Portail philosophiqueConnexion

Bibliothèque | Sitographie | Forum

Philpapers (comprehensive index and bibliography of philosophy)
Chercher un fichier : PDF Search Engine | Maxi PDF | FreeFullPDF
Offres d'emploi : PhilJobs (Jobs for Philosophers) | Jobs in Philosophy
Index des auteurs de la bibliothèque du Portail : A | B | C | D | E | F | G | H | I | J | K | L | M | N | O | P | Q | R | S | T | U | V | W | X | Y | Z

Aux origines du langage.

power_settings_newSe connecter pour répondre
+6
alphaméthyste
xavion
Euterpe
Prosodie
jem
benfifi
10 participants

descriptionAux origines du langage. - Page 4 EmptyRe: Aux origines du langage.

more_horiz
0. Homère l'Odyssée chant 9. Vers 12-20. Version de Philippe Jaccottet (le club français du livre 1955): "Mais tu m'as questionné sur l'objet de mes plaintes,/ et mes plaintes ne vont qu'en redoubler./ Par où donc vais-je commencer par où finir./ Je dirai tout d'abord mon nom. Ainsi le saurez-vous/ à votre tour et, si j'échappe au jour fatal,/ je resterai votre hôte encor que vivant loin de vous./ Je suis Ulysse, fils de Laërte, dont les ruses/ sont fameuses partout et dont la gloire touche au ciel."
1. Donc le verbe.
Par où commencer par où finir ? Mon nom. Le furieux. Et la plainte. Deux formes verbales empruntes d'émotion.
2. À l'échelle terrienne, depuis belle lurette, chaque être vivant fait avec l'alternance du jour et de la nuit. Une alternance qui se répète. Cette quantité de fois répétées n'est-ce pas le temps ?
Le temps me sert. Quatre jours pour faire le tour de l'île. Trois pour labourer ce champ. L'espace est lié au temps.
Le temps l'espace le corps l'être l'objet le sujet la conscience le langage la grammaire les nombres tout ça on l'apprend enfant à l'école et ailleurs. Par la force des choses.
3. Une histoire. L'histoire. La science. Le monde. La vie. La réalité. Propagande. Rumeur. Mode. Tout est verbe. Mais quid du verbe ?
4. Le corps est maître. Le verbe est son énergie.
5. La vie nous impressionne et nous enchante. Il y a réaction. Par le verbe on ne fait que s'exprimer. Comme une éponge qu'on essorre. La substantifique moelle. L'enchantement. Le charme agit. Le verbe permet d'accéder au corps charmé. L'intention se manifeste. C'est le premier degré.
6. Il se trouve que parfois je suis dans la lune. Absent coupé du monde. Je ne m'en rends pas compte mais ça fait un moment que le verbe prend corps. Comme une bulle qui gonfle et s'apprête à éclater...
7. ... Survient le verbe qui me révèle me fait exister. "Je" est. Je suis. Cogito ergo sum.
8. Absent coupé du monde je réfléchis du verbe. Générant ainsi la conscience. C'est le deuxième degré. Donnant lieu à un discours collectif auquel chacun est invité à prendre part. Tentative par la raison de se dégager d'un champ non maîtrisé l'inconscient. Pas évident.
9. Dans la pratique sociétale quotidienne les deux niveaux se mêlent. Le verbe agit via son interprétation par le corps. L'interprétation garantit l'altérité de l'être-corps-vivant. Sa liberté.
10. Présent branché au monde j'émets du verbe ou en reçois. Établissant ainsi un rapport de force-énergie-vie. C'est le troisième degré. Rhétorique dialectique. Tactique stratégie.
11. Nous ne pouvons faire autrement qu'en nous entendant. Même la guerre est une façon de nous entendre.
12. Il y a impression et expression. Qui est elle-même à son tour impression.
13. À part le verbe ? En dehors ? La méditation est une réponse. Concentré sur ma respiration vient le moment où je perds le sens signifiant de "respirer" et accède au sens sensoriel de "respirer". Passage de ergon/verbe à soma/corps.
14. À l'échelle de la Terre chaque être-corps-vivant est doté du verbe attaché à son espèce. L'évolution qui touche le corps/soma s'accompagne de l'évolution du verbe/ergon associé.
15. Est-ce que le moineau la fourmi l'acacia l'obsidienne ont une conscience ? J'ignore. Rien ne m'interdit de penser qu'ils en sont dotés. Il se trouve seulement que nulle interface permet la traduction d'un verbe à l'autre pour en convenir ou pas.
16. Le tilleul engendre chaque année des milliasses de graines. Combien donneront un tilleul adulte ? Hybris ? Soit on convient qu'il en s'agit bien là d'une forme. Soit ce n'est pas le cas et alors il est difficile de considérer la guerre comme telle.
17. Da capo. Or donc d'où vient le verbe ? Quelle est son origine ? Néanmoins ici comme ailleurs le processus à l'œuvre est l'évolution. Et je conviendrais qu'il fût déjà présent dès australopithèque en passant par sapiens jusqu'à aujourd'hui toujours actif. Mais il faut bien une histoire. Au commencement était...
18. ... Le son. Ainsi fut-il. Produit par la gorge. Il va prendre forme (et la gorge avec) s'enrichir se diversifier. Phrases musicales. Caractère de sélection et de pouvoir. Ainsi naît la voix et la prosodie.
19. Avant de se dresser l'homininé l'a intentionné. Par la voix. La voix signale la voie.
20. Quel que soit l'endroit où se posent mes yeux c'est nommé depuis longtemps. Plus une miette de chaos. Si un corps étranger faisait irruption il serait immédiatement circonscrit et affublé d'une ribambelle de vocables susceptibles de l'identifier.
Une autre situation serait celle d'un chaos total lors de ma naissance sans vocable en mémoire. Comment distinguer autrement qu'en nommant ? Borborygme vocal inaugurant ma mémoire verbale.
Au départ donc je vois. Le chaos. Je n'arrête pas de rien reconnaître. Je vois de façon intransitive. Soudain... Oh ! : signifie que la mémoire percute, je reconnais. Le verbe a précédemment enregistré en mémoire, codé. Le verbe a ainsi distingué en nommant. Je vois ça. Je vois de façon transitive pour la première fois. Je l'ai reconnu. Je vois ce que j'ai nommé.
Le chaos est indéterminé indéfini.
Pour sortir du chaos il faut distinguer. Distinguer c'est arracher quelque chose au chaos. Il faut de l'énergie. L'énergie adéquate ? Le verbe mobilisé par le corps. Mais au fait pourquoi sortir du chaos ? Pourquoi ne pas y demeurer ? Pour assouvir l'intention. Or le chaos absorbe toute intention. Sortir du chaos c'est entrer en vie, nourrie d'intention.
21. La mémoire est attachée au verbe comme son ombre. Pas de verbe sans mémoire car sinon comment re-produire le verbe. Et le temps et l'espace prennent ainsi forme peu à peu.
22. Via l'énergie verbale le corps humain crée des figures-totems-balises-concepts pour développer la puissance de son énergie verbale.
23. Exemples de figures-totems-balises-concepts : le sujet pour habiter le corps, le chaos pour désigner ce qui est, la vie pour organiser le chaos, la mort pour supporter la vie, l'esprit pour conjurer la mort, l'intention pour objectiver le verbe, la raison pour structurer le discours, dieu pour résoudre l'impossible, la conscience pour demeurer mortel...
24. Le corps délègue. C'est le sujet, toi moi Zoé, qui parle. Néanmoins le corps est et reste maître.
25. L'évolution du verbe fonctionne par étapes, la mode. Au cours d'une mode quelques figures verbales sont émises qui font l'objet de débats et controverses rejaillissant sur la vie sociale. L'assimilation s'accompagne de l'émergence de la mode à venir. Dans le même temps des figures périmées tombent en désuétude.
26. La mode permet de dire autrement le monde la vie. Une renaissance.
27. Depuis homo erectus l'horizon est à atteindre. Mais il demeure au loin. Inaccessible immuable éternel. Il s'ensuit une sensation lasse d'impuissance. Frustration vite balayée par le printemps et la mode nouvelle.
Dieu répond peut-être avant tout à l'impuissance. Tenace sparring-partner.
28. Le verbe façonne le monde différemment selon le langage support du verbe. Les mondes anglais arabe et chinois sont différents.
29. Le corps incarne le verbe. Ainsi le verbe-ergon et le corps-soma sont intimement intriqués. Impossible en fait de considérer l'un sans l'autre. Yin-Yang qu'on pourrait nommer "vorpus" par exemple.

descriptionAux origines du langage. - Page 4 EmptyRe: Aux origines du langage.

more_horiz
Je vais tâcher d'apporter ici ma contribution à la question de l'origine du langage en replaçant celui-ci dans le cadre de la communication des êtres vivants, celui-ci dans le cadre de l'information des systèmes physiques en général et celui-ci dans le cadre général de la seconde loi de la thermodynamique selon laquelle les systèmes physiques, localement ou globalement (à la limite, l'univers tout entier) sont voués à l'entropie, c'est-à-dire à la perte tendancielle de l'énergie qui les constituent. Nous comprendrons peut-être mieux alors l'importance que prend le problème de l'attestation (et pas seulement de la vérité) dans le cas particulier du langage humain.

Dernière édition par PhiPhilo le Lun 18 Sep 2023 - 9:31, édité 2 fois

descriptionAux origines du langage. - Page 4 EmptyRe: Aux origines du langage.

more_horiz
"Le terme entropie a été forgé en 1865 par le physicien allemand Clausius [...]. Il introduisit cette grandeur afin de caractériser mathématiquement l'irréversibilité de processus physiques tels qu'une transformation de travail en chaleur [...]. La notion de quantité d'information, utile en théorie de la communication ou en informatique, est étroitement apparentée à celle d'entropie"(Roger Balian, les Etats de la Matière, p.205). Pour donner un aperçu intuitif de ce en quoi consiste l'entropie, on peut dire qu'il s'agit de l'irréversibilité du processus de transformation d'une certaine quantité de travail en une quantité déterminée de chaleur. Par exemple, si on parvenait, dans l'idéal, à récupérer toute la chaleur (Q) produite par le mouvement mécanique (W) d'un moteur à explosion, on ne pourrait produire avec Q qu'une quantité de travail W' très probablement inférieure à W. Ce qui veut dire que, sans pour autant que la quantité globale d'énergie soit modifiée (première loi de la thermodynamique, dite aussi loi de Lavoisier : "rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme"), il existe une quantité résiduelle d'énergie thermique inutilisable par un système physique isolé (seconde loi de la thermodynamique, dite aussi loi de Boltzmann : "dans un système physique isolé, le désordre a une très forte probabilité de s'accroître"). C'est donc du problème de l'équivalence entre les différentes formes d'énergie et non pas du problème de la subsistance globale de l'énergie qu'il s'agit lorsqu'on parle d'entropie. Ce qui ne fait nullement de l'entropie un problème qualitatif au prétexte que l'on parle de désordre et que le désordre est une notion inobjective. En effet, l'augmentation de l'entropie dans la 2° loi de la thermodynamique s'analyse tout à fait objectivement comme une probabilité (en toute rigueur, le processus W→Q→W' n'est pas tel que W' est inférieur à W, mais tel que Prob.[W' inférieur à W]≠0). Et si Popper s'autorise à parler de "théorie subjectiviste de l'entropie" (cf. la Quête Inachevée, xxxvi), c'est uniquement parce que le type de processus préalablement décrit n'est rien d'autre qu'une formulation mathématisée de ce que nous appelons l'irréversibilité du temps ("la flèche du temps" comme disait Eddington), irréversibilité chargée d'une très lourde hérédité métaphysique (cf. Stephen Hawking, notamment dans une Brève Histoire du Temps pour une analyse objective de la flèche du temps en astro-physique). Donc l'entropie est bel et bien une réalité objective.

Commençons par rappeler que la science physique a affaire à des corps, c'est-à-dire à des entités dotées d'une masse. Or Newton a été le premier à remarquer que tout corps, du fait qu'il est massif, possède une énergie cinétique (dimension ML2T-2) égale au demi-produit de sa masse par le carré de sa vitesse (E = ½ m.v2). Depuis la découverte de la radioactivité par Becquerel puis la théorie de la relativité restreinte d'Einstein, on admet qu'outre son énergie cinétique actuelle lorsque sa masse est accélérée sur une certaine distance, tout corps possède aussi une énergie potentielle contenue dans sa masse au repos (non-accélérée) et dont la valeur théorique, pour une particule donnée est égale à sa masse multipliée par le carré de la vitesse de la lumière (E = m.c2), ce qui confère à la matière une énergie potentielle considérable : un seul gramme de matière quelconque qui serait accéléré à la vitesse de la lumière pendant une seconde sur une distance d'un mètre génèrerait une énergie d'environ 9.1013 J. soit 26 millions de kW.h, autant que la production d'une centrale électrique de 1 300 mW pendant 20 heures ! De plus, qu'elle soit cinétique (actuelle) ou de masse (potentielle), toute énergie s'analyse en un flux plus ou moins "ordonné", c'est-à-dire plus ou moins dirigé vers une même direction : à la limite, on parle de "travail" lorsque ce flux est parfaitement ordonné (par analogie avec la notion humaine ordinaire de "travail") et de "chaleur" lorsqu'il est désordonné (toujours par analogie avec la sensation humaine). Et dans le prolongement du constat de Carnot selon lequel la transformation du travail en chaleur est plus aisée que l'inverse, en contradiction apparente avec ce qu'affirment les notions classiques d'inertie (Galilée) et de conatus (Spinoza) ainsi que la 1° loi de la thermodynamique (Lavoisier), la 2° loi de la thermodynamique (Boltzmann) soutient donc que même si un corps est sans échange énergétique avec l’extérieur, son bilan énergétique global n'est pas spontanément en équilibre mais tend toujours à être déficitaire. C'est ce phénomène qu'on appelle "entropie", entropie qui se mesure objectivement en termes de quantité d'énergie perdue multipliée par la durée de la perte (par exemple, en J.sec, dimension ML2T-1). A fortiori, lorsqu'un corps M1 procède effectivement à des échanges énergétiques avec un milieu extérieur à M2 incluant M1, alors la production totale de chaleur inconvertible en travail ("entropie") s'accroît de telle sorte que l'apport d’énergie en provenance de M2 destiné à compenser l’entropie propre de M1 (on parlera alors de "néguentropie" pour qualifier la tentative de restaurer la capacité énergétique de M1 à produire du travail) s'analyse en une perte nette d'énergie thermique (inconvertible en travail), bref, comme un accroissement d'entropie, pour M2 (qu'on pense à l'exemple du réfrigérateur qui produit de la chaleur, et donc "consomme" de l'énergie, pour lutter contre le réchauffement, c'est-à-dire la perte d'énergie, de l'aliment à réfrigérer). Et ainsi de suite si on ajoute un système M3 incluant M2, puis M4 incluant M3, etc. ad libitum. La loi de Boltzmann énonce donc que dans tout système physique, à la limite, dans l'univers tout entier, l'énergie a inexorablement tendance à se dissiper, dans un premier temps sous forme de chaleur, c'est-à-dire en agitation moléculaire, puis, dans un second temps, la chaleur elle-même se dispersant pour tendre vers l'"entropie absolue" ou "zéro absolu" (O°K ou -273,15°C).

(à suivre ...)

descriptionAux origines du langage. - Page 4 EmptyRe: Aux origines du langage.

more_horiz
(suite de ...)

Or Boltzmannn et Gibbs établissent une relation statistique (S = k ln Ω, avec k = 1,380 649.10-23 J.K-1) entre l'entropie mesurée d'un corps (S) et le nombre de ses configurations possibles (Ω) disant, en gros, que plus nombreux sont les états possibles de ce corps, plus forte en est l'entropie, ou, dit autrement, plus nombreux sont les degrés de liberté de ce corps et plus celui-ci est sujet au désordre, c'est-à-dire à l'entropie. Toutefois, on remarque que l'augmentation de l'entropie en fonction de la complexité du système suit une progression logarithmique qui fait que l'entropie n'augmente que faiblement lorsque le nombre de configuration s'accroît fortement, tandis qu'elle diminue fortement au fur et à mesure que l'on s'approche de Ω = 1. De sorte qu'à la limite, lorsqu'il n'y a qu'une seule configuration possible, lorsqu'il n'y a plus aucun degré de liberté (Ω = 1), l'entropie devient nulle (S = k ln 1 = 0 puisque ln 1 = 0). L'entropie réalise donc en quelque sorte ce que l'on appelle en économie, des "économies d'échelle" : de même qu'il ne faut pas dix fois plus de moyens pour produire cent vingt automobiles plutôt que douze, de même le désordre (l'entropie) n'est pas dix fois plus important lorsque la complexité d'un système s'accroît d'un facteur dix mais environ 2,3 fois plus important (ln 10 est à peu près égal à 2,3). On voit par là que, paradoxalement, le désordre est "ordonné" ; il existe des lois du désordre (cf. la définition de l'anarchie politique par Elisée Reclus comme "la plus haute expression de l'ordre") tout comme il existe des lois du hasard (le calcul des probabilités). L'entropie, cette perte tendancielle d'énergie par tous les systèmes physiques, n'est donc pas amorphe mais possède toujours déjà une forme déterminée. On dira qu'elle est in-formée (je détacherai désormais le préfixe du radical à la fois pour qu'on ne confonde pas ce concept avec ce qu'on met aujourd'hui sous le terme "information" et aussi pour qu'on sente bien l'étymologie : in-former x, c'est, littéralement, donner à x une forme déterminée).

Voilà pourquoi, dans la foulée de Boltzmann et de Gibbs, Shannon et Weaver vont définir la quantité d'in-formation H nécessaire à la subsistance d'un système physique comme le corrélat négatif de son entropie S : 

Aux origines du langage. - Page 4 Image_2023-04-29_111647752

En partant de l'entropie S attachée à un événement E (partie jaune du graphique), Shannon et Weaver définissent l'in-formation "néguentropique" (entropie négative) H (partie verte du graphique) potentiellement attachée à cet événement (c'est-à-dire la quantité d'énergie par unité de temps qu'il faudra fournir à cet événement pour annuler son entropie) par l'équation H = -k ln Ω, donc comme facteur négatif du logarithme du nombre des configurations possibles de E ou, ce qui revient au même, comme facteur positif de la probabilité de sa survenance. En effet, si H (la quantité d'in-formation ou de néguentropie) doit être la mesure de l'entropie négative (-S), si S = k ln Ω comme nous l'avons dit plus haut, alors il est naturel que H = -S = -k ln Ω = k ln 1/ Ω puisque p(E) = 1/ Ω et que ln 1/x = -ln x.

Dans tous les cas de figure, plus l'état d'un corps est probable (le nombre de ses configurations possibles Ω tend vers 1) et moins ce système a besoin d'être in-formé pour compenser son entropie. Ce qui se comprend fort bien puisque, avons-nous dit, si, à la limite, un seul état est possible pour ce système, si celui-ci n'a plus aucun degré de liberté (et il n'est pas nécessaire pour cela d'abaisser sa température au "zéro absolu", il suffit qu'il ait atteint son maximum relatif d'entropie, par exemple, s'agissant d'un corps biologique, qu'il soit mort), si donc p(E) = 1/ Ω = 1, son entropie étant désormais nulle, l'in-formation pour lutter contre cette entropie (sa néguentropie) n'a plus lieu d'être. À l'inverse, le même système requerra une quantité d'in-formation d'autant plus grande qu'il sera placé dans une situation plus nouvelle, inédite, imprévue, donc qu'une telle situation sera, a priori, plus improbable (nous verrons plus loin l'importance capitale de ce fait dans le cas des systèmes vivants). Lorsqu'il s'avère que l'incertitude sur l'état d'un corps s'accroît du fait de son entropie, on peut aussi considérer qu'il est l'objet d'une in-formation négative, d'une dé-formation en quelque sorte. L'équation de cette dé-formation est alors tout simplement celle de l'entropie de Boltzmann et Gibbs (S = k ln Ω = - H).

(à suivre ...)

descriptionAux origines du langage. - Page 4 EmptyRe: Aux origines du langage.

more_horiz
(suite de ...)

Si on quitte maintenant le territoire de la physique théorique pour le domaine plus concret des objets macroscopiques, on se rend compte que formation, trans-formation, dé-formation et in-formation ne sont que les processus transitoires et coûteux en énergie qui caractérisent l'existence de tout système physique en général. Par exemple, "on peut distinguer cette statue que l'on a sous les yeux [...] ou bien encore cet airain que l'on a là sous la main"(Aristote, Physique, II, iii, 15) : la statue, c'est de la matière déjà in-formée (par exemple un bloc de marbre, lequel existe par soi-même avant que de devenir matière première d'une chose) qui va se trouver dé-formée puis ré-in-formée par l'ensemble des actes que le sculpteur va accomplir, bref, qui va se trouver trans-formée en statue. L'in-formation, au sens le plus général du terme, c'est donc ce processus macroscopique qui ordonne (au double sens de "commander" et d'"arranger") un système physique déjà pourvu d'une forme en le dé-formant, le re-formant, le trans-formant à travers un processus que Simondon qualifie d'"hylémorphique" (du grec ὕλη, matière et μορφή, forme). Bien entendu, "ce n'est pas seulement l'argile et la brique, le marbre et la statue qui peuvent être pensés selon le schéma hylémorphique, mais aussi un grand nombre de faits de formation, de genèse et de composition, dans le monde vivant et dans le monde psychique [...]. Le rapport même de l'âme et du corps peut être pensé selon le schème hylémorphique" (Simondon, l'Individu et sa Genèse Physico-Biologique). En ce sens, l'in-formation ne se dit pas seulement de l'ordre que l'homme est capable de donner volontairement à la matière (la forme que le sculpteur donne au bloc de marbre), mais aussi de tout processus biologique d'accommodation par lequel un biotope (du grec ὁ τοῦ βίου τόπος, "le milieu de la vie", Jakob von Uexkull dit Umwelt, "monde propre") est en mesure en mesure de s'adapter à son écosystème ou d'assimilation qu'un biotope est capable d'imposer à son écosystème. C'est ce que dit Popper : "la sélection darwinienne apprend aux différentes espèces à conserver de l’information et à l’adapter aux divers problèmes qui se posent à elles ; la vie consiste donc en systèmes physiques qui tentent de résoudre des problèmes"(Popper, la Quête Inachevée, xxxvii). Et en effet, la biologie moderne nous enseigne entre autres choses que le code génétique, le génome, n'est rien d'autre qu'un processus fondamental d'in-formation mémorisé et perpétué par l'espèce et par lequel le corps biologique prend forme, se dé-forme, se trans-forme en relation avec son biotope. À noter que, de ce point de vue, la mort du corps biologique qui n'est, pour ce corps, rien d'autre qu'un processus de dé-formation (entropie) irréversible, constitue au contraire, pour l'espèce, un processus d'in-formation (néguentropie) par lequel celle-ci met justement fin à l'entropie du corps biologique en question, laquelle est devenue critique, sinon pour l'espèce tout entière, du moins pour un écosystème particulier (cf. le film d'Imamura la Ballade de Narayama).

De fait, "l’efficacité de l’évolution ne peut laisser les limites de la vie au hasard des accidents, aussi est-ce le programme génétique qui prescrit la mort de l’individu dès la fécondation de l’ovule"(François Jacob, la Logique du Vivant). Il semble en effet tout à fait clair que l'in-formation génétique pour ce qui concerne la base spécifique de tout corps biologique, mais aussi l'in-formation sensorielle pour ce qui concerne l'individualité du corps biologique, l'in-formation sociale pour ce qui concerne l'insertion du corps biologique dans un biotope déterminé, sont autant de niveaux d'in-formation qui ordonnent tout système physique vivant en lui permettant de puiser dans des systèmes physiques connexes l'énergie dissipée en chaleur irrécupérable (entropie). L'in-formation de la matière biologique est donc bien "néguentropique". Mais, tandis que cette néguentropie est due, dans le cas des systèmes inertes (non-vivants), "au hasard des accidents", en revanche, s'agissant des systèmes "vivants", nous dirons qu'elle est "intentionnelle" au sens étymologique. C'est-à-dire que l'organisation vivante, quel que soit son niveau (infra-individuel, individuel ou supra-individuel), reçoit de l'in-formation (accommodation) et/ou envoie de l'in-formation (assimilation) en étant littéralement, in tensione, c'est-à-dire dans un état de tension vitale (intention, attention, contention, etc. ont le même radical) en raison du désordre thermodynamique auquel cette organisation est confrontée. En ce sens, ce qu'il est convenu d'appeler "communication", n'est, à l'instar du code génétique biologique, qu'une forme intentionnelle et non-accidentelle par laquelle tout système physique vivant  s'efforce de contrecarrer l'entropie dont il est perpétuellement l'objet. Pour en revenir à un niveau d'analyse plus fondamental, la manifestation de ce qui, pour un système physique quelconque, constitue de l'in-formation, et donc ce qui, seul, est en mesure de lui fournir cette forme relativement et provisoirement stable qui lui permettra d'exister et de subsister, c'est ce que Spinoza nomme "conatus" : "toute chose s’oppose à tout ce qui peut supprimer son existence et s’efforce, autant qu’elle peut et selon son être propre, de persévérer dans son être [adeoque quantum potest, et in se est, in suo esse perseverare conatur]"(Spinoza, Éthique, III, 6). L'in-formation, c'est-à-dire le résultat concret de cet effort (conatus) s'analyse alors en une suite déterminée de signaux qui sont en autant de flux d'énergie (ML2T-2) captés (accidentellement ou intentionnellement) par le système physique avec un profit néguentropique à la clé. Ce que montre, nous l'avons vu, le profil logarithmique de la loi de Boltzmann et Gibbs qui suggère, en effet, que la nature se comporte en quelque sorte comme le Père Goriot : plus il perd sa fortune, plus il restreint ses besoins dans la pension Vauquer pour en perdre le moins possible. Une in-formation peut donc être définie comme un processus physique qui contribue, accidentellement (la gravitation qui finit par stopper l'éboulement d'une montagne) ou intentionnellement (le panneau routier qui finit par stopper l'hécatombe humaine à un carrefour), à diminuer l'entropie d'un système physique en lui donnant la forme qui va le stabiliser momentanément (jusqu'au prochain assaut de l'entropie). Est-ce à dire alors que la seconde loi de la thermodynamique est prise en défaut ? Tout au contraire puisque, comme l'on montré Brillouin et Szilard à propos de l'expérience de pensée dite du démon de Maxwell, quand bien même l'in-formation remplirait partout et toujours localement sa fonction néguentropique, celle-ci réclamerait néanmoins de l'énergie extra-locale pour fonctionner, de sorte que le bilan énergétique global serait, au finale, toujours déficitaire (ce que prouve, au passage, l'histoire de l'univers qui n'a eu de cesse, en quelque 15 milliards d'années d'existence, de s'ordonner tout en se refroidissant depuis plusieurs milliards de °K à son commencement jusqu'à peine plus de 3°K actuellement).

(à suivre ...)
privacy_tip Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
power_settings_newSe connecter pour répondre