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Expérience de Milgram sur la soumission à l'autorité

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nnikkolass
benfifi
Janus
jem
Papiou
9 participants

descriptionExpérience de Milgram sur la soumission à l'autorité EmptyExpérience de Milgram sur la soumission à l'autorité

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Nous sommes au milieu des années soixante, à l'Université Yale. Vous avez répondu à une petite annonce parue dans un journal et vous vous présentez au laboratoire de psychologie pour participer à une expérience portant sur les effets de la punition sur l'apprentissage. Un autre volontaire est là et un chercheur en blouse blanche vous accueille. Il vous explique que l'un de vous deux va enseigner à l'autre des suites de paires de mots et qu'il devra le punir s'il se trompe, le punir en lui administrant des chocs électriques d'intensité croissante. Un tirage au sort vous désigne comme le professeur et l'autre volontaire comme l'élève. On vous conduit dans la salle où se tiendra l'élève et on vous montre la chaise où il sera assis ; on vous administre une faible charge électrique pour vous montrer de quoi il retourne. Vous êtes présent pendant que l'on installe l'élève sur sa chaise et qu'on lui place une électrode.
Vous retournez ensuite dans la pièce adjacente avec le chercheur qui vous a accueilli. Il vous installe devant la console que vous opérerez. Les chocs que vous donnerez s'échelonnent de 15 à 450 volts, progressant par 15 volts. Des indications sont inscrites à côté des niveaux : “choc léger”, “choc très puissant : danger”. À partir de 435 volts il n'y a que: XXX.

L'expérience commence.
À chaque fois que l'élève se trompe, vous administrez un choc, plus fort de 15 volts que le précédent. L'élève se plaint de douleurs à 120 volts ; à 150 volts, il demande qu'on cesse l'expérience ; à 270 volts, il hurle de douleur ; à 330 volts il est devenu incapable de parler.

Vous hésitez à poursuivre ?

Tout au long de l'expérience, le savant n'utilisera que quatre injonctions pour vous inciter à continuer : veuillez poursuivre ; l'expérience demande que vous poursuiviez ; il est absolument essentiel que vous poursuiviez ;vous n'avez pas le choix, vous devez poursuivre.

Vous l'avez deviné : le tirage au sort était truqué, l'élève est un complice, un comédien qui mime la douleur. Bref : c'est vous qui êtes le sujet de cette expérience.


Avant de la réaliser, Milgram a demandé à des adultes des classes moyennes, à des psychiatres et à des étudiants, jusqu'où ils pensaient qu'ils iraient. Il leur a aussi demandé jusqu'où ils pensaient que les autres iraient. Personne ne pensait aller, ou que les autres iraient, jusqu'à 300 volts. Mais lors de l'expérience menée avec 40 hommes, âgés de 20 à 55 ans, 63% allaient jusqu'au bout, administrant des décharges de 450 volts.

Les détails de l'expérience, sur lesquels nous ne pouvons nous étendre ici, donnent froid dans le dos. L'expérience de Milgram a été abondamment commentée, reprise, discutée. Mais cette étude expérimentale de la soumission à l'autorité reste une contribution incontournable à notre connaissance de la nature de l'autorité et de son pouvoir à nous faire agir de manière irrationnelle. Il faut penser avant d'obéir, toujours se demander si ce qu'on nous demande est justifié, même si la demande provient d'une autorité prestigieuse !!!

Êtes-vous d'accord avec cette conclusion ?
Pouvez-vous donner des exemples similaires tirés de votre expérience personnelle ?
Quels moyens avons-nous pour résister et agir avec discernement ?
Voici quelques questions en vrac, bien évidemment la liste n'est pas exhaustive.

descriptionExpérience de Milgram sur la soumission à l'autorité EmptyRe: Expérience de Milgram sur la soumission à l'autorité

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L’expérience de Milgram est fiable, comme vous l’avez dit, elle a été reprise, étoffée, on a changé les variables, de maintes et maintes fois, et c’est toujours le même résultat qui prime. Ce qu’il faut en tirer c’est que nous sommes tous démunis lorsque nous sommes seuls face à une autorité.

Replaçons en contexte : Milgram, juif exilé, a voulu savoir ce qui avait poussé les gens à collaborer pendant la seconde guerre mondiale. Cela fait d’ailleurs référence à un terme en philosophie développé par Hannah Arendt, « la banalisation du mal ». Il fallait tenter d’expliquer que ce n’était pas parce que les allemands étaient fondamentalement mauvais qu’ils avaient obéis. Milgram montre cela à travers son expérience. Cela est du au fait que l’obéissance est un facteur positif dans notre société. Mais comment faire autrement ? Là est la question. L’individu se déresponsabilise de l’acte qu’il commet. Lors du procès suivit par Arendt, le coupable ne se sentait absolument pas… coupable justement. Il s’était contenté d’obéir, il avait obéi aux ordres. Et nous avons tous cette faculté d’obéir aux ordres, parce que nous ne sommes pas nécessairement aptes à savoir si ce que nous faisons est correct, même si cela part dans la souffrance. Que font les militaires ? Ils obéissent aux ordres. Si cette capacité à savoir se dégager de la ligne normative était propre à l’homme, il n’y aurait plus de guerre. Prenons un exemple, si on vient vous réquisitionner pour partir en guerre, serez vous capable d'être objecteur de conscience et de refuser ? Sachant que vous n'avez aucun moyen de vous assurer que ce que vous faites est bien.

Milgram nous montre juste l’obéissance dans ses excès. Mais l’obéissance est nécessaire, elle permet l’ordre. Ces résultats ne me choquent pas. Nous sommes programmés pour obéir, nous sommes éduqués pour obéir, seulement il est difficile de savoir quand on rentre dans l’excès. Et il n’y a pas que dans le cadre de l’obéissance que l’on est prêt à torturer, par ailleurs. Lorsque l’on rentre dans un rôle, on s’affilie bien plus au rôle qu’à la morale. L'homme dirigé par la morale est une utopie, la morale, c'est bien gentil, assit confortablement dans un fauteuil autour d'un verre. En contexte, elle n'a souvent que peu de poids. Par ailleurs, même après les résultats de Milgram, et même après avoir étudié l'expérience, donc nous avons eu une prise de conscience, nous retrouvons les même résultats que dans l'expérience originale, c'est-à-dire que même en ayant conscience de l'horreur de la chose, on agira de la même manière tout de même.

(Des expériences ont été réalisé auprès des étudiants de psychologie qui avait vu l'expérience dans leurs cours, on retrouva les même résultats que dans l'expérience de Milgram. Cela montre que l'exemple ne suffit pas, qu'il n'est pas une condition suffisante pour empêcher un acte de se reproduire, même lorsqu'il est contraire à la morale. Par ailleurs il est courant que pour introduire le cours, le professeur fasse preuve d'une autorité arbitraire "mettez vous debout", "éteignez les lumières, on va faire le cours dans le noir", "mesdemoiselles, au premier rang, messieurs derrières", les élèves obéissent bien souvent malgré l'absurdité de des demandes et ce n'est qu'après qu'ils s’aperçoivent de leurs capacités à obéir à des ordres stupides quand le diapo montre "La soumission à l'autorité".)

Nous n’avons pour agir avec discernement que les compétences que nous possédons, et plus encore cela dépend de la capacité de chaque individu à se dégager de ses automatismes mentaux, il est plus facile de suivre un schéma acquis depuis longtemps et surtout quand il est considéré comme positif. En d’autre terme, ici, il est plus simple d’obéir, surtout quand le sujet passe dans le rôle d’agent.

Une des quatre citations de l’expérimentateur dans une variante était « Continuez, je prends l’entière responsabilité de vos actes ». Lorsque l’expérimentateur prononce cette phrase, le sujet va jusqu’au bout de l’expérience, et pire, il ne proteste plus car il ne se sent plus responsable. On se sent donc moins coupable quand on a conscience qu’on n’a qu’à obéir, et même on abandonne tout sentiment de culpabilité quand l’autorité prend sur soit la responsabilité de l’acte.

Une expérience similaire a été réalisée dans un cadre plus commun. Dans un service hospitalier, un médecin appelle le poste de garde la nuit, où seule une infirmière veille, il dit être le médecin d’un patient du service et demande qu’on lui injecte immédiatement un dose de 20mg d’un produit dont je n’ai plus le nom, quand bien même il est expressément stipulé sur l’emballage du produit que la dose maximum est de 10mg. Quels sont les résultats ? Une large majorité des infirmières obéissent aux médecins, sans savoir si ce dernier l’est vraiment, sans savoir s’il est compétent et si le patient en question est bien son patient. En d’autre terme, les infirmières obéissent à un inconnu, contredisant sur ses seules affirmations l’indication d’un médicament. Les infirmières n’étant pas compétentes, et étant seules, elles choisissent de faire confiance car elles croient obéir à une autorité compétente, plus compétente qu’elles.

Bref, j'apportais des compléments à votre sujet. Peut être n'y ai-je pas répondu. Je tenais à appuyer la difficulté que l'on a à faire preuve "de morale" dans les situations de soumissions à l'autorité. Il est d'ailleurs important de rappeler je pense que la psychologie sociale nous montre à maintes reprises que l'homme ne se fie pas à la morale pour agir, qu'il l'omet, et que la situation est déterminante dans les résultats d'obéissances. Dans les variantes de l'expérience, les résultats vont de 0% d'obéissance à plus de 75%, selon les situations.

Ps : je remarque à l’instant que vous avez oublié de préciser que si le sujet résiste aux quatre injonctions, l’expérience s’arrête, le sujet a résisté à l’autorité.

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Cher jem,

Je suis impressionné par la qualité de votre réponse :!:

Merci à vous.

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La psychologie est mon domaine d'études. Il faut bien que je sache de quoi il retourne. Mais merci de votre compliment.

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Bonne idée Papiou que d'avoir éveillé notre attention sur cette très intéressante expérience (dont j'avais déjà eu écho mais sans réaliser tout l'intérêt) qui met en évidence la facilité avec laquelle un individu situé sous l'influence d'un décideur (ou maître), peut en arriver à se soumettre aussi "gentiment" aux ordres de l'autorité en s'abstenant du moindre jugement sur son acte.

Merci Jem pour vos pertinentes observations sur les diverses conclusions que vous tirez de ce type d'expérience. Je regrette néanmoins que vos réactions se limitent, si je ne m'abuse, à une sorte de résignation, sous forme de sollicitude, d'affectueuse bienveillance envers ceux qui se soumettent de cette manière à l'ordre hiérarchique quel qu'il soit. Je me trompe peut-être mais vous semblez percevoir ce phénomène comme s'il s'agissait d'une sorte de "fatalité" à laquelle il est difficile de se soustraire, d'autant plus que cela présente l'avantage certain de nous assurer confort, sécurité et ordre, biens à ce point précieux que nous serions "pardonnés" d'avoir de ce fait négligé ce fameux "sentiment de culpabilité" censé nous animer.
Papiou quant à lui y voit surtout l'occasion de donner des conseils de bonne conduite à savoir "ne jamais se plier aux ordres contraires à la morale (qui consiste à se montrer toujours bienveillant envers autrui ?) ou du moins s'interroger sur la fiabilité ou légitimité du donneur d'ordre.

A vrai dire je pense qu'il y a encore plus d'enseignements à en tirer, en particulier sur les mécanismes qui entrent en jeu au niveau de la responsabilité et de son corollaire, la liberté, dans leur lien avec le sentiment de culpabilité. Mais j'y reviendrai car cela éveille ma curiosité sur leurs relations avec la notion d'autorité ou de rôle (ou fonction).
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