NOU-JE a écrit:
L'impératif catégorique est-il comparable au Surmoi ?

NOU-JE a écrit:
Petit extrait :
Freud, Malaise dans la civilisation a écrit:
Le surmoi est une instance inférée par nous, la conscience morale une fonction que nous lui attribuons à côté d'autres, ayant à surveiller et juger les actions et les visées du moi, exerçant une activité de censure.
Le sentiment de culpabilité, la dureté du surmoi, est donc la même chose que la sévérité de la conscience morale




Si vous lisez attentivement la Critique de la raison pratique, vous verrez que Kant évacue la question psychologique : les mobiles, l'inclination, bonne ou mauvaise, face aux impératifs catégoriques, sont invalidés. Agir selon l'impératif catégorique, c'est agir sans mobile, agir selon le seul mobile de l'impératif lui-même.

Il y a une distinction essentielle pour comprendre la "morale" kantienne : les impératifs catégoriques (je ne parle pas des hypothétiques) nous disent comment agir ; ils ne nous disent jamais quoi faire. Or on ne trouve pas de morale qui ne nous dicte pas notre conduite. Toute morale prescrit ou interdit telle action, etc. Ce n'est pas le cas chez Kant. Et pour cause, c'est une métaphysique des mœurs, pas une énième morale. 

L'impératif (catégorique) est un commandement de la raison. Il commande inconditionnellement (il ne ménage aucune exception) et universellement la volonté (l'action). Agir en obéissant aux impératifs catégoriques, c'est agir en conformant sa volonté à sa raison. A partir de là, aucune action en particulier n'intéresse la "morale" kantienne pour savoir si elle est conforme ou pas. D'abord, parce que ça impliquerait de ramener la raison au niveau de l'entendement, de ramener l'idée au niveau du concept. "Déterminer si une action est moralement bonne" est une activité de l'entendement et implique de distinguer entre telle ou telle action. Kant dépasse le problème de la casuistique, la grande affaire des jésuites, qui cherchaient dans l'intention, dans l'intériorité des hommes les critères à partir desquels juger leurs actes, ce qui leur valut les foudres des jansénistes et en particulier de Pascal, dans ses Provinciales. Kant va plus loin : la casuistique, les escobarderies ne débouchent sur rien parce que dans le dédale des consciences, outre que nul ne pénètre, on ne mettra jamais aucun ordre. Kant dit que ce n'est pas affaire d'entendement (qui travaille par concepts pour mettre de l'ordre dans le divers). C'est affaire de raison. Or, quelle que soit mon action, dès lors qu'elle est conforme à la raison, et à la seule raison, elle est bonne, et je peux dire à bon droit que je l'ai accomplie selon une volonté bonne, puisque ma volonté s'est conformée à la raison.

Plus besoin de "déterminer si" ou de "distinguer entre" : ça consiste à ausculter dans le divers, dans le particulier, pour y déceler de l'universel. Ici, l'universel précède l'action, toujours et partout, pourvu que l'action soit conforme à la raison. Renoncer à cela, pour Kant, c'est revenir en arrière, aux sombres heures des guerres de religion comme aux sombres et hypocrites espaces confessionnaux. Conformer sa volonté à la raison, c'est frapper d'interdit toute discussion quant aux intentions, bonnes ou mauvaises, aux inclinations psycho-affectives, etc.

Une conscience morale, comme celle que le surmoi impose, c'est un contenu à part entière, qui s'enracine dans des expériences intériorisées, etc. L'impératif catégorique n'est pas un contenu, mais un contenant. Ce n'est pas une censure, c'est une ouverture. C'est d'autant moins une censure qu'aucun des mobiles qui pourraient pousser un homme à agir selon l'impératif catégorique n'est validé par Kant. Idem pour l'inclination. Que je veuille ou pas, que je sois bien disposé ou pas, dit-il, ce n'est pas là que je trouverai la raison de l'impératif catégorique.


NOU-JE a écrit:
à l'époque de Kant, le sujet est méprisé par la morale, au profit d'un "nous" altruiste, chrétien, c'est le propre de l'attitude répressive du surmoi.

Attention aux énoncés simplistes et historiquement faux (cf. histoire des religions).

De même que Kant exclut la psychologie de la question morale, il exclut tout motif religieux. On n'applique pas un impératif catégorique pour devenir un saint ou rencontrer Dieu. Psychologie et religion n'ont rien à voir avec la morale, chez Kant. On ne peut connaître ni Dieu ni âme, selon lui. L'un et l'autre ne peuvent faire l'objet que d'un raisonnement dialectique, autrement dit qui n'est pas conforme aux lois de l'entendement. Ce raisonnement dialectique, pour Dieu, ne débouche que sur un idéal de la raison pure ; pour l'âme, que sur un paralogisme transcendantal.

Kant refuse à la théologie toute compétence en matière de raison. L'impératif catégorique n'est pas le fait de dieu, mais des hommes. L'impératif catégorique n'a qu'un auteur : la raison, autrement dit l'homme raisonnable qui agit volontairement en conformité avec la raison (liberté). Dieu est affaire de religion, pas de raison. Agir selon Dieu, c'est être un saint ; agir selon la raison, c'est être libre. Kant est explicite à ce sujet.

En outre, attention aux 3 conceptions ou 3 degrés dans la conception kantienne du sujet. Enfin, le surmoi est une autorité que s'impose du dedans le moi lui-même, mais dont l'origine se trouve au dehors (le père, etc.). Le "sujet" kantien est un "hyper-sujet" : l'humanité.

Dernière édition par Euterpe le Sam 30 Juil 2016 - 9:44, édité 4 fois