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L'épanouissement technique aux XVIIIe et XIXe siècles : quelles raisons ?

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Dans La Technique ou l'enjeu du siècle (1960), Jacques Ellul, exposant sommairement l'histoire des techniques en Occident (leur insertion dans les civilisations Grecque, Romaine, Chrétienne puis à la Renaissance), tente d'expliquer l'essor inouï qu'elles connaissent au XVIIIe et XIXe siècles en Angleterre, en France et aux États-Unis en particulier. Il l'explique par la conjonction de cinq facteurs qui n’avaient jusque-là jamais été réunis  :

  • une très longue maturation ou incubation technique, sans à-coups décisifs, avant l'épanouissement ;
  • l'accroissement démographique ;
  • la situation du milieu économique ;
  • une plasticité presque parfaite de la société, malléable et ouverte à la propagation de la technique ;
  • une intention technique claire qui unit toutes les forces à la poursuite de l'objectif technique.


L'objet de cette discussion est de déterminer si cette explication reste pertinente en l'état actuel des connaissances. Il s’agira de mettre à jour les travaux des historiens qui ont permis à Ellul d'y aboutir, de chercher si ces travaux ont été approfondis et de trouver quelles explications sont concurrentes à la sienne.

Avant d’expliciter chaque point, j’invite le lecteur à prendre connaissance de la définition que donne Ellul de la technique, en correspondance avec laquelle la question des raisons de l'épanouissement technique se pose. Cette définition est originale.

Les premières critiques qu'il adresse aux théoriciens de la technique sont sa réduction à la machine d'une part, aux techniques économiques d'autre part. Ceci laisserait dans l'ombre la plus grande part du phénomène.
Si nous voulons approcher plus près d’une définition de la technique, il nous faut en effet séparer l’opération technique et le phénomène technique.
L’opération technique recouvre tout le travail fait avec une certaine méthode pour atteindre un résultat. Et ceci peut être aussi élémentaire que le travail d’éclatement des silex et aussi complexe que la mise au point d’un cerveau électronique.
De toute façon, c’est la méthode qui caractérise ce travail. (...) Toutefois, ce qui va caractériser l’action technique dans le travail, c’est la recherche d’une plus grande efficacité : on remplace l’effort absolument naturel et spontané par une combinaison d’actes destinés à améliorer le rendement, par exemple. C’est cela qui va provoquer la création de formes techniques à partir de formes simples d’activité ; les formes techniques ne sont d’ailleurs pas forcément plus compliquées que les autres, mais plus efficaces, plus adaptées.
Ainsi, à ce moment, la technique crée des moyens, mais l’opération technique se fait au niveau même de celui qui accomplit le travail. L’ouvrier qualifié reste comme le chasseur primitif un opérateur technique, et il est vrai que leur attitude varie assez peu.
Sur ce champ très large de l’opération technique, nous assistons à une double intervention ; celle de la conscience et celle de la raison et cette double intervention produit ce que j’appelle le phénomène technique.
En quoi se caractérise cette double intervention ? Essentiellement elle fait passer dans le domaine des idées claires, volontaires et raisonnées ce qui était du domaine expérimental, inconscient et spontané. (…) La raison conduit à réaliser un objet en fonction de certains traits caractéristiques, de certaines données abstraites : et cela conduit, hors de l’imitation de la nature, sur une voie qui est justement celle de la technique.
L’intervention de la raison dans l’opération technique conduit aux conséquences suivantes : d’une part, la conviction que l’on peut trouver d’autres moyens va paraître, la raison bouscule les traditions pragmatistes et crée des méthodes de travail nouvelles, des outils nouveaux, examine rationnellement les possibilités d’une expérimentation plus étendue, plus mouvante. La raison multiplie par conséquent les opérations techniques avec une grande diversification, mais elle opère aussi en sens inverse : la raison mesure les résultats, elle va tenir compte de ce but précis de la technique qu’est l’efficacité. Elle note ce que chaque moyen inventé est capable de fournir, et parmi les moyens qu’elle met à la disposition de l’opération technique elle fait un choix, une discrimination pour retenir le moyen le plus efficace, le plus adapté au but recherché, et nous aurons alors une réduction des moyens à un seul : celui qui est effectivement le plus efficient. C’est là le visage le plus net de la raison sous son aspect technique.
Mais en outre intervient la prise de conscience. Celle-ci fait apparaître clairement aux yeux de tous les hommes les avantages de la technique et ce que l’on a pu faire grâce à elle dans un domaine particulier. On prend conscience des possibilités. Or ceci a immédiatement pour corollaire que l’on cherche à appliquer les mêmes méthodes et à ouvrir le même champ d’action dans des domaines où le travail est encore laissé au hasard, au pragmatisme et à l’instinct. La prise de conscience produit donc une extension rapide et presque universelle de la technique.
Nous voyons donc que cette double intervention dans le monde technique qui produit le phénomène technique peut se résumer comme « la recherche du meilleur moyen dans tous les domaines ». C’est ce « one best way » qui est à proprement parler le moyen technique et c’est l’accumulation de ces moyens qui donne une civilisation technique.


*

Le phénomène technique, au sens de "la recherche du meilleur moyen dans tous les domaines", prend son élan dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. Chez les Grecs anciens, malgré que la science culmine, la recherche technique aurait été compensée par l'amour de l'équilibre et de l'harmonie (la technique comportant un élément de démesure, de monstruosité). Chez les Romains, c'est en particulier l'économie des moyens et leur subordination à la cohérence de la société qui, malgré que les premières techniques d'organisation y soient inventées - le droit -, ne permettent pas le développement du phénomène technique ("En toutes choses le romain est économe"). Le Christianisme (jusqu'au XIIe siècle) conduit à déconsidérer l'existence ici-bas pour se concentrer sur les finalités dernières, "la cité de Dieu". En outre, quand les positions Chrétiennes s'atténuent, après le XIIe siècle, reste un "grand fait chrétien en face du développement des techniques (...), c’est le jugement moral sur toutes les activités humaines." S'observe, depuis le XIIe jusqu'au XVe siècle, une intensification de l'activité technique (invention et surtout, application). Il y a la boussole, l'imprimerie, la poudre à canon, mais, "à côté de ces grandes inventions [toutes en relation avec la navigation], nous constatons durant cette période une multitude de découvertes et d’applications nouvelles au point de vue de la banque, des armements, des machines, de l’architecture (…), de l’agriculture, du mobilier. Le XVe siècle est, en outre, remarquable par une quantité de manuels techniques, en Allemagne du Sud, en Italie du Nord, écrits au début du siècle, imprimés et diffusés à la fin, et qui manifestent un intérêt collectif pour ces problèmes, une intention technique préoccupant les hommes." "L’on a pu dire que les grands voyages sont une conséquence et non une cause de ce progrès technique." "Mais cet essor s’amortit pendant le XVIe, qui devient de plus en plus pauvre en technique – et cet affaissement se poursuit au XVIIe et au début du XVIIIe siècle." Affaissement dû notamment à l'humanisme, à l'affirmation de la suprématie de l'homme sur les moyens. "Il y a ici un refus permanent de l’homme à se plier à une loi uniforme, même pour son bien. Ce refus se retrouve à cette époque à tous les degrés de la société : de la façon la plus complexe lorsque ce sont les maîtres des finances ou les conseillers au Parlement qui refusent d’entrer dans les techniques nouvelles et univoques de la comptabilité ou de la suprématie législative ; - de la façon la plus sommaire lorsque les paysans refusent les nouveaux modes rationnels de recrutement de l’armée." "Il faut en réalité attendre le XVIIIe siècle pour voir éclater brusquement, dans tous les pays et dans tous les domaines de l’activité, le progrès technique dans toute sa splendeur."

Nous voici à l’aube de la révolution industrielle. "En fait, la révolution industrielle n’est qu’un aspect de la révolution technique."
C’est l’apparition d’un État véritablement conscient de lui-même, autonome, à l’égard de tout ce qui n’est pas la raison d’état, et produit de la révolution française. C’est la création d’une technique militaire précise avec Frédéric II et Napoléon 1er sur le plan stratégique comme sur le plan organisation, ravitaillement, recrutement. C’est le début de la technique économique avec les physiocrates, puis les libéraux.
Sur le terrain de l’administration et de la police, c’est aussi le moment des systèmes rationalisés, des hiérarchies unifiées, des fichiers et rapports réguliers. Il y a, avec Napoléon particulièrement, cette tendance à la mécanisation que nous avons déjà signalée  comme le résultat de l’application technique à un domaine plus ou moins humain.
C’est en même temps l’effort et le regroupement de toutes les énergies nationales ; il ne faut plus d’oisifs (on les met en prison sous la Révolution), il ne faut plus de privilégiés, il ne faut plus d’intérêt particulier : tout doit servir selon les règles de la technique imposée de l’extérieur.
Au point de vue juridique, c’est la grande rationalisation du droit avec les codes Napoléon, l’extinction définitive des sources spontanées du droit, comme la coutume ; l’unification des institutions sous la règle de fer de l’État, la soumission du droit au politique. Et les peuples stupéfaits d’une œuvre si efficace abandonnent dans toute l’Europe, sauf la Grande-Bretagne, leurs systèmes juridiques au profit de l’État.
Et ce grand travail de rationalisation, d’unification, de clarification se poursuit partout, aussi bien dans l’établissement des règles budgétaires et l’organisation fiscale, que dans les poids et mesures ou le tracé des routes. C’est cela, l’œuvre technique. Sous cet angle, on pourrait dire que la technique est la traduction du souci des hommes de maîtriser les choses par la raison. Rendre comptable ce qui est subconscient, quantitatif ce qui est qualitatif, souligner d’un gros trait noir les contours de la lumière projetée dans le tumulte de la nature, porter la main sur ce chaos et y mettre de l’ordre.
Dans l’activité intellectuelle, c’est le même effort. Création de la technique intellectuelle pour l’histoire et la biologie en particulier. (...) Tout cela se situe très loin des "sources d’énergie" [référence à Mumford] ; que l’on ne dise pas, d’autre part, que c’est la transformation mécanique qui a permis le reste. En réalité, l’essor mécanique global provenant de l’usage de l’énergie est postérieur à la plupart de ces techniques. Il semblerait même que ce soit l’ordre inverse et que l’apparition des diverses techniques ait été nécessaire pour que puisse évoluer la machine. Et celle-ci n’a certes pas plus d’influence sur la société que l’organisation de la police par exemple.

Ainsi :
Le grand phénomène n’est pas l’usage du charbon, mais le changement d’attitude de toute une civilisation à l’égard des techniques. Et nous atteignons ici une des questions les plus difficiles : pourquoi, alors que depuis des centaines de siècles le progrès technique est si lent, en un siècle et demi y a-t-il cette brutale efflorescence ? Pourquoi à ce moment historique là, a été possible ce qui ne semblait pas l’être auparavant ? (...) Il est évident, et il faut le dire tout de suite, que la cause dernière nous échappe. Pourquoi les "inventions" ont-elles brusquement jailli de toutes parts dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle ? Voilà une question à laquelle il est impossible de répondre.

C'est ici que nous retrouvons les cinq facteurs exposés au départ du sujet. On remarquera peut-être que la philosophie n'en fait pas partie (cf. les développements de Descartes, par exemple, au sujet d'une nature offerte à la domination et à l'expérimentation de l'homme). C'est qu'Ellul ne confère pas une telle importance aux idées des philosophes de ce temps (il en va cependant autrement pour Marx). "Ils n'ont atteint qu'une petite minorité des Français et une infime élite étrangère ; or le mouvement technique est un mouvement européen." "Plus que la philosophie d'ailleurs, l'optimisme ambiant du XVIIIe siècle créait un climat favorable à cet essor. La crainte du mal s'efface à cette époque. Le progrès des mœurs, l'adoucissement de l'état de guerre, le sentiment croissant de solidarité, un certain charme de la vie doublé par l'amélioration des conditions de vie dans presque toutes les classes (seuls les artisans ont à en souffrir), le développement des belles maisons, en très grand nombre, tout cela contribuait à persuader les Européens qu'il ne pouvait sortir que du bien de l'exploitation des ressources naturelles, de la mise en application des découvertes scientifiques. Cet état d'esprit a créé dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle une sorte de bonne conscience des savants qui consacrèrent leurs recherches à des objectifs pratiques. Ils avaient la conviction que de leurs recherchent sortiraient non seulement le bonheur mais la justice. Là prend son point de départ le mythe du progrès. Il est évident que ce climat était remarquable pour le développement technique, mais, à soi seul, insuffisant." "Je crois que la transformation de la civilisation s'explique par la conjonction, au même moment, de cinq phénomènes : l'aboutissement d'une longue expérience technique, l'accroissement démographique, l'aptitude du milieu économique, la plasticité du milieu social intérieur, l'apparition d'une intention technique claire."

La maturation technique
Le premier fait n'est pas à négliger : chaque application technique moderne a eu des ancêtres.
L'intérêt de travaux comme ceux de Vierendeel ou de M. Mumford est de montrer cette préparation. Chaque invention a sa racine dans une période technique précédente, et chaque période porte en elle "le résidu insignifiant autant que les survivances valables des technologies passées, et les germes importants des nouvelles". Ce qui apparaît alors comme essentiellement nouveau, c'est la formation d'un "complexe technique". Celui-ci est formé d'après Mumford de séries d'inventions parcellaires se combinant pour former un ensemble, en activité à partir moment où le plus grand nombre de ses parties sont assemblées, et qui a pour tendance de se perfectionner sans cesse. Ainsi, dans cette longue période de 1000 à 1750 environ, il y a eu tout un travail très lent, sans conséquences immédiates, mais qui accumulait en quelque sorte des matériaux dans tous les domaines où il n'y a eu qu'à puiser pour que le miracle technique s'accomplisse. Cette filiation a été particulièrement mise en lumière par Vierendeel ; de même M. Wiener souligne : "il est intéressant de réfléchir sur le fait que chaque outil possède une généalogie et qu'il est issu des outils qui ont servi à le construire." Cette somme gigantesque d'expériences, d'appareils, de recherches a été brusquement utilisée, au terme de cette évolution qui s'est poursuivie à peu près dix siècles sans catastrophe sociale. Cette continuité a certainement joué un grand rôle, car il n'a pas été nécessaire de faire passer le legs technique d'une civilisation à une autre, opération pendant laquelle il se perd toujours une partie des expériences et surtout une partie des forces sociales qui s'appliquent à autre chose qu'à l'invention technique. Or cette continuité se retrouve ans tous les domaines de la technique, aussi bien pour les finances que pour les transports. Si le progrès technique n'apparaît pas à ce moment, c'est que le milieu social n'est absolument pas favorable. Il se fait alors souterrain, mais il se perpétue même pendant des siècles de sommeil, comme le XVIIe. Il fallait cette longue préparation comme support, comme soubassement de la construction qui s'élèvera au XIXe siècle.

L'accroissement démographique
Mais un autre facteur matériel était également nécessaire : l'expansion démographique. Là encore, nous nous trouvons en présence d'un problème bien connu. Depuis deux décennies, les études de démographie, par rapport au développement de la civilisation, ont parfaitement expliqué les relations entre la technique et la population : l'accroissement de celle-ci entraînait un accroissement des besoins qui ne pouvaient être satisfaits que par le développement technique. Et en considérant les choses sous un autre angle, la progression démographique offrait un terrain favorable à la recherche et à l'expansion technique, en fournissant non seulement le marché mais le matériel humain nécessaire.

L'aptitude du milieu économique
La troisième condition est bien mise en lumière par M. Vincent. Pour qu'il y ait progrès technique, le milieu économique doit présenter deux caractères contradictoires : il doit être à la fois stable et en changement. La stabilité concerne les bases de la vie économique, de façon que la recherche primaire technique puisse s'attacher à des objets et des situations bien définies. Mais en même temps, ce milieu économique doit être apte à de grands changements, de façon que les interventions techniques aient la possibilité de s'insérer dans le concret, et que la recherche soit stimulée, alors que la rigidité économique entraîne une régularité d'habitudes qui émousse la faculté d'invention. Or, si nous nous référons aux études sur l'économie de la seconde moitié du XVIIIe siècle, nous constatons qu'elle présentait exactement ces deux caractères contradictoires. Mais, étant donné que tout cela est bien connu, je me contenterai de m'attarder sur les deux autres facteurs habituellement négligés.

La plasticité du milieu social
Car la quatrième condition est peut-être la plus décisive : la plasticité du milieu social qui implique deux faits : la disparition des tabous sociaux et la disparition des groupes sociaux naturels.
Le premier fait se présente sous des formes très diverses selon les sociétés ; dans la civilisation occidentale du XVIIIe siècle, on pouvait en représenter deux grandes catégories : les tabous issus du Christianisme et les tabous sociologiques. Aux premiers se rattachent toutes les idées religieuses et morales, les jugements sur l'activité, la conception de l'homme, les buts proposés à la vie humaine. Nous avons déjà vu que cela s'opposait en fait et en théorie au développement de la technique. Mais lorsque la foi se transforme en préjugé et en idéologie, lorsque l'expérience religieuse personnelle se transforme en institution sociale, alors un durcissement des positions morales se produit qui correspond à la création de véritables tabous. Il ne faut pas toucher à l'ordre naturel et tout ce qui est nouveau est soumis à un jugement d'ordre moral, qui est un préjugé défavorable en réalité. C'est la mentalité populaire créée par le Christianisme au XVIIe siècle en particulier. - A côté, les tabous sociologiques et en particulier la conviction qu'il existe une hiérarchie naturelle, que rien ne peut modifier. La situation de la noblesse et du clergé, et celle du roi surtout, ne peuvent être remises en question. Lorsque l'on commence à le faire au milieu du XVIIIe siècle, on a l'impression de commettre un sacrilège, et la stupeur qui accompagne la mise à mort de Louis XVI est une stupeur religieuse : en réalité le régicide apparaît comme un déicide. Or cette constitution sociale crue et reconnue inconsciemment par tous comme seule possible est un obstacle à la technique : celle-ci est fondamentalement sacrilège, comme nous le verrons. La hiérarchie naturelle fait que l'on ne peut pas s'intéresser à ces arts mécaniques, n'apportant de commodités que pour les classes inférieures. Celles-ci croyant à la hiérarchie naturelle ne sauraient être que soumises et passives ; elles ne cherchent pas à améliorer leur sort. L'important ici n'est pas la réalité des faits : ce n'est pas l'existence de cette hiérarchie, mais la croyance à son caractère naturel et sacré, croyance qui est obstacle à la technique.
La structure même de la société par groupes naturels est aussi un obstacle : les familles sont fortement organisées, les corporations et les groupes d'intérêt collectif, comme Université, Parlement, Confréries et Hôpitaux, sont très individualisés et autonomes. Cela veut dire que l'individu trouve son moyen de vivre, sa protection, sa sécurité, et ses satisfactions intellectuelles ou morales dans des collectivités suffisamment fortes pour répondre à tous ses besoins et suffisamment étroites pour qu'il ne s'y sente pas noyé et perdu. Or ceci suffit à satisfaire l'homme moyen qui n'ira pas chercher la satisfaction de besoins imaginaires alors qu'il a une situation assez stable. Il est réfractaire aux innovations dans la mesure où il vit dans un milieu équilibré, même s'il est matériellement pauvre. Ce fait, qui éclate dans les trente siècles d'histoire que nous connaissons, est méconnu de l'homme moderne qui ignore ce qu'est un milieu social équilibré et le bien que l'on peut en recevoir.
L'homme ressent moins la nécessité de changer sa condition, mais, en outre, l'existence de ces groupes naturels est aussi un obstacle à la propagation de l'invention technique. Il est bien connu, pour les peuples primitifs, que l'invention technique se répand dans certaines aires géographiques selon les liens sociaux à l'intérieur des groupes, mais la diffusion extérieure, le passage d'une frontière sociologique est extrêmement difficile. Ce phénomène subsiste dans toute la société : le fractionnement en groupes fortement constitués est un obstacle à la propagation des inventions. Il en est ainsi dans les corporations. D'ailleurs celles-ci agissaient non seulement spontanément et comme groupe sociologique, mais encore de façon tout à fait volontaire et par leur règlementation. Mais c'est aussi vrai des groupes religieux : par exemple les secrets de fabrication jalousement gardés par les protestants en France au XVIIe siècle. Toute la technique est freinée par ces fractionnements sociaux. Or, on constate la disparition de tous ces obstacles de façon très brutale et simultanée au moment de la Révolution de 1789.
La disparition des tabous religieux et sociologiques correspond à des faits : création de nouvelles religions, affirmation du matérialisme philosophique, suppression des hiérarchies, régicides, lutte contre le clergé. Ces faits agissent puissamment sur la conscience populaire et contribuent à faire effondrer en elle la croyance en ces tabous. Or, au même moment, - et c'est le second événement indiqué plus haut, - nous assistons à la lutte systématique contre tous les groupes naturels sous le couvert de la défense de l'individu ; lutte contre les corporations, contre les communes et le fédéralisme (les Girondins), lutte contre les ordres religieux, lutte contre les libertés parlementaires, universitaires, hospitalières : il n'y a pas de liberté des groupes, mais seulement de l'individu isolé. Mais lutte aussi contre la famille : il est certain que la législation révolutionnaire a provoqué la destruction de la famille, déjà fortement ébranlée par la philosophie et les ardeurs du XVIIIe siècle. Les lois sur le divorce, sur les successions, sur l'autorité paternelle sont ruineuses pour le groupe au profit de l'individu. Malgré tous les retours en arrière, le travail fait ne pourra être réparé. En réalité, nous avons une société atomisée et qui s'atomisera de plus en plus : l'individu reste la seule grandeur sociologique, mais on s'aperçoit que bien loin de lui assurer sa liberté, cela provoque le pire des esclavages.
Cette atomisation confère à la société la plus grande plasticité possible. Et ceci est aussi, du point de vue positif, une condition décisive de la technique : c'est en effet la rupture des groupes sociaux qui permettra les énormes déplacements d'hommes au début du XIXe siècle qui assurent la concentration humaine qu'exige la technique moderne. Arracher l'homme à son milieu, à la campagne, à ses relations, à sa famille, pour l'entasser dans les cités qui n'ont pas encore grandi à la mesure nécessaire, accumuler des milliers d'hommes dans des logements impossibles, dans des lieux de travail insalubre, créer de toutes pièces dans une condition humaine nouvelle un milieu nouveau (on oublie trop souvent que la condition prolétarienne est une création du machinisme industriel), tout cela n'est possible que lorsque l'homme n'est plus qu'un élément rigoureusement isolé ; lorsqu'il n'y a littéralement plus de milieu, de famille de groupe qui puisse résister à la pression du pouvoir économique, avec sa séduction et sa contrainte ; lorsqu'il n'y a déjà presque plus de style de vie propre : le paysan est contraint de quitter sa campagne parce que sa vie y a été détruite.
Voilà l'influence de la plasticité sociale. Sans elle, pas d'évolution technique possible. Dans cette société atomisée, en face de l'individu, il n'y a plus que l'État, qui est fatalement l'autorité suprême, et qui se change aussi bien en autorité toute puissante. Ceci nous donne une société parfaitement malléable et d'une ductilité remarquable au point de vue intellectuel comme au point de vue matériel. Le phénomène technique y a son milieu le plus favorable depuis le début de l'histoire humaine.

L'intention technique
Or, en même temps, coïncidence historique (fortuite ou non, ceci nous dépasse), s'éveille ce que nous avons appelé l'intention technique claire. Dans toutes les autres civilisations, il y a eu un mouvement technique, il y a eu un travail plus ou moins profond dans ce sens, mais on trouve rarement une intention de masse, clairement reconnue et orientant délibérément dans le sens de la technique la société entière.
De 1750 à 1850, "l'invention fait partie du cours normal de la vie. Chacun invente, tout possesseur d'entreprise songe aux moyens de fabriquer plus vite, plus économiquement. Le travail se fait inconsciemment et anonymement. Nulle part et jamais le nombre d'inventions "per capita" n'a été aussi grand qu'aux Etats-Unis dans les années 60" (Giedion).
Peut-être un phénomène semblable s'est-il rencontré aux temps préhistoriques, où par la nécessité le primat technique s'imposait. (...) Mais nous ne rencontrons presque jamais ce qui forme la caractéristique de ce temps : la vue précise des possibilités de la technique, la volonté d'atteindre ses buts, l'application à tous les domaines, l'adhésion de tous à l'évidence de cet objectif. C'est cela qui constitue l'intention technique claire.
D'où vient-elle ? Il est évident qu'un très grand nombre de causes se sont mêlées pour la produire. C'est ici que l'on peut accepter l'influence de la philosophie du XVIIIe siècle renforcée par celle de Hegel puis celle de Marx. Mais il y a eu bien d'autres facteurs, au moins aussi importants. Ce qui en réalité a provoqué ce mouvement général en faveur de la technique, c'est l'intérêt. (...) L'intérêt est le grand mobile de la conscience technique, mais non pas forcément l'intérêt capitaliste ou intérêt d'argent.
Intérêt de l'État d'abord, qui devient conscient à l'époque révolutionnaire. L'État développe la technique industrielle et politique, puis, avec Napoléon, la technique militaire et juridique parce qu'il y trouve un facteur de puissance contre les ennemis du dedans et ceux du dehors. Il protégera alors "les arts et les sciences" (en réalité les techniques), non par grandeur d'âme ou par intérêt pour la civilisation, mais par instinct de puissance.
Après l'État, ce fût la bourgeoisie qui découvrit ce que l'on pouvait tirer d'une technique consciencieusement développée. A la vérité, la bourgeoisie avait été toujours plus ou moins mêlée à la technique. C'est elle qui avait été l'initiatrice des premières techniques financières, puis de l'État moderne. Mais au début du XIXe siècle, elle aperçoit la possibilité de tirer un énorme profit de ce système. D'autant plus que favorisée par l'écrasement "de la morale et de la religion", la bourgeoisie se sent, malgré les paravents idéalistes qu'elle affirme, libre d'exploiter l'homme ; en d'autres termes, elle fait passer les intérêts de la technique, qui se confondent avec les siens propres, avant ceux des hommes qu'il est bien nécessaire de sacrifier pour que la technique progresse. C'est parce que la bourgeoisie gagne de l'argent grâce à la technique que celle-ci devient un de ses objectifs. (...).
Seulement cet intérêt de ma bourgeoisie n'est pas suffisant pour entraîner toute une société. On le voit bien aux réactions populaires contre le progrès. Encore en 1848 l'une des revendications ouvrières est la suppression du machinisme. (...).
Deux faits vont alors jouer pour transformer cette situation, qui est celle du milieu du XIXe siècle. D'une part, il y a K. Marx qui, lui, réhabilite la technique aux yeux des ouvriers. Ce qu'il annonce, c'est que la technique est libératrice. Ceux qui l'utilisent sont les esclavagistes. L'ouvrier n'est pas victime de la technique, mais de ses maîtres.
Il est le premier (non pas à avoir dit) à avoir fait pénétrer cette idée dans les masses. (...) Cette réconciliation de la technique et des masses, œuvre de K. Marx, est décisive dans l'histoire du monde. Mais elle eût été insuffisante pour aboutir à cette conscience de l'objectif technique, à ce "consensus omnium" si elle n'était arrivée juste au moment où ce que l'on appelle les bienfaits de la technique ne s'étaient aussi répandus dans le peuple. Commodités de vie, diminution progressive de la durée du travail, facilités pour les transports et la médecine, possibilités de faire fortune (les Etats-Unis, les colonies), amélioration de l'habitat. Malgré la lenteur de ses progrès, il se produit de 1850 à 1915 un bouleversement prodigieux qui convainct tout le monde de l'excellence de ce mouvement technique qui produit tant de merveilles et qui, en même temps, change la vie des hommes. Et tout cela, Marx l'explique, promet encore mieux, montre la voie à suivre : le fait et l'idée sont pour une fois d'accord. Comment l'opinion pourrait-elle résister ? A ce moment, par intérêt personnel aussi (l'idéal du confort...), les masses adhèrent à la technique ; ainsi l'ensemble de la société est converti. Il est formé une volonté commune d'exploiter au maximum les possibilités de la technique.
Des intérêts divergents (État et individus, bourgeoisie et classe ouvrière) convergent et se réunissent pour glorifier la technique.


*

J'ai extrait ces citations de l'édition ECONOMICA, 1990 (réimpression en 2008). La définition de la technique (ou "première approximation") va des pages 16 à 17. Le "Déroulement", d'où proviennent la majorité des citations : pp. 20 - 55. A l'intérieur de ce chapitre, la sous-partie "Grèce" (25-26) comprend des allusions à Abel Rey ("La science grecque, vol. IV, Science technique, Albin Michel, 1947-1951) ainsi qu'à J. Walter, sans plus de précision (rien dans la bibliographie et je ne trouve pour le moment rien sur le net). La sous-partie "Rome" (pp. 27-29) ne comprend aucune référence. Celle "Christianisme et technique" (29-35) ne donne pas ses références, mais, dans la réédition, dans une note en bas de page où il rectifie une partie de ce qu'il avait écrit en 1960, Ellul fait référence à Lynn White (Medieval technology and social change, 1962 ? La bibliographie ne semble pas avoir été complétée dans la réédition), B. Gille (Esprit et civilisation techniques au Moyen âge, 1952 ? La bibliographie précise seulement "cf. Invention) et Braudel (pas de précisions). La partie "XVIe siècle" (35-39) fait référence à Wiener (la bibliographie : Cybernetics, New York, 1948, mais ceci ne semble pas correspondre). Quant à "la révolution industrielle" (39-55), nous trouvons Mumford (Technique et civilisation, 1950 ; The culture of cities, 1938), encore Wiener, Taton (Histoire générale des sciences, II, 1958), Giedion (Mecanization Takes Command, 1948).

Pour ce qui concerne les cinq facteurs favorisant l'épanouissement technique (pp. 44-55) :
- la maturation technique : Vierendeel (Esquisse d'une histoire de la technique, 1921), Mumford, Wiener, M. Morazé dont provient le terme d'incubation collective (Essai sur la civilisation d'Occident, 1951).
- pas de références pour la démographie qui semble bien connue ; je ne sais malheureusement pas à quels travaux il fait référence.
- le milieu économique : M. Vincent (la bibliographie indique : Le progrès technique en France depuis cent ans, 1944 ; Initiation à la conjoncture économique, 1947 ; je ne sais duquel il s'agit).
- la plasticité du milieu social : aucune référence. La thèse étant originale, ce n'est pas étonnant ; cependant, il doit bien y avoir un ensemble de travaux à partir desquels retrouver ce thème.
- l'intention technique : Giedion.

Pour ce qui concerne les explications concurrentes, il y a bien sûr Mumford, mais celui-ci est pour ainsi dire disqualifié dans les développements d'Ellul ; il s'agit plutôt de travaux postérieurs à ceux d'Ellul, qui éventuellement repartent des siens. Ma connaissance des apports significatifs postérieurs se limite à peu près à Andrew Feenberg et Bruno Latour, mais chez le premier je n'ai pas trouvé à proprement parler d'histoire de la technique, encore moins de réponses à la question dont il s'agit ici. Le second, je lis encore, mais n'ai pas l'impression non plus qu'il s'attarde sur l'histoire des techniques. Par ailleurs, se trouvent dans Le système technicien de nombreuses références à Maurice Daumas (Histoire générale des techniques, en 5 volumes semble-t-il), mais il n'est pas précisé si ces ouvrages éclairent d'avantage les facteurs en question.

descriptionL'épanouissement technique aux XVIIIe et XIXe siècles : quelles raisons ? EmptyRe: L'épanouissement technique aux XVIIIe et XIXe siècles : quelles raisons ?

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Zingaro a écrit:
Avant d’expliciter chaque point, j’invite le lecteur à prendre connaissance de la définition que donne Ellul de la technique

Mieux vaut respecter la terminologie ellulienne, et parler dans un premier temps de phénomène technique (sa première conception, élaborée entre 1946 et 1954), puis de système technicien (sa deuxième conception, élaborée dans les années 70) ; la deuxième conception correspondant à un perfectionnement conceptuel de la première. J'ai résumé et expliqué tout ça dans les deux topics suivants il y a quatre ans :

  • http://www.forumdephilosophie.com/t274-la-premiere-conception-ellulienne-de-la-technique-le-phenomene-technique
  • http://www.forumdephilosophie.com/t275-la-deuxieme-conception-ellulienne-de-la-technique-le-systeme-technicien


Zingaro a écrit:
L'objet de cette discussion est de déterminer si cette explication reste pertinente en l'état actuel des connaissances.

L'explication est factuellement contestable (cf. par exemple Alfred Sauvy, La machine et le chômage ; mais l'époque romaine abonde en exemples de refus explicites adressés à des ingénieurs dont les projets, trop perfectionnés techniquement, sont refusés au motif que la plèbe serait dangereusement privée de sources de revenus), mais cela n'enlève rien à la pertinence de l'œuvre d'Ellul, au moins d'un point de vue global, dans la mesure où il propose une vraie lecture de l'histoire, i. e. un moyen essentiel de comprendre le monde contemporain.

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Concernant l'antiquité Zingaro, je vous recommande également, de Moses I. Finley, Économie et société en Grèce ancienne, le chapitre 9 : "Innovation technique et progrès économique dans le monde ancien", p. 234-262.

Vous pouvez également le lire en anglais : The Ancient Economy.

Dernière édition par Euterpe le Mar 26 Juil 2016 - 19:25, édité 1 fois

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Merci Euterpe. Pour le moment, plus intrigué par "la plasticité sociale" et "l'intention technique claire", je me suis tourné vers Alexis de Tocqueville (L'Ancien Régime et la Révolution), qui est d'une aide précieuse. D'autre part, je vais reprendre aussi L'histoire des institutions de Jacques Ellul, mais ces tomes ne sont pas simples à se procurer.
Tocqueville a écrit:
Au milieu des ténèbres de l’avenir on peut déjà découvrir trois vérités très claires. La première est que tous les hommes de nos jours sont entraînés par une force inconnue qu’on peut espérer régler et ralentir, mais non vaincre, qui les pousse tantôt doucement et tantôt les précipite vers la destruction de l’aristocratie ; la seconde, que, parmi toutes les sociétés du monde, celles qui auront toujours le plus de peine à échapper pendant longtemps au gouvernement absolu seront précisément ces sociétés où l’aristocratie n’est plus et ne peut plus être ; la troisième enfin, que nulle part le despotisme ne doit produire des effets plus pernicieux que dans ces sociétés-là ; car plus qu’aucune autre sorte de gouvernement il y favorise le développement de tous les vices auxquels ces sociétés sont spécialement sujettes, et les pousse ainsi du côté même où, suivant une inclinaison naturelle, elles penchaient déjà.
Les hommes n’y étant plus rattachés les uns aux autres par aucun lien de castes, de classes, de corporations, de familles, n’y sont que trop enclins à ne se préoccuper que de leurs intérêts particuliers, toujours trop portés à n’envisager qu’eux-mêmes et à se retirer dans un individualisme étroit où toute vertu publique est étouffée. Le despotisme, loin de lutter contre cette tendance, la rend irrésistible, car il retire aux citoyens toute passion commune, tout besoin mutuel, toute nécessité de s’entendre, toute occasion d’agir ensemble ; il les mure, pour ainsi dire, dans la vie privée.
(4ème édition de l'Ancien Régime et la Révolution, décembre 1858, p.93 aux éditions Flammarion, 1988, Paris.)

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L'atomisation de la société (approximativement : plasticité sociale) comme creuset du "tout technique" (intention technique claire) ? Est-ce bien l'hypothèse que vous souhaitez explorer ?
Si c'est le cas, ne négligez pas les prodromes historiques de la "classe ouvrière", qui offre de nouveaux liens ; ni la prise de conscience progressive (de Victor Hugo à Jean Jaurès, en passant par Karl Marx, on en trouve beaucoup) qu'on peut identifier comme la volonté de donner des moyens à la classe ouvrière de se penser comme une classe, peut-être même comme une totalité organique (voire mystique - millénarisme, utopisme, idéologisme...).
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