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Quel intérêt de penser si tout a déjà été pensé ?

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5 participants

descriptionQuel intérêt de penser si tout a déjà été pensé ? - Page 2 Emptylire

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Bonjour Kerso,
Êtes-vous vraiment sûr que les questions que se posent les philosophes sont toujours les mêmes ?
Voyez-vous, la science est facile. Il y a différentes branches, chaque branche est définie par son champ d'intérêt et à chacune est associé la méthode la plus appropriée. La philosophie, malheureusement, ne peut pas se permettre le luxe d'une telle simplicité, car ce serait justement faire d'elle une science...

Un scientifique appartient à une science (math, biologie, sociologie, etc.), et répond aux questions de cette science avec les méthodes de cette science. Il a la chance d'avoir un "destin", car nous le destinons à faire quelque chose, d'une certaine manière. Mais faire le même don à un philosophe reviendrait à le priver de son statut de philosophe... Le philosophe doit faire face à l'absurde de sa situation. Il ne pratique pas une philosophie comme on pratique une science, il élabore sa philosophie. C'est à lui de définir ses questions et ses méthodes.
Quelles questions se poser ? Métaphysique ? Éthique ? Esthétique ? Pourquoi celle-ci en particulier ? Quelle méthode adopter ? Critique de type kantien ? Réduction phénoménologique transcendantale husserlienne ? Herméneutique d'inspiration heideggerienne ? Ou peut-être une analyse logico-linguistique telle que les aiment les anglo-saxons ?

Il y a bien sûr des "philosophes" qui tentent de continuer ce qu'ont fait les précédents, en se posant les mêmes questions, et en tentant d'y répondre avec les mêmes méthodes. Mais ce à quoi l'on reconnaît le vrai philosophe est sa volonté de questionner les méthodes autant que les questions qui lui sont proposées, de leur donner un nouveau sens, et si nécessaire, d'en trouver d'autres.

Voir l'unité ou l'opposition de deux pensées n'est qu'une question de point de vue, et tant que les deux pensées ne sont pas strictement identiques, les deux approches sont autant valables l'une que l'autre. Il est par exemple de coutume d'affirmer la quasi-identité de Démocrite et d'Épicure. Et bien, un certain Karl Marx a tout de même réussi à les voir comme deux personnages radicalement différents, opposés en tout (vous pouvez trouver la réflexion en question ICI).
C'est à ce genre d'exercice que vous devez vous livrer. Le stoïcisme et l'épicurisme n'était pas véritablement de bons exemples... Prenez plutôt, pour rester dans les classiques, Platon et Diogène. Êtes-vous sûr de pouvoir affirmer qu'ils se posaient les mêmes questions ?
Car se sont bien les questions (ainsi que les méthodes) qu'il faut comparer. Les "réponses" sont somme toute très secondaires !

Juste une dernière question si je pousse à l'extrême, l'idée qu'une pensée ne vaut que dans son contexte, alors que vaut-elle en-dehors ? Pourquoi s'y attarder ? Y a-t-il 2 contextes identiques ?

Et bien, étant pour ainsi dire bouddhiste, j'ai envie de vous répondre que non seulement d'un instant à l'autre le monde n'est plus le même (ou "ni le même, ni un autre"), vous non plus. Une pensée est toujours une création, et gagne toujours un nouveau sens de ses invocations, puisque jaillissant toujours de manière nouvelle dans un monde nouveau.

J'aimerais m'étendre un peu plus mais je n'en ai malheureusement pas le temps (révision...). A bientôt.

descriptionQuel intérêt de penser si tout a déjà été pensé ? - Page 2 Emptylire 2

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Ménandre a écrit:
Bonjour Kerso,
Êtes-vous vraiment sûr que les questions que se posent les philosophes sont toujours les mêmes ?
Sûr ? Non. Mais j'en ai le sentiment... Vouloir "donner du sens" peut se formuler de pleins de manières différentes : d'où vient-on ? vers quoi allons-nous ? qu'est-ce qui est bien ou mal ? qu'est-ce que le bonheur ? le monde existe-t-il en dehors de moi ?
Que l'on réponde qu'il y a un sens, ou au contraire qu'il n'y en a pas, la trame de fond est la même. Et au passage on en profite pour imaginer comment la réponse à cette question peut également satisfaire (ou justifier) les besoins humains (ou animaux).

Ménandre a écrit:
Voyez-vous, la science est facile. Il y a différentes branches, chaque branche est définie par son champ d'intérêt et à chacune est associée la méthode la plus appropriée. La philosophie, malheureusement, ne peut pas se permettre le luxe d'une telle simplicité, car ce serait justement faire d'elle une science...

Un scientifique appartient à une science (math, biologie, sociologie, etc), et répond aux questions de cette science avec les méthodes de cette science. Il a la chance d'avoir un "destin", car nous le destinons à faire quelque chose, d'une certaine manière.
Cela ne me paraît si évident, les limites sont floues, et savoir où s'arrête un domaine scientifique et où commence un autre ne me paraît pas du tout simple... Mais il est vrai qu'il y a une distinction (enfin une distinction qui me parle) : la science se contente du "comment ?", même si je soupçonne de nombreux scientifiques d'espérer trouver le "pourquoi ?". Pour moi la distinction est bien là, la science s'arrête au "comment ?" et la philosophie prend le relais pour tendre vers le "Pourquoi ?" (un peu bateau, mais bon...)
En conclusion, plutôt que de restreindre le domaine, je restreindrais le type de question :
- "comment ?" pour le scientifique.
- "pourquoi ?" pour le philosophe

Après, il y a peut être une question de méthode... Il est vrai que je suis plutôt scientifique, et par conséquent ai peut-être du mal à cerner "l'esprit" philosophique. Mais je crois que d'autres ont appliqué l'analyse (ou des méthodes scientifiques, de logique) avant... comme Russell par exemple... est-il scientifique ou philosophe ? Gödel, lorsqu'il aborde les fondements des mathématiques, ou Poincaré, sont-ils philosophes ou mathématiciens ? Personnellement, j'ai du mal à distinguer. La faculté de récurrence dans nos raisonnements est-elle une preuve de l'au-delà ? Est-ce une réalité ou une illusion ? Le raisonnement qui prend sens dans la pratique donne-t-il un sens à notre univers ?

Ménandre a écrit:
Mais faire le même don à un philosophe reviendrait à le priver de son statut de philosophe... Le philosophe doit faire face à l'absurde de sa situation. Il ne pratique pas une philosophie comme on pratique une science, il élabore sa philosophie. C'est à lui de définir ses questions et ses méthodes.
Peut-être puis-je alors vous retourner la question : en quoi les questions de ces philosophes diffèrent-elles fondamentalement ?

Ménandre a écrit:
C'est à ce genre d'exercice que vous devez vous livrer. Le stoïcisme et l'épicurisme n'était pas véritablement de bons exemples... Prenez plutôt, pour rester dans les classiques, Platon et Diogène. Êtes vous sûr de pouvoir affirmer qu'ils se posaient les mêmes questions ?
Je pense que leur recherche était la même, oui. Mais, leurs méthodes diffèrent certainement. Ce serait comme chercher à satisfaire sa faim. On peut la repousser (jusqu'à certaines limites), ou la satisfaire, qu'importe le prix. On peut estimer qu'elle est une nécessité (avec une finalité), ou un simple besoin. Qu'elle est une conséquence ou une cause. Qu'y répondre est bien ou mal. Mais au final la question reste la même : "comment répondre à cette faim ? Et puisque j'avance un "pourquoi ?" comment cela s'articule-t-il ?. Pour moi, chercher une réponse au "sens" est un besoin du même ordre, et est celui du philosophe... en trame de fond...
Cela dit, je n'étudie pas la philosophie, et je ne parle donc que "d'émotions" et de "ressentis" vécus au contact des textes, extraits, que j'ai eu la chance de côtoyer.

Ménandre a écrit:
Et bien, étant pour ainsi dire bouddhiste, j'ai envie de vous répondre que nous seulement d'un instant à l'autre le monde n'est plus le même (ou "ni le même, ni un autre"), vous non plus. Une pensée est toujours une création, et gagne toujours un nouveau sens de ses invocations, puisque jaillissant toujours de manière nouvelle dans un monde nouveau.
Alors à quoi bon raisonner et retranscrire sa pensée, puisqu'elle ne perdure pas ? Carpe diem... agissons dans le présent... Le passé n'existe plus et le futur n'existe pas... Le présent ne se décrit pas, car il est alors déjà passé.

Ménandre a écrit:
J'aimerais m'étendre un peu plus mais je n'en ai malheureusement pas le temps (révision...). A bientôt.
Bonnes révisions, alors !

Pour kind of blue, merci du commentaire.

Les 3 niveaux de socialisation me rappellent un peu ce que je rétorque souvent aux avis qui me sont donnés, à savoir "à quelle échelle de temps et d'espace vous placez-vous ?"
- Est-ce que vous parlez pour vous, pour votre groupe, pour l'humanité, ou pour l'univers ?
- Est-ce l'instant présent que vous considérez ? Votre vie ? l'existence de l'humanité ? Ou l'existence de l'univers ?

Et sur l'inné et l'acquis, pour m'être un peu penché sur la question, notamment via l'éthologie (le comportement animal), je dirai que ni l'un ni l'autre n'existent vraiment.
Nous avons (les animaux, et l'homme a peut-être un truc de plus... je ne sais pas) un développement (issu de notre patrimoine génétique, lui-même issu de la sélection...) qui autorise les apprentissages à des instants bien donnés. Pour certaines espèces d'oiseaux, par exemple, l'apprentissage du chant n'est possible qu'à certains instants de la vie. Mais il n'est pas inné. Et n'est pas uniquement acquis, puisqu'il dépend du moment l'individu est sensible à cet apprentissage.

Ménandre parle de nuances... Et oui, le monde n'est que nuances. Lorsqu'on les extrapole on aboutit à des paradoxes, lorsqu'on les accepte on devient incapable de distinguer quoi que ce soit. (Je n'affirme pas une vérité, simplement un ressenti...) Comment raisonner dans un tel contexte ? Et quel intérêt de raisonner par soi-même ?

Dernière édition par kerso le Ven 19 Avr 2013 - 9:04, édité 1 fois

descriptionQuel intérêt de penser si tout a déjà été pensé ? - Page 2 EmptyNous sommes des recepteur-transformateurs de la pensée universelle

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Nous fonctionnons comme les neurones de nôtre cerveau, les courants de pensées cherchent des connexions où se relier, se développer, vivre quoi, cela par résonnance sur un sujet.
Nous sommes tous connectés par ces courants de pensées collectives, mais parfois il advient, lorsque l'on travaille précisément sur un sujet, d'approfondir justement une question... En soi, il arrive une réponse, quelque chose de nouveau, jamais lu, entendu... c'est "Eurêka!, et voilà, on tombe dans le piège de se croire concepteur d'une nouvelle idée, sauf que c'est la Vie qui parle, nous n'avons de rôle et de responsabilité que de la partager... Se croire auteur est sans doute une orgueilleuse erreur, (Tout existe déjà dans cet univers!), se considérer "révélateur" peut-paraître plus juste!
"Cela dans une période donnée où un besoin trouvera satisfaction grâce à votre apport."
Et c'est sur ce mot Juste que je souhaite rebondir, car c'est le sujet de prédilection qui me fascine.... Je suis co-concepteur (on est du coup toujours co- !) d'une étude sur ce principe d'équité, que je partage et utilise même en thérapie puisque les conséquences d'une non-équité pèse sur notre vie, lorsque nous ne sommes pas assez à son écoute...   (sujet dans consilience-bien-être.net)
"Toujours nous trouverons que l'on se fait du tort en ne voulant pas faire simplement ce qui est juste et que telle est l'origine de tous nos malheurs!"  citation de Démosthène, Athènes 322 av JC

Donc, oui, creuser, mais en sachant que nous sommes en fait de simples récepteur-transformateurs qui oserons mettre à jour une idée, qu'il se peux que d'autres transformateurs comme vous ai pensé aussi... Cela n'enlève rien à la potentialité de votre message, nos concitoyens ont besoin de rafraichissements pour sortir de l'ornière des conventions...

descriptionQuel intérêt de penser si tout a déjà été pensé ? - Page 2 EmptyRe: Quel intérêt de penser si tout a déjà été pensé ?

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Chers amis, cher kerso,

Cette discussion se propose d'interroger l'utilité, peut-être la légitimité de ladite discussion: c'est bien le genre de réflexion spéculaire dont raffolent les philosophes. Je trouvais donc intéressant de commencer ma petite contribution en trahissant le paradoxe et surtout l'échec pour ainsi dire structurel d'une pensée ayant pour objet sa propre insignifiance.


Il y aurait beaucoup de choses à dire, mais puisque seuls les propos ayant de l'intérêt sont ici tolérés, je vais essayer de faire court et pertinent.
Une première réponse évidente à la question, «pourquoi penser par soi-même puisque tout a été pensé» est de signaler que toute pensée, et peut-être surtout celle d'autrui, n'est accessible qu'au prix d'un effort, c'est l'activité intellectuelle d'un sujet pensant qui se singularise nécessairement au cours de son expérience de lecture. Autrement dit, toute lecture de type philosophique -j'entends par là dont la substance et la visée sont philosophiques- est production originale: personne ne lit Spinoza de la même manière. Penser par soi-même est donc une fatalité.

Cependant il est possible de ne pas s'arrêter sur ce constat d'une certaine manière déprimant, en ajoutant que l'intérêt de l'activité intellectuelle proprement philosophique n'est jamais -affirmation apparemment cavalière mais qui me semble indépassable- a priori autre chose que sa propre activité (nous rejoignons ici la spécularité dont il était question au début de l'intervention).
Se poser des questions n'est absolument pas l'apanage du philosophe, ce qui le différencie de l'homme, disons banal, est l'intérêt intrinsèque qu'il accorde à la pratique philosophique. Alors oui, l'histoire des idées n'est peut-être qu'une suite de variations de quelques thèmes inlassablement revisités, mais il n'est pas interdit de penser que ces thèmes ont parfois été enrichis (c'est une affirmation qui mériterait certes une autre discussion entière) ou qu'ils puissent l'être encore. Penser par soi-même revient dès lors à faire preuve d'un certain optimisme: cela trahirait un secret espoir de progrès possible, ou pour le moins de l'utilité d'une pensée nouvelle -ou du renouvellement d'une pensée déjà existante chez un auteur ancien, peu importe.

La vraie difficulté est donc moins à propos de «penser par soi-même» que sur le «pourquoi». C'est se demander pourquoi faire ou accepter de faire ce que l'on n'est pas libre de ne pas faire. Les réponses sont multiples, et correspondent en réalité à la quintessence de toute philosophie. C'est en ce sens que Camus disait que la seule question philosophique vraiment sérieuse, c'est celle du suicide: refuser de penser par soi-même revient à refuser de vivre. Alors il faut penser, pour ne pas disparaître.
En somme, la réponse au pourquoi est à la fois simple et indicible; elle relève du même mystère qui fait de chaque individu un être aussi singulier qu'universel, à la fois Homme et homme (ou femme évidemment). Pour continuer avec Camus, l'important n'est pas que Sisyphe soit heureux, mais bien de l'imaginer c’est-à-dire de le penser ainsi: son bonheur sera alors le vôtre, vous aurez fait un pas vers une sagesse de type philosophique bref, vous aurez vraiment pensé par vous-même.


Ainsi il est possible de reformuler la réponse comme, il faut penser par soi-même pour ne pas que «soi» disparaisse, ou encore pour le créer, le façonner. C'est une réponse finalement assez faible, et elle impose assez rudement de faire l'expérience de la vanité de toute entreprise humaine; peu importe après tout, le prix de la lucidité est peut-être bien le désenchantement: reste à poursuivre son cheminement vers la sagesse, et accepter pleinement et joyeusement l'absurdité de la vie, et par extension de toute pensée.
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