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Volonté de puissance, affects et pulsions

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descriptionVolonté de puissance, affects et pulsions EmptyVolonté de puissance, affects et pulsions

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M'attelant actuellement à l'oeuvre de Nietzsche, j'ai rencontré quelques difficultés dans la compréhension de la volonté de puissance notamment dans son rapport avec les affects et les pulsions.

J'ai cru comprendre que la volonté de puissance existait en tant qu'«agir sur», en tant que relation. Que l'affect, de la même manière était également à consiéderer comme un « agir sur », et que l'interpréter avait de l'existence en tant que processus. Comme si en fin de compte tout était processualité. J'ai aussi cru comprendre que l'affect était un dérivé de la volonté de puissance. Ensuite j'ai cru comprendre que la pulsion et l'affect agissait communément dans le sens de la volonté de puissance.

Bref, toutes ces précisions ont le don de m'embrouiller l'esprit et je m'en retrouve désorienté. D'ailleurs, j'ai bien compris qu'il était insensé de considérer toutes ces notions comme des unités mais qu'il fallait bien au contraire les considérer dans leur multiplicité (les affects, les pulsions, ...).

Néanmoins je nage en pleine confusion car dans cette tentative de compréhension que j'ai essayé de tirer de La philosophie de l'esprit libre (Patrick Wotling), je complétais doucement un puzzle dont le résultat final (la cohérence « systématique » de la pensée nietzschéenne si je puis me permettre) devenait de plus en plus palpable — quoique cette palpabilité apparente puisse bien s'avérer être un énorme piège... Et de ce semblant de compréhension progressive, je suis tombé sur ça:

Patrick Wotling, La philosophie de l'esprit libre (Les passions) - p310 a écrit:
[...] L'affectivité s'avère donc être le mode de communication propre aux pulsions, c'est-à-dire en quelque sorte la langue de la volonté de puissance elle-même.

On retrouve ici une idée capitale que Nietzsche a développée en particulier dans le paragraphe 19 de Par-delà bien et mal, à l'occasion de la critique de la volonté: il faut pouvoir rendre raison de la possibilité d'échanges, c'est-à-dire d'une communication, entre ces processus que sont les pulsions — or, dans l'univers de l'interprétation, il n'y a pas de communication neutre, plus précisément pas de communication qui ne traduise simultanément une situation hiérarchique, une différenciation de rang, sur la base d'une appréciation interprétative des rapports de puissance (donc de domination relative): car les pulsions ne sont pas des subtrats neutres mais bien des affects, c'est-à-dire des petites « âmes », selon l'image dont use ce même paragraphe 19 de Par-delà bien et mal. Et tel nous paraît bien être le sens déterminant de l'idée d'affect: l'activité passionnelle se ramène à une appréciation en termes de maîtrse, ou de contrôle: de maîtrise projetée, envisagée comme possible voire probable, et ce sur la base d'une évaluation des rapports de puissance.


Ce paragraphe a instauré un énorme doute sur ma compréhension. Si les pulsions sont des affects, je ne sais plus quoi penser. J'ai dû louper une épisode...

Un peu plus tôt dans le même livre:

Patrick Wotling, La philosophie de l'esprit libre (Pulsion, instinct et volonté de puissance) - p239 a écrit:
La régulation du vivant est donc fondamentalement une régulation pulsionnelle, et sa vie spirituelle est une traduction interprétative de sa structure pulsionnelle. Ce serait ici le lieu de montrer que Nietzsche étend cette analyse de la vie pulsionnelle à l'ensemble de la réalité, c'est-à-dire la fait passer du monde organique au monde inorganique — et surtout de réfléchir à la manière dont Nietzsche justifie cette extension de l'idée de pulsion et d'instinct à la totalité de la réalité. Tel est le travail qu'entreprend le difficile paragraphe 36 de Par-delà bien et mal: si l'on parvient en effet à montrer qu'il nous est impossible d'accéder à autre chose qu'à de la pulsion, alors la réalité dans son ensemble devra être interprétée comme intégralement processuelle, homogène, et pensée comme un ensemble de processus pulsionnels. Le nom que donne Nietzsche à ces processus pulsionnels en tant qu'ils constituent la réalité est celui de « volonté de puissance ».


Je pense qu'il me manque une sorte de « clef de voûte », qui ferait le lien entre cette volonté de puissance et ses formes dérivées (pulsions, affects, ...). Auriez-vous des précisions à m'apporter ?

Je vous remercie d'avance.

descriptionVolonté de puissance, affects et pulsions EmptyRe: Volonté de puissance, affects et pulsions

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N'ayant guère le loisir de vous orienter précisément dans votre lecture, je me contenterai de vous indiquer très sommairement deux choses.

  • D'abord, l'influence de Darwin, que Nietzsche transpose (à gros traits : la vie veut vivre ; et si la vie veut vivre, la vie est toujours et en même temps interprétation de la vie : tels ont les affects, des interprétations). Ce ne sont pas les pulsions, les affects, l'instinct (peu importe ici) qui dérivent de la volonté de puissance, mais Nietzsche qui dérive la volonté de puissance des pulsions, etc.
  • Ensuite, il est probable que Wotling, sans qu'on puisse dire qu'il surinterprète, force légèrement le trait. Soucieux de montrer la cohérence de l'œuvre nietzschéenne, il prend le risque de faire oublier, chez les lecteurs de Nietzsche, la nouveauté que constituait encore de son vivant l'œuvre de Darwin, dont on reprend souvent les intuitions les plus connues comme des banalités, alors qu'elles imposaient de repenser le monde, de le regarder avec un œil neuf, plus perçant, plus capable de le pénétrer comme du dedans ; lui qui devenait soudain plus profond (pour user d'une métaphore géologique, le "généalogisme" de Nietzsche a quelque chose du forage, du carottage ; c'est une démarche verticale et exploratoire).


Concernant la référence au §19 de Par delà bien et mal (les "petites âmes"), appuyez-vous sur les "petites perceptions" de Leibniz (cf. l'aperception au sens leibnizien du terme), dans sa préface aux Nouveaux Essais sur l'entendement humain (notamment à partir des pages 19-20). Cela vous aidera. Et, peut-être, tout ce qui concerne l'interaction entre le biologique et le culturel, dans le livre d'Henri Atlan, Entre le cristal et la fumée, où il est question de la sélection culturelle.

descriptionVolonté de puissance, affects et pulsions EmptyRe: Volonté de puissance, affects et pulsions

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Excellentes précisions.

Quant à Leibniz, je retiendrais particulièrement ces extraits.

« D'ailleurs, il y a mille marques qui font juger qu'il y a à tout moment une infinité de perceptions en nous, mais sans aperception et sans réflexion, c'est-à-dire des changements dans l'âme même, dont nous ne nous apercevons pas; parce que les impressions sont ou trop petites et en trop grand nombre, ou trop unies, en sorte qu'elles n'ont rien d'assez distinguant à part; mais, jointes à d'autres, elles ne le laissent pas de faire leur effet, et de se faire sentir, au moins confusément, dans l'assemblage. »


« [...] mais ces impressions, qui sont dans l'âme et dans le corps, destituées des attraits de la nouveauté, ne sont pas assez fortes pour s'attirer notre attention et notre mémoire, attachées à des objets plus occupants, cart toute attention demande de la mémoire, et souvent quand nous ne sommes point admonestés, pour ainsi dire, et avertis de prendre garde à quelques-unes de ne nos propres perceptions présentes, nous les laissons passer sans réflexion et même sans être remarquées. »


Et en un dernier passage qui m'a paru intéressant vis-à-vis de mon questionnement inital:
« Et pour juger encore mieux des petites perceptions, que nous ne saurions distinguer dans la foule, j'ai coutume de me servir de l'exemple du mugissement ou du bruit de la mer dont on est frappé quand on est au rivage. Pour entendre ce bruit, comme l'on fait, il faut bien qu'on entende les parties, qui composent ce tout, c'est-à-dire les bruits de chaque vague, quoique chacun de ces petits bruits ne se fasse connaître que dans l'assemblage confus de tous les autres ensemble, c'est-à-dire dans ce mugissement même, et ne se remarquerait pas, si cette vague, qui le fait, était seule. Car il faut qu'on soit affecté un peu par le mouvement de cette vague, et qu'on ait quelque perception de chacun de ces bruits, quelques petits qu'ils soient; autrement on n'aurait pas celle de cent mille vagues, puisque cent mille riens ne sauraient faire quelque chose. »


Je pense pour le moment avoir ingéré suffisamment de matière réflexive. Je vais essayer de ne pas m'égarer dans les milles et une questions suscitées par cette préface. Néanmoins cela m'aide beaucoup, je vous remercie.

Une dernière question me vient sur la volonté de puissance, par rapport à ce que vous m'en avez dit:
Euterpe a écrit:
Ce ne sont pas les pulsions, les affects, l'instinct (peu importe ici) qui dérivent de la volonté de puissance, mais Nietzsche qui dérive la volonté de puissance des pulsions, etc.


Peut-on considérer alors la volonté de puissance comme une sorte de loi originelle et immuable de la vie ? Faut-il également comprendre que ce concept de la volonté de puissance ait été posé comme corrélatif des « quantas » obtenus par la ou les applications de sa méthode généalogique ?

descriptionVolonté de puissance, affects et pulsions EmptyRe: Volonté de puissance, affects et pulsions

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Chrome a écrit:
Peut-on considérer alors la volonté de puissance comme une sorte de loi originelle et immuable de la vie ?

En effet, la volonté de puissance, c'est le « langage » même de la vie (et certainement pas, dans la pensée de Nietzsche, une interprétation de la vie). C'est la traduction nietzschéenne de la vie telle qu'elle s'exprime, telle qu'elle se manifeste. Version nietzschéenne du « struggle for life » darwinien ? Ou bien lecture darwinienne de la volonté de puissance nietzschéenne ? Je laisse la question ouverte.

Chrome a écrit:
Faut-il également comprendre que ce concept de la volonté de puissance ait été posé comme corrélatif des « quantas » obtenus par la ou les applications de sa méthode généalogique ?

Pouvez-vous reformuler votre question, que je ne suis pas sûr de comprendre ?

descriptionVolonté de puissance, affects et pulsions EmptyRe: Volonté de puissance, affects et pulsions

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Euterpe a écrit:
Pouvez-vous reformuler votre question, que je ne suis pas sûr de comprendre ?


Je reformule. Je partais de ceci:
Euterpe a écrit:
[...] mais Nietzsche qui dérive la volonté de puissance des pulsions, etc.


Ainsi ma question était de savoir si cette dérivation avait été posée, dans la pensée nietzschéenne, comme un moyen de concilier ces différentes notions (pulsions, affects, etc) sous un même principe général de fonctionnement ? 

Quand j'écris "obtenus par la ou les applications de sa méthode généalogique" c'est pour insister sur le fait que les pulsions et les affects aient étés« découverts dans les profondeurs » via la méthode généalogique d'analyse de la psyche. Par « quantas » je qualifie les pulsions ou les affects (corrigez-moi si j'ai tord de les considérer ainsi). 

Peut-on dire que la volonté de puissance ait été instaurée de manière inductive car se révelant être une explication commune, satisfaisante, voire nécessaire, aux différents « quantas » que la méthode généalogique ait permis obtenir ?
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