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Rome, la vie en société

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En lisant les lettres à Lucilius de Sénèque, je suis tombé sur une annotation qui m'a interpellé :
Sénèque a écrit:
La philosophie promet avant tout le bon sens, l'amour de l'humain, la solidarité ; nous nous écarterions de cet idéal si nous cherchions à nous différencier des autres.


Si le sens du propos de Sénèque ne pose pas de problème en lui-même, le mot solidarité fait l'objet d'un renvoi de bas de page :
En latin, sensus communis, humanitas congregatio, trois valeurs romaines au fondement même de toute vie en société

C'est ce renvoi qui me pose problème.

D'une part, je ne suis pas latiniste. Ensuite, en quoi la solidarité est fondatrice à Rome ?

L'unité du corps civique se forge, notamment en réaction à Hannibal, mais reste un sentiment somme toute très aristocratique. La division entre patriciens et plébéiens reste forte et ira crescendo jusqu'à la faillite de ce régime.

A l'époque de Sénèque, il est question d'une romanisation dans un Empire qui se constitue comme tel. J'ai surtout le sentiment qu'il est question d'une transposition de l'idéal stoïcien d'universalité à la réalité romaine. La note semble faire de l'histoire romaine un seul et unique ensemble, fondé sur les mêmes valeurs. C'est nier certains des épisodes les plus fameux de son histoire (Caton l'ancien, les Gracques, Sylla...).

A priori (mes connaissances ne m'autorisent pas un jugement plus tranché) Rome se fonde, évolue sur ces oppositions (certains parlent de lutte des classes, Veyne est ravi  Rome, la vie en société 277638789). Je vois mal en quoi la solidarité intervient et j'espère avoir réussi à expliciter au mieux mon embarras.

Ps : j’espère avoir convenablement placé le sujet, dans le cas contraire, je m'en excuse.

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Vous posez une question difficile. Au début j'ai essayé de chercher la solution chez le christianisme, mais je crois qu'il ne devenait la religion de l'État qu'au quatrième siècle.

Je pense que tout le monde utilise ce mot 'solidarité' sans réaliser la définition du mot. On peut aussi dire que les socialistes ont solidarité, mais il y a des luttes chez les socialistes aussi, néanmoins entre les socialistes et l'élite.

Peut-être il renvoie à la philosophie grecque qui était exercée chez les Romains ?

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Voici le texte de la traduction Baillard :

Sénèque, Lettre V, De la philosophie d'ostentation et de la vraie philosophie a écrit:
Mais écoute un avis : n’imite point ces hommes moins curieux de faire des progrès que du bruit ; que rien dans ton extérieur ou ton genre de vie n’appelle sur toi les yeux. Étaler une mise repoussante, une chevelure en désordre, une barbe négligée, déclarer la guerre à l’argenterie, établir son lit sur la dure, courir enfin après un nom par les voies les moins naturelles, fuis tout cela. Ce titre de philosophe, si modestement qu’on le porte, est bien assez impopulaire ; que sera-ce si nos habitudes nous retranchent tout d’abord du reste des hommes ? Je veux au dedans dissemblance complète : au dehors soyons comme tout le monde. Point de toge brillante, ni sordide non plus. Sans posséder d’argenterie où l’or massif serpente en ciselure, ne croyons pas que ce soit preuve de frugalité que de n’avoir ni or ni argent chez soi. Ayons des façons d’être meilleures que celles de la foule, mais non pas tout autres ; sinon, nous allons faire fuir et nous aliéner ceux que nous prétendons réformer. Nous serons cause en outre que nos partisans ne voudront nous imiter en rien, de peur d’avoir à nous imiter en tout. La philosophie a pour principe et pour drapeau le sens commun, l’amour de nos semblables ; nous démentirons cette devise si nous faisons divorce avec les humains. Prenons garde, en cherchant l’admiration, de tomber dans le ridicule et l’odieux. N’est-il pas vrai que notre but est de vivre selon la nature ? Or il est contre la nature de s’imposer des tortures physiques, d’avoir horreur de la plus simple toilette, d’affectionner la malpropreté et des mets, non-seulement grossiers, mais qui répugnent au goût et à la vue.

Le texte latin :
Hoc primum philosophia promittit, sensum communem, humanitatem et congregationem ; a qua professione dissimilitudo nos separabit.

Le choix de l'adjectif semblable permet probablement au traducteur de ramasser dans une formule plus dense qu'elle ne le serait en français s'il avait repris l'énumération telle quelle, les trois principes auxquels Sénèque affirme que le philosophe doit se soumettre. Je ne crois pas qu'on puisse accepter de traduire sensum par "bon sens", parce qu'il a ici une signification morale (le sentiment d'humanité, la disposition à aimer, cf. le Gaffiot, p. 1423, 4° : http://www.lexilogos.com/latin/gaffiot.php?q=sensus ). Congregatio, onis, renvoie ici à la sociabilité (cf. le Gaffiot, p. 392, 2° : http://www.lexilogos.com/latin/gaffiot.php?q=congrega ). Bref, Sénèque déconseille à Lucilius de jouer au philosophe grec, lequel se reconnaissait facilement dans les rues de Rome à ses airs de clochard misanthrope et cynique, "antisocial" et "altermondialiste" avant l'heure, débitant ses leçons avec des airs de prosélyte, etc. Les Romains se méfiaient beaucoup des Grecs. Ils goûtaient peu les spéculations philosophiques ; le philosophe "à la romaine" évite les procès, d'autant plus qu'il est rémunéré par l'empire et que les Néron et les Domitien sont susceptibles, non sans raisons, à l'endroit d'intellectuels qui n'ont pas pour fonction d'être des laudateurs serviles, ce qui signifie qu'on les dispense de se montrer de méprisables contempteurs ; le philosophe "à la romaine" est mondain (cf. monde), il doit accepter de manger des petits fours dans les cocktails dînatoires sans s'infliger des séances d'autoflagellation et de contrition. Philanthrope, oui ; anachorète, non - cénobitophile, non plus.

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Les éditions « Mille et une Nuits » font l’économie d’une grosse partie du texte. Je déconseille vivement !

Depuis la déclaration de Corinthe par Flamininus en 196 av. J-C, Rome a une ronce dans la main et une épine dans le pied : la Grèce. Quant à la perception de la philosophie par les Romains, la prudence d’un Cicéron prouve combien il fut un fin analyste de son temps. J'en profite pour citer Strauss, ce qui ne fait jamais de mal.

Strauss a écrit:
Sa tâche, telle qu'il (Cicéron) se la représentait, était d'introduire la philosophie à Rome. Il entendait par philosophie, non pas les enseignements dogmatiques de telle ou telle école particulière, mais un mode de vie. Cette tâche n'était pas aisée. La philosophie a toujours été considérée avec "soupçon et répugnance" par la majorité des hommes, et en particulier par ceux dont le goût les porte davantage vers le côté pratique que vers le côté théorique des choses. Elle est particulièrement suspecte si on tient compte de ses origines étrangères. Histoire de la philosophie politique, p. 170.

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Je vous recommande également, de Pierre Grimal, Les mémoires de T. Pomponius Atticus.
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