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Les implications de la "vieillesse" dans nos sociétés

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toniov a écrit:
La vieillesse est une étape de la vie. Nos sociétés se tournent vers les jeunes parce que ceux ci représentent la force. Dans d'autres sociétés, beaucoup moins "évoluées", les vieux représentent un savoir. Il faudrait respecter la vieillesse, non pas parce que c'est méchant de leur faire du mal, mais parce qu'ils sont l'un des maillons, incontournable, d'une société.

Cela dit, quand je regarde la télé, les gens qui possèdent le savoir (et sont invités à le transmettre) sont dans leur immense majorité des gens assez âgés, et même souvent très âgés. La publicité (symbole de notre mode de vie capitalisto-libéral basé sur la compétition), évite la vieillesse, car il est clair que ça ne fait pas vendre, mieux vaut mettre à l'image une fraîche et jolie jeune fille courtisée par de jeunes mâles imberbes. Ici, vous parlez de sociétés ayant ou ayant eu un tout autre mode de vie. Il est certain par exemple que l'Antiquité faisait l'éloge de la vieillesse. Même si un homme réussissait jeune, on l'affublait des qualités de la vieillesse.

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Janus a écrit:
Peut être faudrait-il commencer par rappeler que s'attribuer le devoir de protéger les plus faibles (ce que réalise d’ailleurs le droit au moyen de la loi qui interdit de les violenter, par extension le viol, etc…), est un des fondements politiques de la liberté, sachant qu’à l’état de nature c’était au contraire le règne de la loi du plus fort et de l’arbitraire qui régentaient les relations humaines, lorsque le maître, s’attribuant un pouvoir arbitraire, avait le droit de vie et de mort sur quiconque, en toute légitimité.
En l’occurrence, les plus jeunes sont généralement les plus forts par rapport aux vieux affaiblis, autant physiquement que mentalement, sans quoi le "vieux" n'en  serait pas un.
Aussi, lorsqu’une personne dans la force de l’âge est sauvagement assassinée, cela troublera la sensibilité d’un homme que j’appellerais "normal" car moral, mais s’il s’agit d’un enfant, d’une femme ou d’un vieillard, cet homme normal en sera encore plus affecté et indigné, car pour lui, attenter à l’intégrité d’une personne affaiblie sera considéré non seulement comme un crime mais un véritable sacrilège.

Justement, assimiler le vieillard au faible ne constituerait-il pas, aujourd'hui, un préjugé qui ne correspondrait pas (ou plus) à la réalité de notre société ? En fait, l'on peut déjà être une épave à 18 et toujours aussi vigoureux à 80 ans. Avec les progrès dont bénéficie tout un chacun (la médecine, les loisirs, la qualité de vie, la mise en place de dispositifs adaptés en milieu urbain) qui entraînent, objectivement, une amélioration de la qualité et une hausse de l'espérance de vie. Par conséquent, il revient à l'individu (qui en est seul responsable) de veiller à sa "santé" (sports, régimes, prévenir des pathologies) dans notre société, l'on ne peut pas mettre ça sur le dos de la "vieillesse" (en tant que groupe social) dans ce qui nous arrive. Le nivellement par le bas, dans notre société, conduit à ne plus distinguer le "jeune" du "vieux" (si ce n'est que l'un est objectivement plus âgé que l'autre).

Janus a écrit:
Alors que doit-on regretter dans ce modernisme encore montré du doigt ? Que la science, la médecine et les nouvelles technologies nous éloignent de ces valeurs religieuses qui nous servaient de repères ? Que prolonger la vie n'a aucun intérêt non seulement pour nos caisses de retraites mais aussi pour la Vie qui elle raisonne au contraire en terme de sélection naturelle (consistant à éliminer les plus faibles et les moins aptes à procréer) ? Faut-il se réjouir des retombées économiques ou déplorer ce revers de la médaille qu'on appelle le jeunisme ? A moins que vous ne lui préfériez l'eugénisme ? :shock:

Le problème est que "l'homme-masse" d'Ortega (on trouve l'équivalent chez d'autres auteurs) se retrouve aussi bien chez le "jeune" que chez le "vieux" (par l'intermédiaire, en partie, de la technique). Par conséquent, ils peuvent être tout aussi capricieux et gâtés l'un que l'autre.
Le système de retraite est révélateur : il l'est par répartition et non capitalisation. C'est au nom de la "solidarité", dit-on (or être "solidaire" est une intention qui suppose un choix...). Dans les faits, paradoxalement, loin de favoriser quelque "solidarité intergénérationnelle", les vieux ne vivent pas dans leur famille (ils sont encombrants) mais sont logés au sein d'une maison de retraite (et nombreux sont ceux qui souffriraient de solitude dit-on). Par conséquent, le poids repose non sur l'individu mais sur l'État auquel on confie la prise en charge du vieux. Il en est de même pour ces derniers : l'on assiste à un phénomène surprenant (inimaginable il y a quelques décennies) qui consiste à engendrer un enfant à un âge fort avancé (plus de 60 ans) par caprice et irresponsabilité (caractéristiques que l'on attribue traditionnellement aux "jeunes"...), ce qui est rendu possible par la technique médicale ("j'ai envie donc je peux").

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Marcus Aurelius a écrit:
Kthun a écrit:
Peut-on attribuer une autorité (qui puisse se justifier) à l'individu d'un certain âge ou bien est-il réduit, dans le meilleur des cas, à être l'objet de notre affection (ou du souvenir de ce qu'il a été par le passé) ?

Peut-on seulement « attribuer une autorité » ? « Attribuer », c’est-à-dire monter de manière artificielle. Je dirai donc que cette autorité attribuée n’en serait pas vraiment une, et qu’elle est plutôt à ranger au rayon des choses de la pitié. L’autorité n’est pas une sorte de titre honorifique que l’on peut décerner à volonté, mais bien une chose vivante, relationnelle, dont on ne peut que constater l’existence déjà présente en soi. À moins de saisir le vieux comme une chose qu’il faudrait fonctionnaliser en vue de produire un rendement social, auquel cas on leur conférerait une autorité officielle, afin que leur fonction puisse être exécutée avec efficacité. Mais ce serait évidemment ridicule.

On n’est pas tenu non plus d'avoir un vieillard en affection. Certains vieillards sont irrémédiablement insupportables. Il serait plus intéressant de quitter cet angle moral et de réfléchir sur les intrications de la relation que nous avons avec nos vieux.


Il s'agit moins d'autorité (légitimité) que de pouvoir (légalité) dans la mesure où ils bénéficient d'avantages juridiques et sociaux. De plus, pour m'appuyer sur l'exemple d'un fait divers pour être précis : un individu de 16 ans aurait violé une personne de 80 ans. Il est évident (spontanément, sous l'effet de l'émotion) que cet acte est davantage choquant qu'un "simple viol" aux yeux du tribunal et de l'opinion, et la peine plus lourde que si la victime avait eu 16 ans. Immédiatement l'on pense : "faire ça à une grand-mère !". Le vieux reste du domaine du "sacré". Ce qui me permet d'embrayer sur l'approche "relationnelle" dont vous semblez friand : lorsque je parlais de l'objet de notre affection je faisais référence, implicitement, à nos aïeux (arrière-grands-parents, grands-parents, parents ; selon les circonstances). Il s'agit du lien filial vertical (qui entretient a priori quelque rapport avec l'autorité). La personne, en elle-même, dans notre esprit, précède la catégorie à laquelle elle sera rattachée (les "vieux"). Pour ce qui est des autres "vieux", disons que l'on universalise non la personne mais la catégorie (les "vieux") ; ce qui a priori nous les rend "sympathiques" sans même ressentir le besoin de les connaître. Ce qui est probablement la cause du fait que, dans nos sociétés, "le vieux" appartient au pur, au sacré (avec des attributs qui lui sont associés comme la "faiblesse") ; bien que ce terme recouvre des individus qui diffèrent les uns des autres (c'est-à-dire que le "vieux sacralisé" ne correspond pas à l'individu réel, bien que le "vieux sacralisé" ait tendance à éclipser le réel, ce qui est problématique).

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Euterpe a écrit:
Les vieux ne comptent que s'ils restent jeunes. L'obsession pour la toxine botulique et autres artifices, vestimentaires, psychologiques, etc., montrent que le "jeunisme", devenu un impératif catégorique il y a une vingtaine d'années, est désormais inscrit dans les mœurs. On le voit comme une évidence. Il est en grande partie soutenu par les progrès absolument fulgurants de la médecine (même la médecine des années 80/90 semble reléguée dans des âges immémoriaux à côté de ce qu'on sait faire aujourd'hui).

Toutefois, l'écart entre l'information objective (âge réel, retraite, oisiveté, etc.) et l'apparence (femmes et hommes fripés, mais habillés de la tête aux pieds avec des vêtements de marque, ayant les mêmes loisirs, les mêmes codes linguistiques, etc.) n'est pas facile à franchir, parce que le décalage ne se fait même plus entre les générations mais au sein d'une même génération : les 20/25 ans ne se reconnaissent absolument pas chez les 15/20 ans. Les jeunes émergent en permanence comme un pouvoir constituant qui, sitôt qu'il est constitué, est mis en demeure de faire place. Cela se produit à un rythme bien plus soutenu que celui du rattrapage-rétro-pédalocipèdique auquel se livrent les jeunes seniors. Les trentenaires (quoique de moins en moins) et les quadragénaires ont au moins accès à la vie active pour endiguer le jeunisme. Mais les vieux n'ont que des loisirs (paraît-il). Le gouffre du passé, de la mémoire et de la mort est d'autant plus ouvert que le nouveau ne regarde que devant lui, et que rien ne semble pouvoir lui échapper, du grille-pain aux colonies interstellaires en passant par les bracelets électroniques. Comme si on avait décidé que, pour les vieux (pré-matérialisation de la mort), le poids des souvenirs rendait impossible toute inventivité. Le vieux, c'est pas assez nouveau. Et quand on le rajeunit, quand on le renouvelle, ce n'est qu'un produit d'occasion.

N'est-ce pas le problème d'une société aliénée au mythe de la post-modernité (et de l'utilité, de la performance) et qui, vivant dans le déracinement perpétuel, oublie son histoire ? N'y a-t-il pas un problème de référent commun et de relation intergénérationnelle ? Le présent ne se dissout-il pas à mesure que l'on s'écarte de la tradition et donc de l'histoire qui n'est plus prise en compte ? Ne veut-on pas fuir la contrainte et la stabilité en se précipitant aveuglément dans la vie du pur instant, ce qui a pour effet de nous rapprocher peut-être un peu plus de ce qui ressemble à ce que nous voulons fuir (la mort) ? Ce qui, d'ailleurs, me fait penser à un article récent sur le mythe du zombie et sa signification : au-delà de l'aspect apocalyptique, c'est peut-être nous qui sommes des morts-vivants (ce que Héraclite savait déjà fort bien en distinguant les éveillés et les endormis - ces derniers oublient qu'il y a un monde commun et sont d'autant plus vulnérables qu'ils s'isolent dans leur monde, leur songe, "privés").

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Il ne faudrait tout de même pas rendre à outrance le modernisme responsable de ce phénomène de jeunisme. De tout temps, les hommes, de sexe masculin surtout, ont montré leur attirance impulsive pour la chair fraîche et je n'ai jamais vu un homme se séparer de son épouse pour l'échanger contre une plus vieille. Même les femmes qui s'y mettent de nos jours, pour avoir l'air encore plus émancipé, avec la fameuse mode du mouvement "cougar" ! Alors bien évidemment les temps modernes ont accentué ce phénomène du jeunisme, la science et la technique ayant fourni les moyens de tricher plus facilement si j'ose dire, de se rendre physiquement plus attrayant d'un jet de botox ou d'un coup de bistouri ; les signes de vieillesse, alopécie, poils, rides, dos voûté ou ventre rond n'ayant jamais contribué à fournir un physique plus attrayant, ni à approcher son idéal du moi. La chirurgie esthétique est de plus devenue un service d'un coût de plus en plus abordable ; ajoutez à cela que des pays comme la Tunisie en profitent pour tirer leur épingle du jeu en ajoutant ce nouveau débouché à leurs revenus du tourisme. Sans oublier au passage qu'au-delà des obsédés de l'esthétisme, ces nouvelles techniques contribuent également à mettre fin aux profondes souffrances qu'éprouvent parfois les personnes au physique très ingrat, en mettant fin à cet horrible défaut qui les mettait tant à l'index.

En fait on touche ici à une question purement physique et éternelle en soi, alors qu'on ne vienne pas nous refaire le coup du post-modernisme, de l'aliénation, de la performance et toute la batterie habituelle, a fortiori quand on sait que le respect du vieux et de la mémoire faisait avant tout partie des valeurs traditionnelles véhiculées par le modèle patriarcal, religieux et familial que le marxisme s'est empressé, dans notre pays encore plus qu'ailleurs, de réduire à néant. Quant à la fiction du partage du travail, impliquant la mise anticipée des quinquagénaires à la retraite, pour "faire de la place aux jeunes", c'est encore à cette influence-là qu'on le doit. Il suffit de regarder pas plus loin que l'Italie où la religion est bien plus présente et le vieux tellement moins tabou.
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