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Sensation pure et perception (Alain, Robert Lenoble, etc.)

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Dans mon message précédent, je développe une distinction entre sensation et perception en me basant sur la description du processus physiologique dans lequel interviennent nos organes sensoriels. C’est qu’il me semble que le recours à cette explication permet de comprendre plus facilement ce que pourrait être la sensation et ce que pourrait être la perception. Mais, je ne suis pas certain que Kant ait notre fonctionnement physiologique à l’esprit lorsqu’il reprend à son compte la distinction sensation/perception. Les connaissances scientifiques de l’époque le permettaient-elles ?
Il semble donc que la distinction entre sensation et perception puisse être considérée différemment à deux niveaux : le niveau physiologique, et le niveau psychologique. Certes, on peut dire que nous voyons un cube instantanément, sans le « construire » face par face. Mais, cette remarque ne se place-t-elle pas déjà sur le plan psychologique ? Conscient ? Elle ne décrit pas ce qui se passe physiologiquement et dont nous sommes inconscients. On peut donc opposer cette remarque lorsque l’on définit la perception comme une structuration mentale de différents éléments présents à notre conscience (par exemple un cube).
Mais, vaut-elle encore si on fait une description physiologique de la sensation ? Même si je ne considère qu’une seule face de ce cube, un seul centimètre carré de cette face, une seule fibre de bois, elle m’atteint à travers mes organes sensoriels. Or, même si je ne considère qu’une seule propriété d’une chose, la couleur par exemple, un stimulus me parvient du dehors et est élaboré en perception. Les ondes lumineuses frappent ma rétine, de l’influx nerveux me parcourt et atteint mon cerveau. Si on pouvait intervertir les zones cérébrales responsables de la vue et du son, ma perception de ce que nous appelons maintenant « couleur » serait tout autre. Et en tous cas, plus visuelle. Ce n’est pas pour autant qu’au niveau psychologique ou puisse dire que je vois d’abord chaque face, puis la couleur et enfin le cube… Il y a donc deux niveaux différents. Ainsi, supposons que lorsque je regarde un objet composé de 6 faces de couleur rouge placées en angle droit, je perçois un cube rouge, sans devoir le « composer ». Nous sommes déjà conscients d’un tout. Le cube est déjà dans notre conscience. Il me semble donc que l’antériorité de la sensation par rapport à la perception n’est pas un problème.

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Philippe Jovi a écrit:
Dans le chapitre III du premier tome de son ouvrage Langage, Perception et Réalité, Jacques Bouveresse fait état de l'expérience suivante :
La grenouille présente la particularité de ne pas voir le détail des parties immobiles du monde qui l'entoure, ou, en tout cas, de ne pas être concernée par elles. Elle peut mourir de faim au milieu d'une provision de nourriture parfaitement accessible mais qui n'est affectée d'aucun mouvement. Son choix de nourriture n'est déterminé, en fait, que par la dimension et le mouvement. [...] On pourrait croire [...] que le "langage" dans lequel l'œil s'adresse au cerveau est celui des sense data, des données sensibles élémentaires sur lesquelles est effectué ensuite un travail de synthèse, d'organisation et d'interprétation qui aboutit à la perception proprement dite. Or, justement, il n'en est rien. Ce qui est transmis au cerveau n'est pas le matériau brut qui est supposé correspondre à la sensation pure [...]. L'œil n'a pas simplement, comme on le croit généralement, des sensations, il a pour ainsi dire de véritables perceptions, ce qui signifie que la distinction usuelle que l'on fait entre sensation (non interprétée) et perception (interprétation) devient elle-même très contestable. (Op. cit., p.306-308)
"La perception n'est pas une interprétation de la sensation", cela veut dire deux choses. Premièrement que nous autres humains ne commençons pas par sentir pour, dans un second temps, décrire ce que nous sentons au moyen d'une clé interprétative quelconque : percevoir, c'est réagir de manière spontanée à un ensemble de stimuli pertinents pour notre forme de vie. Deuxièmement que les êtres sensibles en général ne perçoivent que les stimuli que l'évolution a sélectionnés et génétiquement encodés, moins, éventuellement, ceux dont les accidents de la vie a détruit les récepteurs physiologiques, plus, éventuellement, pour les plus évolués d'entre eux, ceux que leur forme de vie, individuelle ou collective, a rendus pertinents, y compris, bien entendu, au moyen du langage chez les êtres humains. Tout le reste n'est, stricto sensu, ni senti ni perçu.

J'acquiesce. Néanmoins j'extrais les deux phrases suivantes qui me posent problème :
Philippe Jovi a écrit:
La grenouille présente la particularité de ne pas voir le détail des parties immobiles du monde qui l'entoure, ou, en tout cas, de ne pas être concernée par elles. Elle peut mourir de faim au milieu d'une provision de nourriture parfaitement accessible mais qui n'est affectée d'aucun mouvement.

A-t-on fait l'expérience d'enfermer une grenouille qui a faim dans un espace clos contenant une provision de nourriture parfaitement accessible mais qui n'est affectée d'aucun mouvement. J'imagine que si, dans un premier temps, la grenouille ne se met pas à manger, dans un deuxième temps, ne va-t-elle pas se mettre à inspecter le monde qui l'entoure, bref, pour le dire vulgairement, se bouger ? Si oui, elle ne peut pas mourir de faim au milieu d'une provision de nourriture parfaitement accessible mais qui n'est affectée d'aucun mouvement.
Veuillez m'excuser pour cette digression.

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J’ai bien répondu à votre remarque mais dans les limites qui sont les miennes. Il est évident que vous maîtrisez mieux les sujets philosophiques que moi.
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle j’ai créé ce thread, comme je le dis dans mon premier message : vérifier que la manière dont je conçois la sensation et la perception correspond bien à ce qu’ont prétendu certains philosophes, sans trop déformer leur pensée. Pour ce faire, je dois forcément décrire la manière dont j’ai cru comprendre les notions de sensation et de perception. Par contre, je ne prétends en rien qu’il s’agit d’une vérité. Toutes les remarques sont évidemment bienvenues et j’espère que cela aidera aussi d’autres personnes.
Par contre, pour en revenir à votre question, je pense vous avoir répondu en soulevant une question. Une question, car je ne suis pas certain de la réponse ni même de la validité de la question : Le problème que vous soulevez est celui de l’antériorité de la sensation par rapport à la perception. Vous explicitez vos propos en vous référant, par exemple, à l’expérience du cube de Necker selon laquelle nous voyons immédiatement le cube comme ayant le carré de droite en guise de face frontale, ou bien ayant le carré de gauche comme face frontale. La question que je soulève est celle-ci : cette expérience n’explique-t-elle pas seulement ce qui se passe sur un plan psychologique ? Cela exclut-il l’antériorité physiologique de la sensation par rapport à la perception ? Ma question n’a peut-être aucun sens, dans ce cas je vous prie de m’en excuser. C’est probablement que mes connaissances philosophiques ne sont pas encore assez développées.
En ce qui concerne l’exemple de la grenouille, vous affirmez : « Il n'y a aucun sens à dire que la grenouille sent la présence de l'insecte immobile (et dont elle pourrait se repaître) mais qu'en tant qu'il est immobile, elle ne le perçoit pas ». « La grenouille sent la présence de l’insecte immobile » : Ne pourrait-on pas dire que, justement, elle ne sent pas d’insecte ? Ne se pourrait-il pas que, du point de vue de la grenouille, un insecte est forcément mobile ? La grenouille sentirait donc quelque chose d’immobile. Mais aucunement un insecte. Elle ne percevrait donc pas d’insecte immobile. Pourquoi ? Parce qu’il est fort probable que ce qui est petit et mobile constitue un insecte, et que par conséquent la grenouille avale tout ce qui se déplace à sa portée. Il doit être peu courant que des objets non vivants se déplacent de sorte qu’il doit exister une certaine correspondance entre la mobilité d’un objet et son caractère vivant, donc comestible. Le fait de percevoir les insectes comme des objets mobiles devrait donc être relativement efficace du point de vue de la survie de la grenouille. Cela pourrait donc être le fruit de l’évolution. Il me semble donc qu’on ne peut pas dire que la grenouille perçoit un « insecte immobile » et qu’elle se refuse à la consommer. Tout au plus percevrait-elle un objet immobile.
Il y aurait donc un sens à affirmer qu’une grenouille sent un objet immobile, puis un objet mobile et qu’elle perçoit en conséquence en insecte. Tandis que nous, êtres humains, percevons l'insecte comme insecte même lorsqu'il est immobile.

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Je reviens à la source de la discussion.
goldo a écrit:
Nous ne pouvons nous débarrasser de notre entendement pour savoir ce que cela serait de connaître une sensation pure. C'est inexpérimentable. Je pense qu’Alain disait que cela serait comme essayer de se souvenir de ses premiers jours de vie…

J'aurais tendance à considérer la sensation comme le processus biologique, à la fois physique et chimique, qui comprend l'excitation des organes sensoriels (réception des stimuli) et le transfert des messages jusqu'au cerveau. Là s'arrête la sensation et commence la perception. Autrement dit je pense que toute la discussion concerne la perception. Au demeurant la question de goldo reste posée, soit : "Pouvons-nous connaître une perception pure ?" Et je partage sa perplexité.
Concernant le propos d'Alain, il me semble que dans le ventre de sa mère, un enfant à naître perçoit déjà beaucoup. Autrement dit jusqu'où remonter dans le développement du fœtus ses premières perceptions ? A quel stade de la formation du corps ? De toute façon se souvenir de cette époque-là est vain. Par ailleurs considérons un homme perdant complètement sa mémoire. Peut-on admettre qu'il éprouverait des perceptions pures ? En tout cas une énorme panique, à mon avis, qui risquerait fort de le faire basculer dans la folie.
Mais le temps n'a-t-il pas, entre autres effets, celui de rendre la vie à chaque instant, sinon nouvelle, du moins renouvelée ? Il s'est passé depuis hier, depuis une seconde, tellement d'événements qui m'ont traversé, dès lors n'est-il pas fondé de dire que chaque perception a une part, si infime soit-elle, de pureté ?

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Vous semblez considérer la perception et la sensation d'un point de vue moral. Or la morale modifie perception et sensation. Ce que l'on ne peut remettre en cause ce sont les sentiments. Même dire : "j'ai un regard moral sur ce que j'éprouve", c'est fausser toute forme de rapports clairs avec quoi que ce soit. Un sentiment infra-verbal fait partie de l'ordre des sensations, et dans lequel n'intervient pas la morale. Le bouddhisme, avec le phénomène de vider son esprit de tout, se rapproche d'une perception du monde épurée. Si on récrimine en permanence tout ce que l'on absorbe, oui, tout va être sujet à des dissensions et des erreurs. Je n'ai pas encore vraiment lu Kant, mais j'imagine que le sens interne représente les sensations intimes en soi, et que le sens externe est le rapport global au réel. Si justement les sensations intimes sont entachées, le rapport au réel va être largement modifié. Sans créer une "morale" du monde naturel qui serait récriminante, on arrive à une bonne harmonie entre l'intérieur et l'extérieur. L'un alimentant l'autre en permanence. Si les brouilles intellectuelles et les dissensions personnelles jouent, une harmonie se fera dysharmonie tout autant qu'une "morale du monde sensible" n'a pas d'existence puisque le monde sensible est quasiment totalitaire (le cosmos) dans son rapport avec nous. Le sens interne nous permet de témoigner.
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