Portail philosophiqueConnexion

Bibliothèque | Sitographie | Forum

Philpapers (comprehensive index and bibliography of philosophy)
Chercher un fichier : PDF Search Engine | Maxi PDF | FreeFullPDF
Offres d'emploi : PhilJobs (Jobs for Philosophers) | Jobs in Philosophy
Index des auteurs de la bibliothèque du Portail : A | B | C | D | E | F | G | H | I | J | K | L | M | N | O | P | Q | R | S | T | U | V | W | X | Y | Z

L'invention de la philosophie précède-t-elle Platon ?

power_settings_newSe connecter pour répondre
5 participants

descriptionL'invention de la philosophie précède-t-elle Platon ? - Page 2 EmptyRe: L'invention de la philosophie précède-t-elle Platon ?

more_horiz
apprentiphilo99 a écrit:
Dans l'opinion commune. Mais que faisaient donc les présocratiques ? Je ne pense pas qu'"inventer" soit le terme. Structurer la pensée philosophique, sans doute.

Tout dépend, me semble-t-il, de la définition que l'on a de la philosophie. C'est ainsi que l'art de philosopher naît - pour beaucoup - de la capacité à s'étonner (Cf. Jeanne Hersch par exemple), et donc de la volonté de saisir la nature de la chose. Elle naît donc, sauf erreur de compréhension de ma part, de l'exercice de l'entendement, par définition.

Il ne s'agit pas d'une opinion commune, mais d'une question d'histoire de la pensée. Il est bien sûr évident que les hommes n'ont pas attendu Platon pour commencer à penser, à connaître ou à s'interroger sur le monde. Mais précisément penser et philosopher ne sont synonymes que dans l'opinion commune. Or je ne parlais pas à partir de ce tic du langage ordinaire qui fait dire par exemple qu'on philosophe lorsqu'on refait le monde entre amis à l'occasion d'une soirée avinée. 

La philosophie est une manière particulière de connaître/penser le monde. Cette manière, c'est ce qu'on appellera la métaphysique, et dont la question essentielle (celle qui fait naître la philosophie), la question de Socrate "qu'est-ce que ?" n'est pas réductible à une curiosité de savoir, puisque ce que la philosophie se propose de faire, c'est précisément de connaître l'être dans l'horizon de l'action des hommes (régler l'action sur la connaissance de l'être) : c'est le lien indéfectible entre le savoir métaphysique et l'action politique, qui n'est séparable qu'abstraitement (voyez la structure de la République de Platon, mais également beaucoup d'autres de ses dialogues, Gorgias, Le Sophiste, etc.). La philosophie a donc bien un acte de naissance (ce qui n'exclut aucunement l'influence de Parménide ou d'Héraclite pour Platon), une mise en route initiale. Dire que la philosophie commence à partir du moment où l'homme pense, c'est ne pas savoir ce qu'est la philosophie. 

Du reste le simple fait que Platon soit incontournable devrait vous mettre la puce à l'oreille. Ce n'est certainement pas pour rien qu'aucun philosophe ni aucune formation philosophique ne peuvent se passer de Platon. Et il faudrait beaucoup de mauvaise foi pour imaginer que cela soit arbitraire, comme si on avait décréter sans raison que les choses commencent avec Platon et pas avant. Si chaque philosophe depuis Platon a été influencé par lui, c'est simplement parce que tout ce qui suit Platon est un développement/déploiement de ce coup d'envoi initiale de la métaphysique.

apprentiphilo99 a écrit:
Je ne parviens pas à saisir la contradiction dans l'expression : "L'entendement s'est développé chez l'Homme". Tout dépend sans doute de l'échelle à laquelle on se place. L'homme possède, par essence, un entendement, et cela lui est propre certes. Mais en quoi suggérer une possible croissance, un développement de cet entendement soutient-il qu'auparavant, il n'en avait nullement ?

Parce que l'entendement est une faculté qui est en même temps un absolu (c'est-à-dire sans mesure). On l'a ou on ne l'a pas. Lorsque crevée de fatigue vous ne parvenez pas à comprendre le cours de votre professeur, vous ne vous dites pas : "mince, j'ai moins d'entendement qu'hier", mais plutôt "aujourd'hui mon esprit est fatigué". Souvenez-vous du début du Discours de la méthode :
Descartes a écrit:
Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée ; car chacun pense en être si bien pourvu, que ceux même qui sont les plus difficiles à contenter en toute autre chose n’ont point coutume d’en désirer plus qu’ils en ont. En quoi il n’est pas vraisemblable que tous se trompent : mais plutôt cela témoigne que la puissance de bien juger et distinguer le vrai d’avec le faux, qui est proprement ce qu’on nomme le bon sens ou la raison, est naturellement égale en tous les hommes

Personne, jamais, ne se plaint qu'il manque d'entendement ni ne juge que d'autres en sont moins pourvus que lui. Il faut donc distinguer ce qui est de l'ordre de l'invariable (la capacité d'entendement, ou de raison) et ce qui est de l'ordre du variable (le bon ou mauvais usage de l'entendement, ou encore le bon ou le mauvais esprit). S'il est légitime de parler de croissance/développement pour le second, il est contradictoire d'en parler en ces termes pour le premier.

Kaloskagathos a écrit:
Ni Socrate ni Platon n'ont inventé la philosophie, et c'est gravement mépriser les anciens qu'affirmer une telle chose

Ce n'est méprisant que si l'on avance que seule la philosophie fait la valeur de l'homme ou qu'elle seule permet de connaître le monde. Or il y a bien des manières d'être présent au monde sans pour autant entrer dans des considérations métaphysiques. Homère est un pilier du monde occidental, l'éducateur de la Grèce et le fondateur de leur expérience du monde. Est-il philosophe ? Non, et cela n'a rien d'une lacune. 

Kaloskagathos a écrit:
La philosophie existe, je pense, depuis la Préhistoire

La réponse que j'ai donnée plus haut à apprentiphilo99 vous permet, je pense, de réviser cette affirmation.

descriptionL'invention de la philosophie précède-t-elle Platon ? - Page 2 EmptyRe: L'invention de la philosophie précède-t-elle Platon ?

more_horiz
Pour que la métaphysique existe, c'est-à-dire qu'elle soit une discipline, un champ du savoir constitué comme tel et autonome, il faut qu'elle soit formalisée. Or c'est avec Aristote que la discipline acquiert son nom (meta physicos, l'étude des principes premiers venant après l'étude de la physique) [expression que l'on doit à Andronicos de Rhodes : μετὰ τὰ φυσικά, méta ta phusika, « après la physique » (Euterpe)], bien que la question de l'être soit posée dès Parménide et qu'elle reçoive une première tentative d'élaboration scientifique avec Platon, les présocratiques la traitant par leurs écrits sous la forme du poème. Ce n'est que rétrospectivement que l'on peut insérer ces démarches dans le cadre de la science constituée par Aristote que l'on nommera désormais métaphysique. Ce qui est d'ailleurs affaire de convention, car relevant bien plutôt de la réception de l'œuvre d'Aristote et de l'usage que l'on en fera après lui, plutôt que de ce qu'il aurait clairement défini au sein de son appareillage conceptuel.

descriptionL'invention de la philosophie précède-t-elle Platon ? - Page 2 EmptyRe: L'invention de la philosophie précède-t-elle Platon ?

more_horiz
apprentiphilo99 a écrit:
Dans l'opinion commune. Mais que faisaient donc les présocratiques ? Je ne pense pas qu'"inventer" soit le terme. Structurer la pensée philosophique, sans doute.
Tout dépend, me semble-t-il, de la définition que l'on a de la philosophie. C'est ainsi que l'art de philosopher naît - pour beaucoup - de la capacité à s'étonner (Cf. Jeanne Hersch par exemple), et donc de la volonté de saisir la nature de la chose. Elle naît donc, sauf erreur de compréhension de ma part, de l'exercice de l'entendement, par définition.

Il ne s'agit pas d'une opinion commune, mais d'une question d'histoire de la pensée. Il est bien sûr évident que les hommes n'ont pas attendu Platon pour commencer à penser, à connaître ou à s'interroger sur le monde. Mais précisément penser et philosopher ne sont synonymes que dans l'opinion commune. Or je ne parlais pas à partir de ce tic du langage ordinaire qui fait dire par exemple qu'on philosophe lorsqu'on refait le monde entre amis à l'occasion d'une soirée avinée. 

La philosophie est une manière particulière de connaître/penser le monde. Cette manière, c'est ce qu'on appellera la métaphysique, et dont la question essentielle (celle qui fait naître la philosophie), la question de Socrate "qu'est-ce que ?" n'est pas réductible à une curiosité de savoir, puisque ce que la philosophie se propose de faire, c'est précisément de connaître l'être dans l'horizon de l'action des hommes (régler l'action sur la connaissance de l'être) : c'est le lien indéfectible entre le savoir métaphysique et l'action politique, qui n'est séparable qu'abstraitement (voyez la structure de la République de Platon, mais également beaucoup d'autres de ses dialogues, Gorgias, Le Sophiste, etc.). La philosophie a donc bien un acte de naissance (ce qui n'exclut aucunement l'influence de Parménide ou d'Héraclite pour Platon), une mise en route initiale. Dire que la philosophie commence à partir du moment où l'homme pense, c'est ne pas savoir ce qu'est la philosophie. 

Du reste le simple fait que Platon soit incontournable devrait vous mettre la puce à l'oreille. Ce n'est certainement pas pour rien qu'aucun philosophe ni aucune formation philosophique ne peuvent se passer de Platon. Et il faudrait beaucoup de mauvaise foi pour imaginer que cela soit arbitraire, comme si on avait décréter sans raison que les choses commencent avec Platon et pas avant. Si chaque philosophe depuis Platon a été influencé par lui, c'est simplement parce que tout ce qui suit Platon est un développement/déploiement de ce coup d'envoi initiale de la métaphysique. 

Tout d'abord, merci de votre réponse.
Je tiens tout de même à préciser que je n'ai jamais associé la naissance de la philosophie avec la naissance de la pensée (et je suis bien d'accord avec votre pensée à ce propos), mais bien avec le développement de l'entendement. Il me semble que votre exemple traite de fatigue et de capacité de concentration, pas d'entendement. Pour en prendre un autre, si l'on me tentait de m'expliquer ce qu'est la philosophie à l'âge de 6 ans, je ne comprendrai rien, ou n'en aurais du moins qu'une compréhension très sommaire.  Tout simplement parce que mon entendement n'est, je crois, pas assez développé pour saisir ce qu'est la philosophie. Pourtant, prenant de l'âge, je crois comprendre de mieux en mieux, sans saisir toujours toutes les subtilités de cette notion... C'est cela que je suggère en parlant d'un développement de l'entendement. Une fois encore, l'on peut le comparer à la conscience (cf mon premier message), elle EST, certes, innée, mais connaît des stades de développement (cf Wallon et les étapes du développement personnel de l'enfant, notamment, à 16 mois, l'étape de l'appropriation de l'image de soi par le miroir).

Pour ce qui est de votre définition de la philosophie, je dois admettre que je ne la partage pas entièrement. Selon moi, l'essence de la philosophie, et sa fin existentielle, ce n'est pas tant un projet de connaissance que de sagesse. Or la connaissance est par nature désintéressée bien qu'elle puisse desservir des fins plus nobles, la sagesse, en revanche, ne s'instrumentalise pas. Il me semble que la philosophie, c'est un art de vivre, c'est tenter de "vivre mieux" en dissipant les craintes de la finitude de notre condition. C'est "apprendre à mourir" ! Et en ce sens, pour "apprendre à mourir", et pour "vivre bien", il faut bien sûr, pour commencer, tenter de cerner ce qu'est ce monde dans lequel je vais vivre, et ce qu'est ce "je" qui craint tant la mort...
Aussi la connaissance de soi n'est-elle, je le crois, qu'un pilier de la philosophie qui supporte son but essentiel, la sagesse.
Enfin, une fois encore, que faisaient donc les présocratiques ? Platon est essentiel, dans la mesure où il structure véritablement la pensée philosophique, où il fait de la philosophie un objet philosophique. Mais il conviendrait de remarquer que ce terme de philosophie, justement, apparaît déjà chez Pythagore et Héraclite !

Cordialement.

descriptionL'invention de la philosophie précède-t-elle Platon ? - Page 2 EmptyRe: L'invention de la philosophie précède-t-elle Platon ?

more_horiz
Apprentiphilo99 a écrit:
Pour ce qui est de votre définition de la philosophie, je dois admettre que je ne la partage pas entièrement. Selon moi, l'essence de la philosophie, et sa fin existentielle, ce n'est pas tant un projet de connaissance que de sagesse. Or la connaissance est par nature désintéressée bien qu'elle puisse desservir des fins plus nobles, la sagesse, en revanche, ne s'instrumentalise pas. Il me semble que la philosophie, c'est un art de vivre, c'est tenter de "vivre mieux" en dissipant les craintes de la finitude de notre condition. C'est "apprendre à mourir" ! Et en ce sens, pour "apprendre à mourir", et pour "vivre bien", il faut bien sûr, pour commencer, tenter de cerner ce qu'est ce monde dans lequel je vais vivre, et ce qu'est ce "je" qui craint tant la mort...

Que la philosophie touche au nerf du réel, qu'elle soit concrète et pratique, cela est indéniable. Mais vous séparez connaissance et sagesse comme si la philosophie choisissait la seconde plutôt que la première alors que précisément elle les entremêle ! Rappelez-vous l'énergie déployée par Aristote dans l'Éthique à Nicomaque pour joindre ensemble souverain bien et plaisir, homme sage et activité pratique (Livre I, 2.2.1 ; 2.2.6 ainsi qu'au livre X).
La philosophie comme "art de vivre" tel qu'on l'entend à tort et à travers n'a jamais fait partie de la philosophie, même chez les Épicuriens. Art de vivre oui, mais au sens où en parle Aristote dans l'Éthique à Nicomaque. Il ne suffit pas de faire un bon petit plat entre amis, de prendre la vie du bon côté, d'être optimiste, de s'asseoir une demie-heure en fermant les yeux et en pensant, pour être philosophe ou faire de la philosophie. Si c'était si simple, ça se saurait.

Apprentiphilo99 a écrit:
Platon est essentiel, dans la mesure [..] où il fait de la philosophie un objet philosophique.

Il me semble pourtant que c'est l'inverse ! La philosophie est en acte dans chaque dialogue, et précisément se refuse à se faire objet. Platon a écrit sur la poésie (Ion), sur la sophistique (Euthydème ; Le sophiste), sur le politique (Ménéxène ; Le Politique) mais pas sur la philosophie en tant que telle. Et c'est parce que Platon n’a en réalité pas cessé d’écrire la philosophie qu’il n’a jamais écrit de dialogue prenant pour objet la philosophie. La célèbre VIIe lettre en donne, me semble-t-il, les raisons : écrire sur la philosophie aurait été écrire ce sur quoi il n’est pas permis d’écrire, l’unique sujet de tous les dialogues. C’est justement parce que le livre prenant pour objet la philosophie est impossible que se multiplient les livres ; c’est l’impossibilité même de circonscrire la philosophie comme un objet parmi les autres objets que le philosophe prend en considération, qui remplit les bibliothèques et ouvre la philosophie. C’est pourquoi il fallait qu’il y ait plusieurs dialogues, et que cette pluralité demeure irréductible. Autrement dit et j'en finis avec cette répétition, c'est le silence sur la philosophie qui permet à la philosophie de se montrer.
privacy_tip Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
power_settings_newSe connecter pour répondre