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La théorie sur la conscience de Dehaene en question

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descriptionLa théorie sur la conscience de Dehaene en question - Page 9 EmptyRe: La théorie sur la conscience de Dehaene en question

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Bonjour Clément Dousset.

J'utilise une définition du mot énergie.


C'est cela. Une définition parmi d'autres. Mais ce n'est pas celle qui est compatible avec la description scientifique d'un mécanisme causal.

 je me doutais un peu que le mot énergie avait d'autres définitions que celle que j'utilise et qui est aussi celle, figurez-vous, qu'utilisent la plupart des manuels de physique


Eh bien non, justement. En sciences en général, et en physique en particulier, la définition d'un concept ne peut pas être exprimée dans le langage ordinaire sous peine d'ambiguïté ou d'équivocité. Ce qui est manifestement le cas pour le terme "énergie". 

il existe aussi des formules permettant des calculs de l'énergie en joules à partir de la masse, de la longueur et du temps mais on n'est plus, à proprement parler dans la définition


Eh bien si, justement. Le recours au langage formel des mathématiques est, pour les définitions scientifiques, une nécessité. J'ai, sous les yeux, un pavé de 500 pages d'"introduction" (sic !) à la mécanique quantique (Quantique, Rudiments écrits par J.-M. Lévy-Leblond et F. Balibar) et je vous assure que le langage ordinaire n'y est utilisé que pour exposer les problèmes mais jamais pour les résoudre, donc, en particulier, jamais pour définir les concepts qui servent à les résoudre (celle de l'"énergie" comme M.L^2.T^-2 est donnée en p. 8 et 9).

Désolé, mais on ne peut pas jouer sur les deux tableaux : ou bien on fait de la philosophie ou bien on fait de la science. Et, comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, toutes les thèses concernant les qualia sont philosophiques.

descriptionLa théorie sur la conscience de Dehaene en question - Page 9 EmptyRe: La théorie sur la conscience de Dehaene en question

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Bonjour Phiphilo

PhiPhilo a écrit:
Si vous parcourez ceci, vous vous rendrez compte que l'énergie (au sens physique sus-mentionné) se présente, effectivement, sous divers aspects (énergie cinétique, électrique, de masse, potentielle, chimique, etc.) mais, ou bien j'ai mal lu, ou bien je ne vois nulle part mentionné : "énergie psychique". Pour lire une telle expression, il faut abandonner la physique pour la psychologie, la psychanalyse ou le yoga. Ce qui, encore une fois n'a rien de péjoratif, encore moins de scandaleux. De même, lorsque l'on parle d'"énergie morale", d'"énergie politique", de "crise de l'énergie", de "manque d'énergie", d'"énergie du désespoir", etc., on fait pleinement droit à la polysémie du terme "énergie" sans jamais avoir la prétention de connoter par là une efficacité causale dans la production mécanique d'un travailPourquoi donc vous obstinez-vous dans ce combat d'arrière-garde alors qu'il serait si simple et beaucoup plus consistant de définir les qualia en termes d'énergie psychique, certes, mais dans un sens métaphorique (non-mécanique, non-causal) plutôt que dans le sens littéral du terme "énergie" qui ne convient qu'à une conception purement physicaliste d'un phénomène ? Que manquerait-il à votre thèse, à part le label "SCIENCE" ? 


PhiPhilo a écrit:
Désolé, mais on ne peut pas jouer sur les deux tableaux : ou bien on fait de la philosophie ou bien on fait de la science. Et, comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, toutes les thèses concernant les qualia sont philosophiques.


Je n'ai pas le temps ce matin de mener une réflexion approfondie et de rédiger un message élaboré pour vous répondre, ce qu'il faudrait cependant. Je n'aurai certes pas non plus le temps cette fin de semaine puisque je voyage. donc quelques réflexions seulement, quelques points à fixer en espérant que ma pensée hâtive ne se risque pas à des formules comme "observer par déduction" dont vous avez bien eu raison de dire gentiment qu'elle témoignait de ma fatigue.

Vous me demandez si je fais de la philosophie ou de la science. Honnêtement, a priori, je ne fais ici qu'exprimer une pensée qui est peut-être de la philosophie mais certainement pas de la science. Si j'ai pu vous laisser croire que j'avais une prétention contraire, je vous prie de bien vouloir m'en excuser. 

Vous vous étonnez que je puisse penser que l'énergie psychique est réellement une énergie physique. Si je pensais que l'énergie psychique telle qu'elle peut se manifester dans la douleur, le plaisir, l'effort, la volonté, le désir, la force des sensations etc. n'était pas de l'énergie physique, ou l'était de façon analogique,métaphorique, poétique etc. je ne serais pas venu ouvrir ce fil sur ce forum. Tout le monde pense (et même les auteurs de dictionnaires !...) que l'énergie psychique telle qu'elle se manifeste est métaphoriquement de l'énergie physique. Je pense même d'ailleurs que les hommes ont eu la notion d'énergie psychique avant même d'avoir eu la notion d'énergie physique. Nous éprouvons le poids des pierres, la force du vent, la violence du feu. Ce que je crois, moi, c'est que l'énergie psychique a la même substance, la même réalité d'existence et a non pas la même forme ( il n'y a pas une forme d'énergie physique, il y en a plusieurs) mais est une forme particulière de l'énergie physique.

Je me copie:

Il faut être bien clair. Notre corps n’a pas besoin qu’existent des contenus de conscience pour effectuer diverses sortes de travail. D’abord de la circulation du sang à la respiration en passant par la digestion, notre corps multiplie les tâches dépensières en énergie sans que nous en ayons la moindre conscience. Ensuite bien des gestes, des actions que notre corps effectue se font aussi en dehors de la conscience. On peut même, en état de somnambulisme, avoir des comportements qui copient ceux de l’état de veille tout en étant profondément endormi. Mais lorsque nous ressentons une douleur ou un plaisir, éprouvons un désir, avons une volonté, fournissons un effort, l’actualité de notre conscience se confond avec l’actualité d’une force qui existe avant tout par son intensité et par le rapport qu’il y a entre cette intensité et la quantité de travail que nous pouvons effectuer à cause d’elle. Des émotions comme la peur, la colère etc. sont aussi des manifestations d’énergie psychique qui engendrent des comportements violents ou des efforts pour les contenir. Mais au-delà de nos émotions, nos pensées mêmes entrent dans un jeu de forces : affirmation, négation, mise en doute, adhésion etc. sans lesquelles elles n’ont plus accès à notre conscience. Qu’on enlève à la conscience l’intensité de la volonté et de l’affectif et il n’en reste rien.

Donc, pas de malentendu. l'énergie psychique dont je parle est bien capable de produire un travail et est bien mesurable en joules. Elle est bien aussi ce qui fait la substance de la conscience. sans cette énergie-là, pas de conscience.

Et sans cette conscience pas d'univers ? La conscience serait un constituant nécessaire de l'univers ? Non, ce n'est pas mon point de vue. C'est ce que j'écris ensuite :
Il y aurait ainsi des forces fondamentales à la base de la conscience comme il y en a pour supporter la matière. Mais il ne me paraît pas pertinent de penser que ces forces de la conscience existeraient au-delà d’elles, avant elles, présentes dans la nature dès l’origine, associées aux atomes, voire aux particules comme le voudrait une sorte de panpsychisme. En revanche, il me paraît certain qu’il y a des propriétés virtuelles des forces physiques fondamentales qui peuvent s’actualiser dans le psychisme, fût-il rudimentaire, des animalcules et qui supportent en dernière analyse le contenu présent à notre conscience, si élaboré soit-il.


Je suis moniste jusqu'au bout quoi qu'il en paraisse. Je suis matérialiste. je ne crois pas en l'esprit. je ne crois qu'en la matière. Et je crois comme Eistein que la matière n'est qu'énergie. Mais je ne crois pas que ma conscience ne soit rien. ce qu'elle serait évidemment si elle n'était pas réellement, substantiellement énergie. Je crois qu'il existe à l'origine de l'univers des formes d'énergie virtuelles qui s'actualisent progressivement au fur et à mesure de son développement (évidemment quand l'univers n'était que rayonnement l'énergie nucléaire n'existait pas !) et que, parmi ces formes d'énergie virtuelles, existait celle qui s'actualise dans la conscience.

Bon, j'arrête ici et je reviens à mon coureur qui se détourne de l'odeur pestilentielle, au nématode qui pirouette et s'éloigne de la quinine ... ou à votre bras reposant le seau qu'il n'en peut plus de soulever. Il s'agit à chaque fois de fables, de paraboles mais qui sont destinées à faire sentir, admettre que l'énergie de la conscience existe bien substantiellement comme une forme d'énergie physique réelle.

Est-ce qu'on peut montrer cela scientifiquement, empiriquement dans des expériences réellement démonstratives ? Pour contrer des gens comme Dehaene qui veulent s'emparer de la conscience pour la néantiser, il le faudrait. Pour l'instant, je n'en suis pas sûr. On fait cependant des progrès extrêmes dans les mesures et on pourrait peut-être construire une expérience  où on n'observerait pas bien sûr la présence de cette énergie physique psychique ou psycho-physique mais où on devrait admettre son existence par déduction. Après tout, il y a des milliers de choses que les physiciens ne pourront jamais observer mais dont ils sont obligés d'admettre l'existence

je voulais revenir aussi sur le "modulisme" que j'ai exposé et sur les expériences qui permettraient d'en démontrer la validité. C'est quand même là-dessus que je m'appuie pour contrer la pensée de Dehaene mais  vous ne semblez pas ni vous ni d'autres vous y intéresser pour l'instant...

Bonne fin de semaine.

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Re...

Vous me demandez si je fais de la philosophie ou de la science. Honnêtement, a priori, je ne fais ici qu'exprimer une pensée qui est peut-être de la philosophie mais certainement pas de la science. Si j'ai pu vous laisser croire que j'avais une prétention contraire, je vous prie de bien vouloir m'en excuser.


Oui mais vous postez sur un forum d'échanges philosophiques. On peut donc présumer que vous prétendez donner à votre intervention, à tort ou à raison (et de mon point de vue, à raison), une coloration philosophique, non ?

Si je pensais que l'énergie psychique telle qu'elle peut se manifester dans la douleur, le plaisir, l'effort, la volonté, le désir, la force des sensations etc. n'était pas de l'énergie physique, ou l'était de façon analogique,métaphorique, poétique etc. je ne serais pas venu ouvrir ce fil sur ce forum.


Diriez-vous cela à Elisabeth Pacherie, Fred Dretske ou Thomas Nagel, c'est-à-dire à quelques-uns des représentants actuels de la philosophie des qualia, si, par hasard, il leur prenait l'envie de participer à notre discussion ? Diriez-vous que, pour être un qualiste (pardonnez le néologisme) digne d'intérêt, il faut défendre l'idée que les qualia sont nécessairement causalement déterminés et/ou déterminants ? Si vous tenez tant que cela à préserver la connexion causale vers et à partir ce que vous appelez l'"énergie psychique", je vous suggère d'adopter plutôt l'intentionnalisme que je défends et dans le cadre duquel la causalité existe réellement entre le corps et l'esprit (puisqu'en très très gros, le corps c'est l'individu et l'esprit le groupe social) même si elle n'est pas évaluable individuellement mais collectivement et statistiquement (les dispositions qui nous font agir intentionnellement sont causées par le conditionnement matériel auquel nous sommes soumis et dont ils causent, en retour, des modifications matérielles).

Nous éprouvons le poids des pierres, la force du vent, la violence du feu.


Et ... ? Cet argument ne prouve pas l'existence des qualia, encore moins leur efficacité causale. Cf. le plan de ce cours d'E. Pacherie où l'auteur discute justement de l'existence des qualia.

Ce que je crois, moi, c'est que l'énergie psychique a la même substance, la même réalité d'existence et a non pas la même forme ( il n'y a pas une forme d'énergie physique, il y en a plusieurs) mais est une forme particulière de l'énergie physique.


Vous avez le droit de croire tout ce que vous voulez. Mais bon, c'est un peu léger comme argument. Même en philosophie. Supposons néanmoins que vous ayez raison. Comment expliquez-vous alors qu'il n'y ait pas un(e) seul(e) physicien(ne) qui mentionne l'"énergie psychique" au titre des divers aspects que peut revêtir l'énergie ? Lisez ceci et dites-moi où vous voyez écrit "énergie psychique" !

Il faut être bien clair. Notre corps n’a pas besoin qu’existent des contenus de conscience pour effectuer diverses sortes de travail. D’abord de la circulation du sang à la respiration en passant par la digestion, notre corps multiplie les tâches dépensières en énergie sans que nous en ayons la moindre conscience. Ensuite bien des gestes, des actions que notre corps effectue se font aussi en dehors de la conscience. On peut même, en état de somnambulisme, avoir des comportements qui copient ceux de l’état de veille tout en étant profondément endormi. Mais lorsque nous ressentons une douleur ou un plaisir, éprouvons un désir, avons une volonté, fournissons un effort, l’actualité de notre conscience se confond avec l’actualité d’une force qui existe avant tout par son intensité et par le rapport qu’il y a entre cette intensité et la quantité de travail que nous pouvons effectuer à cause d’elle. Des émotions comme la peur, la colère etc. sont aussi des manifestations d’énergie psychique qui engendrent des comportements violents ou des efforts pour les contenir. Mais au-delà de nos émotions, nos pensées mêmes entrent dans un jeu de forces : affirmation, négation, mise en doute, adhésion etc. sans lesquelles elles n’ont plus accès à notre conscience. Qu’on enlève à la conscience l’intensité de la volonté et de l’affectif et il n’en reste rien.


Je souscris à tout ce que vous dites ici. Je remarque simplement que, entre ses deux occurrences, le terme "force" change de sens. Sens physique dans la première occurrence, sens non-physique (psychique, si vous voulez) dans la seconde.

Donc, pas de malentendu. l'énergie psychique dont je parle est bien capable de produire un travail et est bien mesurable en joules


"Donc" introduit un lien de consécution. Si, comme je le pense, l'antécédent est contradictoire (deux acceptions incompatibles du même terme), effectivement, vous pouvez déduire n'importe quoi. Comme disaient les scolastiques, ex falso quodlibet sequitur. Si, comme vous le pensez, il ne l'est pas, le conséquent est une pétition de principe ("l'énergie psychique est une énergie physique donc c'est une énergie physique"). Par ailleurs, un joule étant 1 kg.m^2.s^-2, expliquez-moi comment vous vous y prenez pour "mesurer" la masse et l'aire d'un phénomène non-physique (psychique).

Il s'agit à chaque fois de fables, de paraboles mais qui sont destinées à faire sentir, admettre que l'énergie de la conscience existe bien substantiellement comme une forme d'énergie physique réelle.


"Faire sentir" est un procédé argumentatif tout à fait respectable, surtout en philosophie. Cela dit, comme l'a remarqué Pascal, ce procédé s'adresse à l'intuition par le cœur et non pas à la démonstration par la raison.

Il s'agit à chaque fois de fables, de paraboles mais qui sont destinées à faire sentir, admettre que l'énergie de la conscience existe bien substantiellement comme une forme d'énergie physique réelle.


Durkheim écrit quelque part qu'il ne connaît pas de monistes. Voulant dire par là que, même les prétendus monistes purs et durs (il pense, notamment, à Spinoza et à Marx) montrent qu'ils sont dualistes dès qu'ils admettent qu'il y toujours deux manières de décrire un phénomène humain : une manière physicaliste ("l'agitation moléculaire de mon organisme s'est élevée de 2 °C") et une manière non-physicaliste ("j'ai chaud"). Vous ne faites pas exception : vous êtes ontologiquement moniste (l'ameublement ultime de l'univers, c'est de la matière et rien d'autre), ce que presque tout le monde vous accordera aujourd'hui (pour ce qui me concerne, en tout cas, je vous l'accorde sans difficulté), mais lexicalement dualiste puisque vous parlez d'"énergie physique" et d'"énergie psychique".

Pour contrer des gens comme Dehaene qui veulent s'emparer de la conscience pour la néantiser, il le faudrait. Pour l'instant, je n'en suis pas sûr. On fait cependant des progrès extrêmes dans les mesures et on pourrait peut-être construire une expérience  où on n'observerait pas bien sûr la présence de cette énergie physique psychique ou psycho-physique mais où on devrait admettre son existence par déduction. Après tout, il y a des milliers de choses que les physiciens ne pourront jamais observer mais dont ils sont obligés d'admettre l'existence


Dehaene, c'est peanuts ! C'est une pitoyable marionnette agitée devant les media parce qu'il incarne à merveille l'idéologie dominante (à ce propos, permettez-moi de vous conseiller de (re-)lire, ou, mieux, de (re-)voir, si vous en avez l'occasion, la pièce de Bertoldt Brecht Galileo Galileila Vie de Galilée, en français, vous verrez que nihil novi sub sole !). Le problème, ce n'est pas Dehaene ou ses épigones scientistes zêlés. C'est, en l'occurrence, le paradigme selon lequel, puisque les machines savent calculer et que nous savons le faire nous aussi, alors nous sommes des machines. Ce paradigme, est d'une grande pertinence socio-historique dans la mesure où il justifie et perpétue le pouvoir d'une classe dominante qui a compris que, pour maximiser la productivité du travail, et donc, in fine, ses profits, elle a intérêt à atomiser les travailleurs et à fractionner le plus possible les forces de travail (les compétences). Durkheim dirait qu'elle a intérêt à promouvoir entre les individus une solidarité mécanique (dans laquelle un individu est remplaçable par un autre, une compétence par une autre, comme les pièces d'une machine) plutôt qu'une solidarité organique (au sein de laquelle les individus sont irremplaçables un peu comme les organes d'un corps vivant). Tout cela pour dire qu'il faudra autre chose qu'un simple argument scientifique, philosophique, religieux, poétique ou autre pour balayer ledit paradigme.

Allez. Bon week-end et au plaisir.

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PhiPhilo a écrit:
Car, quoi qu'on entende par "mettre en regard", vous ne pourrez corréler avec "des mesures de variation d'intensité de champ enregistrée par la magnétoencéphalographie", non pas des "contenus subjectifs précis" mais des réactions objectives (par exemple verbales, mais pas nécessairement : l'expérience peut être conduite avec de très jeunes enfants ou des animaux) dont vous inférez, sans jamais pouvoir l'établir empiriquement, qu'elles sont des manifestations desdits "contenus subjectifs précis".


Dans l’étude de Carleton, la variable étudiée est d’une part la réaction des neurones du bulbe olfactif des souris à l’inspiration d’un air saturé successivement d’odorants divers quand celles-ci sont anesthésiées et d’autre part la réaction de ces mêmes neurones quand les souris sont éveillées (plus sous l’effet de l’anesthésie). L’idée qu’on puisse rapporter cette étude à la subjectivité humaine comme aux réactions de notre système olfactif cortical vis à vis des diverses odeurs est évidemment discutable. Mais elle a sa pertinence. Ce que montre en tout cas l’expérience de Carleton pour les souris, c’est qu’il y a deux types de réaction selon que les souris sont anesthésiées ou pas et que ces deux types de réaction font apparaître deux types d’encodage. Un qui est instantané et un autre qui est temporel. Ce codage temporel implique que l’activité des neurones va de pair avec la variation périodique d’une intensité du champ magnétique.
On ne peut pas faire subir aux hommes le traitement des souris (traitement cependant conforme à la loi suisse sur la protection des animaux) mais on peut très bien effectuer des mesures de variation d’intensité du champ magnétique quand le sujet est placé dans une situation telle qu’un type de sensation donné soit censé dominer son champ de conscience (odeur, son précis, excitation tactile de telle partie du corps etc .)
De telles expériences ne se pratiquent pas sans étude préalable. Elles peuvent obéir à un protocole complexe, nécessiter un outillage lourd. Elles sont sans doute coûteuses. Elles impliquent des objectifs de recherche, une certaine conception du mécanisme générateur de conscience qui est celle que j’expose dans mon article sur le modulisme. Tant que cette conception n’éveillera pas l’intérêt de chercheurs en neuroscience, de telles expériences qui ont des chances d’être concluantes ne pourront sans doute pas être pratiquées…
J’ai un peu de mal, je l’avoue, à déterminer votre position vis-à-vis de la science. D’une part vous la considérez comme une entreprise animée par l’idéologie scientiste qui vise à une prise de pouvoir. D’autre part comme une source de connaissance échappant à la remise en cause (voir votre « définition » de l’énergie etc.). Vous vous opposez à Dehaene certes, mais pas à ses méthodes ou, plus exactement, vous ne considérez pas d’autres possibilités d’approche scientifique des phénomènes de conscience que celles qu’il considère et qui sont directement inspirées de la philosophie computationnaliste de Dennett.
Vous lui reprochez comme moi d’ignorer l’existence des qualia. Mais en fait vous ne voudriez pas que la science s’intéressât à leur existence, les considérât comme un objet de connaissance, pût vouloir les analyser et en relier l’origine à la structure fondamentale de la matière. Vous voulez que ce soit la philosophie qui en parle et plus spécifiquement la sociologie. Ce n’est pas mon point de vue. Je ne suis pas un « qualiste ». Je ne crois pas que les qualia doivent être laissés hors du champ de la recherche fondamentale. Je veux au contraire que la science s’y intéresse aussi loin qu’elle est apte à s’y intéresser. Entre la philo et la science, je fais plus confiance à la science pour cela. Mais à la science véritable. La science où existe une véritable diversité d’approches et la reconnaissance de la valeur a priori d’hypothèses différentes. Parmi lesquelles, bien sûr, la mienne.

Note : voici un lien vers l’article de Carleton. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3260228/ J’ai beaucoup de mal avec l’anglais mais j’ai quand même voulu proposer une traduction et vous donne également un lien vers elle. Je vous serais reconnaissant évidemment de me proposer toutes les corrections qui vous paraissent s’imposer. http://clement-dousset.over-blog.com/article-traduction-d-un-article-d-alan-carleton-sur-une-Étude-la-perception-des-odeurs-125666162.html

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Dans l’étude de Carleton, la variable étudiée est d’une part la réaction des neurones du bulbe olfactif des souris à l’inspiration d’un air saturé successivement d’odorants divers quand celles-ci sont anesthésiées et d’autre part la réaction de ces mêmes neurones quand les souris sont éveillées (plus sous l’effet de l’anesthésie). L’idée qu’on puisse rapporter cette étude à la subjectivité humaine comme aux réactions de notre système olfactif cortical vis à vis des diverses odeurs est évidemment discutable. Mais elle a sa pertinence. Ce que montre en tout cas l’expérience de Carleton pour les souris, c’est qu’il y a deux types de réaction selon que les souris sont anesthésiées ou pas et que ces deux types de réaction font apparaître deux types d’encodage. Un qui est instantané et un autre qui est temporel. Ce codage temporel implique que l’activité des neurones va de pair avec la variation périodique d’une intensité du champ magnétique.
On ne peut pas faire subir aux hommes le traitement des souris (traitement cependant conforme à la loi suisse sur la protection des animaux) mais on peut très bien effectuer des mesures de variation d’intensité du champ magnétique quand le sujet est placé dans une situation telle qu’un type de sensation donné soit censé dominer son champ de conscience (odeur, son précis, excitation tactile de telle partie du corps etc .) 
De telles expériences ne se pratiquent pas sans étude préalable. Elles peuvent obéir à un protocole complexe, nécessiter un outillage lourd. Elles sont sans doute coûteuses. Elles impliquent des objectifs de recherche, une certaine conception du mécanisme générateur de conscience qui est celle que j’expose dans mon article sur le modulisme. Tant que cette conception n’éveillera pas l’intérêt de chercheurs en neuroscience, de telles expériences qui ont des chances d’être concluantes ne pourront sans doute pas être pratiquées


Il reste que vous ne pourrez (le verbe "pouvoir" est employé ici au sens d'une impossibilité logique et non pas d'une impossibilité physique) jamais décrire scientifiquement "quel effet cela fait" (pour parler comme Nagel) pour une souris de percevoir telle ou telle odeur. Votre explication scientifique est nécessairement condamnée à s'arrêter à un niveau infra-conscient. Passer de l'infra-conscient au conscient nécessite un saut métaphysique.

J’ai un peu de mal, je l’avoue, à déterminer votre position vis-à-vis de la science. D’une part vous la considérez comme une entreprise animée par l’idéologie scientiste qui vise à une prise de pouvoir. D’autre part comme une source de connaissance échappant à la remise en cause (voir votre « définition » de l’énergie etc.).


Je considère, à l'instar de Wittgenstein ou de Quine par exemple, qu'il appartient aux sciences de la nature (astronomie, physique, chimie, biologie) et à elles seules de nous dire ce qui est réel en décrivant des faits. En ce sens, je leur reconnais le monopole de la vérité et je suis, comme probablement, la plupart des gens aujourd'hui, ontologiquement matérialiste. Mais je leur dénie toute autre valeur que cette seule valeur de vérité. Ce qui est beaucoup et peu à la fois, car, comme le dit Wittgenstein : "à supposer que toutes les questions théoriques possibles soient résolues, les problèmes de notre vie demeurent encore intacts" (Tractatus, 6.52). Les sciences de la nature n'ont, en tout cas, absolument rien à nous dire sur le beau, le juste, l'efficace, le bien, le pertinent, etc. Pas plus sur le conscient et l'inconscient (j'ai développé dans Freud, Métapsychologie et Psychanalyse ce que je pensais de la prétention à la scientificité de la métapsychologie freudienne). Parce que "conscient" et "inconscient" ne sont pas des faits mais des valeurs. De même pour les qualia, c'est-à-dire, littéralement, les expériences qualitatives. Or, il n'y a de fait que quantifiable. Un "fait qualitatif", c'est, au mieux un oxymore, au pire une contradiction : comment fait-on pour évaluer la masse, la durée ou la distance parcourue par une expérience qualitative ? Les sciences de la nature vont, certes, définir ce qu'est la lumière, décrire en quoi consiste la longueur d'onde caractéristique du bleu, expliquer le chemin causal qui mène de la réflection de ladite longueur d'onde sur un certain objet jusqu'à mon aire cérébrale visuelle. Mais il est impossible (encore une fois au sens logique et non physique du terme) pour elles de m'expliquer pourquoi, dans tel tableau de Cézanne intitulé la Montagne Sainte Victoire vue des Lauves (cf. le Bleu en Peinture) la couleur dominante me semble être le bleu alors qu'objectivement les touches de bleu y sont très minoritaires (il y a beaucoup plus de vert, de brun et de gris que de bleu). D'une manière générale, l'effet que cela fait de percevoir telle ou telle sensation, ou bien on considère que c'est une expérience en première personne, subjective, privée et ineffable, auquel cas il n'y a, positivement, rien à en dire, ou bien on considère que c'est, dans une certaine mesure, communicable et objectivable, auquel cas, c'est à la philosophie, à l'art, à la religion, à la psychanalyse, à l'histoire ou aux sciences de l'homme, mais certainement pas aux sciences de la nature, qu'il revient d'en parler. Pascal fait remarquer que :
Pascal a écrit:
la tyrannie est de vouloir avoir par une voie ce qu'on ne peut avoir que par une autre. On rend différents devoirs aux différents mérites : devoir d'amour à l'agrément ; devoir de crainte à la force ; devoir de créance à la science. On doit rendre ces devoirs-là, on est injuste de les refuser, et injuste d'en demander d'autres


Pensées, B332


Supposer les sciences de la nature capables de "résoudre les problèmes de notre vie", pour parler comme Wittgenstein, ne peut donc être, au sens de Pascal, que l'effet "injuste" d'une "tyrannie". D'une "tyrannie" exercée, bien entendu, par et au profit d'un certain ordre social. C'est en cela que consiste le scientisme. 

Vous vous opposez à Dehaene certes, mais pas à ses méthodes

Vous caricaturez. En tout cas, je vous retourne le compliment.

Je ne crois pas que les qualia doivent être laissés hors du champ de la recherche fondamentale. Je veux au contraire que la science s’y intéresse aussi loin qu’elle est apte à s’y intéresser. Entre la philo et la science, je fais plus confiance à la science pour cela

Eh bien moi pas. Pour la énième fois, les sciences de la nature ne peuvent pas décrire une expérience qualitative, sauf à prétendre la quantifier, ce qui est le comble du ridicule !
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