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Y a-t-il une culture jeune ?

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Vangelis
JimmyB
Zingaro
8 participants

descriptionY a-t-il une culture jeune ?  - Page 9 EmptyRe: Y a-t-il une culture jeune ?

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Zingaro a écrit:
Oui, il y a cela, la limite de cette perspective étant que tous les individus d'une génération ne vivent pas vraiment les mêmes événements hormis ceux globaux comme l'apparition de médias sociaux ; il y a aussi des facteurs géographiques, différentes conditions sociales, etc., qui dessinent les contours de "cultures" et de groupes ne correspondant pas aux âges des individus et qui peuvent être plus déterminants dans la construction des identités. Mais, contre cela, il me semble vrai et vérifiable en effet que de plus en plus d'événements globaux marquent les générations indépendamment de ces facteurs. Cela dit, je ne suis pas certain qu'une conscience en émerge : est-ce que la mobilité des jeunes (surtout ceux issus des classes aisées...) correspond à l'apparition de traits communs et d'une conscience commune (on peut consulter à ce titre les recherches sur le "cosmopolitisme") ? En revanche, je pense que les "vieux", ceux qui perçoivent ces changements de l'extérieur, décèlent l'étrangeté des jeunes par rapport à eux sur de nombreux plans. De l'extérieur, nous verrions une "culture jeune" (ou une "jeune culture") ; de l'intérieur ce ne serait pas le cas.

Évidemment, l'idée de culture générationnelle n'englobe pas tous les facteurs qui façonnent la culture des individus et des groupes. Mais c'est certainement un vecteur de première importance. De plus, ces cultures générationnelles se tissent effectivement autour de grands événements fondateurs ou de grands faits de société. C'est ainsi que l'on parle de la génération 68, de la génération hippie, de la génération Facebook, de la génération de la Guerre, etc. Ces événements créent une sympathie et une compréhension mutuelles.

Les jeunes plongent dans les événements avec une innocence que n'ont pas leurs aînés. Étant plus jeune, je n'aurais jamais eu la pensée que l'essor de l'informatique était alors un fait marquant de ma génération, que cela allait distinguer ma façon de vivre de celle de mes parents. J'étais simplement avide du monde de possibilités que m'offrait cette nouvelle technologie et je ne me questionnais surtout pas sur les conséquences de l'arrivée de cette technologie, ni ne me plaçait dans un quelconque plan de différence par rapport à mes aînés. L'avidité de la jeunesse, sa soif de vivre n'est pas sans être accompagnée d'une certaine cruauté à l'égard de ce que défendent leurs aînés - mais le désir en général n'est-il pas lui-même cruel ? L'aîné a un regard qui est complètement différent sur le jeune: son lien affectif protecteur et responsable fait en sorte qu'il ressent, qu'il voit avec acuité le jeune quitter le monde qu'il a façonné pour lui (monde de valeurs, monde physique, monde culturel, etc.) et devenir de plus en plus étranger à lui.

descriptionY a-t-il une culture jeune ?  - Page 9 EmptyRe: Y a-t-il une culture jeune ?

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Leyland a écrit:
L'idée ici n'est pas de nier l'existence de caractères individuels ou de caractères appartenant à des groupes culturels autre que celui de la culture dite générationnelle, mais seulement d'établir si cette dernière constitue bien un ensemble suffisamment cohérent pour pouvoir être étudié.

Dites-moi si j'ai bien suivi : vous ne parlez pas d'abord des jeunes en tant que tels mais en tant qu'ils constituent une génération donnée à un moment T, laquelle se trouve affectée par un certain nombre d'événements qui forment un trait d'union entre (presque) tous les membres de cette génération. La constitution chaque fois différente d'une culture générationnelle autour d'événements singuliers, s'appuierait sur des traits plus ou moins implicite du jeune : comme sujet social particulièrement malléable, réceptif, en construction, etc.
Je peux concevoir de penser les choses de cette façon dans le cas de l'avènement de l'informatique, mais je vois mal comment cela s'appliquerait à Mai 68 par exemple ? Au contraire il me semble que, comme ceux qui ont fait Mai 68 ont pour la plupart abandonné leurs idées, ces événements se sont "détachés" de leurs auteurs et ont été attribués à la jeunesse en général, participant ainsi de la représentation du jeune (comme rebelle etc.) dans l'imaginaire social sans aboutir sur aucune culture générationnelle à proprement parler (qui reste à définir d'ailleurs ?).

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Zingaro a écrit:
Leyland a écrit:

L'idée ici n'est pas de nier l'existence de caractères individuels ou de caractères appartenant à des groupes culturels autre que celui de la culture dite générationnelle, mais seulement d'établir si cette dernière constitue bien un ensemble suffisamment cohérent pour pouvoir être étudié.

Dites-moi si j'ai bien suivi : vous ne parlez pas d'abord des jeunes en tant que tels mais en tant qu'ils constituent une génération donnée à un moment T, laquelle se trouve affectée par un certain nombre d'événements qui forment un trait d'union entre (presque) tous les membres de cette génération. La constitution chaque fois différente d'une culture générationnelle autour d'événements singuliers, s'appuierait sur des traits plus ou moins implicite du jeune : comme sujet social particulièrement malléable, réceptif, en construction, etc.
Je peux concevoir de penser les choses de cette façon dans le cas de l'avènement de l'informatique, mais je vois mal comment cela s'appliquerait à Mai 68 par exemple ? Au contraire il me semble que, comme ceux qui ont fait Mai 68 ont pour la plupart abandonné leurs idées, ces événements se sont "détachés" de leurs auteurs et ont été attribués à la jeunesse en général, participant ainsi de la représentation du jeune (comme rebelle etc.) dans l'imaginaire social sans aboutir sur aucune culture générationnelle à proprement parler (qui reste à définir d'ailleurs ?).

Je pense que vous m’avez assez bien suivi en ce qui concerne les traits généraux de mon analyse.

En ce qui concerne Mai 68, je ne puis que différer avec vous : quelque chose de durable s’est bien installé lors de ces événements, quelque chose comme, peut-être, l’entrée de la France dans le monde du post-modernisme, et de la culture narcissique qui le caractérise :

« Les soixante-huitards, les Sartre et les Foucault, sous le haut patronage desquels on monta aux barricades et renversa l'autorité des maîtres, se délestèrent dans la joie de ce vieil idéal de la Renaissance: la liberté comme discipline et conquête de soi. Il ne serait plus question d'hériter de quoi que ce soit, ni de la culture, ni du passé. La liberté, trop lourde à porter, trop lente à venir, cédera à l'impatience de l'hédonisme, à l'exaltation de la vie comme énergie brute, nommée "vitalisme" par [Hannah] Arendt. Les patrons de mai 1968 forgèrent une langue nouvelle, un lyrisme du "je" qui encense la libre volonté de l'individu à l'écoute de ses besoins, le jaillissement de la spontanéité créatrice, les désirs obscurs refoulés par la morale et le pouvoir. Il faut alléger le monde de son passé, libérer l'homme de toutes ses chaînes, à commencer par celles que l'éducation traditionnelle imposait à ses pupilles. Mai 1968 a vu apparaître, observe [Alain] Finkielkraut, l'oligarchie de ceux qui n'existent que pour eux-mêmes, pour lesquels la vie devient le seul horizon de la vie. »

- Marc Chevrier, L'empire de l'écran total. Ce que conserver veut dire d'après Alain Finkielkraut, L'Agora, vol. 5, no 4, juillet 1998.

Comprenez bien qu’à mes yeux, la manière anecdotique dont se sont déroulés les événements de mai 68 n’a qu’une importance limitée. Ce qui m’importe, c’est la lame de fond qui a sous-tendu ces événements. Les revendications, la rébellion, les cris de liberté : tout cela est bien joli mais il s’agit de voir quelle est la tendance que toute cette agitation couve. Quant à votre objection Zingaro, à l’effet que les protagonistes de Mai 68 auraient abandonné leurs idées, qu’elles se seraient détachées d’eux, je l’écarte. Pour l’anecdote, cette objection serait recevable. Pour la lame de fond par contre, cet abandon dont vous parlez ne fait que traduire un basculement dans le mode d’expression de la « chose », de la tendance réelle, celle que nous tentons ici d’isoler :

« [...] les soixante-huitards ont fait carrière sur l’apologie débridée de la subversion et de la transgression face à toute forme d’autorité (politique, religieuse, morale, sociale, familiale). Leur drame est d’être aujourd’hui au pouvoir. Ils n’en reviennent pas, partagés entre le contentement et le dégoût de soi (pour les moins cyniques), d’incarner l’ordre bourgeois et moral qu’ils vomissaient. Certes, ils s’habillent "jeune", tentent de parler "branché", de poser en éternels rebelles contestataires et de ne rater aucune mode, mais ce sont des notables confits dans des idées plus vieilles qu’eux. Jouhandeau les imaginait notaires, ils sont plutôt ministres, éditorialistes influents ou patrons de presse. Ils défendent le FMI, la Banque mondiale et l’OTAN. Que leur reste-t-il? La posture. Celle de l’ado révolté et de l’enfant insoumis. [...] Mais ils ont beau singer la modernité, elle s’enfuit devant ces ringards et ne leur laisse que ses bijoux de pacotille. Cours camarade, ton vieux monde est derrière nous… »

- Christian Authier, «68: dépôt de bilan» (dossier, L'Opinion indépendante, Toulouse, Fr.).
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