L'idolâtrie est le fait d'adorer une autre divinité que le dieu unique de la Torah, des Evangiles ou du Coran. "Car tous les dieux des peuples sont des idoles" (Ps. 96, 5 ; 1 Chr. 16, 26 ; cf. aussi Ps. 113, 3-4, Es. 45-20 ; traduction dans la Septante : "tous les dieux des gentils sont des démons"). "Idolâtrer c'est adorer d'autres dieux que le "Dieu Un" défini […] dans la Torah. Les nations païennes, n'adorant pas le "Dieu Un" des Hébreux, sont appelées nations idolâtres."[1]
 
"Le concept d'idolâtrie est typiquement judéo-chrétien."[2] Dans la Bible il s'agit  de servir et adorer d’autres dieux ou se laisser entraîner par d’autres dieux, d'adorer des images taillées. "Le terme talmudique désignant ce que nous appelons l’idolâtrie est « âvoda zara : culte étranger, profane »". Certains auteurs du judaïsme moderne, notamment E. Lévinas, mettent en avant un texte du judaïsme rabbinique[3] qui relate comme acte fondateur du monothéisme la destruction par Abraham des "idoles" de l'atelier de son père, qui aurait eu pour métier de les fabriquer : une violence purement symbolique. En 1656 la bulle Gratia Divina définissait l'hérésie comme « la croyance, l'enseignement ou la défense d'opinions, dogmes, propos, idées contraires aux enseignements de la sainte Bible, des saints Évangiles, de la Tradition (christianisme) et du magistère. » D'une manière générale, est idolâtrique toute religion autre que "la vraie", celle définie par la Torah, la Bible ou le Coran.
 
Le Talmud résume : "Celui qui refuse l'idolâtrie fait comme s'il accomplissait la Torah toute entière"[4] et Maïmonide : "Le but principal de la Loi est d'extirper l'idolâtrie."[5] Encore pour Mendelssohn, le judaïsme conserve une fonction spécifique : constituer un rempart contre l’idolâtrie. "Être juif c’est rejeter l’idolâtrie" professe un passage du Talmud[6], qui consacre à l'idolâtrie tout un livre, l'Avodah zarah[7]. L'interdiction de l'idolâtrie constitue la première loi noachide[8], celle que le judaïsme assigne à l'humanité toute entière. Pour Erich Fromm : "La lutte contre l'idolâtrie est le thème religieux principal qui se répète à travers tout l'Ancien Testament, du Pentateuque jusqu'à Isaïe et Jérémie "[9]. Pour Esther Benbassa et Jean-Christophe Attias : "La religion biblique n'est-elle pas l'histoire d'une lutte impitoyable, mais sans cesse renaissante pour éradiquer l'idolâtrie ?"[10] Pour Henri Atlan, "le premier souci de l'enseignement biblique n'est pas celui de l'existence de Dieu, d'un théisme par rapport à un athéisme, mais plutôt la lutte contre l'idolâtrie."[11] Lors de l'occupation romaine, après la destruction de Jérusalem les Sages du Talmud jugèrent prudent de publier "une série de lois (halakhot) ayant pour objectif d'empêcher les juifs de détruire les idoles et leurs autels […] Pour la première fois dans leur histoire, les juifs s'interdisent de détruire les idoles"[12], ce qui atteste à la fois du pragmatisme des rabbins mais aussi de la réalité de l'ordre hébraïque de brûler les idoles. Dans le christianisme et dans l'islam[13] c'est le plus grave des péchés.
 
Le Nouveau Testament n'est pas en reste, la condamnation des idoles est présente chez Marc, dans les Epîtres de Paul, dans le Actes des Apôtres, par exemple : "Fuyez l'idolâtrie" (1 Corinthiens 10, 14, le mot idole est répété quinze fois dans cette épître), "Voulons-nous provoquer la jalousie du Seigneur ?" (1 Co 10:22), "Petits enfants, gardez-vous des idoles" (1 Jean 5, 21), "Toi qui as en abomination les idoles" (1 Romains 2, 22), "Les idolâtries criminelles" (1 Pierre 4, 3), "Or, les œuvres de la chair sont manifestes, ce sont l'impudicité, l'impureté, la dissolution, l'idolâtrie, la magie, les inimitiés, les querelles, les jalousies, les animosités, les disputes, les divisions, les sectes" (Galates 5, 20). "Hors de la ville, les êtres abominables, ceux qui pratiquent la magie, les gens immoraux, les meurtriers, les adorateurs d'idoles et tous ceux qui aiment et pratiquent le mensonge !" (Ap. 22, 15) Tertullien résumera : " L'idolâtrie, c'est "la négation même de la Vérité [la vérité révélée, bien sûr!]"[14] Le mot d'ordre "d'extirper l'idolâtrie" (2 Rois 22, 3) courut du Concile de Carthage (401) à l'Encyclique Ad diem illum laetissimum (1904), il sera assigné comme but de l'évangélisation. Depuis le Concile de Latran (1215, canon 27, De Haereticis), tous les rois de France lors de leur sacre, y compris Louis XVI[15], durent s'engager à "exterminer les hérétiques". Le canon De Haereticis du Concilio III Provincial mexicano, 1585, précisera: "Affermir la religion catholique et sa véritable doctrine dans le cœur des sujets, c'est affermir et établir les deux pouvoirs, le spirituel comme le temporel." Le Coran confère le statut de "kafir" aux mécréants, apostats ou infidèles.
 
Le châtiment réservé à l'idolâtre est l'anathème, c'est-à-dire pour les Hébreux la suppression de toute vie attachée au coupable, la sienne et celle de sa maisonnée y compris son bétail. Les lois noachiques partagent l'humanité en deux classes, les non-idolâtres, autorisés à s'installer en Israël et auxquels les Juifs doivent alors protection, et les idolâtres, qui doivent être expulsés ou exterminés. Dans le Nouveau Testament : "Les idolâtres n'hériteront pas du royaume de Dieu." (1 Co 6,10), "Quant […] aux adorateurs d'idoles et à tous les menteurs, leur place sera dans le lac de soufre enflammé, qui est la seconde mort" (Ap. 21, 8), "Les ennemis de Dieu méritent la mort" (Romains 1, 32), "Et un certain nombre de ceux qui avaient exercé les arts magiques, ayant apporté leurs livres, les brûlèrent devant tout le monde." (Actes 19:18-20). L'Église canonisa l'assassin de l'empereur Julien l'Apostat[16]. Le Concile de Trente (1545-1563, concile de la Contre-Réforme) prononcera dix sept fois : "Qu'il soit anathème" afin "de bannir les erreurs et d'extirper les hérésies"[17]. L'islam désigne l'idolâtrie (chirk) comme le premier péché et ordonne : "Tuez les idolâtres, partout où vous les trouverez" (9, 5), "ils seront le combustible de l'enfer, ils y pousseront des gémissements, et n'y entendront rien." (21, 98 et 100).
 
Si Dieu peut accorder son pardon aux croyants, c'est à la condition qu'ils se repentent (teshuva chez les Juifs, confession chez les catholiques, etc.) : il ne peut en revanche pardonner les idolâtres, puisqu'ils ignorent Dieu. L'anathème est donc nécessaire pour éviter la contagion du mal : "Tu ne feras point de pacte avec eux ni de compromission avec leurs divinités. Qu’ils ne subsistent point sur ton territoire car ils te feraient prévariquer contre Moi, de sorte que tu en viendrais à adorer leurs divinités, et ce serait pour toi un écueil" (Ex 23,32-33; Ex 34,12-17 ; Dt 20,18).
 
Malgré quinze siècles d'extirpation de l'idolâtrie par les missionnaires aux quatre coins du monde, malgré les destructions d'idoles dont les apologistes créditent les Saints du christianisme, malgré l'éradication du paganisme de l'empire Romain, la plupart des théologiens contemporains affirment sans ciller que les Ecritures Saintes n'ont jamais appelé à détruire les dieux d'autrui, que la condamnation de l'idolâtrie vise uniquement "les idoles intérieures". Nombre de croyants d'aujourd'hui n'ont d'ailleurs jamais lu ni entendu les versets faisant référence au dieu jaloux.
 
Filant la métaphore amoureuse, les exégètes contemporains présentent la jalousie divine comme un symbole d'amour et de fidélité[18]. Certaines versions, comme "la traduction de la Bible en français courant"[19], voire peut-être la prochaine version de la Bible de l'école biblique de Jérusalem[20], vont jusqu'à substituer à la traduction traditionnelle de "dieu jaloux" celle de "dieu exigeant" ou "zélé" "afin de dissiper toute ambigüité sur le dieu jaloux"(sic). Aux termes d'une analyse serrée le théologien catholique Bernard Renaud confirme pourtant  que le mot hébreu qine'ah comporte "une dimension passionnelle d'appropriation exclusive et de démesure"[21] que rend bien l'adjectif "jaloux" mais qu'évacue l'adjectif "exigeant" ou "zélé" : "Le sens du mot n'est pas douteux. Etroitement liée au monothéisme, la jalousie divine exprime la prétention à l'exclusivité de celui-ci et son intolérance vis-à-vis des autres cultes […] La jalousie divine connote toujours un sentiment de violence."[22] "La condamnation de l'idolâtrie est une conséquence directe de  la jalousie de Yahvé à l'égard de ses rivaux par rapport à l'adoration des hommes."[23] De telles paroles sont aujourd'hui jugées politiquement incorrectes par l'establishment religieux, qui préfère "amour exigeant" ou "zélé" à "jalousie". Et pourtant, l’ordre récurrent d’exterminer les Baals et autres dieux des "nations" relève-t-il de l'amour, ou de la jalousie? C'est parce que leur dieu est jaloux que les religions abrahamiques condamnent l'idolâtrie, c'est parce qu'ils sont idolâtres que les peuples sont massacrés (Cananéens, Philistins, Egyptiens, etc.), c'est parce que Yahvé ordonne de brûler les idoles et de massacrer les idolâtres qu'il se revendique comme étant un dieu jaloux.
 
Après ces arguments philologiques viennent des arguments philosophiques : "l’alliance avec l’Absolu seul et véritable libère les êtres humains de tout ce qui est relatif, et qui, de ce fait, ne peut plus être une idole pour eux."[24] L'idolâtrie serait confusion entre le relatif et l'absolu, la partie et le tout, le particulier et l'universel, le fini et l'infini, l'immanence et la transcendance. Adorer une idole, c'est se détourner du transcendant[25] au profit de l'immanent - c'est "adorer l'homme" dira Eric Fromm- ;  c'est reconnaître une filiation non au ciel mais à la terre-mère - ce qui conduit certains auteurs à identifier l'idolâtrie à l'inceste -, c'est prendre l'homme et non pas Dieu comme autoréférence, comme "mesure de toute chose". Le mot idole vient du grec où il signifiait image trompeuse, illusion, simulacre : il renvoyait à une distinction entre le vrai et le faux par la raison, par l'expérience. Les Grecs n'ont d'ailleurs jamais ordonné de "brûler les idoles". L'idole selon la Bible est un dieu faux non par la raison, mais selon la vérité révélée : une décision d'autorité et non de raison[26]. Le monothéisme a détourné le sens du mot en confondant "trompeur" et "relatif"[27] : une vérité humaine est toujours relative à un certain contexte, alors que le dieu des monothéistes, détenteur de la vérité absolue, toute vérité relative est idolâtrique, émane d'un faux dieu. Le relatif, c'est ce qui dépend d'un observateur, ce n'est que le point de vue subjectif d'un individu : confondre relatif et trompeur revient à porter a priori un jugement de valeur négatif sur autrui. Cette confusion va à l'essence même de la violence monothéiste.
 
Dans un ordre d'idée comparable, la condamnation des "images taillées" renverrait seulement à une dévalorisation du sens de la vue au profit de l'ouïe : les images seraient trompeuses, seuls les mots, la parole seraient porteurs de vérité. Comme les images, les mots ne sont pourtant que des mediums entre le réel et l'esprit, avec leur propre part d'erreur et d'illusion ; le christianisme finira d'ailleurs par abandonner l'iconophobie[28].
 
Une forme tautologique du même argument avance que, puisque les autres dieux n'existent pas, il s'agit pour Dieu d'éviter aux hommes de s'illusionner en adorant de faux dieux. Un rabbin reconnaît pourtant : "le fait de rendre culte à un ou plusieurs objets supposés incarner tel ou tel dieu peut paraître désuet ou aberrant, voire fétichiste ou superstitieux. Mais où est le crime, où est l’abjection ?" Si Dieu est vraiment unique, pourquoi considérer l'adoration d'autres dieux comme le crime le plus grave? Que peut craindre un berger s'il n'existe ni loups ni voleurs, et s'il est lui-même omniscient et tout-puissant ? L'inexistence des autres dieux n'est en réalité qu'une conception tardive dans l'histoire judéo-chrétienne, l'idée originelle étant celle de l'Alliance entre Yahvé, un dieu parmi d'autres, et Israël, un peuple parmi d'autres. "Le monothéisme hébraïque tel qu’il transparaît généralement dans la Bible ne se caractérise pas par un monisme radical qui nierait systématiquement l’existence de tout autre dieu ou puissance céleste ayant quelque degré d’autonomie, comme le prétendit ardemment Maïmonide. Il se caractérise plutôt par le culte exclusif du Dieu suprême et transcendant."[29]
 
Enfin la condamnation de l'idolâtrie ne serait que d'ordre éthique. Du principe monothéiste d'hétéronomie découle en effet l'identification entre idolâtrie et immoralité : Yahvé s'affirmant comme la source obligatoire de l'éthique, suivre un autre dieu ne peut conduire qu'à l'immoralité. La lutte pour le bien - le châtiment de la débauche dans le judaïsme, le salut des infidèles dans le christianisme - sert d'alibi général pour la violence monothéiste. L'islam justifie le djihad par les mêmes arguments. Cette thématique sera abondamment reprise et exploitée par les chrétiens : "La source féconde, unique des crimes qui se sont répandus dans le genre humain, ce qui fera la matière principale de son accusation au jour du jugement dernier, c'est l'idolâtrie […] Nos fautes viennent toutes se réduire au crime de l'idolâtrie […] homicide, adultère, impudicité […] L'idolâtrie est principale crimen."[30] L'ordre de brûler les idoles ne viserait pas autrui ni les dieux d'autrui, il appellerait chacun à combattre seulement "ses propres idoles intérieures", c'est-à-dire ses passions mondaines, ses illusions : une discipline intérieure, exempte de violence envers autrui. Les idolâtres sont d'ailleurs toujours présentés comme des hommes qui ont succombé au vice : ils volent, forniquent, pratiquent l'adultère, la prostitution, etc.[31] La violence de Dieu contre les idolâtres apparaît comme le juste châtiment de leur débauche : tel est le cas pour l'ensemble de l'humanité, à l'exception de Noé, lors du Déluge, pour les habitants de Sodome et de Gomorrhe, pour les Egyptiens lors des sept plaies d'Egypte, pour les Hébreux lors de l'adoration du Veau d'Or[32], pour les Cananéens : "l’idolâtrie des Cananéens avec leurs divinités Baal, Moloch et Astaroth était liée à de terribles débordements moraux, tels que les sacrifices d’enfants et la prostitution. […] L’extermination de ces peuples idolâtres s’imposa comme un devoir spirituel. D’une part, Dieu se servit d’Israël pour punir la « méchanceté de ces nations » (Dt. 9:4, 5 ; 18:10-12) ; les Israélites furent l’instrument dans la main de Dieu pour la réalisation de ses buts moraux (Sodome et Gomorrhe avaient également été anéanties autrefois par Dieu pour des motifs semblables, néanmoins sans intervention humaine). D’autre part, pour que le peuple de Dieu soit préservé d’adopter des habitudes coupables et soit gardé pur, la destruction des nations idolâtres était nécessaire."[33]
 
"Toute religiosité pourrait être considérée comme plus ou moins idolâtre […] selon la fin de non-recevoir que ladite religion oppose au devoir de sanctification et de moralisation de l’homme : canaliser les désirs et sublimer les pulsions, pour se vouer au culte d’un Dieu qui exige une très forte solidarité sociale, le respect des loyautés contractées entre les personnes, une sexualité dédiée à l’édification de la famille, une diététique, l’exercice hebdomadaire de chômage et de retraite qu’incarne, l’observance du Shabbat, et bien d’autres choses encore, [en bref] dompter la nature humaine […] L’idolâtrie apparaît très exactement comme l’antithèse de tout ce programme. Elle compromet. Voilà pourquoi Israël doit à tout prix s’en prémunir. Les Nations en reviendront un jour, à leur tour…"[34] "L’idolâtrie est perçue comme une abomination délétère supposant une conduite dévoyée, blasphématoire et attentatoire à l’humanité de l’homme"[35]. Avec les Pères de l'Église, "polythéisme", "paganisme" et "idolâtrie" deviennent synonymes. Encore au XII et XIIIème siècle, l'Église accusa les Cathares des pires crimes, crimes sur lesquels les archives des procès l'Inquisition sont pourtant muettes. "Le propre de tous les paganismes est d'asservir l'homme aux tendances profondes de sa nature charnelle […] L'astuce des paganismes est alors de nous inviter à avoir de la complaisance pour nos instincts et à savoir céder à leurs impulsions. La glorification de l'instinct, au point d'en faire vraiment une idole qui impressionne et domine, et son corollaire, la croyance en son invincibilité, donc l'assujettissement à la fatalité, constituent le paganisme." dira encore Jean Lasserre en 1965.[36]
 
Pour le courant pluraliste au sein du monde chrétien, "aucune religion indigène ne doit être considérée comme « idolâtre », toutes doivent être considérées comme également respectables, non inférieures au christianisme." Mais alors, qu'est-ce que l'idolâtrie ? Ce serait une "vérité pervertie", "non pas en un sens moral" mais  au sens d'une confusion entre "la partie et le tout", "le fini et l'infini", "le relatif et l'absolu", "l'immanent et le transcendant", "le symbole et ce à quoi il renvoie", "l'instrument dont se sert la vérité et la vérité elle-même":  "une religion pervertie est une religion qui trahit ce qu’elle a de plus profond en elle."
 
La  notion d'idolâtrie se présente donc comme un concept caméléon, purement religieux pour les uns - les fausses religions par opposition à la seule vraie -, éthique pour les autres - l'abandon aux passions humaines - philosophique enfin pour ceux qui veulent de démarquer de l'exclusivisme religieux et  du moralisme - la confusion entre "le fini et l'infini", "le relatif et l'absolu", "l'immanent et le transcendant", "le symbole et ce à quoi il renvoie", "l'instrument dont se sert la vérité et la vérité elle-même". Cette dernière définition est à coup sûr politiquement plus correcte que les précédentes. Mais garder le vocable de l'idolâtrie pour un concept qui n'a plus rien  de religieux ne relève-t-il pas de l'abus de langage ? Le but n'est-il pas de cautionner par un nouvel habillage un discours au lourd passé, celui de l'extirpation de l'idolâtrie ?
 
D'où ma question : quel nom donner, non chargé religieusement, à la confusion entre "le fini et l'infini", "le relatif et l'absolu", "l'immanent et le transcendant", "le symbole et ce à quoi il renvoie", "l'instrument dont se sert la vérité et la vérité elle-même"?



[1] Introduction au Zohar, livre de base de la Kabbale juive. Cf. aussi Qu'est l'idolâtrie ? Article de Rivon Krygier publié dans Pardès N°53, disponible sur < http://www.adathshalom.org/Étude-juive/idolatrie>
[2] Theology, Ethnography, and the Historicization of Idolatry, Joan-Pau Rubiés, Journal of the History of Ideas, Vol. 67, No. 4 (Oct., 2006), pp. 571-596
[3] Le Midrash Rabba Genèse 38 : 13.
[4] Talmud, Hullin, 5 a.
[5] Maimonide, Guide des Egarés, III : 30
[6] Traité Méguila 13 a.
[7] "The tractate "Avodah Zarah" deals with gentiles, but the reference is to pagans, rather than Christians. Pagans were referred to as "Akum" - which is an acronym for worshipers of stars and astrological signs. Jewish law books have some very unkind things to say about these "heathens," but so do Muslim and Christian holy books." Jews, Jewish Religion, anti-Semitism, the Talmud and Zionism, Sense and Nonsense about Jews and Jewish Belief, disponible sur <http://www.mideastweb.org/jewreligion.htm>
Toutefois, "beaucoup plus qu'un traité de lutte contre l'idolâtrie, l'Abodah Zarah [serait] un traité « du modus vivendi avec les Romains »". Liliane Vana Le traité de la Mishna 'Abodah Zarah : traduction, notes, analyse. Contribution à l'étude des relations entre Juifs et païens en Judée romaine In: École pratique des hautes études, Section des sciences religieuses. Annuaire. Tome 105, 1996-1997
[8] Ce sont les sept lois noachides (ou noahides, ou noachiques) qui selon la tradition sont antérieures à la Torah et concernent toute l'humanité (cf. Encyclopedia Talmudit, à Ben noah, vol 3, p 348-362) :
1.        interdiction de l'idolâtrie (abjuration du polythéisme, profession de fois monothéiste, d'après Sanhédrin, 56 b)
2.        interdiction des unions illicites,
3.        interdiction de l'assassinat,
4.        interdiction de consommer un membre arraché à un animal vivant,
5.        interdiction de blasphémer,
6.        interdiction du vol,
7.        établir des tribunaux (pour la raison que sans tribunaux, point de justice)
Ces lois noachiques permettent de distinguer "les Justes parmi les Nations" - "nos Sages nous enseignent que les vertueux des autres nations peuvent avoir part à la félicité éternelle, dans la mesure où ils s’appliquent à la connaissance de Dieu et à la pratique de la vertu [c'est-à-dire les lois noachiques]" Maïmonide [, lois sur] la pénitence, III, 5; [lois sur les rois, VIII, 11.], épitre à Rabbi Hasdai Ha-levi. -, ainsi que les étrangers "qui sont parmi nous" qui sont aptes à recevoir le statut "d'étranger résident".
En revanche, ceux qui ne s’appliquent pas à la connaissance de Dieu sont qualifiés d'idolâtres et sont à exclure d'Israël et passibles de mort : "C’est ainsi que Moïse notre Maître a ordonné au nom du Tout-Puissant de forcer tous ceux qui viennent au monde à prendre sur soi tous les commandements qui ont été donnés à Noé. Et quiconque ne les prend pas sur soi sera passible de la peine de mort." Mishneh Torah, Hilkhot melakhim, 8, 10, Maïmonide.
Certes les lois noachiques sont d'origine talmudique et non bibliques. "C’est seulement lorsque les Tannaïm [les maîtres du Talmud des deux premiers siècles de notre ère] furent amenés à légiférer sur le statut du guèr tochav (« métèque », résidant non-juif sous juridiction d’Israël) en précisant la teneur juridique des lois noachides que l’idolâtrie fut désormais conçue comme un péché capital y compris pour les non-juifs." Rivon Krygier, Qu'est l'idolâtrie ? Article de Rivon Krygier publié dans Pardès N°53
Cf. les § La dimension ethnique du judaïsme biblique, p. 149, Attitude vis à vis des étrangers, p. 151, Judaïsme et système identitaire, p. 293. Cf. aussi La religion noachide sur < http://wordpress.catholicapedia.net/?tag=lois-noachides>, Comment être païen ? op. cit., et Vous serez comme des dieux, Erich Fromm, cf. note 545 p. 54.
[9] 10 textes à lire et pour réfléchir en famille, au sujet du second des 10 commandements, American Jewish Joint Distribution Committee, 2006, disponible sur <http://www.morim-madrichim.org/en/GetFile/r/5769/commandmentspartfrpdf?firstreq=1> Ce texte rédigé par Erich Fromm se trouve dans Vous serez comme des dieux, Une interprétation radicale de l'Ancien Testament et de sa tradition, Erich Fromm, Complexe, Bruxelles, 1975. [Erich Fromm, 1900-1980, psychanalyste humaniste américain d'origine juive allemande, est avec Adorno, Herbert Marcuse et d'autres, un des premiers représentants de l'École de Francfort.]
[10] Figures juives de l'altérité, David Benhaim, recension de Le Juif et l’Autre, de Esther Benbassa et Jean-Christophe Attias, Ose Savoir - Le Relié, Spirale : arts • lettres • sciences humaines, n° 192, 2003, disponible sur < http://id.erudit.org/iderudit/18327ac>
[11] Henri Atlan, Niveau de signification et athéisme de l'écriture, 1982.
[12] Liliane Vana Le traité de la Mishna 'Abodah Zarah : traduction, notes, analyse. Contribution à l'étude des relations entre Juifs et païens en Judée romaine In: École pratique des hautes études, Section des sciences religieuses. Annuaire. Tome 105, 1996-1997
[13] Où l'idolâtrie prend le nom de tâghoût.
[14] Tertullien, Père de l'Église (150-230), cf. note 192 p. 27.
[15] Louis XVI, JC Petitfils, Perrin, 2010, p. 245.
[16] Saint Mercure, cf. Essai sur le cycle de saint Mercure, martyr de Dèce et meurtrier de l'empereur Julien, Biron (Stéphane). Paris, E. Leroux, 1937.
[17] Décret sur les sacrements de la VIIème session du Concile de Trente (3 mars 1547). Cf. aussi p. 5.
[18] Par exemple : "Dieu lui n’est pas jaloux pour ce qui ne lui appartient pas, il est jaloux pour ce qui lui appartient. Il est jaloux quand son peuple oublie l’alliance qui les lie [..]. Il est alors comme un mari que l’on trompe, comme une amie que l’on délaisse, comme un sauveur que l’on rejette." Prédication du 14/02/2010, disponible sur <http://eerv.ch/wp-content/blogs.dir/44/files/predic14fev10.pdf>
[19] "La traduction de la Bible en français courant a été entreprise conformément à un plan établi il y a environ trente ans par l'Alliance biblique universelle (ABU) pour offrir la Bible aux populations du monde entier, dans un langage qui soit accessible au plus grand nombre. L'entreprise reposait sur des bases scientifiques solides,…" disponible sur < http://www.la-bible.net/page.php?ref=fc> " Yhwh, Jaloux est son Nom. Il est un Dieu jaloux "(Ex. 34,14) est traduit par " Je m'appelle «L'Exigeant», et j'exige d'être votre seul Dieu."
[20] La Bible, chantier permanent, Pierre Assouline, La République des livres, 25.12.2010.
[21] Selon les termes de Michel Dousse, op.cit., en accord avec Bernard Renaud.
[22] Je suis un dieu jaloux, Bernard Renaud. Ce que confirme également Claude Geffré, cf. p. 424. D'autres auteurs tirent profit des deux sens du mot jalousie - un sens possessif, "être jaloux par rapport à des biens ou à des privilèges", et un sens rivalitaire : "ne pas supporter de rival dans l'amour d'une personne" - pour prétendre que la jalousie divine serait purement possessive: mais le dieu qui se prétend unique ne cherche-t-il pas à éliminer ses rivaux ? Cf. aussi p. 23, et Jalousie des dieux, jalousie des hommes, Actes du colloque international organisé à Paris les 28-29 novembre 2008, édité par Hedwige Rouillard-Bonraisin, Turnhout, Brepols, 2011, Homo Religiosus, série II, n° 10.
[23] "The prohibition against idolatry is a direct consequence of Yahweh's "jealousy" of rivals in worship."Theology, Ethnography, and the Historicization of Idolatry, Joan-Pau Rubiés, Journal of the History of Ideas, Vol. 67, No. 4 (Oct., 2006), pp. 571-596
[24] Cf. Hans Küng, Religion, violence et « guerres saintes », op. cit.
[25] Certains auteurs identifient l'idolâtrie au rejet de la transcendance, ce qui paraît réducteur dans la mesure où un autre dieu transcendant, mais distinct de Yahvé, par exemple portant une autre parole, subirait lui aussi les foudres de la jalousie de Yahvé.
[26] On reviendra sur cette question au § Vérités scientifiques, vérités d'expérience, vérités révélées, p. 289.
[27] Certains voient dans cet ordre une exhortation à une créativité authentique Cf. par exemple Briser les idoles… une demande authentique d'initiation par Tobie Nathan, Conférence prononcée le 13 mai 2006 au colloque Pnim Panim à l'Université Bar Ilan en Israël. Cette interprétation est aussi celle qui sous-tend le nom de "théorie des idoles" donné par Francis Bacon dans sa lutte contre les faux raisonnements.
[28] Cf. en particulier la période iconoclaste (Byzance, VIIIème siècle), qui représenta une véritable guerre contre les moines. La différence chez les Grecs entre idoles, purs signifiants, et icônes, signifiés relevant de l'ordre du symbole, fait la joie des spécialistes de Platon et d'Épicure. Cf. par exemple Images grecques : icônes et idoles, Suzanne Saïd, In: Faits de langues n°1, Mars 1993 pp. 11-20.
[29] Qu'est l'idolâtrie ? Article de Rivon Krygier publié dans Pardès N°53, disponible sur < http://www.adathshalom.org/Étude-juive/idolatrie>
[30] Tertullien, De Idolatria.
[31] Par exemple dans l'Ancien Testament : "Car toutes ces abominations, les hommes du pays, qui y ont été avant vous, les ont faites et la terre en a été souillée. " Lev. 18, 27, ou encore : "Car sont également haïssables pour Dieu l’impie et son impiété [...] Les idoles des nations [...] sont devenues une abomination, un scandale pour les âmes des hommes. L'idée de faire des idoles a été le commencement de la fornication et leur invention, la corruption de la vie [...] car le culte des idoles innommables est le principe, la cause et le terme de tous les maux" (Livre de la Sagesse, 14 8‑12 et 24‑27).
Dans le Nouveau Testament : "C'est assez, en effet, d'avoir dans le temps passé accompli la volonté des païens, en marchant dans la dissolution, les convoitises, l'ivrognerie, les excès du manger et du boire, et les idolâtries criminelles." 1 Pierre 4, 3. Paul désigne l'idolâtrie comme "les fruits de la chair [c'est-à-dire] libertinage, impureté, débauche, idolâtrie, magie, haines, discorde, jalousie, emportements, rivalités, ripailles et autre choses semblables." (Gal 5,17.19-20), ou : "De débauche, d'impureté, quelle qu'elle soit, de cupidité, il ne doit pas en être question parmi vous. Car, sachez-le bien... le débauché, l'accapareur - ce qui est une idolâtrie, - sont exclus de l'héritage du royaume de Dieu" (Eph. 5,3-5).
En 1524 douze moines franciscains envoyés au Mexique pour tenter de convertir à la foi chrétienne les païens survivants justifièrent les massacres en affirmant : "Dieu savait que vous étiez pêcheurs ; il a donc permis qu’on vous anéantisse."
[32] Le peuple hébreu n'est sauvé de la colère de Dieu que sur l'intercession de Moïse, qui néanmoins fit lui-même massacrer 3000 hommes,.
[33] L’extermination des Cananéens, Bibliquest (site chrétien évangélique), 2014, http://www.bibliquest.org/Remmers/Remmers-at05-Deut7v1a6.htm
[34] Qu'est l'idolâtrie ? Article de Rivon Krygier publié dans Pardès N°53, disponible sur < http://www.adathshalom.org/Étude-juive/idolatrie>
[35] Du commandement d’anathème sous la conquête de Canaan, La confrontation rabbinique à la guerre génocidaire, Rivon Krygier, Guerre et Paix dans le judaïsme, Pardès n° 36, 2004, disponible sur le site de la Communauté Adath Shalom.
[36] Les chrétiens et la violence, § Le paganisme et la guerre, Jean Lasserre, 1965.
[Jean Lasserre (1908 - 1983) est un pasteur de l'Église réformée de France, théologien de la paix, secrétaire itinérant de la branche française du Mouvement international de la réconciliation]