Pour Popper, la vérité n'est jamais la certitude (c'est ce qu'il rappelle sans cesse dans ses conférences très accessibles au grand public, A la recherche d'un monde meilleur, Belles lettres). Popper a lu les sophistes antiques et pourrait être, en un sens, rapproché des pragmatistes contemporains qui mettent en avant l'utilité d'une théorie et son caractère d'invention (à ceci près que Popper se fait le champion de la science, non de l'art) - ce qui a pour conséquence que nous pouvons affiner nos modèles, mais jamais mettre fin à la recherche (il n'y a pas de terme dernier ou de principe premier à découvrir, en ce qu'ils ne dépendraient pas de nous).
Popper, Unended Quest a écrit:
“Our theories, beginning with primitive myths and evolving into the theories of science, are indeed man-made, as Kant said. We do try to impose them on the world, and we can always stick to them dogmatically if we so wish, even if they are false (as are not only most religious myths, it seems, but also Newton's theory, which is the one Kant had in mind). But although at first we have to stick to our theories – without theories we cannot even begin, for we have nothing else to go by – we can, in the course of time, adopt a more critical attitude towards them. We can try to replace them by something better if we have learned, with their help, where they let us down. Thus there may arise a scientific or critical phase of thinking, which is necessarily preceded by an uncritical phase.
Kant, I felt, had been right when he said that it was impossible that knowledge was, as it were, a copy or impression of reality. He was right to believe that knowledge was genetically or psychologically a priori, but quite wrong to suppose that any knowledge could be a priori valid. Our theories are our inventions; but they may be merely ill-reasoned guesses, bold conjectures, hypotheses. Out of these we create a world: not the real world, but our own nets in which we try to catch the real world.”

Ma traduction rapide :
Popper, Une quête sans fin a écrit:
Nos théories, partant des mythes primitifs et évoluant en théories scientifiques, sont en effet faites par l'homme, comme l'a dit Kant. Nous essayons bien de les imposer au monde, et nous pouvons toujours y tenir dogmatiquement si nous le voulons, même si elles sont fausses (comme le sont non seulement la plupart des mythes religieux, semble-t-il, mais aussi la théorie de Newton, la seule que Kant avait à l'esprit). Mais bien qu'au début nous devions tenir à nos théories - sans théories nous ne pouvons même pas commencer, puisque nous n'avons rien d'autre à suivre - nous pouvons, au fil du temps, adopter une attitude plus critique à leur égard. Nous pouvons essayer de les remplacer par quelque chose de meilleur si nous avons appris, grâce à elles, par où elles nous ont déçu. Ainsi peut-il survenir une phase scientifique ou critique de la pensée, laquelle est nécessairement précédée par une phase non-critique.
Kant, me semble-t-il, avait eu raison de dire qu'il était impossible que la connaissance fût, pour ainsi dire, une copie ou une imitation de la réalité. Il avait raison de croire que la connaissance était génétiquement ou psychologiquement a priori, mais tout à fait tort de supposer que toute connaissance pourrait être valide a priori. Nos théories sont nos inventions ; mais elles peuvent être seulement des suppositions mal motivées, des conjectures audacieuses, des hypothèses. A partir d'elles nous créons un monde : pas le monde réel, mais nos propres toiles dans lesquelles nous essayons d'attraper le monde réel.

Cela dit, contrairement aux pragmatistes, Popper présuppose qu'il existerait un monde réel, objet d'une recherche sans fin. Présupposé partagé par Kant et la plupart des scientifiques, dont Popper qui se veut un rationaliste critique.