Liber a écrit:
Le libertinage n'aurait jamais été possible sans la chape de plomb de l'Église.
En effet, les libertins en font même une interlocutrice privilégiée, dont ils s'amusent en la traitant par-dessous la jambe et en trouvant dans la Bible, les Saints et Dieu même toutes les preuves du Mal Institué qu'est l'Église. Voici deux exemples intéressants, le premier constituant une relecture des Pères de l'Église (avec de jolies trouvailles, notamment une métaphore plus qu'érotique) :

Saint Augustin, instruisant une Dame,
Dit que l'amour est l'âme de notre âme,
Et que la foi, tant soit constante et forte,
Sans vrai amour est inutile et morte :
Saint Bernard fait une longue Homélie,
Où il bénit tous les cœurs qu'amour lie :
Et Saint Ambroise en fait une autre expresse,
Où il maudit ceux qui sont sans maîtresse.
Et De Lira là-dessus nous raconte,
Que qui plus aime plus haut au ciel il monte,
Celui qui sut les secrets de son maître
Dit que l'amant damné ne saurait être,
Et dit bien plus le Docteur Séraphique,
Qui n'aime point est pis qu'un hérétique :
Pour ce qu'amour est feu pur et céleste,
Qui ne craint point qu'autre feu le moleste.
Saint Pierre a dit qu'avec les clefs qu'il porte
Aux vrais amants il ouvrira la porte.
Saint Jean Baptiste aux forêts plus désertes
Grava l'amour sur les écorces vertes.
Saint Dominique, ennemi du désordre,
Permet l'amour à tous ceux de son ordre :
Et Saint François aimant la chambrière,
N'ayant plus rien lui donna son Bréviaire.
Celui qui porte un gril pour son enseigne
Les hauts effets de l'amour nous enseigne.
Celui qui porte et bourdon et coquilles
Est protecteur et des femmes et des filles.
Saint Clément a donné force patentes
A tous ceux-là qui aiment leurs parentes.
La Magdelaine aux rochers de Provence
Du vrai amour aida sa pénitence.
Saint Crespin fit en ce métier pratique,
Puis pour aimer il vendit sa boutique.
Et dit-on plus de ce bon Saint Eustache,
Que pour aimer il perdit sa moustache.
Saint Thomas dit, et de sa propre bouche,
Qu'il ne croit rien sinon quand il y touche.
Le gros et gras Hugonis de Sorbonne
Dit que l'amour est une chose bonne.
Monsieur Vigor en ses sermons nous prouve,
Que l'on connaît une fille à l'épreuve.
Et c'est pourquoi, comme dit Saint Grégoire,
Un amant fait ici son purgatoire.
Nulle de vous ne soit donc si dure,
Qu'elle résiste à la Sainte écriture ;
Puisqu'on la voit de ces propos remplie :
Que pour aimer la loi est accomplie,
Et que les Saints ont fait l'amour ensemble :
Nous ne saurions mieux faire, ce me semble.


Maintenant, le premier de quatrains parmi tant d'autres, adressés à Dieu comme on adresse une prière, dont la fonction est d'être délivré de tous les maux que la morale faite naître en dénaturant les hommes, les rendant méchants, hypocrites, jaloux, etc. :

Quatrains contre les hommes :

Délivre-moi seigneur.
Délivre-moi Seigneur de l'homme vicieux,
Et de tous les aguets de son âme méchante,
Qui attache, et qui jette à celui qui le hante
La fange sur le front et la poussière aux yeux.

etc., etc., etc.


Dans le recueil du Parnasse Satyrique, on trouve plusieurs belles pièces païennes qu'on pourrait s'amuser à lire en regardant les peintures érotiques de la Renaissance.