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Peut-on être-au-monde en disant "oui" ?

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5 participants

descriptionPeut-on être-au-monde en disant "oui" ? - Page 2 EmptyRe: Peut-on être-au-monde en disant "oui" ?

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Desassossego a écrit:
En effet, nous pourrions voir également la question sous cet angle, mais ce serait, je trouve, enfermer le "oui" dans son cadre fonctionnel, à savoir qu'il est une réponse à un énoncé et à quelqu'un.

Mais le oui, c'est d'abord ça. Le oui qui vous intéresse ici est tout simplement la transposition des attitudes philosophiques, des engagements dont vous souhaitez discuter. Votre oui est adhésion à, participation à. Bref, si ce n'est pas stricto sensu un discours, c'est une interprétation. Nous sommes, de toute façon, dans le langage.

Desassossego a écrit:
Vangelis a écrit:
Pourquoi le oui serait-il vertueux ?

Vous moralisez ce que je ne moralise pas !

Pourquoi prêtez-vous un sens moral au qualificatif choisi par Vangelis ? La vertu désigne aussi le pouvoir de produire un certain effet. Alors, le oui produit-il nécessairement son effet ? Quel effet ça fait, d'être nietzschéen ?

Dernière édition par Euterpe le Sam 30 Juil 2016 - 22:04, édité 1 fois

descriptionPeut-on être-au-monde en disant "oui" ? - Page 2 EmptyRe: Peut-on être-au-monde en disant "oui" ?

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Votre message me semble fermer le sujet plutôt que l'ouvrir. Vous simplifiez beaucoup trop !

Pourquoi le oui devrait-il être une réponse à une interrogation ? Est-il nécessaire d'avoir un certain savoir pour dire oui (le pari pascalien n'est-il pas un oui ? Pourtant il n'est pas question d'un savoir, bien au contraire. Je ne peux pas savoir) ? Vous dites que le oui est acceptation, mais l'acceptation peut être une forme de non, savez-vous ? Le oui peut être bien d'autres choses !

descriptionPeut-on être-au-monde en disant "oui" ? - Page 2 EmptyRe: Peut-on être-au-monde en disant "oui" ?

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Je ne suis pas en désaccord, je vous dis simplement qu'en faisant des approximations, vous fermez le sujet.

Vous croyez faire des distinctions, quand vous ne faites que forcez le "oui" à n'être qu'une seule chose, quand il en est une multitude !
Relisez votre message, et dès les premières lignes : dès le début (et comme vous le dites, par souci de simplification), vous laissez de côté le "non". De quel droit ? Je ne dis pas que c'est faux. Je dis, et vous le dites aussi, que c'est une simplification. Or il ne s'agit pas de simplifier un sujet, mais de se faire à sa complexité.

Puisque je vous sens sceptique, je prends l'affirmation qui suit : "je réponds oui à une interrogation". Ah bon ? De manière nécessaire ? Nous ne répondons oui qu'à des interrogations... ?

Ainsi, je vous invite premièrement à bien relire le fil du sujet, et ensuite à entamer la démarche philosophique de vous ouvrir à lui plutôt qu'à le refermer sur vous.

descriptionPeut-on être-au-monde en disant "oui" ? - Page 2 EmptyRe: Peut-on être-au-monde en disant "oui" ?

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Je pense qu'il est nécessaire que je recadre le sujet, afin qu'il puisse s'orienter de manière adéquate.

En fait, je pense que le problème vient du titre du sujet, que j'ai définitivement mal choisi, et qui a désorienté la discussion. Je vais donc tenter de préciser ce dont je veux que l'on parle.
Ma question, en réalité, ne porte pas sur l'adverbe "oui" que nous prononçons à longueur de journée et qui a une valeur de réponse. Je voudrais retirer au "oui" cette valeur usuelle, et prendre le oui en tant que manière de se rapporter au monde. Peut-on être-au-monde en disant "oui" ? Un oui au monde est-il possible ? Pouvons-nous vraiment dire oui à la vie sans dire non à la fois ? Voilà sur quel terrain j'aimerais diriger le sujet, tout simplement car c'est une question qui m’obsède !

Quel oui pourrait être un vrai oui, un oui puissant ? Il y a tellement de manières de dire oui. Comparons par exemple le "oui" des stoïciens et celui de Nietzsche. Le oui des stoïciens me semble être un oui résigné, un oui qui est une impuissance, un oui sans vie ; le oui de Nietzsche, lui, me semble tout à fait différent.

Nietzsche a écrit:
Le poids formidable. — Que serait-ce si, de jour ou de nuit, un démon te suivait une fois dans la plus solitaire de tes solitudes et te disait : " Cette vie, telle que tu la vis actuellement, telle que tu l’as vécue, il faudra que tu la revives encore une fois, et une quantité innombrable de fois ; et il n’y aura en elle rien de nouveau, au contraire ! il faut que chaque douleur et chaque joie, chaque pensée et chaque soupir, tout l’infiniment grand et l’infiniment petit de ta vie reviennent pour toi, et tout cela dans la même suite et le même ordre — et aussi cette araignée et ce clair de lune entre les arbres, et aussi cet instant et moi-même. L’éternel sablier de l’existence sera retourné toujours à nouveau — et toi avec lui, poussière des poussières !" — Ne te jetterais-tu pas contre terre en grinçant des dents et ne maudirais-tu pas le démon qui parlerait ainsi ? Ou bien as-tu déjà vécu un instant prodigieux où tu lui répondrais : « Tu es un dieu, et jamais je n’ai entendu chose plus divine ! » Si cette pensée prenait de la force sur toi, tel que tu es, elle te transformerait peut-être, mais peut-être t’anéantirait-elle aussi ; la question « veux-tu cela encore une fois et une quantité innombrable de fois », cette question, en tout et pour tout, pèserait sur toutes tes actions d’un poids formidable ! Ou alors combien il te faudrait aimer la vie, que tu t’aimes toi-même pour ne plus désirer autre chose que cette suprême et éternelle confirmation ! —

Gai savoir, IV, 341


Voilà ce que nous impose Nietzsche : vivre de telle façon qu’on puisse souhaiter que notre vie se répète éternellement. Se mettre en chemin de la puissance de la vie pour que l’éternel retour nous soit une délectation (d’où l’importance du dionysiaque chez lui ?). En somme, Nietzsche est un autre Pascal, mais qui ne se laissera pas abuser par le christianisme. Son pari à lui, c'est celui de l'éternel retour.

De quel oui s'agit-il donc ?

Nietzsche a écrit:
Pour la nouvelle année. — Je vis encore, je pense encore : il faut encore que je vive, car il faut encore que je pense. Sum, ergo cogito : cogito, ergo sum. Aujourd’hui je permets à tout le monde d’exprimer son désir et sa pensée la plus chère : et, moi aussi, je vais dire ce qu’aujourd’hui je souhaite de moi-même et quelle est la pensée que, cette année, j’ai prise à cœur la première — quelle est la pensée qui devra être dorénavant pour moi la raison, la garantie et la douceur de vivre ! Je veux apprendre toujours davantage à considérer comme la beauté ce qu’il y a de nécessaire dans les choses : c’est ainsi que je serai de ceux qui rendent belles les choses. Amor fati : que cela soit dorénavant mon amour. Je ne veux pas entrer en guerre contre la laideur. Je ne veux pas accuser, je ne veux même pas accuser les accusateurs. Détourner mon regard, que ce soit là ma seule négation ! Et, somme toute, pour voir grand : je veux, quelle que soit la circonstance, n’être une fois qu’affirmateur !

Gai savoir, IV, 276


Les choses se précisent donc, et il faut bien voir que la position de Nietzsche est radicalement différente de celle des stoïciens : si Nietzsche dit oui à tout, ce n’est pas comme l’âne du Zarathoustra, ce n’est pas comme le béni oui-oui. Il ne faut pas confondre l'acceptation de Nietzsche et l'approbation de l’âne qui fait hi-han. Ça c’est pour les stoïciens. Le oui de Nietzsche, lui, c’est l’amor fati, c’est le oui tragique. Et c’est ainsi qu’apparaît le oui tragique de Nietzsche. Nietzsche dit oui au monde, au monde dans ce qu’il a aussi de plus terrible, de plus souffrant et de plus malheureux. Mais il lui dit oui car tout cela fait partie du monde. Et gardons-nous bien de penser que si le oui de Nietzsche est tragique, il perd de sa puissance. Au contraire ! Le tragique n’est en rien négatif. C’est l’acceptation sans réserve de la passion essentielle qu’est l’exister en tant qu’être de pathos. Le oui de Nietzsche, ce n’est plus le oui résigné des stoïciens ou le oui optimiste d'un Leibniz, c’est le oui de celui qui malgré tout ce que la vie peut avoir de souffrance, l’accepte, le reconnaît et l’aime.

Le oui de Nietzsche semble complet (car même si Nietzsche reconnaît que la négation a une grande importance, le but reste le oui). Pourtant je ne suis pas satisfait par ce oui, et d'ailleurs lui non plus ne peut pas être satisfait. Avec Nietzsche, la vie est à elle-même son propre but, et par là-même sans fin. Comment, dans ces conditions, le oui à la vie pourrait-il être entier, complet ? Et on pourrait d'ailleurs parler ici de la difficulté pratique de ce oui, en observant la vie de Nietzsche : il a passé sa vie à se battre contre ses tourments, et je pense même pouvoir avancer que Nietzsche, au fond, n'a jamais pu supporter sa vie ni la vivre. Il a, de ce point de vue, cette espèce de côté obscur de Dionysos.

Ou trouver alors le oui entier que je cherche ? Je vais donc naturellement vers mon maître : Spinoza. Comme Nietzsche, le oui que l'on peut trouver chez Spinoza, tout en reconnaissant l'aspect terrible que peut avoir la vie, réside dans une acceptation du monde : Spinoza dit oui non parce que tout est bien, mais parce que tout est. Mais Spinoza, lui,, tout en reconnaissant l’existence de la souffrance, y voit une diminution de notre puissance d’être, et nous apprend alors qu’il s’agit de nous retirer des situations qui peuvent être source de souffrances, de passions tristes. Grâce à Spinoza, on peut orienter la question du oui vers la liberté !

Je ne rappelle pas ici le déterminisme de Spinoza, qui refuse le libre arbitre et nous dévoile une toute autre liberté, qui est celle de la libre nécessité. Que je connaisse ou pas les causes qui me déterminent, quelle différence ? Aucune, dans les deux cas je suis déterminé. Mais dans un cas je suis le jouet des passions, je subis la détermination, je subis le monde. Dans l’autre, en connaissant ce qui me détermine, je peux reconnaître le monde et être actif. C’est pour ça que la liberté chez Spinoza ne se veut pas mais se reconnaît. C’est pour ça que n’est pas libre qui le veut mais qui le découvre en s’affirmant et en se connaissant. Être libre, ce n’est pas faire ce qu’on veut (nous sommes déterminés), ni vouloir ce qu’on veut (il suffirait de se résigner tête basse), mais affirmer ce que l’on devient en se connaissant : s’affirmer dans son vivre à propos, pour parler comme Montaigne.
L’homme libre, c'est celui qui accepte les difficultés de l'existence et accepte en même temps son effort natif de les vaincre : il se donne autant qu'il est en lui le moyen de les vaincre sans avoir besoin d'espérer atteindre ce but, car dès lors qu'il exerce sa puissance d'exister dans la lutte, le but est déjà atteint. D'où le fait que la plus haute espérance pour l'homme est de parvenir à l'acquiescement intérieur (à soi et au monde tel qu'il est) :
Spinoza a écrit:
La paix intérieure peut provenir de la raison, et cette paix née de la raison est la plus haute où il nous soit donné d’atteindre.

Démonstration : La paix intérieure, c’est la joie qui naît pour l’homme de la contemplation de soi-même et de sa puissance d’agir (par la Déf. 25 des pass.). Or, la véritable puissance d’agir de l’homme ou sa vertu, c’est la raison elle-même (par la Propos. 3, part. 3) que l’homme contemple clairement et distinctement (par les Propos. 40 et 43, part. 2) ; d’où il suit que la paix intérieure naît de la raison. De plus, l’homme, quand il se contemple soi-même, ne perçoit d’une façon claire et distincte, c’est-à-dire adéquate, rien autre chose que ce qui suit de sa puissance d’agir (par la Déf. 2, part. 3), en d’autres termes (par la Propos. 3, part. 3), de sa puissance de comprendre : et par conséquent, le plus haut degré de la paix intérieure ne peut naître que de cette seule contemplation. C. Q. F. D.

Scholie : La paix intérieure est réellement l’objet le plus élevé de nos espérances ; car personne (comme on l’a démontré dans la Propos. 25) ne s’efforce de conserver son être pour une autre fin que soi-même ; et comme cette paix intérieure est entretenue et fortifiée en nous par les louanges (en vertu du Coroll. de la propos. 53, part. 3) et troublée au contraire par le blâme d’autrui (en vertu du Coroll. de la Propos. 55, part. 3), on s’explique ainsi que la gloire soit le principal mobile de nos actions, et que la vie avec l’opprobre nous devienne presque insupportable.

Éthique, IV, Proposition LII


Le oui à soi, aux autres et au monde, tout cela par la puissance de notre entendement et en vue d'un sentiment de plénitude. Le voilà le grand oui de Spinoza qui fait frémir celui qui sait l’écouter ! L'homme libre, c’est celui qui comprend que la béatitude est immédiatement présente. Il dit oui à la vie, et n'attend rien d'elle, il ne pose ni conditions pour l'aimer ni proposition de dépassement de celle-ci. Bref, l'homme libre est dans un rapport de pleine acceptation avec la vie, acceptation qui en est en même temps l'éternelle affirmation. Nous l'aurons compris, le oui de Spinoza n'a rien de tragique, et mène directement à la joie, que je prends soin ici de mettre en exergue par l'écriture en italique, qu'on ne puisse pas confondre entre la joie d'un Spinoza et la joie de l'imbécile heureux. La joie est sentiment de l’être, elle est l’idée adéquate née de la puissance de notre entendement et qui augmente notre perfection. Avec Spinoza, voilà le domaine du oui bien élargi : il est signe de notre liberté, le chemin vers la joie ; la condition de la béatitude.

Mais ce oui, et Spinoza le sait bien, ce n'est pas le déclic qu'on a au petit matin. C'est tout un travail, et un travail énorme :
Spinoza a écrit:
J’ai épuisé tout ce que je m’étais proposé d’expliquer touchant la puissance de l’âme sur ses passions et la liberté de l’homme. Les principes que j’ai établis font voir clairement l’excellence du sage et sa supériorité sur l’ignorant que l’aveugle passion conduit [...]. La voie que j’ai montrée pour atteindre jusque-là paraîtra pénible sans doute, mais il suffit qu’il ne soit pas impossible de la trouver. Et certes, j’avoue qu’un but si rarement atteint doit être bien difficile à poursuivre ; car autrement, comment se pourrait-il faire, si le salut était si près de nous, s’il pouvait être atteint sans un grand labeur, qu’il fût ainsi négligé de tout le monde ? Mais tout ce qui est beau est aussi difficile que rare.

Éthique, V, Proposition 42, Scholie


Le oui est-il donc une démarche ? Voire une résolution ?
C'est ici que Heidegger me fait du pied...

Je vais aller de suite à l'essentiel, et ne pas perdre trop de temps à poser tous les éléments de la philosophie de Heidegger, ce qui serait tout d'abord bien trop long, et certainement inutile puisque la plupart de ceux qui liront mon message n'en auront pas besoin (si besoin, bien sûr, je peux tenter de donner plus de détails).

Allons donc de suite vers l’expérience fondamentale du Dasein : L’angoisse. En effet, dans l’expérience de l’angoisse le Dasein va pouvoir, nous montre Heidegger, découvrir ses possibilités, écloses comme étant les siennes, et devenir ainsi authentique.

Et qu’est-ce qui va suivre cette authenticité ? Ce que Heidegger va nommer : Entschlossenheit, et que l’on va traduire par résolution. Par la résolution, le Dasein va pouvoir se rapporter à son être. Sa résolution lui ouvre un-être-au-monde authentique, affranchi de la précipitation dans le « On ». La résolution se présente alors comme un mode d’ouverture privilégié, au sein duquel, s’arrachant à l’emprise du On, le Dasein se décide à être authentiquement et proprement lui-même. La résolution constitue ce moment où le Dasein se décide à un mode d’être qui lui permet d’accéder à la possibilité la plus propre d’advenir. Le dasein dit oui à son être.
Or cette résolution, ce "oui", est toujours devançant, Heidegger dit bien : « vorlaufende Entschlossenheit », qui signifie littéralement résolution devançante, précisément car l’arrachement se réalise en vue d’un futur, par anticipation. C’est là qu’apparaît la dimension proprement temporelle du oui que l'on découvre avec Heidegger, et qui est en fait une décision.

Heidegger a écrit:
La résolution, selon son essence ontologique, est à chaque fois celle d’un Dasein factice. L’essence de cet étant est son existence. La résolution n’existe que comme décision qui comprend et se projette. Mais vers quoi le Dasein, dans la résolution, s’ouvre-t-il ? A quoi doit-il se décider ? La réponse ne peut ici nous être donnée que par la décision même. Ce serait totalement mécomprendre le phénomène de la résolution que de s’imaginer qu’elle est simplement la re-prise de possibilités proposées et recommandées. La décision, et elle seule, est justement le projeter et le déterminer ouvrant de ce qui est à chaque fois possibilité factice. A la résolution appartient nécessairement l’indétermination qui caractérise tout pouvoir-être facticement jeté du Dasein. Sûre d’elle-même, la résolution ne l’est que comme décision. Néanmoins, l’indétermination existentielle, déterminée à chaque fois dans la seule dérision, de la résolution possède sa déterminité existentiale [...]. La décision ne se soustrait pas à l’« effectivité », mais découvre pour la première fois le possible factice, et cela en s’en emparant de la manière dont elle le peut en tant que pouvoir-être le plus propre dans le On. La déterminité existentiale du Dasein résolu à chaque fois possible embrasse les moments constitutifs de ce phénomène existential - omis jusqu’ici-que nous appelons la situation. Le terme situation (« être dans la situation de... ») connote une signification spatiale, que nous ne nous appliquerons pas à éliminer de son concept existential. Car cette signification ne s’attache pas moins au « Là » du Dasein [...]. La situation est le Là à chaque fois ouvert dans la résolution - le Là en tant que quoi l’étant existant est là. La situation n’est pas un cadre sous-la-main où le Dasein surviendrait, ou dans lequel il ne ferait que s’insérer. Sans commune mesure avec une combinaison sous-la-main de circonstances et de contingences survenantes, la situation n’est que par et dans la résolution.

Être et temps, §60


La décision est donc le positionnement authentique du Dasein résolu au cœur de sa « situation », nom par lequel Heidegger désigne l’ouverture authentique du « là ». Or cette ouverture est souvent nommée chez Heidegger par une appellation temporelle, notamment l'instant (Augenblick, le clin d’œil de Kierkegaard). La décision apparaît alors sous la détermination temporelle de l’instant, l'âtre où s’entrechoquent au sein d'un même lieu le passé et l'avenir ; et où seulement peut naître l'authenticité. La décision du Dasein, en fait, est un instant. Il s’agit de saisir l’instant de l’être (ce qui donne à réfléchir sur le titre même de l’ouvrage de Heidegger : Être et temps), et surtout ne pas fuir devant lui. Le mot Dasein a d’ailleurs été défini de plusieurs manières par Heidegger, et parmi l'une d'elles figure celle-ci :
Heidegger a écrit:
Dasein veut dire « Nichtweglaufen »,
Herméneutique de la facticité, 1923
« Nichtweglaufen », soit littéralement : ne pas se sauver, ne pas ficher le camp. Voilà ! être un Dasein, cela veut dire être « là », être où et quand tombent les orientations fondamentales de notre être. Le oui de Heidegger est donc une décision, un engagement, un instant d’authenticité dirigé vers tout notre être. Le oui heideggerien, en somme et pour résumer, c’est la décision d’être humain !

Le oui au monde est-il donc possible ? Il semblerait, et il semblerait qu'il ait une dimension que l'on n'avait même pas soupçonnée si l'on s'était contenté de considérer le oui comme un simple adverbe. Le oui, c'est donc la décision d'être-humain ? Facile, avec les textes... Mais qu'en est-il en pratique ? Car j'ai beau essayé, je n'ai pas l'impression d'être sur le chemin du oui avec le monde et la vie...

Dernière édition par Desassossego le Dim 17 Fév 2013 - 19:41, édité 1 fois

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Desassossego a écrit:
Le oui heideggerien, en somme et pour résumer, c’est la décision d’être humain !

Votre réflexion est très intéressante. Mais je n'ai pas vu où vous aviez défini ce que c'est que d'être humain et de décider de l'être. Est-ce que le Dasein authentique, ouvert à la présence de l'être, n'est pas plutôt celui qui se dessaisit de ce qu'il y a d'humain en lui (l'existant comme étant ou produit social) pour viser l'inhumain (l'être impersonnel, quoiqu'ici appréhendé dans une relation singulière qui défait toutefois les masques sociaux et identitaires) ? Est-ce retrouver dans la co-participation à l'être qui se crée une liberté originaire, ou dans ma liberté éprouvée cette participation à l'être ? Ou bien encore rester dans cette présence en dépit de toute difficulté, ou bien encore se soucier de soi et du monde en tant que responsabilité à l'égard de l'être auquel je participe ?
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