En relisant tout le passage où Socrate se livre à son enquête étymologique, j'ai l'impression qu'il s'agit d'une mise en abyme.

Il y a un dialogue dans ce dialogue entre Socrate et Hermogène, le dialogue de Platon philosophe avec les œuvres fondatrices de la Grèce. L'origine des mots figure l'origine du monde, et l'étymologie figure la poésie (épopée, théogonie, cosmogonie). L'étymologie est aussi fantaisiste que la poésie. En effet, si on passe en revue les mots qu'examine Socrate, on peut constater qu'il énonce l'origine des mots qui concernent les héros, les dieux, le cosmos et les hommes. En outre, il le fait comme un mauvais sophiste qui livrerait ses connaissances gratuitement, contrairement aux sophistes réputés qui font payer les leurs 1 à 5 drachmes.

L'ironie de Platon ne se nicherait-elle pas ici ? Dans cette généalogie du logos grec, des poètes aux sophistes (généalogie dont l'enquête étymologique serait la métaphore), Platon semble vouloir nous montrer qu'en guise de raison, la raison grecque en est encore restée à l'analogie, expressive et séduisante certes, mais toute primitive et imaginaire, comme si elle ne s'était jamais élevée du monde sensible au monde intelligible. Comme si Platon, au final, préparaît sa méthode dichotomique, sans laquelle il n'y a pas de dialectique possible. Comme si, à la logorrhée mythique, il voulait substituer le mutisme du savant.