'est pas réel. Marx est encore hégélien lorsqu'il dit : l'homme c'est le monde de l'homme ; ou encore "le monde est savoir mais il ne le sait pas" (c'est l'Esprit qui vient aux hommes ...).

Marx : "les bases réelles dont on ne peut faire abstraction qu'en imagination"
Hegel : "sont déjà savoir et non "bases matérielles" car la logique y est déjà à l'œuvre : pas au sens individuel bien évidemment, sens qui a pourtant couru longtemps et cours encore... Mais bien au sens de l'être collectif de Durkheim : "examiner, un jour futur, les choses de l'intérieur" écrit-il dans les Règles me semble-t-il. Une situation, lorsqu'elle est devenue "publique" est "savoir universel" : la situation consiste dans la connaissance de la situation : tous savent que tous savent. La situation de notoriété publique est devenue sujet ; l'institué est devenu l'instituant : voyez l'argent !

Pourquoi est-il célèbre ? Parce qu'il est célèbre. La puissance de l'argent repose sur une pareille circularité : chacun sait que chacun sait que chacun a confiance dans l'argent, et d'ailleurs, seulement dans l'argent. Mais personne n'a institué cette puissante institution : sauf les illuminatis pour les fans de la théorie du complot incapables de comprendre le concept de l'homme... Personne ne l'a instituée, elle s'est instituée toute seule : au sens de Hegel, c'est une situation dite "infinie", c'est-à-dire qu'elle s'est posée elle-même, et voilà comment l'institué est devenu l'instituant ; mais du déterminisme au sens où l'entend l'orthodoxie marxiste.
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