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Foucault et la guerre

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5 participants

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Dans Figures du pouvoir, Yves Charles Zarka en vient à évoquer la conception du pouvoir par Foucault. J'ai du mal à saisir où se situe exactement la réflexion du philosophe.
Foucault reproche à Hobbes, et Zarka lui donne raison, d'avoir pensé la guerre théoriquement et d'être par là un philosophe de la paix. Foucault lui-même pense la politique comme continuation de la guerre. Il explique la politique et l'exercice du pouvoir comme une guerre souterraine plus ou moins dissimulée, dans laquelle le victorieux, en s'appropriant le droit de vie et de mort, s'approprie la régulation de la vie. Ce que je ne comprends pas c'est comment Foucault pense la paix. Est-ce qu'il la pense à un moment ? Si oui, alors elle est totalement étrangère au pouvoir ?
Parce que s'il n'y a jamais de paix, son approche a-t-elle un sens ? Sans paix, la guerre perd de sa réalité ; Foucault évolue dans une guerre théorique et peut être, au même titre que Hobbes, considéré comme un philosophe de la paix...

Est-ce que la conception de Foucault est à comprendre comme une attaque à l'intérieur des fondements de la philosophie politique ? Est-ce une exhortation à penser le pouvoir autrement et qui n'a finalement de pertinence que dans la continuité de la tradition de la philosophie politique ? Je crois comprendre qu'il veut par là faire basculer l'appareil conceptuel avec lequel on pense le pouvoir, mais ce sur quoi il débouche a-t-il vraiment un sens ? J'ai le sentiment qu'il s'agit plus d'une croisade intellectuelle que d'une conception à même de rendre compte de la réalité politique, mais il me semblerait étrange que le philosophe ne se soit pas rendu compte de la contradiction que contient sa pensée.

J'aurai Zarka comme professeur l'année prochaine et j'aimerai être au point, si quelqu'un peut m'éclairer...

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Zingaro a écrit:
Foucault reproche à Hobbes, et Zarka lui donne raison, d'avoir pensé la guerre théoriquement et d'être par là un philosophe de la paix.

Je ne comprends pas bien cette affirmation. Pourriez-vous expliciter ?

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Figures du pouvoir, Yves Charles Zarka (puf) p.153

On croit en effet généralement que, en raison de son concept d'état de guerre, Hobbes pense la politique en fonction de la guerre. Or il n'en est rien ; au contraire, selon Foucault - qui a parfaitement raison sur ce point -, Hobbes est par excellence le penseur de la paix. Pour montrer que la guerre n'a qu'une fonction seconde, voire rhétorique, chez Hobbes, Foucault souligne deux points philologiquement exacts. Premièrement la mise sur le même plan des trois modes d'acquisition de la souveraineté (l'institution, l'acquisition et l'engendrement), ce qui ne peut se faire que parce que l'établissement de la souveraineté suppose toujours un contrat (explicite ou tacite). Deuxièmement, la guerre de tous contre tous signifie en vérité que le politique n'est pas fondé sur la guerre : la politique ne s'instaure qu'avec la suspension de la guerre, l'arrêt de la guerre. Hobbes est donc un penseur pour lequel on peut arrêter la guerre, un penseur pour lequel c'est précisément la tâche du pouvoir politique de mettre fin à l'état de guerre. La guerre hobbesienne n'est donc pas une guerre réelle où il y aurait des vainqueurs réels et des vaincus réels, mais une guerre théorique, une guerre de philosophe. En outre, la fin de cette guerre n'est nullement la victoire ou la conquête des uns par les autres. Au contraire, cette guerre ne peut avoir d'issue, de sorte qu'il est impossible de fonder sur elle, c'est-à-dire sur le rapport de force, la domination politique, et qu'il faut au fondement de cette domination autre chose, à savoir un acte juridique : la convention sociale


Dernière édition par Zingaro le Lun 20 Aoû 2012 - 12:12, édité 1 fois

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Pour Foucault, le pouvoir c'est à la fois des relations et des rapports de force. Mais la guerre terminée, il reste encore du pouvoir. Il ne s'agit plus d'une domination explicite, mais d'un pouvoir positif, c'est-à-dire productif. Il produit des rapports entre individus en les affectant (affecter et être affecté), le plus gros du pouvoir consistant à conduire la conduite d'autrui. Il va y avoir, dans la société, de nombreuses stratégies de pouvoir. Là où la domination et l'assujettissement des sujets est explicite dans le modèle du Leviathan, la démocratie pseudo-pacifiée n'en est pas moins problématique dans la formation des modes de vie et dans la limitation de ce que peuvent les individus : ainsi, la biopolitique, cette politique sociale qui organise et gère le corps social en vue de la puissance étatique et de sa santé, peut mettre, par le biais de normes, de savoirs ou de discours, et également par des disciplines, les forces du corps social au service de l'économie. Le pouvoir ne se voit pas, il est pourtant ce qui gronde souterrainement au quotidien dans tous nos échanges et rapports. Mais il peut autant nous mettre en position de passivité qu'utiliser notre activité en nous incitant à faire ou ne pas faire certaines choses qui sont valorisées, utiles ou non. La liberté est permise mais elle est régulée, restreinte, etc.

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Maintenant que vous avez posté l'extrait en question, pouvez-vous nous dire précisément ce que vous ne comprenez pas ? Le texte me semble assez clair : Hobbes n'est pas un penseur de la guerre parce que le but de sa politique est l'établissement de la paix au moyen d'un "prétexte", à savoir l'état de nature guerrier qui menace la survie des uns et des autres. Seule la raison et la répression des passions peuvent permettre l'accord politique sur une base juridique. Ainsi, en dépeignant un homme violent, Hobbes nous incite, par la peur de ce chaos, à bien consentir au pouvoir existant. Le souverain est légitime car il est le garant de l'ordre social et politique. Le pacte de soumission à son autorité est justifié. Mais Foucault dit au contraire que penser la guerre, le conflit, c'est penser les rapports de force ou de pouvoir. La guerre ne l'intéresse pas en tant que telle, elle n'existe pas vraiment chez Hobbes de toute façon, ce qui l'intéresse, en généalogiste, c'est de comprendre comment les institutions se rendent légitimes et ce que cela implique. Pour lui, la convention et la loi reposent sur le rapport de force qui ne peut perdurer que par des savoirs dominants, des stratégies, etc., qui maintiennent cette légitimité et cette force. Ainsi, il y a peut-être eu des guerres, lesquelles ont permis aux vainqueurs d'écrire l'histoire et de s'imposer. Dans la société, il y a donc des mécanismes qui assurent structurellement la hiérarchie et font même accepter leur légitimité et leur soumission aux vaincus qui sont en bas de l'échelle sociale. Mais le conflit n'est pas absent de la société, le pouvoir s'exerce des deux côtés, entre les minorités et la domination majoritaire, entre la marge et les institutions. Mais ces institutions elles-mêmes peuvent "gérer" le pouvoir, les rapports de force, les relations, etc. De sorte que, comme chez Marx (même s'ils ont une conception différente du pouvoir), il y a quelque chose comme une lutte des classes qui ne dit pas son nom.
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