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La duplicité de Michel Foucault

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3 participants

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Il est possible de lire, sur ce forum, 2 perspectives opposées sur Foucault et son oeuvre. Dans un cas, Foucault serait un pur génie, philosophe qui aurait fait progresser de manière révolutionnaire la philosophie et les sciences humaines. Il aurait vécu tout au long de sa vie en adéquation avec sa pensée, il serait auquel cas authentique. Dans l'autre perspective, Foucault serait perçu comme un surdoué qui suit les modes de son temps, non un philosophe, mais un écrivain engagé qui ferait d'habiles synthèses. Il n'aurait pas véritablement vécu en adéquation avec sa pensée, en glorifiant son "moi" malgré les apparences. Qu'en est-il exactement de Foucault à partir de ces 2 perspectives ?

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La première perspective paraît exagérée posée ainsi, la seconde plus réaliste mais faisant l'impasse d'une connaissance approfondie du corpus foucaldien. La seule critique que je formulerais à l'égard de Foucault c'est de n'avoir fait que reprendre, développer, systématiser, amplifier les intuitions de Nietzsche. Pour autant son travail est d'une incroyable richesse et propose de nombreux outils intellectuels qui ont en effet marqué les sciences humaines. Il était indéniablement philosophe, quoiqu'il ne se soit jamais appelé ainsi, philosophe orienté vers la vérité, travaillant sur l'histoire des systèmes de pensée, mettant en action son propre criticisme. Mais il ne faudrait pas non plus confondre son engagement militant et ses positions philosophiques. Son ami Paul Veyne le décrit comme un sceptique faisant l'examen de ce qui se présente à lui. Foucault n'était pas un intellectuel de Mai 68 ni un structuraliste (il s'est senti enfermé injustement dans ces catégories), il remettait d'ailleurs toujours en question sa pensée et ses œuvres passées. Je crois surtout qu'il ne voulait pas se laisser enfermer. Il portait souvent des masques mais son personnage et son succès, la séduction qui a opéré, ne doivent pas nous tromper lorsqu'il s'agit de le juger, d'essayer de lui donner des contours (et c'est amusant car il y a une pensée de la doublure, du redoublement chez lui). Après, son engagement politique est séparé de sa pensée ; son travail n'est pas prescriptif, reste à distance, mais formule des outils pour repérer des contingences historiques, des fonctionnements du pouvoir, des points de rupture où d'autres pourraient exercer de manière locale et limitée une résistance. Son travail analyse le présent, à nous d'en faire un usage pratique. Cela a influencé beaucoup de monde. Foucault lui-même jouait à l'intellectuel en s'engageant pour des causes parce que sa voix portait, mais ses engagements étaient spontanés, voire sentimentaux. En revanche, il ne croyait pas à la révolution. A sa mort il s'apprêtait apparemment à écrire une critique du socialisme.

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J'ai lu sur l'autre forum philo (je pense que c'était un de vos messages) que Foucault aurait dit que l'attachement de Nietzsche aux Grecs n'était pas quelque chose de fondamental, qu'on pouvait laisser de côté les "fantasmes" de Nietzsche sur les Grecs. S'il a vraiment dit ça, je le trouve très léger vis-à-vis de Nietzsche.

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Il n'a pas émis cette critique contre Nietzsche. Il s'est juste trouvé déçu dans son retour aux Grecs en tant qu'il comprenait qu'on ne pouvait plus réactiver telles quelles leurs valeurs (parce que nous sommes trop différents et parce que ce terreau portait déjà en lui les germes fertiles qui permettront au christianisme de s'élever sur lui) et parce que la philosophie antique était celle de fous, d'extrémistes, mais surtout une philosophie fantasmée masquant tout le caractère mortuaire des pratiques, de l'ascèse, de ces vieillards isolés qui étaient déjà mal vus. Donc ça rejoint très largement l'analyse de Nietzsche. Cependant, je ne me souviens plus très bien, mais on pourrait aller plus loin en disant que ces retours à la pré-philosophie, à la Grèce rayonnante, que ce soit chez Nietzsche ou Heidegger, relèvent d'un fantasme. Nous ne vivons plus dans l'Antiquité et nous ne sommes pas des Grecs. Foucault revient en arrière pour mieux donner à penser notre actualité et agir dessus. D'où l'élaboration d'une boîte à outils dont fait par exemple parti le souci de soi socratique à réinventer (Foucault a une interprétation différente de celle de Nietzsche concernant Socrate, il faut dire qu'il n'y a pas chez Foucault de pensée de la décadence, de l'antagonisme fort/faible).

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Aktaiôn a écrit:
une philosophie fantasmée masquant tout le caractère mortuaire des pratiques, de l'ascèse, de ces vieillards isolés qui étaient déjà mal vus.

Dans la dissertation III de la Généalogie, Nietzsche ne cherche pas à établir une chronologie de la décadence depuis les Grecs de l'époque héroïque, ou en rendre tel ou tel plus ou moins responsable, il se contente de réunir les symptômes de l'idéal ascétique. Le dernier paragraphe de cette dissertation, qui sert de conclusion à l'ouvrage, établit que de tous temps l'idéal ascétique fut le seul et unique idéal de l'humanité.


ces retours à la pré-philosophie, à la Grèce rayonnante, que ce soit chez Nietzsche ou Heidegger, relèvent d'un fantasme. Nous ne vivons plus dans l'Antiquité et nous ne sommes pas des Grecs.

Si, nous sommes des Grecs dans le sens que nous sommes encore très largement dépendants de ce qui fut créé par cette civilisation. Que les philosophes majeurs de l'Occident aient pensé à partir des Grecs n'a donc rien d'un fantasme. Je ne pense pas non plus que Nietzsche idéalise la Grèce archaïque, comme si ça avait été un Eden. On peut comparer avec Schopenhauer qui avait "retrouvé" le secret du bouddhisme ou des Védas, mais dont il se jugeait fort supérieur, de même que Nietzsche vis-à-vis de ce que la Grèce nous a donné de meilleur. Ainsi, il parle d'une "coulée de bonheur" en évoquant les révélations des Mystères grecs. Mais il ne s'agit que d'une découverte fortuite, quand Nietzsche lui a créé toute une philosophie autour du concept de Dionysos, celle de Zarathoustra.
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