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La démocratie est-elle propice au développement de la pensée philosophique ?

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5 participants

descriptionLa démocratie est-elle propice au développement de la pensée philosophique ? - Page 2 EmptyRe: La démocratie est-elle propice au développement de la pensée philosophique ?

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Silentio a écrit:
Je pense que l'on peut poser la question de la relation entre philosophie et démocratie en montrant qu'elle est problématique, que leur entente ne va pas de soi, sans toutefois aller jusqu'à les opposer dès le début comme si l'un des termes devait emporter notre adhésion, comme s'il fallait choisir [...]. Or choisir l'un des termes c'est faire comme si le problème n'existait pas [...]. [...]. J'aurais trouvé plus intéressant de confronter deux points de vue opposés et non pas complémentaires [...]. [...]. Par ailleurs, je ne pense pas que la seule alternative soit entre une responsabilité qui se moque en un sens de la démocratie et l'irresponsabilité du partisan de la démocratie
Ça équivaut à invalider la question soulevée par Kthun. Le choix de termes opposés permet justement de passer en revue les positions possibles. Vous dites, en outre, préférer confronter deux points de vue opposés plutôt que complémentaires, après avoir estimé qu'il valait mieux soulever la question sans opposer philosophie et démocratie.

Silentio a écrit:
Vous savez très bien que choisir Strauss ce n'est pas neutre
Strauss n'est pas neutre, nuance (comme aucun philosophe ne l'est). Choisir Strauss face à Schinz, c'est forcément poser une question neutre, puisqu'elle oppose terme à terme l'une et l'autre position. La symétrie de l'opposition est un gage de neutralité. Les participants sont donc invités à choisir, en dernière instance, pas immédiatement. Avant, il y a tout un cheminement de pensée à parcourir.

Silentio a écrit:
Or je crois qu'il y a quelque chose comme une réaction primaire ou première qu'on pourrait appeler une "doxa platonicienne" qui fait qu'on traite la démocratie avec mépris, tout simplement parce qu'elle fait peur
Je ne comprends pas cette remarque. Je ne vois pas comment on peut la défendre.

JimmyB a écrit:
J'ai fait personnellement l'expérience de ceci sur un autre forum, littéraire celui-ci, sur Wittgenstein, où je me retrouvais être contredit et dédaigné par des personnes qui lui faisaient dire le contraire de ce que Wittgenstein souhaitait signifier. La conclusion de ces autodidactes confirmés fut que Wittgenstein ne pensait pas ce qu'il disait et qu'il était un défenseur de la métaphysique.
Finkielkraut a été victime de la même chose (procès d'intention, etc.), dans l'émission de Ruquier. Un scandale. La direction de France Télévision devrait licencier Aymeric Caron. C'est au-delà de la "faute grave", ce qui s'est produit. Je résume l'argument du bourreau bien pensant : Il faut lire entre les lignes (i. e., pas la peine de lire), or entre les lignes on peut lire blanc sur blanc une évidence : Finkielkraut est raciste, islamophobe... Le philosophe (qui ferait mieux de choisir les émissions où il accepte de se rendre), pratiquant l'éthique de responsabilité en l'occurrence, tombé face à un dogme démocratique, tel un fétu de paille. L'ignorance qui donne des leçons de savoir et de savoir-vivre, quel buzz !


Dernière édition par Euterpe le Jeu 31 Oct 2013 - 15:08, édité 1 fois

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JimmyB a écrit:
La philosophie est dès lors devenue une discipline où tout le monde peut donner son avis, puisque chaque individu s'en voit accorder le droit.

C'est faux, cette discipline étant pratiquée en privé ou à l'université, tandis qu'elle est toujours absente du reste de la société. La situation ne change pas, pour le coup, de celle de l'Antiquité. On prétend à un savoir dont on ignore tout, voilà tout. Mais la pensée reste égale à elle-même, c'est-à-dire réservée à un nombre réservé d'individus - peu importe que la culture et l'éducation se soit "démocratisées". On fait le même usage des connaissances et du discours, on observe toujours la même répartition entre philosophes et non-philosophes. Simplement, on observe aujourd'hui des gens qui sont reconnus comme philosophes par le public (cf. les philosophes médiatiques) et qui légitiment en retour des conduites convenues. On en reste au sophiste de bas étage qui n'est là que pour plaire et vendre son pseudo-savoir.
JimmyB a écrit:
Tout le monde peut lire un livre de philosophie et dire n'importe quoi sur l'auteur puisque l'autodidacte possède la même légitimité que celui qui a écouté son professeur et travaillé dur.

Mais l'autodidacte, à partir du moment où il lit par lui-même les auteurs, n'est pas condamné à son ignorance. S'il est de bonne volonté il sera enseigné par ces auteurs et les respectera. Je suis un exemple, pour une bonne part, d'autodidacte en philosophie. Cependant, je ne me prétends pas philosophe puisque je pense, contrairement à beaucoup peut-être, demeurer ignorant. Et dans ce cas, c'est tout aussi bien dû à mes lectures qu'à mon éducation, ce qui est à prendre en compte (puisqu'effectivement l'égalité a beau être de droit, et c'est merveilleux, elle ne pourra jamais l'être dans les faits, bien heureusement, si bien qu'il y aura toujours des disparités et des groupes sociaux plus enclins à l'étude de la philosophie parce que détenteurs de plus forts capitaux culturels). La démocratie offre plus de possibilités d'accès à la culture et permet une éducation pour tous, ce qui ne signifie pas que tout doit être idéal. Sinon nous serions tous philosophes et il n'y aurait plus besoin de combattre des opinions inexistantes, ce qui serait endiguer la philosophie qui a toujours besoin de son autre. Pseudo-démocrates et anti-démocrates partageraient donc toujours les mêmes préjugés en jugeant d'après l'idéal, comme si l'alternative était d'avoir tout ou rien.
JimmyB a écrit:
Tout le monde peut lire un livre de philosophie et dire n'importe quoi sur l'auteur puisque l'autodidacte possède la même légitimité que celui qui a écouté son professeur et travaillé dur.

La chose politique ne peut se résumer à un savoir d'expert en tant que l'action peut porter sur des événements inattendus et que les décisions n'entraînent pas toujours les conséquences prévues. La théorie que vous pouvez connaître assez bien peut ne vous donner que peu de compréhension réelle de la pratique. Mais si vous avez raison, il faut aussi savoir ce que l'on veut : un libéralisme qui éloigne de la politique ou un modèle où chacun s'intéresse suffisamment à la chose politique pour s'informer correctement. Dans cette dernière situation, il serait bien de former un peu plus les individus à la citoyenneté, à la politique. Enfin, la plupart des gens ne sont pas des autodidactes, ils ont juste des opinions. Très peu lisent.
JimmyB a écrit:
J'ai fait personnellement l'expérience de ceci sur un autre forum, littéraire celui-ci, sur Wittgenstein, où je me retrouvais être contredit et dédaigné par des personnes qui lui faisaient dire le contraire de ce que Wittgenstein souhaitait signifier. La conclusion de ces autodidactes confirmés fut que Wittgenstein ne pensait pas ce qu'il disait et qu'il était un défenseur de la métaphysique.

C'est dommage, seulement on ne peut forcer un âne à boire... Mieux vaut laisser ces personnes dans leur ignorance si, sous couvert d'ouverture, elles sont d'emblée dogmatiques. Pourquoi discuter avec ceux qui n'acceptent pas les règles de la discussion qui sont à la base de la philosophie ? Malheureusement, le philosophe sera souvent déçu par ceux qu'il rencontre et se retrouvera impuissant face aux autres. En même temps je me suis souvent rendu compte, dans les échanges réels, qu'il ne fallait pas se fermer aux autres pour cela. Il arrive qu'on attende trop d'eux, qu'on soit méprisant, alors qu'ils ont des choses intéressantes à dire au philosophe et qu'il peut, lui, remettre un peu en ordre.
JimmyB a écrit:
Pour conclure, la démocratie telle qu'elle fonctionne en Occident actuellement, c'est la mise en avant des croyances et des opinions où finalement chaque raisonnement est une opinion qui ne concerne que celui qui l'appuie. L'argument est du coup mis de côté, et finalement à quoi bon réfléchir puisqu'une bêtise possède autant de poids si ce n'est plus ? Un nivellement par le bas qui fait son chemin dans l'instruction publique de plus en plus décadente, dans un retour du religieux ou dans des domaines tels que le paranormal qui sont des secteurs plus faciles à appréhender puisqu'aucune rigueur n'est nécessaire.

C'est vrai. Mais tout n'est pas si désespéré. Un contrôle de l'information est possible, un retour sur ce qui est dit. C'est ce qui se passe avec les polémiques relayées par les médias. Les journaux peuvent contribuer à l'analyse et à fonder ou infonder les propos, par exemple.
JimmyB a écrit:
L'expertise disparaît, on peut le remarquer quand un philosophe est mis au ban par un journaliste, un économiste par un conseiller de pôle emploi. On peut le remarquer lorsque l'on met, à l'instar de BFM, l'avis de Léonarda sur le même plan que la déclaration du Président de la République.

Cela dépend des cas, certaines personnes qui n'ont pas le titre d'expert ont aussi des connaissances réelles, une analyse à partager, et elles peuvent enrichir le propos général par la discussion. Et regardez les économistes : ils sont divisés entre eux, chacun clame avoir raison.
JimmyB a écrit:
Je ne suis pas anti-démocrate, loin de là. Simplement la philosophie a trouvé son apogée lors de périodes troubles où justement peu de personnes pouvaient s'exprimer, par exemple lorsque le régime politique était oppresseur où qu'un dogme moral était imposé. La démocratie ne possède pas ces qualités de manière à ce que tout le monde les ressente.

Je suis d'accord, mais justement la démocratie est censée être une crise permanente et non la fin de l'histoire. Mais est-ce le cas avec la démocratie libérale justement ? De plus, est-ce que tout le monde a vocation à être philosophe et est-ce que l'on peut vraiment préférer l'essor de la philosophie à celle d'un régime de liberté ? Qu'est-ce qui prime ? Reste que vous-même ne semblez pas accepter cette alternative. Elle est trop lourde de conséquences. Et ce serait croire que les deux ne peuvent coexister... A quelles conditions cette coexistence est-elle possible et comment s'accommode-t-on du réel ? Est-ce même grave de constater que la réalité n'est pas l'idéal ?


Je crois que je vais abandonner là, Euterpe. J'ai dit un certain nombre de bêtises et j'ai l'esprit embrouillé. Je ne devrais pas me permettre d'intervenir à la manière de l'autodidacte.

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silentio a écrit:
C'est faux, cette discipline étant pratiquée en privé ou à l'université, tandis qu'elle est toujours absente du reste de la société. La situation ne change pas, pour le coup, de celle de l'Antiquité. On prétend à un savoir dont on ignore tout, voilà tout. Mais la pensée reste égale à elle-même, c'est-à-dire réservée à un nombre réservé d'individus - peu importe que la culture et l'éducation se soit "démocratisées". On fait le même usage des connaissances et du discours, on observe toujours la même répartition entre philosophes et non-philosophes. Simplement, on observe aujourd'hui des gens qui sont reconnus comme philosophes par le public (cf. les philosophes médiatiques) et qui légitiment en retour des conduites convenues. On en reste au sophiste de bas étage qui n'est là que pour plaire et vendre son pseudo-savoir.

Historiquement déjà l'on ne peut vous donner raison. Et pour cause, l'alphabétisation de la population n'était pas la même avant la fin de la seconde guerre mondiale qu'elle ne l'est actuellement. Le livre est donc un vecteur plus diffusé et davantage répandu. D'un point de vue logique je n'ai déjà pas tort. Ensuite vous ne m'avez pas compris, je disais que la démocratie permettait l'avènement de l'opinion au détriment de la réflexion et que par là même la philosophie devenait une discipline fourre-tout où tout le monde, dès lors que ce tout le monde donne son avis, pense faire de la philosophie. Je ne dis pas qu'il faut l'accepter, ni que votre argument est faux je ne fais qu'un constat de ce qui est pensé et établi. La philosophie n'est pas privée, elle est vendue à la Fnac ou disponible en bibliothèque. C'est justement cela qui est un problème : tout le monde peut se l'approprier et la déformer.
Le sophiste de bas étage est aussi important, voire davantage que le philosophe.

Pour le reste de vos remarques vous répondez à côté si je puis dire. Je fais juste le constat qui est que la démocratie et l'égalité qui en résulte garantissant une liberté d'expression ont pour conséquence le fait que celui qui sait ne vaut pas mieux que celui qui ne sait pas. Vous pouvez ne pas être d'accord avec ce principe, il n'empêche que c'est ce qui existe et finalement quand un préjugé est majoritaire il vaut mieux qu'un argument minoritaire. C'est le mal le plus profond de la démocratie.

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JimmyB a écrit:
Et pour cause, l'alphabétisation de la population n'était pas la même avant la fin de la seconde guerre mondiale qu'elle ne l'est actuellement. Le livre est donc un vecteur plus diffusé et davantage répandu.

Pourtant d'un autre côté la situation est semblable puisque cette diffusion ne rend pas plus philosophe. C'est d'ailleurs ce que vous déplorez. Il est paradoxal de voir s'étendre la culture et de constater qu'elle laisse la masse dans l'opinion, parce que penser, ou apprendre à penser, n'est pas la même chose que de lire un livre. Et certes, la philosophie est devenue plus populaire, mais est-ce vraiment de la philosophie ?
JimmyB a écrit:
je disais que la démocratie permettait l'avènement de l'opinion au détriment de la réflexion et que par là même la philosophie devenait une discipline fourre-tout où tout le monde, dès lors que ce tout le monde donne son avis, pense faire de la philosophie.

Est-ce si grave quand dans d'autres sociétés on ne peut que répéter des dogmes ? Cela dit, je suis d'accord, la démocratie peut sacraliser l'opinion. Mais encore une fois : où pratique-t-on la philosophie ? Est-ce qu'il suffit de lire le dernier Onfray pour faire de la philosophie ? Est-ce parce qu'on croit faire de la philosophie, qu'on revendique une expertise, qu'il s'agit de philosophie ? Ou faut-il au contraire dénoncer cette fausse philosophie et rappeler ce qu'est elle : une forme déguisée de l'opinion qui nuit à la philosophie.
JimmyB a écrit:
La philosophie n'est pas privée, elle est vendue à la Fnac ou disponible en bibliothèque. C'est justement cela qui est un problème : tout le monde peut se l'approprier et la déformer.

La lecture et la réflexion sont privées. Je ne vois pas comment on pourrait philosopher en grande surface. Et que de mauvais livres soient vendus n'empêche pas que certains lecteurs passent à des choses plus sérieuses ensuite. J'imagine d'ailleurs que vous avez été bien content de pouvoir profiter de l'offre de certains magasins pour vous mettre à la philosophie. Il y a toujours un risque de voir un mauvais usage de la philosophie, mais la disponibilité des livres en magasin permet d'autres usages.
JimmyB a écrit:
Le sophiste de bas étage est aussi important, voire davantage que le philosophe.

Appelons un chat un chat et ne laissons pas croire qu'il s'agit d'un représentant de la philosophie. Soyons critique au lieu de constater que la philosophie se réduirait à cela, quand il ne s'agit pas, en réalité, de philosophie.
JimmyB a écrit:
Pour le reste de vos remarques vous répondez à côté si je puis dire. Je fais juste le constat qui est que la démocratie et l'égalité qui en résulte garantissant une liberté d'expression ont pour conséquence le fait que celui qui sait ne vaut pas mieux que celui qui ne sait pas. Vous pouvez ne pas être d'accord avec ce principe, il n'empêche que c'est ce qui existe et finalement quand un préjugé est majoritaire il vaut mieux qu'un argument minoritaire. C'est le mal le plus profond de la démocratie.

J'ai du mal à situer concrètement cette pratique. De quelles discussions s'agit-il ? Pensez-vous aux débats télévisés ? Ou aux échanges informels entre personnes privées ? Ou encore aux discussions sur Internet ? A moins qu'il ne s'agisse de la philosophie de bistrot, lieu où il serait ennuyant d'être trop sérieux ? Pensez-vous aux débats politiques ?

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Silentio a écrit:
Pourtant d'un autre côté la situation est semblable puisque cette diffusion ne rend pas plus philosophe. C'est d'ailleurs ce que vous déplorez. Il est paradoxal de voir s'étendre la culture et de constater qu'elle laisse la masse dans l'opinion, parce que penser, ou apprendre à penser, n'est pas la même chose que de lire un livre. Et certes, la philosophie est devenue plus populaire, mais est-ce vraiment de la philosophie ? 

Mais c'est justement cela le problème, qu'il y ait un tel brassage de croyances et une telle uniformisation des valeurs, un renoncement à la hiérarchie des idées qui occasionne le fait que plus personne ne prenne la peine de dire ce qui est et surtout ce que ce n'est pas.

Silentio a écrit:
Est-ce si grave quand dans d'autres sociétés on ne peut que répéter des dogmes ? Cela dit, je suis d'accord, la démocratie peut sacraliser l'opinion. Mais encore une fois : où pratique-t-on la philosophie ? Est-ce qu'il suffit de lire le dernier Onfray pour faire de la philosophie ? Est-ce parce qu'on croit faire de la philosophie, qu'on revendique une expertise, qu'il s'agit de philosophie ? Ou faut-il au contraire dénoncer cette fausse philosophie et rappeler ce qu'est elle : une forme déguisée de l'opinion qui nuit à la philosophie. 

Eh bien justement, je pense, et l'histoire le montre d'une certaine façon, qu'une société liberticide ou inégalitaire quant à la liberté d'expression permet l'élaboration d'une pensée intellectuelle ayant pour but de résister au dogme.

Silentio a écrit:
La lecture et la réflexion sont privées. Je ne vois pas comment on pourrait philosopher en grande surface. Et que de mauvais livres soient vendus n'empêche pas que certains lecteurs passent à des choses plus sérieuses ensuite. J'imagine d'ailleurs que vous avez été bien content de pouvoir profiter de l'offre de certains magasins pour vous mettre à la philosophie. Il y a toujours un risque de voir un mauvais usage de la philosophie, mais la disponibilité des livres en magasin permet d'autres usages. 

Ce qui n'a pas grand lien avec ce dont il était question. On évoquait la diffusion de la philosophie, vous étiez en train de nier qu'elle était davantage diffusée qu'auparavant, je prétendais le contraire. Voir Hume à la Fnac par exemple démontre qu'on peut le lire, mais le lire sans guide, sans professeur le rend obscur. Le souci est que celui dont le jugement est obscurci ira jusqu'à remettre en cause le professeur qui lui indiquera les erreurs d'interprétation. Expérience personnelle et conséquence logique : l'opinion-reine uniformise les compétences.

Silentio a écrit:
J'ai du mal à situer concrètement cette pratique. De quelles discussions s'agit-il ? Pensez-vous aux débats télévisés ? Ou aux échanges informels entre personnes privées ? Ou encore aux discussions sur Internet ? A moins qu'il ne s'agisse de la philosophie de bistrot, lieu où il serait ennuyant d'être trop sérieux ? Pensez-vous aux débats politiques ? 

J'évoquais la société en général. Je prends un exemple sur une connaissance infondée, majoritaire aux États-Unis qui pourtant a été dénoncée par certains intellectuels comme Chomsky en vain. Pour 63% des Américains la France est un pays traditionnellement musulman (sondage de 2005). Chomsky a pu dire tout ce qu'il voulait, il a été ridiculisé notamment par des politiques républicains.
Autre exemple : le créationnisme qui, malgré les appels à la pédagogie des scientifiques, devient majoritairement l'idée établie pour expliquer l'origine de l'homme aux États-Unis toujours.

Croyance majoritaire contre argument minoritaire. Comme quoi il faut bien des experts, mais surtout une hiérarchie des compétences sur des domaines donnés.

Silentio a écrit:
Je voulais simplement montrer que l'expert n'est pas infaillible et qu'il ne peut vouloir monopoliser la vérité, en tant qu'il ne saurait se confronter à la prise de décision pour agir, les experts pouvant s'accorder sur des diagnostics et proposant des solutions très opposées. Cela dit, la voix de l'expert est importante, mais il doit rester ce qu'il est : un conseiller qui peut orienter le débat par ses idées, en donnant une cohérence à une situation pour qu'elle devienne intelligible, et dont les acteurs politiques (élus, citoyens) s'emparent (ce sont eux qui évaluent les mesures à prendre suivant ce qu'ils considèrent comme bon ou non pour la société).

C'est bien cela le souci, on est désormais dans une société où l'expérience fait nécessairement foi, et où le théoricien n'ayant pas connu ce dont il parle de plein fouet, devient dédaigné. 
Il n'y a qu'à voir les différents débats publics sur les routes en Aquitaine ou la LGV méditérranéene.
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