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descriptionDifférence entre utilitarisme et marginalisme? EmptyDifférence entre utilitarisme et marginalisme?

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Bonsoir,
Je cherche la différence entre la thèse utilitariste et le marginalisme (Jevons, John Stuart Mill, Bentham...). De plus, pourquoi parle-t-on de "Révolution" marginaliste? Quelles en sont les grandes caractéristiques? 

Merci beaucoup de votre réponse

descriptionDifférence entre utilitarisme et marginalisme? EmptyRe: Différence entre utilitarisme et marginalisme?

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Bonjour,
Très bonne question, je vais tenter d'y répondre. 



Avant de préciser qu’est-ce que la « révolution » marginaliste, je vais passer par les précurseurs de ce courant. Et, me demander en quel sens sont-ils considérés comme précurseurs ? (Ça va donner une première idée de la chose)
On retrouve comme précurseurs (éloignés) de l’analyse marginaliste : Turgot, Malthus et Ricardo même Karl Marx. Ces auteurs ont un point commun qui est l’introduction de « raisonnements en matière de variations relatives. » (J .M . Albertini/A .Silen, Comprendre les théories économiques). Par exemple Turgot énonce la loi des rendements décroissant de l’agriculture, Malthus et Ricardo énonce la théorie de la rente foncière, enfin Karl Marx pour ces schémas de reproduction.
Néanmoins les précurseurs reconnus par les pairs (notamment par Alfred Marshall et Menger) sont :
J.H. von Thünen (l’état isolé, 1824), Heinrich Gossen (Évolution des lois de la consommation humaine, 1854), Augustin Cournot, Jules Dupuit etc.
Ces précurseurs se caractérisent notamment par l’outil mathématique.
Pour résumer vous avez deux choses à savoir sur ce qui caractérise les précurseurs (et donc les marginalistes) :

  • L’introduction des variations relatives
  • L’outil mathématique

Ensuite, pour répondre plus spécifiquement à la question.
 Notons que l'on désigne souvent (voire très souvent) avec le terme néoclassique à la fois les marginalistes et les néoclassiques. Ces deux courants sont étroitement liés même s’il y a quelques différences.
Pour introduire le courant marginaliste notons la séparation classique/néoclassique.
Denis Clerc a écrit:

« (…) Ricardo, explique Marx, a montré que la valeur de toute marchandise était déterminée in fine par la quantité de travail qu’elle a exigée pour être produite. Or le travail humain est aussi une marchandise : il existe bien un marché du travail. Donc sa valeur est déterminée par le coût en travail des biens et des services dont le travailleur et sa famille ont besoin pour vivre. (…) La thèse fait mouche. Pour en sortir, les libéraux abandonnent alors la valeur-travail et adoptent l’analyse selon laquelle la valeur d’une marchandise dépend de sa rareté et de son utilité : un verre d’eau dans le désert vaut plus cher qu’un diamant aux yeux du voyageur assoiffé parce que son utilité est vitale et qu’il est très rare que l'on en trouve. (…) »

Denis Clerc, Comprendre les économistes.
Les néoclassiques abandonnent la valeur-travail des classiques cependant ils gardent bons nombres des travaux de leurs prédécesseurs.
Les marginalistes, quant à eux, rejettent la théorie néoclassique des trois facteurs de production (la terre, le travail, le capital). C’est notamment Böhm-Bawerk qui va s’intéresser au capital et surtout au rendement obtenu par celui-ci. Ce qui introduit la variable temps pour les intérêts et la notion de dépréciation.
Mais ce qui caractérise vraiment le marginalisme c’est « le calcul à la marge ».
Voir le lien (plus bas) pour plus d’éclaircissement sur le concept de calcul a la marge :
www.cactus.press a écrit:
« C'est-à-dire qu'ils ne raisonnent jamais sur des quantités globales, mais sur des quantités supplémentaires (additionnelles), dites marginales. En effet, ils étudient les calculs à la marge (à l'unité supplémentaire/additionnelle) auxquels se livrent les individus dans la recherche du maximum de satisfaction (consommateur) ou de profit (producteur). Le producteur, par exemple, se demande s'il doit embaucher - ou pas - un travailleur supplémentaire (additionnel) quand il a déjà x travailleurs et non pas combien il doit recruter de travailleurs en tout. »

Voir : http://www.cactus.press/fr/14/4/251/Le-raisonnement-%C3%A0-la-marge.htm
Pour le dire autrement :
Bernard Guerrien et Ozgur Gun a écrit:
« (…) un individu qui cherche à maximiser son utilité en concurrence parfaite choisit un panier de biens tels que le rapport entre l’utilité marginale de chaque bien et son prix soit le même pour tous les biens. (…) »

(Dictionnaire d’analyse économique, Bernard Guerrien et Ozgur Gun).

Pour l’utilitarisme notons que la fonction d'utilité utilisée (utilité marginale) n’a strictement rien à voir. C’est souvent ce parallèle qui induit en erreur.
L’utilitarisme est une éthique contrairement au marginalisme qui est un système d’analyse.
 
La philosophie de A à Z, Hâtier a écrit:
« L’utilitarisme fait de l’utilité le seul critère de la moralité ; une action est bonne dans la mesure où elle contribue au bonheur du plus grand nombre. Mais tandis que pour Bentham, ce bonheur est lié à la quantité des plaisirs, il convient d’insister, selon Stuart Mill, sur la qualité des plaisirs – les plaisirs de l’esprit, par exemple, l’emportant sur les plaisirs du corps. »

(La philosophie de A à Z, Hâtier)
 
Pour la « révolution marginaliste » google est votre ami.

descriptionDifférence entre utilitarisme et marginalisme? EmptyRe: Différence entre utilitarisme et marginalisme?

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Merci beaucoup pour toutes ces précisions! 

Cependant, il me semblait que Jérémy Bentham (école anglaise) était un des précurseurs de la théorie marginaliste.... Est-ce une erreur ? Car dans mes cours de l'université, il est écrit qu'il est un des premiers à avoir énoncé le concept de calcul à la marge, la loi des plaisirs décroissants etc... 

De plus, est-ce que John Stuart Mill est considéré comme un marginaliste heudémoniste? Car dans son Essai sur Bentham, au lieu de remettre en cause son analyse, il la prolonge, en évoquant l'hédonisme, le plaisir, la recherche du bonheur etc...

Merci à vous

descriptionDifférence entre utilitarisme et marginalisme? EmptyRe: Différence entre utilitarisme et marginalisme?

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Pour une lecture critique du marginalisme, cf. cet entretien avec André Orléan, co-auteur du Manifeste des Economistes Atterrés.

PhiPhilo.

descriptionDifférence entre utilitarisme et marginalisme? EmptyRe: Différence entre utilitarisme et marginalisme?

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Oui, effectivement Bentham est un précurseur avec John Stuart Mill ! Dailleurs S. Jevons revendique la filiation dans « Theory of Political Economy »

Je suis loin d’être exhaustif sur la question, il faudrait des pages entières pour reconstituer le jeu de patience. 
C’est l’un des premiers à énoncer « le principe d’utilité », néanmoins il n’en est pas l’inventeur. Bentham reprend le principe d’utilité de Hume dans Enquêtes sur les principes de la morale. Aussi (et surtout) il n’énonce pas le calcul à la marge tel qu’il est mathématisé par les marginalistes.Quand Bentham formule le principe d’utilité, il évoque sous forme d’ « éthique ». Notons (anecdotiquement ou non) que la première génération de l’école marginaliste de Vienne fondée par Carl Menger se tournait vers la psychologie plutôt que les mathématiques pour expliquer l’économie. C’est véritablement la seconde génération (von Wieser, Bhöm-Bawerk) qui va avoir cette ambition (des maths).

Pour revenir à Bentham celui-ci formule :
Works of Jeremy Bentham a écrit:
« Ce que Bacon fut au monde physique, Helvétius le fut au monde moral. Le monde moral a eu Bacon, mais son Newton est encore à venir. »

(Works of Jeremy Bentham).C’est-à-dire que Bentham espérait beaucoup de son principe d’utilité en ce qui qui concerne le monde moral.

Mais qu’est-ce qu’il définit concrètement avec son principe d’utilité ?

Les grands économistes, sous la direction d’Alain Bruno éd. ellipses a écrit:
« Bentham le définit de la façon suivante : « Par principe d’utilité, on entend le principe qui approuve ou désapprouve toute action, quelle qu’elle soit, selon la tendance qu’elle semble avoir à augmenter ou à diminuer le bonheur de la personne dont l’intérêt est en jeu ou, en d’autres termes à promouvoir ce bonheur ou à s’y opposer. Je parle de toute action quelle qu’elle soit, et par conséquent, non seulement toute action d’un individu privé, mais aussi de toute mesure de gouvernement. »(IPML p 11 et 12) »

(Les grands économistes, sous la direction d’Alain Bruno éd. ellipses)

Pour effectuer le calcul des bonnes et des mauvaises actions, Bentham va élaborer trois étapes. La première consiste à « recenser l’ensemble des peines et des plaisirs (…) ». Étape qui ne paraît pas comme ça, mais qui est assez riche. Ensuite la seconde étape consiste à estimer la valeur de chaque peine et de chaque plaisir. Pour ce faire il va introduire des variables telles que l’intensité, la durée, la certitude etc.Pour finir, il tient compte des externalités particulièrement « des plaisirs éprouvés par autrui ». À partir de là, (après tout cet important travail préliminaire effectué), commence le calcul. (Bien entendu, ces quelques lignes ne témoignent pas véritablement de son travail en ce qui concerne le principe d’utilité).

Pour clarifier l’apport de Bentham sur la théorie marginaliste :
Les grands économistes, sous la direction d’Alain Bruno éd. ellipses a écrit:
« Ce calcul qui permet de donner la tendance d’un acte ne livre qu’une valeur théorique. (…) Grâce à Bentham l’utilité est devenue commensurable. On ne peut douter qu’il anticipe ce que sera l’utilité cardinale : l’homo utilitarus est donc père de l’homo oeconomicus. Le principe d’utilité est exclusif puisqu’il n’admet aucun principe concurrent, il est injustifiable par plus fondamental que lui dans la mesure où il justifie tout un ensemble de principes, c’est à la fois un moyen mais également une fin (le plus grand bonheur). (…)    »

(Les grands économistes, sous la direction d’Alain Bruno éd. ellipses)
 
Pour bien marquer la différence entre la fonction d’utilité (qui est toujours utilisé en microéconomie) et le principe d’utilité de Bentham. C’est d’abord que l’utilité est une fonction croissante et elle est caractérisée par deux principes : l’intensité décroissante des besoins et l’hypothèse de non-satiété.Enfin, (et ce n’est pas des moindres), l’utilité cardinale est laissée à l’abandon (pour de bonnes raisons) pour laisser la place à l’utilité ordinale.

Pour conclure (sans être trop long j’espère), il me semble important de souligner qu'il faut différencier marginalisme et libéralisme. L’un n’est pas l’autre. Le marginaliste est une technique d’analyse qui s’est développée aussi en union soviétique (wtf). C’est le néo-classicisme qui va ouvrir la voie aux recherches sur le calcul à la marge et qui va pousser plus loin dans l’idéologie libérale.  Comme le souligne phiphilo, une lecture critique ne fait pas de mal.
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