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Être fondamental : entre Aristote et Heidegger.

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5 participants

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jean ghislain a écrit:
Cette conception a le mérite de ne pas croire en des choses figées mais de les ouvrir au changement

Cela me rappelle Héraclite... Y a-t-il un rapport ?
Car je sais que Heidegger est très lié aux présocratiques !

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Voici après réflexion ce que je retire du texte de Boehm, et quelques commentaires en écho aux échanges qui précèdent :

Aristote :
La différence ontologique n’est pas posée, et donc demander : « Qu’est-ce que l’être des choses ? » revient à demander : « Qu’est-ce que la substance (= l’étant) ? »
La primauté ontologique de la substance (ousia) est basée sur la suffisance (elle est principe d’elle-même) et sur son caractère de fondement (elle est principe de tout ce qui est autre qu’elle-même).
La substance (ousia) est (donc) déterminée comme sujet (ce qui porte les prédicats, fondement, ce qui a caractère d’antériorité).
Mais le concept de sujet est plus large que celui d’ousia. En outre, « sujet » se dit de la matière, de la forme (quiddité) mais aussi du composé de la matière et de la forme. Et il est impossible que la matière soit la substance proprement dite car elle est dépourvue de toute détermination, elle n’a aucune essence, n’est ni une chose ni une quantité.
Il faut donc :
* soit (selon la lecture traditionnelle de Z3, contestée par Boehm) considérer que le terme de sujet est ambigu, mieux le définir, et restreindre ici son sens à celui de quiddité, c’est-à-dire ramener le fondement à l’essentiel,
* soit (selon la thèse de Boehm) considérer que le concept de sujet est insuffisant pour saisir la substance et faire dire à Aristote en interprétant Z3 : « la substance est quiddité (= forme) et à ce titre elle est sujet (= fondement) mais que ce n’est pas en tant que fondement qu’elle est substance ».

Heidegger :
Heidegger interprète l’être comme fondement (grund, sujet, ce par quoi advient la présence), qui présente toutes les caractéristiques du non-manifeste, du voilé (qui ne se montre pas cf. Z3) ; et c’est d’ailleurs parce que l’être de l’étant ne présente aucun caractère de « soi-même » qu’on s’est senti obligé de le fonder dans un étant suprême.
Pour Heidegger, l’être n’est pas un sujet au sens de substance, il n’est pas non plus une subjectivité. Il est le fond commun à tous les étants : physis, être de tout étant, être fondamental considéré comme vouloir (cf. notamment le magnifique texte : « Pourquoi des poètes »). De ce point de vue notamment, comme vous le remarquez Aristippe, il renvoie aux pré-socratiques ; pour lui, la conception de l’être comme idée ou essence est une déchéance. Il reproche à la métaphysique de tenir pour essentiel autre chose que le fondamental - mais le fondement est un Être (Heidegger dit Être, Aristote dit sujet) qui a tous les traits du voilé : selon l’interprétation de Boehm, Aristote serait donc d’accord avec Heidegger sur ce point.

Mais Heidegger voudrait que ce fondement soit aussi l’Essentiel. En effet, l’être est aussi dit aletheia (et plus tard ereignis) : à ce titre il est ramené à une forme "essentialisante" de l’étant : ce qui donne sens, ce qui fait apparaître. Et ceci va à l’encontre de la lecture d’Aristote donnée ci-dessus par Boehm : le fondement n’est pas l’essentiel.

Silentio a écrit:
A supposer que l'être ait un sens...

La question du sens de l’être, considérée dans l’absolu, a-t-elle un sens ?… Je ne sais pas mais je vous suis volontiers s’il s’agit de la contextualiser dans une réflexion de type existentialisme.

Liber a écrit:
A priori, non, puisque l'Être est là, simplement. C'est ce qui s'impose à nous avant toute interprétation.

Thomas d’Aquin, qui établit la différence ontologique sept siècles avant Heidegger, remarquait : L’être n’est pas ; l’être = ce qu’a l’étant.

Où situer l'être dans ce partage radical entre d'une part un sujet ultime, étant sans essence, fondement pur et d'autre part une essence qui n'est rien mais seulement "relative à" ? L'hésitation d'Aristote reste d'une saisissante actualité et je lui trouve véritablement un caractère de fondement !

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C'est tout le cheminement que Heidegger fait dans Être et Temps.

Comment cela ?

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jean ghislain a écrit:
Tout dépend qui l'on veut suivre.
Thomas d'Aquin ne fait pas vraiment la différence entre être et étant...

De divinis Nominibus (Ch. 8, lect 1, n°751) : "On ne s'exprime pas de façon appropriée en disant que l'être est, mais bien que par l'être quelque chose est". Selon Thomas, toute chose qui est, est une structure complexe qui regroupe de l'étant (substance ou sujet), de l'être à proprement parler (actus essendi : être, dit-il, désigne un certain acte) et de l'essence. Être, c'est le fait d'un étant qui exerce l'acte d'être selon une certaine essence. Voici la différence ontologique clairement posée. Après, à partir d'une analyse de l'être, Thomas entend établir l'existence de Dieu... etc., et ça, c'est une autre histoire !

jean ghislain a écrit:
Tandis que Heidegger, par le terme même de Dasein, lie l'étant humain à l'être.

On constate dans l'évolution de la pensée de Heidegger que ce lien devient progressivement très lâche et incertain.
Heidegger reproche à la métaphysique d'avoir toujours voulu, comme ci-dessus, ancrer l'être dans l'étant et donc d'avoir cherché à identifier un étant qui soit à la fois la source et le détenteur de l'être : la substance, Dieu, le sujet... Mais le problème n'est-il pas chez Heidegger d'avoir à ce point détaché l'être de l'étant, qu'il a l'air de flotter sans plus d'appui sur lui, de n'être plus qu'une forme énigmatique, venue d'on ne sait où, qui s'applique sur l'étant pour le faire apparaître dans une conception profondément phénoménologique et lui donner sens ? La pensée de Heidegger, particulièrement dans sa deuxième période, après Être et temps, finit par négliger l'étant qui n'est plus que ce qui fait obstacle à l'être...

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jean ghislain a écrit:
Maintenant pour ce qui est de Heidegger, je pense que l'être n'est qu'un prétexte pour ouvrir l'étant en sa possibilité la plus propre (le Dasein authentique) et que ce questionnement sur la différence ontologique ne mène pas à définir l'être exactement, mais que c'est juste une recherche dans un but pratique. Et dans ce sens, Sartre a interprété Heidegger à des fins pratiques : c'est l'existence humaine (autre mot pour Dasein) qui prime et devant laquelle l'être se doit de se forger. L'essence de l'homme n'est donc plus prédéfinie grâce à un acte qui lui donnerait une essence pour la vie (le logos divin ou le « verbe »), mais c'est l'existence qui définit comment chacun veut être. Cette existence libre de l'homme, pour Sartre, ne se rapproche-t-elle pas de l'authenticité clamée par Heidegger ?


La démarche de Heidegger est entièrement guidée par la question de l’être : son analytique existentiale (et non existentielle !) n’est qu’un moyen d’approcher l’être, dans un projet ontologique, au départ de cet étant particulier qu’est le Dasein. Peut-être le rayonnement considérable d’Être et Temps dans la pensée du XXe siècle, et en ce compris dans les sciences humaines, peut-il créer a posteriori l’impression - à mon sens il s’agit d’une illusion, mais je serai heureux d’entendre les arguments en sens contraire - d’une analyse factuelle de l’existence au niveau ontique ?

En effet, il me semble que Heidegger ne laisse guère de doute sur sa motivation. Dès le §1 du Ch1 de E&T : « L’indéfinissabilité de l’être ne dispense point de la question de son sens, mais précisément, elle l’exige »… et nulle part dans le texte, il ne m’apparaît que cette exigence soit dirigée vers autre chose que la réponse et la position de la question elle-même. Cette focalisation « élective » sur la question de l’être est encore plus marquée chez le second Heidegger (cf. « Lettre sur l’humanisme »). Dire que la question de l’être n’est abordée par Heidegger que comme « prétexte pour ouvrir l’étant… », n’est-ce pas nier une partie de ce qui fait l’originalité de sa pensée et l’inscrire lui aussi dans la continuité d’une métaphysique à laquelle il reproche d’avoir rabattu l’être sur l’étant ? Ce point me semble fondamental et marque d’ailleurs plus qu’une différence d’interprétation entre Heidegger et Sartre : il y a chez le second et non chez le premier une démarche essentiellement anthropologique.

Pour en revenir ici à lui, la démarche qui consiste à « remonter » de la question de l’être, à celle de la substance (et de là, à une substance première, pensée de pensée…) nous la trouvons chez Aristote… pas chez Heidegger.
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