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Quelle place accorder aux animaux ?

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5 participants

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Vous semblez dire que je réduis l'homme à son animalité de la même manière que l'homme réduit les animaux. Je dirai que ce n'est pas exactement ma vision des choses. En effet, comment réduire quelque chose qui n'a jamais été surélevé auparavant ? Je pense que l'homme croit illusoirement que tout tourne autour de lui, qu'il est le centre de tout et par conséquent, on sent comme une marque de supériorité qui s'installe (= anthropocentrisme, je reviendrai certainement sur ce point un peu plus tard). Les espèces étant toutes différentes, elles possèdent chacune leurs propres capacités. Comment peut-on différencier l'homme et l'animal par ce que l'on ne connaît pas de lui ? Comment pouvez-vous insinuer que l'animal ne possède pas de réflexion intellectuelle sans répondre à ses instincts dont l'imitation fait partie par ailleurs ? Je pense qu'il ne faut pas mélanger ce que j'appellerai les capacités évolutives, des possibilités. Prenons l'exemple simple d'une araignée et sa toile, et d'un rapace pourvu d'ailes et de serres. Ces outils propres à chaque animal impliquent deux techniques de chasse différentes. Mais pouvez-vous me dire lequel d'entre l'araignée ou du rapace est supérieur du point de vue de la chasse ? Apparemment, il n'y en a aucun car ils ne sont pas comparables au sujet de leurs capacités qui forment leur spécificité. D'ailleurs, nous pouvons dire que les deux chassent avec leur spécificité propre. Nous avons trop tendance à effectuer ce comportement face à l'animal surtout lorsque l'on touche un point sensible dû aux propres de l'homme. Je reconnais que le cerveau de l'homme est plus évolué pour penser du fait de sa facilité à vivre et à écarter les quêtes de ses besoins. Cela a notamment été permis par l'élevage et l'agriculture. Par analogie avec le rapace et l'araignée, l'animal aussi possède un cerveau tourné vers d'autres capacités (pourquoi pas le 6e sens selon Philippe de Wailly, docteur vétérinaire) et nous pouvons ainsi dire que les deux pensent avec leur spécificité propre. A quoi le symbolisme, la politique (quoique nous puissions peut-être y inclure la hiérarchie établie par les animaux grégaires) ou ce genre de choses seraient utiles aux animaux. Ils n'en ont certainement pas besoin mais cela ne veut pas dire qu'ils n'en ont pas la possibilité. Oui, l'homme parle trop souvent d'instinct alors pourquoi ne pourrait-on pas parler d'intérêt ? "La simple présence de l'animal au monde" ne serait-elle pas infondée ? Ce que je tenais à dire à ce propos c'est que par le mot "simple", on tend à comprendre l'utilité inférieure de la présence des animaux par rapport aux hommes. Dans quasiment, pour ne pas dire tous les comportements de l'homme, il y a une certaine part aussi infime et réduite soit-elle, d'instinct. Vous serez d'accord avec moi si je vous dis que la politique permet d'établir des règles sociales en vue d'une plénitude à quoi nous rattachons la paix. Cette dernière évitant la disparition de l'espèce si j'ose dire. De plus si je peux me permettre, l'animal ne répond pas seulement par l'imitation. Des expériences ont été menées à ce sujet, elles seraient trop longues à expliquer mais elles prouvent que l'animal est doté de réflexion par rapport à un problème et d'imagination afin de le résoudre. J'en conclus ainsi que l'animal ne répond pas seulement à l'instinct de la même manière que l'homme ne répond pas seulement à la pensée philosophique. Cela prend des proportions différentes dans l'exercice de la pensée instinctive et de la pensée philosophique mais je ne crois pas que nous puissions affirmer avec certitude que l'animal en est dépourvu et qu'il n'a pas conscience du monde dans lequel il vit et de lui-même. Enfin, comment accorder une si vaste réflexion à une généralité que l'on regroupe par le terme animal une fois de plus ?
Je suis encore à un stade de recherche de la définition de l'animal ou de l'homme, voyez mon jeune âge. J'espère dans ma vie future pouvoir y arriver mais pour l'heure, je me vois restreinte à seulement quelques ouvrages qui ne me donnent pas encore un horizon assez large du problème. Mais ce dont je suis sûre pour le moment, c'est qu'il n'y a pas d'animalité dans l'homme et d'humanité dans l'animal, l'animal étant un cas généraliste regroupant de nombreuses espèces différentes, je ne le répète jamais assez.

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Natura a écrit:
Vous semblez dire que je réduis l'homme à son animalité de la même manière que l'homme réduit les animaux.

En effet.
Natura a écrit:
comment réduire quelque chose qui n'a jamais été surélevé auparavant ?

Selon vous l'homme n'a donc aucune supériorité sur l'animal puisqu'il est également un animal. Donc vous réduisez bien l'homme à son animalité. A la limite on peut alors vous demander : mais pourquoi parlez-vous donc de l'homme s'il est un animal comme les autres ? Par ailleurs, il y a déjà un élément qui le distingue de l'animal : il se croit supérieur. L'homme serait donc un animal qui se croit supérieur aux animaux, voire qui se considère (pour cela même) comme n'étant pas un animal. Il est donc aussi un être capable de jugement, à la fois sur son autre supposé (l'animal, là où ce dernier ne dit rien de lui-même et de l'homme) et sur lui-même. Il est donc aussi capable d'un discours auto-référentiel et sur ce qu'il rencontre, ce qu'on traduira par le terme de conscience réflexive : il peut se dédoubler, se représenter son expérience, conceptualiser, abstraire, et finalement communiquer avec autrui pour se dire ou dire les choses. En ce sens, il est un animal rationnel, c'est-à-dire un vivant parlant capable de rendre compte de ce qui est, de ses expériences (internes et externes) et de ses propres connaissances et jugements. Quant bien même l'homme est un animal, on parlera de différence de nature entre lui et le reste des animaux puisqu'il y a un écart significatif, un saut qualitatif, entre l'animal et l'homme. L'homme est maître du logos : il dit l'être des choses, se dit, se raconte, fait le récit de sa vie, de ce que c'est d'être homme, etc. L'animal, à côté, c'est la répétition du même, l'absence d'écart à soi pour constituer un soi-même apte à se représenter lui-même.
Natura a écrit:
Je pense que l'homme croit illusoirement que tout tourne autour de lui, qu'il est le centre de tout et par conséquent, on sent comme une marque de supériorité qui s'installe

C'est vrai, mais il n'y a pas que ça. L'homme a une supériorité morale, par exemple, puisqu'il est le seul être pour qui il en va du sens de son existence et de la question du monde dans lequel il se trouve et devant lequel il se tient. Autrement dit, cette supériorité relève aussi de la faiblesse constitutive de l'animal humain au regard des autres animaux et cette faiblesse qu'il se reconnaît le met en position de responsabilité à l'égard de lui-même et de tout autre : il a à se préoccuper de lui-même et du monde. Les animaux se fichent de l'homme ; l'homme seul peut se préoccuper de son autre. Mais ici la supériorité n'est pas celle qui légitimerait une domination. Certains mésinterprètent, par exemple, la notion de peuple élu pour les Juifs, or ça ne signifie qu'une responsabilité morale à l'égard du reste de l'humanité. C'est un devoir et non un droit du plus fort.
Natura a écrit:
Comment pouvez vous insinuez que l'animal ne possède pas de réflexion intellectuelle sans répondre à ses instincts dont l'imitation fait partie par ailleurs

Je n'ai jamais vu un animal, autre que l'homme, faire de la philosophie. :lol: L'homme est très animal quand il calcule. La plupart des êtres humains ne réfléchissent pas tellement plus ou différemment que des animaux. Ils suivent leurs passions ou effectuent des actions suivant des habitudes et des mécanismes devenus automatismes inconscients. La plupart des hommes peuvent faire une opération simple, conduire une voiture, utiliser un ordinateur ou un marteau, appuyer sur un bouton, etc., tout cela sans jamais se poser de question existentielle ou sur le fonctionnement de tel appareil, voire sans jamais se demander si ce qu'ils font est bien, juste, normal ou pourquoi ils le font, sans s'étonner que les choses soient ainsi faites ou faites ainsi, etc. La seule différence de l'homme et de l'animal c'est que l'animal ne manque de rien, il est adapté à son environnement, il sait satisfaire ses besoins, là où l'homme ne peut survivre par lui-même lorsqu'il est démuni devant un monde hostile et qui ne répond pas à ses désirs, lesquels dépassent souvent ses besoins et qui s'ils sont satisfaits laissent toujours l'homme insatisfait, désirant toujours plus et toujours autre chose. L'homme ne peut donc pas se satisfaire de lui-même. Ce qui peut le conduire à des excès et des déséquilibres que les animaux ne connaissent pas. D'où le besoin de société, de normes, d'où le langage, la culture, pour symboliser le monde et dans le sens pouvoir en disposer et y trouver une place. C'est un animal fou, incapable de savoir ce qui est bon pour lui-même, qui pour supporter le réel a inventé la raison. Mais elle est aussi ce qui lui permet d'agir et dans son excès de compenser son impuissance par l'invention d'outils pour assujettir le monde et réaliser sa toute-puissance, de même que ce qui permet le langage, le lien social et la critique qui permet la réflexivité, l'individuation, la différenciation.
Natura a écrit:
Je reconnaît que le cerveau de l'homme est plus évolué pour penser du faite de sa facilité à vivre et à écarter les quêtes de ses besoins. Cela a notamment été permis par l'élevage et l'agriculture. Par analogie avec le rapace et l'araignée, l'animal aussi possède un cerveau tourné vers d'autres capacités (pourquoi pas le 6e sens selon Phillipe de Wailly, docteur vétérinaire) et nous pouvons ainsi dire que les deux pensent avec leurs spécificité propre.

Leur cerveau ne leur permet justement pas de penser, ils sont obligés de réagir nécessairement et mécaniquement à certains stimulus, ils ne peuvent différer le temps de réponse à ces stimulus pour retraiter l'information reçue, là où l'homme peut faire des choix, introduire une part d'indétermination et de possible dans ses réponses à un événement, à des signes perçus. Par ailleurs, rien dans le comportement animal ne laisse supposer une conscience comme celle de l'homme, c'est-à-dire non pas sensible mais réflexive. L'animal a des représentations mais ne peut former de représentations de celles-ci ou de ses souvenirs, il n'est pas dans un temps continu dans lequel il pourrait se représenter lui-même comme le centre d'initiative durable et distinct de ses actions, comme ce à quoi des sensations arrivent, etc.
Natura a écrit:
A quoi le symbolisme, la politique (quoique nous pouvons peut-être y inclure la hiérarchie établie par les animaux grégaires) ou ce genre de choses seraient utiles au animaux. Ils n'en ont certainement pas besoin mais cela ne veut pas dire qu'il n'en ont pas la possibilité.

Ils n'en ont pas la possibilité, celle-ci ne fait pas partie de la constitution de leur organisme, comme si c'était une capacité inactive, et elle ne leur préexiste pas dans je ne sais quel ciel des Idées. Elle doit se former dans un contexte particulier. De fait, on a déjà eu une évolution de ce genre : celle, justement, qui a mené à l'homme. L'homme possède une imagination créatrice (cf. Castoriadis) détraquée, défonctionnalisée, inadéquate à ses besoins, à les satisfaire, sa nature est plastique. Pour survivre, la psyché a donc besoin du symbolisme et de la société. Ça permet de compenser l'inadaptation de l'être humain à son environnement. Tandis que les animaux forment un monde qui répond à leurs besoins, de sorte que pour eux leur être est plein et l'Autre n'existe pas. L'homme au contraire, insatisfait, désirant et créateur, invente des besoins, des significations, se prend lui-même comme un problème, il est ouvert à l'altérité, celle du monde qui le dépasse et la sienne propre. Il doit alors se donner une identité, signifier les choses, leur donner des contours, pour s'y rapporter et se définir lui-même.
Natura a écrit:
Oui, l'homme parle trop souvent d'instinct alors pourquoi ne pourrait-on pas parler d'intérêt.

S'il n'était que ça il ne différerait en rien de la bête, alors qu'il semble au contraire de l'animal être inadapté, dans le manque et créateur, notamment de choses qui donnent sens à sa vie au-delà de l'immédiatement utile. Pourquoi construit-on des pyramides ? Peut-on rapporter la diversité des créations culturelles à un seul facteur qui n'explique en rien le passage de la cause supposément déterminante à la richesse de ses effets ? Bref, l'homme a gagné en autonomie par rapport à ses besoins. La preuve : on a des lois, on ne fait pas ce qu'on veut quand on le veut, on ne s'entretue pas spontanément, etc. Nous vivons dans un monde proprement humain. Ce qui est nécessaire puisque nous avons besoin de médiations pour vivre dans le réel, en rapport à lui, dans un certain rapport, là où l'animal y est plongé directement, bien plus plongé dans l'instant que nous.
Natura a écrit:
Cela prend des proportions différentes dans l'exercice de la pensée instinctive et de la pensée philosophique mais je ne crois pas que nous pouvons affirmer avec certitude que l'animal est dépourvue de cette dernière et qu'il n'a pas conscience du monde dans lequel il vit et de lui-même.

L'animal a une conscience minimale, au sens où il reçoit des informations sous forme de sensations, perceptions, etc., mais c'est un pur sentir sans sujet pour se dire sentir. Il y a de l'instinct, oui, et pour certains individus quelques innovations au regard des habitudes, parce qu'il y a des situations nouvelles qui forcent l'animal à sortir des limites de ses mécanismes, mais il n'y a pas de "pensée instinctive", expression contradictoire s'il en est. La pensée implique que le monde soit problématique, qu'il me sorte de moi-même, me confronte à l'altérité, à la mienne, de sorte que la conscience soit rapport de soi à soi et la pensée dialogue intérieur, pensée qui est toujours pensée de quelqu'un qui se donne à penser lui-même distingué d'autre chose. Mon chat sent ses croquettes, il les mange quotidiennement. Je me demande quotidiennement ce que je vais manger, ce que je veux manger et quelle recette inventer, même si j'ai des préférences et le besoin naturel de manger. Je ne mange pas aveuglément tout ce qu'on me présente, ni n'ai une nourriture qui me soit exclusive. Je peux même choisir de ne pas manger, par exemple si je suis absorbé par un livre, lequel me coupe des exigences de la vie quotidienne. Je peux former mes propres représentations, rappeler des souvenirs, effectuer un tri entre mes désirs, etc. Je peux aussi avoir des habitudes et en adopter de nouvelles, là où l'animal ne sera jamais capable d'être autre chose que ce qu'il est. Je suis appelé, au contraire, à me déterminer, à me donner à moi-même mes propres lois pour orienter ma conduite.
Natura a écrit:
Mais sur ce dont je suis sûre pour le moment, c'est qu'il n'y a pas d'animalité dans l'homme et d'humanité dans l'animal, l'animal étant un cas généraliste regroupant de nombreuses espèces différentes

De l'animalité dans l'homme, si, de l'humanité dans l'animal, c'est possible si l'on considère que l'humanité consiste en l'intelligence. Mais l'homme est capable de s'élever au-dessus de ses besoins et de son intelligence, c'est-à-dire des nécessités de l'action liée à la recherche de la satisfaction de ces besoins. Enfin, l'homme est un animal puisqu'il est un vivant agissant et désirant (il a aussi un corps et une psyché qui sont communs à tous les animaux).

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Silentio a écrit:
Leur cerveau ne leur permet justement pas de penser, ils sont obligés de réagir nécessairement et mécaniquement à certains stimulus, ils ne peuvent différer le temps de réponse à ces stimulus pour retraiter l'information reçue

Là je ne suis pas du tout d'accord. Les expériences de Roger Fouts et de Sue Savage-Rumbaugh sur les grands singes tendent à démontrer le contraire.
Ensuite il ne faut pas dissocier la conscience du corps dont elle émerge. Elle est faite pour lui et par lui dans son temps, dans son espace et dans son histoire. Ainsi un chat par exemple ne peut pas appréhender en conscience ce que son corps ne saurait lui rapporter. Une cuisine raffinée et préparée comme nous savons le faire n'est pas envisageable pour lui, et en aucune façon. Il peut aimer ce qu'on lui sert, le rechercher, le désirer, mais il ne peut pas établir une stratégie pour la confectionner. Il ne peut l'envisager que dans une relation de dominé par rapport à celui qui lui offre. Et heureusement car ce serait une torture sans nom. De même que si nous avions un corps de chat avec notre propre conscience, si cela pourrait s'avérer amusant 30 secondes, ce serait insupportable.
Et sans parler d'espèces distinctes on comprend aussi que l'homme du paléolithique ne pouvait pas avoir envie de se constituer une bibliothèque. Et là ce n'est pas à cause de qualités cognitives propres mais, comme dit plus haut, du fait que sa conscience s'inscrit aussi dans un temps et une histoire où le livre n'y est pas. Je pense donc que pour essayer de pénétrer la conscience d'un chat, si jamais cela était possible, il faut être dans les possibles du chat. Ce qui veut dire qu'il n'y a aucun espace entre la conscience d'un être et ses possibles. Et cela nous amène aussi très loin, car ramené à l'homme contemporain cela voudrait dire que tout ce qu'il est capable d'envisager, du plus concret au plus abstrait, fait partie de ses possibles. Et là se pose le problème de savoir s'il y a réellement du possible de quelque façon que ce soit entre ce que nous pouvons appréhender et faire, ou si notre conscience ne débouche pas en fin de compte sur une effroyable et insupportable impuissance. Personnellement je pense que nous avons développé conjointement avec cette conscience de haut niveau, la possibilité de dissocier ce qui lui appartient en propre (dans le sens de ce qu'elle rapporte) comme tout ce qui relève de l'imaginaire le plus débridé, et ce que le corps est capable de rapporter. Et peut être est-ce là, la grande différence que nous avons avec les animaux. Cela s'apparente un peu à la conscience réflexive et certains animaux semblent la posséder, mais en fait il y a une opération supplémentaire qui est la fragmentation de la conscience entre ce qu'elle donne et que nous catégorisons en spectacle pur, et de l'autre comme l'antichambre des possibilités du corps.

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Je rejoins assez votre idée Vangelis. Dire qu'un animal ne répond qu'à des stimulus, c'était bien du temps de la théorie cartésienne!
Silentio, regardez ne serait-ce que le comportement des éléphants face à la mort et vous comprendrez que l'on peut tout à fait leur prêter une pensée. Cela va même au-delà ! Auparavant, je pensais que l'homme pouvait se distinguer de ce qu'il nomme injustement animal par l'un de ses propres (soi-disant) qui est la projection dans le passé. Je pensais les animaux incapables de "voir" le passé tant ils semblent ancrés dans le présent et certainement un peu de futur (voir la fabrication des outils chez les primates, les oiseaux, etc., par exemple). Seulement, l'éléphant face à la mort, lorsqu'il retrouve la dépouille d'un des siens plusieurs années voire dizaines d'années après le décès de celui-ci (et je tiens à dire que je ne rentre pas dans un contexte anthropomorphique auquel je m'oppose !) nous pouvons voir qu'il y a bien plus qu'un simple regard sur les restes. Les membres du groupe touchent de leur trompe avec une grande délicatesse les os, dans un silence (même infrasonique) des plus total pendant un long moment avant de reprendre leur route. Auriez-vous un argument valable contre une certaine projection dans le passé ? Ils font la même chose que ce qu'un homme aurait fait face à la mort. Mais vous savez, je pense que s'acharner à trouver des similitudes et des différences ne sert à rien tant l'homme, comme toute autre espèce, est distinct. Vous ne semblez pas me comprendre lorsque vous dites que je réduis l'homme à l'animal. Je n'arrête pas de me tuer à vous faire comprendre que l'homme est différent de toutes les autres espèces comme chaque espèce est différente, donc il me semble qu'on ne peut avancer une quelconque supériorité ou infériorité. L'homme est un homme. Un animal ne veut rien dire. Un chat est un chat. Nous ne pouvons tout ranger dans le terme animal. C'est faux, il n'y a que de l'incertitude et de l'incompréhension dans ce terme. Par exemple, on ne peut pas dire qu'il y a de l'"éléphantité" dans un chat ni de la "chatité" dans un éléphant. Il n'y a donc pas d'animalité dans l'homme ni d'humanité dans l'animal. Certains critères évolutifs permettent d'établir des comparaisons. Le groupe des mammifères, pour illustrer mon propos, rassemble des espèces à poils, donnant du lait à leurs petits, etc. Il y a par conséquent des similitudes bien que les espèces soient différentes, sinon on ne les aurait pas qualifier d'espèces. Et l'homme est une espèce. Peut-être m'aviez-vous mal comprise et je tiens à m'en excuser si je me suis mal exprimée. Néanmoins, tout ce que vous dites sur le jugement est intéressant et à développer mais dans le cadre de l'homme seul, et non d'une affreuse comparaison inutile avec l'animal qui se terminerait par un long discours sur la supériorité de l'homme. Absurde je vous dirai, et si vous n'avez pas compris l'absurdité de ce qu'il y a là-dedans, relisez ce que j'ai émis quelques lignes auparavant. Comme le disait si bien Rousseau dans Discours sur les Sciences et les Arts : il faut étudier la nature par la nature et non par l'homme. En ce qui concerne l'anthropocentrisme, je dirais même que cela va encore plus loin. En me servant des trois blessures narcissiques de l'humanité, je dirais que Copernic a montré que la Terre n'était pas le centre de l'univers, Newton que l'homme n'était pas le centre de la création et Freud (avec la psychanalyse) que le sujet n'était pas le centre de lui-même. L'homme, fort de son anthropocentrisme, s'est vu achevé par la science... Mais savez-vous quoi ? Il a réussi a trouvé un semblant d'êtres inférieurs à lui pour y rejeter cette souffrance et ce n'est autre que l'animal... Par ailleurs, je rejoins ce que vous dites dans votre quatrième partie. Mais peut-on aller jusqu'à exclure le fait que les animaux ne peuvent pas à certains moments avoir des réflexions philosophiques, se demander le pourquoi du comment ? S'ils se projettent dans le passé, pourraient-ils se projeter dans un futur lointain écarté de leurs habitudes, de leur instinct ? Je ne sais pas si les animaux en sont capables et je pense que personne ne peut le savoir mais les animaux peuvent-ils se suicider ? A moins de rentrer dans l'"espace pensée" d'un animal, il nous est impossible aujourd'hui d'en conclure quoi que ce soit. D'ailleurs, la plupart des gens tendent à voir des comportements humains dans ceux des animaux. Concernant votre sixième partie, je suis bien d'accord que le symbolisme, la politique, etc., permet de compenser ce manque d'adaptation, mais ne répondent-ils pas tout simplement à l'instinct de survie enfoui au fin fond de l'humanité ? Ainsi, cet instinct prédominerait et il n'y a aucune supériorité à tirer de cette catégorie puisque homme comme animal suivent ce même cheminement vers un combat pour la survie selon leur(s) adaptation(s). Par contre, je suis plus pessimiste sur la fin de la même manière que j'aurais quelque chose à rajouter pour le début. Vous parlez d'évolution, cela ne s'est donc pas construit en quelque temps. Ça a dû prendre énormément de temps, à l'échelle de plusieurs dizaines voire de centaines ou de milliers, de centaines de milliers de générations ! Dans ce cas, peut-on abaisser les animaux alors qu'ils pourraient parfaitement suivre le même schéma évolutif que l'homme ? Au passage, les animaux ne s'entretuent pas non plus à tout bout de champ. Voyez une meute de loups, qui a des règles sociales, faites pour vivre dans les meilleures conditions possibles de la grégarité. Sinon, ce serait un véritable carnage et les êtres vivants n'existeraient pas... Il en est de même pour les goûts. Je ne suis pas d'accord avec ce que vous dites. Des milliers d'exemples montrent des animaux difficiles face à la nourriture fournie par leur maître. Mais peut-on se baser sur les animaux de compagnie pour parler de ça ? Mais encore et toujours, on ne peut utiliser les propres de l'homme pour réduire l'animal. Bref, je ne suis pas du tout d'accord au sujet de votre avant dernière partie mais j'accepte votre opinion tant ce point est débattu et nous n'avons pas encore de preuves solides à ce jour pour faire pencher la balance d'un côté ou de l'autre au sujet de la proportion de la conscience. Mais je vais essayer d'y réfléchir et vous apporter si besoin mon regard nouveau. Pour terminer sur le dernier point, je l'ai expliqué plus haut. En tout cas, ce débat est agréablement intéressant et d'ailleurs, merci de vous impliquer autant.

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Vangelis a écrit:
Silentio a écrit:
Leur cerveau ne leur permet justement pas de penser, ils sont obligés de réagir nécessairement et mécaniquement à certains stimulus, ils ne peuvent différer le temps de réponse à ces stimulus pour retraiter l'information reçue

Là je ne suis pas du tout d'accord. Les expériences de Roger Fouts et de Sue Savage-Rumbaugh sur les grands singes tendent à démontrer le contraire.

Disons que ma formule est lapidaire et trop abstraite et générale pour comprendre la diversité du règne animal. Il faudrait plutôt concevoir différents niveaux ou degrés de l'amibe jusqu'à l'homme. L'automatisme est plus ou moins instantané suivant le développement du cerveau. Le singe apparaît comme le plus proche parent de l'homme. Mais l'homme peut choisir en différant au maximum le délai de réponse à une stimulation externe (il n'a d'ailleurs pas forcément de réponses préformées à certains événements). Or la même chose relève plutôt de l'accident chez l'animal (ou devrais-je dire : chez les autres animaux). L'évolution est très lente pour les animaux, ou bien une espèce nouvelle naît de quelque accident, de quelque changement significatif des conditions de vie qui forcerait à l'adaptation. Mais si l'animal semble avoir une nature fixe, l'homme n'en a pas et son histoire montre, par le biais des créations culturelles, à quel point il peut dépasser ses besoins primaires et créer de nouveaux besoins, redéfinir son monde, etc. Le singe me semble bien s'approcher de l'homme, mais je vois encore un tel saut qualitatif entre les deux qu'il me semble que l'homme, bien qu'animal, est aussi bien plus (au prix toutefois d'une forme de pathologie, d'imperfection en tant qu'il ne peut réaliser une nature, une perfection, là où l'animal forme déjà un monde auquel il est adapté), d'où une différence non plus de degré mais de nature. Et cela tient bien plus à l'esprit qu'à l'intelligence, l'homme pouvant se détourner de la nature et de l'action, ou par elle modifier la nature et la "nature" humaine, là où l'intelligence supposément humaine est en fait partagée par l'ensemble du monde animal, en tant qu'intelligence pratique (que le singe est le plus à même d'employer lorsqu'il utilise des outils). Néanmoins, je ne vois pas le singe faire preuve de suffisamment de créativité pour sortir de ses habitudes (ou alors ça arrive exceptionnellement mais pour y retomber ensuite). Je suis donc plus proche de Bergson que de Descartes. (Cf. http://actuphilo.com/la-classe-virtuelle-de-philosophie/ressources/bergson-conscience-synonyme-dinvention-et-de-liberte/ )
Vangelis a écrit:
Ensuite il ne faut pas dissocier la conscience du corps dont elle émerge. Elle est faite pour lui et par lui dans son temps, dans son espace et dans son histoire. Ainsi un chat par exemple ne peut pas appréhender en conscience ce que son corps ne saurait lui rapporter. Une cuisine raffinée et préparée comme nous savons le faire n'est pas envisageable pour lui, et en aucune façon. Il peut aimer ce qu'on lui sert, le rechercher, le désirer, mais il ne peut pas établir une stratégie pour la confectionner. Il ne peut l'envisager que dans une relation de dominé par rapport à celui qui lui offre. Et heureusement car ce serait une torture sans nom. De même que si nous avions un corps de chat avec notre propre conscience, si cela pourrait s'avérer amusant 30 secondes, ce serait insupportable.

On ne pourra jamais vraiment savoir ce que ça fait de vivre comme un chat et dans un monde, perçu spécifiquement par lui, qui correspond à ses besoins. Mais nous, nous pouvons essayer de nous mettre à la place du chat, et tout aussi bien nous pouvons embrasser du regard, par l'imagination, le point de vue "divin" sur l'univers entier sans toutefois l'expérimenter réellement. Nous pouvons sympathiser avec une multitude de mondes qui ne sont pas faits pour nous.
Vangelis a écrit:
il n'y a aucun espace entre la conscience d'un être et ses possibles. Et cela nous amène aussi très loin, car ramené à l'homme contemporain cela voudrait dire que tout ce qu'il est capable d'envisager, du plus concret au plus abstrait, fait partie de ses possibles.

L'animal est déterminé par sa nature, de sorte que le monde qu'il constitue ne l'est que pour discerner dans le réel ce qui est utile. C'est la même chose pour l'homme au quotidien, et il use autant de son intelligence que l'animal lambda pour cela. Mais il y a aussi une part d'indétermination chez lui et qui ne relève pas de conditions extérieures. Il peut formuler des possibles, en créer, en ouvrir. Aussi bien par la connaissance des causes, qui le mène au-delà des apparences et à accéder à des réalités qui ne relèvent pas de son propre pouvoir, que par la technique pour modifier son milieu et accéder aussi bien à l'infiniment petit qu'à l'infiniment grand. Il est toujours en train de transcender ses propres limites et de créer de nouveaux rapports au monde, de nouvelles façons de s'y rapporter, qui en se transmettant à l'ensemble de l'humanité ne fait que démultiplier son potentiel.
Natura a écrit:
Dire qu'un animal ne répond qu'à des stimulus, c'était bien du temps de la théorie cartésienne!

D'une part, voyez la réponse faite plus haut à Vangelis pour expliciter mon propos qui pouvait sembler réducteur, d'autre part vous n'avez pas démontré la fausseté de la théorie cartésienne : en quoi serait-il évident que Descartes est dépassé ou se trompe ?
Natura a écrit:
regardez ne serait-ce que le comportement des éléphants face à la mort et vous comprendrez que l'on peut tout à fait leur prêter une pensée. Cela va même au-delà ! Auparavant, je pensais que l'homme pouvait se distinguer de ce qu'il nomme injustement animal par l'un de ses propres (soi-disant) qui est la projection dans le passé. Je pensais les animaux incapables de "voir" le passé tant ils semblent ancrés dans le présent et certainement un peu de futur (voir la fabrication des outils chez les primates, les oiseaux, etc., par exemple). Seulement, l'éléphant face à la mort, lorsqu'il retrouve la dépouille d'un des siens plusieurs années voire dizaines d'années après le décès de celui-ci (et je tiens à dire que je ne rentre pas dans un contexte anthropomorphique auquel je m'oppose !) nous pouvons voir qu'il y a bien plus qu'un simple regard sur les restes. Les membres du groupe touchent de leur trompe avec une grande délicatesse les os, dans un silence (même infrasonique) des plus total pendant un long moment avant de reprendre leur route. Auriez-vous un argument valable contre une certaine projection dans le passé ? Ils font la même chose que ce qu'un homme aurait fait face à la mort.

Il me semble que, contrairement à votre intention, vous considérez bien la situation de l'éléphant à l'aune de celle de l'homme. Repérant une situation similaire, vous prêtez des motifs de l'action propres à l'homme à l'éléphant. Mais vous n'avez pas accès à la conscience de l'éléphant, d'où vous ne pouvez pas lui attribuer une pensée. Le faire, c'est se laisser abuser par l'analogie entre ces deux situations. L'une vous rappelant l'expérience que vous pouvez en faire en tant qu'homme, vous projetez sa signification humaine sur la situation de l'éléphant. Mais c'est risquer de surinterpréter quelque chose qui n'est que similaire. Il est vrai que les animaux semblent sentir leur mort prochaine, rien ne dit pourtant qu'ils le savent. Peut-être s'isolent-ils simplement parce qu'ils se sentent faibles, diminués, et plus facilement en proie au danger, sans pour autant avoir conscience du fait qu'ils vont bel et bien mourir. Quant à l'éléphant, il montre surtout par son comportement qu'il sait discerner les signes qui intéressent sa survie : d'une part, il semble pouvoir reconnaître ses congénères, d'autre part il reconnaît les signes d'un danger passé ou présent. Mais ce n'est pas parce que la situation nous semble mélancolique qu'on peut en conclure à la mélancolie de l'éléphant. Ce serait anthropomorphiser l'éléphant.
Natura a écrit:
Mais vous savez, je pense que s'acharner à trouver des similitudes et des différences ne sert à rien tant l'homme, comme toute autre espèce, est distinct. Vous ne semblez pas me comprendre lorsque vous dites que je réduis l'homme à l'animal. Je n'arrête pas de me tuer à vous faire comprendre que l'homme est différent de toutes les autres espèces comme chaque espèce est différente, donc il me semble qu'on ne peut avancer une quelconque supériorité ou infériorité.

Vos formules sont très maladroites, mais je ne développerai pas par manque de temps. Reste que vous avez peur de hiérarchiser les animaux entre eux, donc vous vous empêchez de penser leurs rapports. C'est donc également ne pas démontrer qu'ils sont distincts et c'est simplement présupposer leur différence. Or vouloir penser la spécificité de l'animal humain au regard des autres animaux n'est pas nécessairement vouloir légitimer sa domination sur eux. Ce qui est alors paradoxal, ou contradictoire, c'est que vous considérez maintenant qu'il n'y a pas de commune mesure aux différentes espèces animales (dont l'homme), à part le fait qu'elles sont toutes également distinctes, d'où vous laissez le champ libre, en réalité, à une hiérarchisation entre le genre animal et l'espèce humaine. Au lieu de dire que l'homme est la continuité du règne animal et qu'il le transcende par sa perfectibilité (qui peut aussi se changer en abêtissement, l'homme étant toujours un "animal dépravé", pour citer Rousseau, et privé de perfection), étendant par là les possibles du vivant, vous faites comme s'il y avait deux mondes hétérogènes qui ne se rencontraient pas, l'homme pouvant alors prétendre dominer des animaux avec qui il ne partagerait rien. Or ce n'est pas le cas.
Natura a écrit:
L'homme est un homme. Un animal ne veut rien dire. Un chat est un chat. Nous ne pouvons tout ranger dans le terme animal. C'est faux, il n'y a que de l'incertitude et de l'incompréhension dans ce terme. Par exemple, on ne peut pas dire qu'il y a de l'"éléphantité" dans un chat ni de la "chatité" dans un éléphant. Il n'y a donc pas d'animalité dans l'homme ni d'humanité dans l'animal.

Si vous voulez faire dans le nominalisme il faut aller plus loin : il n'y a que des individus. Mais alors je n'ai rien de commun avec mes parents, ni avec vous. Donc pourquoi présupposer une égalité ? Par ailleurs, il y a bien de l'animalité dans l'homme et de l'humanité dans l'animal, au sens de ce que j'ai déjà défini précédemment : je ne diffère pas tellement de l'animal en tant que j'ai un corps, des besoins, des habitudes, un territoire, que j'émets et perçois des signes qui entraînent des actions, etc., et l'animal ne diffère pas tellement de l'homme puisqu'il fait aussi preuve d'intelligence au regard des exigences du monde dans lequel il faut agir et s'adapter aux situations. Si je dis que l'humanité de l'animal c'est son intelligence, je dis aussi en fait que l'homme ne se distingue pas de l'animal par son intelligence.
Natura a écrit:
la supériorité de l'homme

Supériorité morale dont vous faites preuve en vous souciant du sort que nous réservons aux animaux, alors qu'ils n'ont rien à faire de nous. Vous avez une conscience, vous pouvez faire des choix et résister à vos besoins ou passions. Vous pouvez repenser vos rapports à l'animal. Mais par certains aspects l'homme est inférieur puisqu'inadapté à la nature, ce qui toutefois le pousse à inventer des outils, donc à recréer son environnement et lui-même.
Natura a écrit:
il faut étudier la nature par la nature et non par l'homme

Mais l'homme fait partie de la nature. D'ailleurs, si vous défendez tant les animaux et leurs spécificités, pourquoi ne défendez-vous pas aussi l'homme comme animal spécifique ? Pourquoi abstraire l'homme de l'animal ? Au contraire, l'homme est un type particulier d'animal qui a développé certaines capacités qu'on ne retrouve pas ailleurs. Mais ce sur-animal reste par certains côtés un animal, quoiqu'il soit à même de viser l'inhumain et le surhumain.
Natura a écrit:
En ce qui concerne l'anthropocentrisme, je dirais même que cela va encore plus loin. En me servant des trois blessures narcissiques de l'humanité, je dirais que Copernic a montré que la Terre n'était pas le centre de l'univers, Newton que l'homme n'était pas le centre de la création et Freud (avec la psychanalyse) que le sujet n'était pas le centre de lui-même. L'homme, fort de son anthropocentrisme, s'est vu achevé par la science... Mais savez-vous quoi ? Il a réussi a trouvé un semblant d'êtres inférieurs à lui pour y rejeter cette souffrance et ce n'est autre que l'animal...

Tout ça est vrai, mais l'homme est aussi quelque chose de particulier et d'irréductible à l'animalité, ne serait-ce par sa conscience et la culture. Quant à la souffrance faite à l'animal, je dirais surtout avec Bergson "qu'il faut bien vivre", voire qu'il faut bien manger, et que l'homme ne se distingue pas toujours des autres animaux : il peut être violent et tuer, ou ne serait-ce que jouer avec sa proie comme le fait le chat avec la souris. Après, il y a aussi la spécificité de la cruauté humaine à l'égard des animaux, ce qui prouve encore une fois que la conscience n'empêche pas la violence animale de ressurgir - et le cocktail de cette conscience avec cette brutalité produit aussi la cruauté comme symptôme d'une défaillance chez l'homme, animal contradictoire qui n'ayant pas de nature peut sombrer dans la pathologie et agir irrationnellement, surtout par usage de la raison calculatrice, en commettant des actes non nécessaires, suscités par des choses superflues, là où l'animal est plutôt dans une économie rationnelle de ses forces, il ne fait pas n'importe quoi. L'homme, au contraire, peut créer du monstrueux dans ce qui est contraire à la nature.
Natura a écrit:
Mais peut-on aller jusqu'à exclure le fait que les animaux ne peuvent pas à certains moments avoir des réflexions philosophiques, se demander le pourquoi du comment ? S'ils se projettent dans le passé, pourraient-ils se projeter dans un futur lointain écarté de leurs habitudes, de leur instinct ?

Cette possibilité est déjà réalisée dans l'existence humaine. L'homme est l'animal conscient. On pourrait peut-être dire que l'évolution tend vers l'homme, vers l'esprit. Mais ce pourrait être aussi bien, dans ce qui est apparu accidentellement (mais qui montre que l'animal peut acquérir de l'esprit) dans le monde, un progrès qu'un déclin au regard de l'animalité. Quelque chose est gagné au prix de quelque chose de perdu.
Natura a écrit:
Je ne sais pas si les animaux en sont capables et je pense que personne ne peut le savoir mais les animaux peuvent-ils se suicider ?

Je ne crois pas, il n'y a que l'homme qui se suicide parce qu'il est inadapté au réel et qu'il peut ne pas avoir les conditions requises pour compenser cette inadaptation. Il lui faut par exemple du sens, ce qui au regard de l'animal en fait un animal monstrueux et incompréhensible.
A moins de rentrer dans l'"espace pensée" d'un animal, il nous est impossible aujourd'hui d'en conclure quoi que ce soit.

Mais c'est un espace que vous présupposez sans rien en savoir, et vous le présupposez car vous en faites l'expérience en tant qu'être humain conscient de ce qu'il est lui-même (pour une partie en tout cas) et vous projetez cette possibilité réalisée en vous sur l'animal. Mais cette possibilité préexiste-t-elle à son actualisation et donc à l'homme ? Peut-on être plus ou moins conscient ? L'animal possède-t-il la possibilité de penser sans pourtant penser effectivement ? Là où l'homme pensant peut très bien ne pas penser (mais du fait même qu'il pense et qu'il peut donc penser). Cela dit, tout animal (humain ou non) finit par mourir s'il est inadapté ou dépassé par certaines situations. Mais l'homme seul préfère se tuer s'il estime perdre sa dignité autrement, là où l'animal semble indifférent à ce genre de considérations, du fait justement qu'il n'a pas de conscience réflexive pour se prendre lui-même en considération et juger de la manière dont il apparaît au monde et dont il s'apparaît.
Natura a écrit:
Concernant votre sixième partie, je suis bien d'accord que le symbolisme, la politique, etc., permet de compenser ce manque d'adaptation, mais ne répondent-ils pas tout simplement à l'instinct de survie enfoui au fin fond de l'humanité ? Ainsi, cet instinct prédominerait et il n'y a aucune supériorité à tirer de cette catégorie puisque homme comme animal suivent ce même cheminement vers un combat pour la survie selon leur(s) adaptation(s).

L'instinct de survie et l'adaptation au monde qui en découle sont en effet de traits communs à tous les animaux dont les hommes. Mais l'homme finit par dépasser le simple état de survie par la culture et la maîtrise technique de son environnement qu'il transforme à son image. Ses besoins primaires étant assurés, il peut s'inventer de nouveaux besoins totalement superflus et qui lui paraissent nécessaires. Les araignées n'ont pas beaucoup de variantes dans leur façon de chasser et finalement elles se rapportent toutes au piège et à la lutte et à l'étouffement (ou alors à l'utilisation d'un venin). Et toute leur vie semble tendue vers ces moments-là, dans l'élaboration répétée et continue de pièges ou stratégies toujours les mêmes bien qu'adaptées à l'environnement. A côté, l'homme a quasiment une infinité de choix, même si sa vie quotidienne tend à s'uniformiser. La supériorité de l'homme c'est sa liberté relative, mais comme je vous l'ai dit la liberté entraîne la responsabilité. Je ne légitime donc pas une vision de l'animal comme chose dont on pourrait s'emparer. Je ne suis pas non plus partisan d'une substance pensante individuelle et indépendante du monde qui prouverait la supériorité de l'homme et de l'esprit sur les corps et animaux. Mais je ne vois pas comment on pourrait accorder un esprit à l'animal en tant que celui-ci est rivé aux exigences du monde matériel, là où seul l'homme est dans la possibilité de s'en détourner. Regardez les grands esprits, comme Nietzsche qui ne fut sa vie durant que pure pensée à son corps défendant (et dysfonctionnnant), ils n'étaient pas rivés à l'action et à sa généralité, ils n'étaient pas dans l'automatisme et les habitudes. Platon nous disait déjà que le philosophe était maladroit en société. Penser n'a donc rien à voir, ou pas nécessairement à voir, avec l'intelligence (qui n'en est pas la cause).
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