J'ajoute à la très bonne intervention de Silentio qu'au début de La dialectique du moi et de l'inconscient, Jung donne de quoi méditer la chose. Je me contente de citer le début du premier chapitre de la première partie :
Les éléments psychologiques qui existent dans un être à son insu et dont la somme compose ce que nous appelons l'inconscient, ces éléments, selon la théorie freudienne, on le sait, seraient uniquement constitués par des tendances infantiles ; celles-ci, en raison de leur caractère d'incompatibilité avec les facteurs conscients du psychisme, se trouvent refoulées. Le refoulement est un processus qui s'insinue et s'institue dès la prime enfance : il est comme l'écho intérieur qui répond à l'influence et à l'imprégnation morales exercées par les proches, et il dure tant que dure la vie. Grâce à l'analyse, les refoulements seront supprimés, et les désirs refoulés seront rendus conscients.
Selon la théorie freudienne, l'inconscient ne renfermerait donc pour ainsi dire que des éléments de la personnalité qui pourraient tout aussi bien faire partie du conscient, et qui, au fond, n'en ont été bannis, n'ont été réprimés, que par l'éducation.
Ici, on pourrait même dire que s'il n'était question que de refoulement, il n'y aurait plus besoin d'une topique. Le surmoi suffirait. L'enjeu serait de l'accorder au "moi". Par esprit de provocation, j'irais jusqu'à dire que s'il n'était question que de refoulement, en matière psychanalytique, l'hypothèse de l'inconscient n'aurait plus aucune espèce d'utilité. On pourrait s'en passer. Le refoulement comme mode particulier de l'oubli suffirait amplement. Mais poursuivons avec Jung :
Assurément, dans certaines perspectives et selon la façon dont on aborde ces sphères de l'humain, les tendances infantiles de l'inconscient sont celles qui surgissent avec le plus de relief. Il n'en serait pas moins faux, en partant de cette première constatation, de prétendre définir en toute généralité l'inconscient et de prétendre l'apprécier, le jauger une fois pour toutes : l'inconscient a aussi d'autres aspects, d'autres dimensions, d'autres modes d'existence ; dans sa sphère, s'inscrivent non seulement les contenus refoulés, mais aussi tous les matériaux psychiques qui n'ont pas atteint, quoique existants, la valeur, l'intensité qui leur permettraient de franchir le seuil du conscient. Or, il est impossible d'expliquer, par le seul mécanisme du refoulement, pourquoi tous ces éléments restent au-dessous du seuil du conscient. Si le refoulement était le seul mode d'action, la suppression des refoulements devrait conférer à l'homme une mémoire phénoménale, à l'abri de l'oubli. Le refoulement, comme principe directeur, conserve donc toute son importance, mais il n'est pas le seul mécanisme intra-psychique à l'œuvre.
Outre les matériaux refoulés, se trouvent dans l'inconscient tous les éléments qui, n'étant plus maintenus par une tension psychologique suffisante dans le conscient, ont glissé d'eux-mêmes à nouveau sous son seuil, et en particulier toutes les perceptions sensorielles subliminales.
Je précise que ces perceptions sont les plus nombreuses. On peut même dire que c'est le mode principal, le mode normal de la perception.
De plus nous savons — tant par une expérience abondante et irréfutable que par des considérations d'ordre théorique — que l'inconscient recèle aussi les matériaux psychologiques qui n'ont pas encore acquis le niveau et la dignité du conscient : ce sont les germes de contenu dont certains seront ultérieurement conscients. Enfin, nous avons tout motif de supposer que l'inconscient ne se cantonne en aucune façon dans l'immobilisme, le repos, synonymes d'inactivité ; au contraire, il y a lieu de penser qu'il est sans cesse occupé à brasser ses contenus, à les grouper et à les regrouper.
Là est la personne, et à moitié seulement (je ne parle pas de l'inconscient collectif, c'est trop long, et il suffit de prononcer l'expression pour que les gens croient qu'on parle de réincarnation ou d'un film hollywoodien). De plus, pour la plupart des gens, les "germes de contenu" dont parle Jung ne sont et ne seront jamais qu'à l'état de germe. Eh oui ! C'est dur de se coltiner le réel. La plupart des gens n'en veulent pas.

On pourrait également citer, dans la septième partie des Racines de l'inconscient, les chapitres 3 et 4, par exemple. Enfin, on pourrait citer des passages de Castoriadis aussi, et nous devrions admettre la même conclusion, sauf pour ceux qui ont ce que Casto appelle le projet d'autonomie, autrement dit combien ? 1% des personnes ? Hypothèse optimiste.