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Kant et la peine de mort.

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etticeticettac
Baschus
Euterpe
Desassocega
Liber
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descriptionKant et la peine de mort. - Page 3 EmptyRe: Kant et la peine de mort.

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Liber a écrit:
L'idéal serait une reconstitution en miniature de la société en prison, de façon à rééduquer l'homme qui s'est écarté du "droit chemin" en lui montrant la voie à suivre, puisque nous avons choisi de réhabiliter plutôt que de ne faire que sanctionner. [...]. Je pense qu'on fait fausse route en croyant qu'il y a en l'homme quelque chose comme le Bien. Il n'y a rien de pur dans cette complexité de chair, de sang et de nerfs qu'est l'être humain. J'en avais déjà parlé à propos de l'amour en citant Othello (ce qui ne vous avait pas convaincu), que je persiste malgré tout à croire sincère dans son amour. Mais comme pour le crime, l'amour n'est ni bien ni mal.

Cette reconstitution est aussi cela même qui contribue à détourner les hommes les uns des autres. Pas de société, pas d'altérité ; mais l'altérité est insoutenable au point que toute société n'advient que sous la forme d'une morale, si rudimentaire soit-elle, autrement dit frappe d'interdiction toute forme d'objectivité dans les rapports entre les personnes. On ne parviendrait pas à convaincre quelqu'un si on lui disait qu'on peut tout à la fois être "moral" et s'en détacher quand c'est nécessaire. Si, pour l'essentiel, la morale est par définition un corpus de préjugés, alors il ne peut pas ne pas sembler naturel à la plupart d'être les préjugés qu'ils ont. Certes, il serait naïf de croire qu'on tient la nature ou sa nature par-devers soi ; ce l'est tout autant de la croire derrière ou devant soi, comme âge d'or ou comme idéal. Que la morale soit aussi vieille que les hommes montre qu'il n'y a de nature humaine qu'impossible, puisqu'elle dénature les hommes en même temps qu'elle leur en donne une. De sorte que l'objectivité et l'impassibilité sont nécessaires à qui veut juger, au risque de sembler inhumain à ceux là mêmes qui (se) déshumanisent autant qu'ils (s')humanisent avec la morale. De sorte également qu'on peut bien dire que la nature humaine, quoique impossible, fait quand même l'objet d'une forclusion qui n'est pas sans rapport avec les crimes que les hommes commettent parfois.

Souvenez-vous de ce débat sur la question de la preuve historique, à propos des camps de concentration. Très vite, il fut évident qu'aucune discussion ne pourrait avoir lieu ; au total, il n'y eut que du scandale. La plupart des faits historiques, et d'une manière générale ce qu'on appelle un fait, est à ce point moralement établi, et de manière presque instantanée, que l'impassibilité dépassionnée de qui veut ou accepte d'en discuter est immédiatement jugée monstrueuse.

descriptionKant et la peine de mort. - Page 3 EmptyRe: Kant et la peine de mort.

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L'esprit rigoureusement protestant de Kant, additionné à l'idéal théorique de sa morale rationnelle, ne pouvait que le faire aller dans ce sens. Ce qui me semble intéressant, c'est que des philosophes qu'on ne peut pas accuser d'être des tarentules morales, qui nient le Bien, le Mal, le péché et l'idée d'une dette ontologique, peuvent tout aussi bien être favorables à la peine de mort. Je pense à Spinoza, qui a, dans sa correspondance, cette formule éloquente :
Spinoza a écrit:
Celui qui devient enragé par la morsure d'un chien est excusable, mais l'on a pourtant le droit de l'étrangler.


Autrement dit, ce n'est pas que l'instinct malsain de punition et de vengeance qui peuvent légitimer la peine de mort : tout en bannissant l'idée une culpabilité ontologique, on peut, au nom de la responsabilité sociale, et au nom de la recherche du bien de l'ensemble de la société, considérer que la mise à mort d'un individu est légitime. Lorsqu'on voit l'incapacité de l'État à rééduquer des criminels, aboutissant souvent à des mises en liberté dangereuses, on peut se dire que la peine de mort n'est certainement pas qu'une idée de bourreaux en soif de vengeance.

descriptionKant et la peine de mort. - Page 3 EmptyRe: Kant et la peine de mort.

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En l'occurrence la phrase de Spinoza ne me semble pas tout à fait "adéquate" , car je suppose qu'on savait déjà à son époque qu'une personne atteinte de la rage non seulement n'a que quelques jours à vivre et dans la souffrance (ce qui je l'admets n'est pas en soi une raison pour l'éliminer, mais il faudrait peut-être plutôt ici évoquer l'euthanasie que la peine de mort), mais est potentiellement un danger mortel pour les autres.

descriptionKant et la peine de mort. - Page 3 EmptyRe: Kant et la peine de mort.

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Les criminels entièrement prisonniers de leurs pulsions sont comme les individus atteints par la rage, ils portent atteinte à la sécurité des citoyens ; les deux sont incurables.

Spinoza a écrit:
Le malade mange ce qu'il déteste par peur de la mort ; et l'homme sain prend plaisir à la nourriture, et ainsi jouit mieux de la vie que s'il avait peur de la mort et désirait directement l'éviter. De même un juge qui condamne à mort un accusé non pas par Haine ou par Colère, etc., mais par le seul Amour du salut public, est conduit par la seule raison.

descriptionKant et la peine de mort. - Page 3 EmptyRe: Kant et la peine de mort.

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vif a écrit:
Magistral aphorisme.
Mais qui laisse sur sa faim, comme tous les aphorismes un peu simplistes (pardon). A quelles conclusions conduit celui-ci ? Allons, il ne faut pas être timide. Un peu d'aide ? Voyons, faut-il mettre à mort tous ceux qui portent atteinte à la sécurité des citoyens, par exemple ceux qui roulent avec un taux d'alcool trop élevé ou qui ont tendance à être distraits au volant ? Les criminels qui ne sont que partiellement prisonniers de leurs pulsions ? Eux aussi portent atteinte à la sécurité des citoyens. Ceux qui sont potentiellement susceptibles de se laisser aller un jour à une pulsion criminelle ? Sans doute conviendrait-il de les détecter à la naissance ? etc., etc., sans oublier bien sûr les juges non spinozistes qui relâchent les criminels au lieu de les mettre à mort par amour. Tout ça me semble très sensé, et en plus c'est un vrai remède proposé à la poussée démographique du monde.


Dernière édition par vif le Lun 26 Sep 2011 - 19:26, édité 1 fois
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